Type de juridiction : Cour de justice de l’Union européenne (CJUE)
Juridiction : CJUE
Thématique : P2P à domicile : dénoncer un membre de sa famille ?
→ RésuméLa CJUE a établi que le détenteur d’une connexion Internet est présumé responsable des atteintes aux droits d’auteur commises via cette connexion. Cette présomption peut être renversée si d’autres personnes avaient accès à la connexion. Toutefois, la désignation d’un membre de la famille comme auteur présumé d’une contrefaçon peut suffire à exonérer le détenteur, sans qu’il soit nécessaire de fournir des détails supplémentaires sur l’utilisation de la connexion. Ce cadre juridique vise à équilibrer le droit à un recours effectif et le respect de la vie privée, tout en garantissant la protection des droits de propriété intellectuelle.
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Auteur présumé des infractions de droits d’auteur
A l’image des amendes d’infractions routières, la désignation de l’auteur d’une contrefaçon à domicile sera-t-elle bientôt obligatoire ? La CJUE a considéré que le détenteur d’une connexion à Internet, par laquelle des atteintes aux droits d’auteur ont été commises au moyen d’un partage de fichiers, ne peut pas s’exonérer de sa responsabilité en désignant simplement un membre de sa famille qui avait la possibilité d’accéder à cette connexion. Le détenteur d’une connexion à Internet, au moyen de laquelle une atteinte aux droits d’auteur a été commise, est présumé être l’auteur de cette atteinte, dès lors qu’il a été identifié avec exactitude par son adresse IP et qu’aucune autre personne n’avait la possibilité d’accéder à cette connexion au moment où cette atteinte a eu lieu.
Selon la CJUE, il convient de trouver un juste équilibre entre différents droits fondamentaux, à savoir le droit à un recours effectif et le droit de propriété intellectuelle, d’une part, et le droit au respect de la vie privée et familiale, d’autre part. Un tel équilibre fait défaut lorsqu’il est accordé une protection quasi absolue aux membres de la famille du titulaire d’une connexion à Internet, par laquelle des atteintes aux droits d’auteur ont été commises au moyen d’un partage de fichiers.
Une présomption simple
Toutefois, cette présomption peut être renversée dans le cas où d’autres personnes avaient la possibilité d’accéder à cette connexion. Par ailleurs, si un membre de la famille de ce détenteur bénéficiait de cette possibilité, ce dernier est susceptible d’échapper à sa responsabilité, eu égard au droit fondamental à la protection de la vie familiale, par la seule désignation du membre de sa famille, sans qu’il soit tenu de fournir des précisions supplémentaires quant au moment où la connexion à Internet a été utilisée par ledit membre de sa famille et à la nature de l’utilisation qui a été faite de celle-ci par ce dernier.
Droit au recours effectif
Il s’agit de l‘un des principes clefs de la directive du 29 avril 2004 relative au respect des droits de propriété intellectuelle : les titulaires de droits doivent disposer d’une forme de recours effectif ou de moyens permettant aux autorités judiciaires compétentes d’ordonner la communication des renseignements nécessaires à la réparation de leur préjudice en cas de contrefaçon présumée.
Dans l’affaire jugée par la CJUE, une société d’édition allemande a sollicité une indemnisation pécuniaire au titre de la mise à disposition publique par un internaute, d’un livre audio sur lequel elle détient des droits d’auteur et droits voisins.
Système de défense basé sur la vie privée
En défense, l’internaute (contrat de FAI à son nom) a fait valoir que ses parents, qui vivent sous le même toit que lui, avaient également accès à cette connexion, sans donner toutefois davantage de précisions quant au moment où ladite connexion a été utilisée par ses parents et à la nature de cette utilisation. Il ressort de la jurisprudence du Bundesgerichtshof (Cour fédérale de justice, Allemagne) que, eu égard au droit fondamental à la protection de la vie familiale, une telle défense suffit en droit allemand pour exclure la responsabilité du détenteur de la connexion à Internet.
Preuve et contrefaçon
Cette solution est conforme à l’esprit de la Directive : la preuve est un élément capital pour l’établissement de l’atteinte aux droits de propriété intellectuelle, il convient de veiller à ce que des moyens de présenter, d’obtenir et de conserver les éléments de preuve existent effectivement. Les procédures devraient respecter les droits de la défense et être assorties des garanties nécessaires, y compris la protection des renseignements confidentiels.
Aux termes de l’article 6 de la directive : « Les États membres veillent à ce que, sur requête d’une partie qui a présenté des éléments de preuve raisonnablement accessibles et suffisants pour étayer ses allégations et précisé les éléments de preuve à l’appui de ses allégations qui se trouvent sous le contrôle de la partie adverse, les autorités judiciaires compétentes puissent ordonner que ces éléments de preuve soient produits par la partie adverse, sous réserve que la protection des renseignements confidentiels soit assurée. Aux fins du présent paragraphe, les États membres peuvent prévoir qu’un échantillon raisonnable d’un nombre substantiel de copies d’une œuvre ou de tout autre objet protégé est considéré par les autorités judiciaires compétentes comme constituant des éléments de preuve suffisants. »
L’article 8 énonce également que « Les États membres veillent à ce que, dans le cadre d’une action relative à une atteinte à un droit de propriété intellectuelle et en réponse à une demande justifiée et proportionnée du requérant, les autorités judiciaires compétentes puissent ordonner que des informations sur l’origine et les réseaux de distribution des marchandises ou des services qui portent atteinte à un droit de propriété intellectuelle soient fournies par le contrevenant et/ou toute autre personne qui : a) a été trouvée en possession des marchandises contrefaisantes à l’échelle commerciale ; b) a été trouvée en train d’utiliser des services contrefaisants à l’échelle commerciale ; c) a été trouvée en train de fournir, à l’échelle commerciale, des services utilisés dans des activités contrefaisantes, ou d) a été signalée, par la personne visée au point a), b) ou c), comme intervenant dans la production, la fabrication ou la distribution des marchandises ou la fourniture des services ».
Ces informations comprennent, selon les cas : a) les noms et adresses des producteurs, fabricants, distributeurs, fournisseurs et autres détenteurs antérieurs des marchandises ou des services, ainsi que des grossistes destinataires et des détaillants ; b) des renseignements sur les quantités produites, fabriquées, livrées, reçues ou commandées, ainsi que sur le prix obtenu pour les marchandises ou services en question.
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