Type de juridiction : CJUE
Juridiction : CJUE
Thématique : Lecteur d’œuvres audiovisuelles en ligne : le Filmspeler interdit
→ RésuméL’invention du magnétoscope a profondément modifié l’équilibre des droits d’auteur. La CJUE a jugé que la commercialisation du lecteur multimédia « filmspeler » constitue une atteinte disproportionnée aux droits des auteurs. Cet appareil permet d’accéder à des œuvres audiovisuelles, y compris celles diffusées illégalement, en facilitant leur visualisation sur grand écran. Selon la directive 2001/29, les auteurs détiennent le droit exclusif d’autoriser ou d’interdire la communication de leurs œuvres au public. Ainsi, le filmspeler, en reliant directement les utilisateurs à des contenus protégés, ne se limite pas à une simple fourniture d’installations, mais constitue une véritable communication au public.
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Une invention par nature « contrefaisante »
L’équilibre des droits à bien changé depuis l’invention du magnétoscope (Ampex, 1958), la CJUE considère que la commercialisation des lecteurs multimédia hollandais « filmspeler » présente une atteinte disproportionnée (en terme de prévention du risque de contrefaçon) aux intérêts des auteurs et titulaires de droits voisins. Le filmspeler est un périphérique servant d’intermédiaire entre, d’une part, une source de données visuelles et/ou auditives et, d’autre part, un écran de télévision. En bref, il permet de regarder, dans de bonnes conditions (navigation structurée, grand écran …), les œuvres audiovisuelles diffusées en ligne, quelle qu’en soit la source, y compris les sources illicites grâce à l’installation de modules complémentaires.
Une interdiction préventive
Le filmspeler permet la mise à disposition d’œuvres au public, or, il découle de l’article 3 de la directive 2001/29 que les États membres sont tenus de veiller à ce que les auteurs bénéficient du droit exclusif d’autoriser ou d’interdire toute communication au public de leurs œuvres, par fil ou sans fil, y compris la mise à la disposition du public de leurs œuvres de manière à ce que chacun puisse y avoir accès de l’endroit et au moment qu’il choisit individuellement.
Les auteurs disposent ainsi d’un droit de nature préventive leur permettant de s’interposer entre d’éventuels utilisateurs de leur œuvre et la communication au public que ces utilisateurs pourraient envisager d’effectuer, et ce afin d’interdire celle-ci (arrêts du 31 mai 2016, Reha Training, C‑117/15 et du 8 septembre 2016, GS Media, C‑160/15).
Communication au public soumise à autorisation
La directive 2001/29 ne précisant pas la notion de « communication au public », la CJUE a eu l’opportunité de préciser que celle-ci a pour objectif principal d’instaurer un niveau élevé de protection en faveur des auteurs, permettant à ceux-ci d’obtenir une rémunération appropriée pour l’utilisation de leurs œuvres, notamment à l’occasion d’une communication au public. Il s’ensuit que la notion de « communication au public » doit être entendue au sens large et implique une appréciation individualisée.
La notion de communication au public associe deux éléments cumulatifs, à savoir un « acte de communication » d’une œuvre et la communication de cette dernière à un « public » (arrêts du 31 mai 2016, Reha Training et du 8 septembre 2016, GS Media). Il importe aussi de tenir compte de plusieurs critères complémentaires interdépendants les uns par rapport aux autres : i) le rôle incontournable joué par l’utilisateur (celui qui donne, en pleine connaissance des conséquences de son comportement, à ses clients un accès à une œuvre protégée) ; ii) la notion de « public » qui vise un nombre indéterminé de destinataires potentiels et implique, par ailleurs, un nombre de personnes assez important (arrêts du 7 mars 2013, ITV Broadcasting, C‑607/11 du 31 mai 2016, Reha Training, C‑117/15 du 8 septembre 2016, GS Media, C‑160/15) ; iii) l’œuvre protégée doit être communiquée selon un mode technique spécifique, différent de ceux jusqu’alors utilisés ou, à défaut, auprès d’un « public nouveau » ; iv) le caractère lucratif d’une communication est également pris en compte.
A ce titre, la CJUE a déjà jugé, s’agissant de la fourniture d’appareils de télévision dans des chambres d’hôtel, que, si la « simple fourniture d’installations physiques » ne constitue pas, en tant que telle, une « communication », il n’en reste pas moins que cette installation peut rendre techniquement possible l’accès du public aux œuvres radiodiffusées. Dès lors, si, au moyen des appareils de télévision, l’établissement hôtelier distribue le signal à ses clients logés dans les chambres de cet établissement, il s’agit d’une communication au public, sans qu’il importe de savoir quelle est la technique de transmission du signal utilisée (arrêt du 7 décembre 2006, SGAE, C‑306/05).
En l’espèce, lecteur en cause permet d’établir la liaison directe entre les sites Internet diffusant les œuvres contrefaites et les acquéreurs dudit lecteur, sans laquelle ces derniers ne pourraient que difficilement bénéficier des œuvres protégées. Une telle activité ne se confond pas avec la simple fourniture d’installations physiques. Par ailleurs, le « filmspeler » a été acheté par un nombre assez considérable de personnes. En outre, la communication en cause au principal vise l’ensemble des acquéreurs potentiels de ce lecteur qui disposent d’une connexion Internet. Ces personnes peuvent accéder aux œuvres protégées parallèlement, dans le cadre de la diffusion en flux continu des œuvres en cause sur Internet, elles forment donc un public.
Pas d’exception de reproduction provisoire
L’exception de reproduction technique neutre / provisoire des œuvres a été exclue. Les actes de reproduction temporaire, sur un lecteur multimédia, d’œuvres protégées par le droit d’auteur obtenues par diffusion en flux continu sur des sites Internet appartenant à des tiers proposant ces œuvres sans l’autorisation des titulaires de ce droit, sont de nature à porter atteinte à l’exploitation normale de telles œuvres et à causer un préjudice injustifié aux intérêts légitimes des titulaires de droits. Il pourrait notamment en résulter, une diminution des transactions légales relatives à ces œuvres protégées (arrêt du 10 avril 2014, ACI Adam, C‑435/12).
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