L’Essentiel : M. [S] a été engagé comme éducateur par l’association Hôtel social le 10 octobre 2011. Il a demandé la résiliation judiciaire de son contrat le 8 août 2014, ainsi que le paiement de sommes dues. Son contrat a été rompu par une rupture conventionnelle le 7 juin 2016. Contestant l’arrêt de la cour d’appel, M. [S] a vu ses demandes de rappel de salaire et d’indemnités rejetées, la cour estimant qu’il n’avait pas fourni de décompte précis des heures supplémentaires. La cour a été critiquée pour avoir imposé la charge de la preuve uniquement sur M. [S].
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Engagement de M. [S]M. [S] a été engagé en tant qu’éducateur par l’association Hôtel social à partir du 10 octobre 2011. Cette association a ensuite été remplacée par une autre entité, l’association [3], anciennement connue sous le nom d’association des [4]. Demande de résiliation judiciaireLe 8 août 2014, M. [S] a saisi la juridiction prud’homale pour demander la résiliation judiciaire de son contrat de travail, ainsi que le paiement de diverses sommes liées à son salaire et à des indemnités. Rupture conventionnelleLe contrat de travail de M. [S] a été officiellement rompu par une rupture conventionnelle le 7 juin 2016. Rejet des demandes de M. [S]M. [S] a contesté l’arrêt de la cour d’appel qui l’a débouté de ses demandes de rappel de salaire pour heures supplémentaires, d’indemnité pour travail dissimulé et d’indemnité pour manquement à l’obligation de sécurité de l’employeur. La cour a estimé que M. [S] n’avait pas fourni de décompte précis des heures supplémentaires, se contentant d’une évaluation forfaitaire. Éléments de preuveLa cour d’appel a noté que M. [S] n’avait pas produit d’éléments concrets sur le temps consacré à ses tâches, se limitant à une liste de celles-ci et à des attestations de qualité professionnelle. Ces éléments ont été jugés insuffisants pour permettre à l’employeur de répondre à ses demandes. Obligations de l’employeurSelon le code du travail, en cas de litige sur les heures de travail, l’employeur doit fournir des éléments justifiant les horaires réalisés par le salarié. La cour a conclu que M. [S] n’avait pas apporté de preuves suffisantes pour établir ses heures supplémentaires. Violation des droits du salariéLa cour d’appel a été critiquée pour avoir fait peser la charge de la preuve uniquement sur M. [S], alors que des éléments présentés par le salarié auraient pu permettre à l’employeur de répondre. Cette décision a été considérée comme une violation des dispositions légales relatives à la preuve des heures de travail. |
Q/R juridiques soulevées :
Quelle est la charge de la preuve en cas de litige sur les heures supplémentaires ?La charge de la preuve en matière de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies est régie par l’article L. 3171-4 du Code du travail. Cet article stipule que : « En cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, l’employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles. » Ainsi, il incombe au salarié de présenter des éléments suffisamment précis concernant les heures non rémunérées qu’il prétend avoir effectuées. Cela permet à l’employeur, qui est responsable du contrôle des heures de travail, de répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge, quant à lui, évalue l’ensemble des éléments fournis par les deux parties pour former sa conviction. Il est important de noter que si le décompte des heures est assuré par un système d’enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable. Dans le cas présent, la cour d’appel a fait peser la charge de la preuve uniquement sur le salarié, ce qui constitue une violation de l’article L. 3171-4. Quels sont les éléments requis pour justifier une demande de rappel de salaire pour heures supplémentaires ?Pour qu’une demande de rappel de salaire pour heures supplémentaires soit recevable, le salarié doit fournir des éléments suffisamment précis concernant les heures qu’il prétend avoir effectuées. L’article L. 3171-4 du Code du travail précise que : « En cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies. » Cela signifie que le salarié doit être en mesure de justifier ses allégations par des preuves concrètes, telles que des décomptes d’heures, des relevés de temps ou d’autres documents pertinents. Dans l’affaire examinée, le salarié a présenté une évaluation forfaitaire de 25 heures supplémentaires par semaine, sans fournir de décompte précis. La cour d’appel a considéré que ces éléments n’étaient pas suffisants pour permettre à l’employeur de répondre à la demande. Il est donc essentiel que le salarié présente des éléments tangibles et détaillés pour soutenir sa demande de rappel de salaire. En l’absence de tels éléments, la demande peut être rejetée, comme cela a été le cas dans cette affaire. Comment le juge évalue-t-il les demandes de rappel de salaire pour heures supplémentaires ?L’évaluation des demandes de rappel de salaire pour heures supplémentaires par le juge est encadrée par l’article L. 3171-4 du Code du travail. Cet article indique que : « Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles. » Cela signifie que le juge doit examiner l’ensemble des éléments présentés par les deux parties, tant par le salarié que par l’employeur. Il peut ordonner des mesures d’instruction supplémentaires si nécessaire pour éclairer sa décision. Le juge a également la latitude d’évaluer souverainement l’importance des heures supplémentaires reconnues, sans être tenu de fournir un détail exhaustif de son calcul. Dans le cas présent, la cour d’appel a rejeté la demande de rappel de salaire en considérant que le salarié n’avait pas fourni de décompte précis. Cependant, il a été constaté que le salarié avait présenté des éléments suffisamment précis pour permettre à l’employeur de répondre. Ainsi, la cour d’appel a commis une erreur en ne tenant pas compte de ces éléments, ce qui a conduit à une violation des dispositions légales. |
CH9
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 15 janvier 2025
Cassation partielle
Mme MONGE, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 40 F-D
Pourvoi n° H 23-19.602
Aide juridictionnelle totale en demande
au profit de M. [S].
Admission du bureau d’aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 20 avril 2023.
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 15 JANVIER 2025
M. [R] [S], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° H 23-19.602 contre l’arrêt rendu le 22 septembre 2022 par la cour d’appel de Versailles (6e chambre civile), dans le litige l’opposant à l’association [3], dont le siège est [Adresse 2], anciennement dénommée association des [4], défenderesse à la cassation.
Le demandeur invoque, à l’appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Rodrigues, conseiller référendaire, les observations de la SCP Krivine et Viaud, avocat de M. [S], de la SCP L. Poulet-Odent, avocat de l’association [3], après débats en l’audience publique du 4 décembre 2024 où étaient présents Mme Monge, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Rodrigues, conseiller référendaire rapporteur, M. Flores, conseiller, et Mme Dumont, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
1. Selon l’arrêt attaqué (Versailles, 22 septembre 2022), M. [S] a été engagé en qualité d’éducateur, à compter du 10 octobre 2011, par l’association Hôtel social [5], aux droits de laquelle vient l’association [3] anciennement dénommée association des [4].
2. Le salarié a, le 8 août 2014, saisi la juridiction prud’homale d’une demande en résiliation judiciaire de son contrat de travail et de demandes en paiement de diverses sommes de nature salariale et indemnitaire.
3. Le contrat de travail a pris fin par rupture conventionnelle le 7 juin 2016.
Sur le premier moyen, pris en ses deux premières branches
Enoncé du moyen
4. Le salarié fait grief à l’arrêt de le débouter de ses demandes en paiement d’un rappel de salaire au titre des heures supplémentaires, d’une indemnité pour travail dissimulé et d’une indemnité pour manquement de l’employeur à son obligation de sécurité, alors :
« 1°/ qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments ; qu’en l’espèce, pour débouter M. [S] de sa demande d’heures supplémentaires, la cour d’appel a retenu qu’ au soutien de sa demande de rappel de salaire, M. [S] ne communique aucun décompte précis, se contentant de procéder à une évaluation forfaitaire de ce qu’il estime lui être dû, sur la base d’une moyenne de 25 heures supplémentaires par semaine » et qu’ hormis une liste des tâches qu’il prétend avoir assumées, il ne produit aucun élément sur le temps qu’il y consacrait et les attestations dont il se prévaut se limitent à indiquer que le salarié était un très bon professionnel, ce qui n’est nullement remis en cause par l’employeur, qui indique à cet égard qu’il ne souhaitait pas se séparer de M. [S] qui donnait pleinement satisfaction », puis estimé que ces éléments n’apparaissent pas suffisamment précis pour permettre à l’employeur d’y répondre » ; qu’en statuant ainsi, quand il ressortait de ses constatations que le salarié versait aux débats des éléments au soutien de sa demande de rappel d’heures supplémentaires et qu’à l’inverse, il n’en résultait pas que l’employeur fournissait ses propres éléments de nature à justifier des heures de travail effectivement réalisées par l’intéressé au cours de la période litigieuse, la cour d’appel, qui a fait peser sur le seul salarié la charge de la preuve, a violé l’article L. 3171-4 du code du travail ;
2°/ qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments ; qu’en l’espèce, en statuant comme elle l’a fait, quand elle avait retenu que deux autres salariés n’avaient pas été remplacés au sein de l’équipe, que M. [S] faisait valoir qu’il travaillait habituellement environ 60 heures par semaine et qu’il fournissait une liste de l’ensemble des tâches qu’il était contraint d’assumer, ce dont il résultait que le salarié présentait des éléments suffisamment précis pour permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre en fournissant ses propres éléments de nature à justifier des heures de travail réalisées par l’intéressé au cours de la période litigieuse, la cour d’appel a violé l’article L. 3171-4 du code du travail. »
5. Vu l’article L. 3171-4 du code du travail :
6. Aux termes de l’article L. 3171-2, alinéa 1, du code du travail, lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l’employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés. Selon l’article L. 3171-3 du même code, l’employeur tient à la disposition des membres compétents de l’inspection du travail les documents permettant de comptabiliser le temps de travail accompli par chaque salarié. La nature des documents et la durée pendant laquelle ils sont tenus à disposition sont déterminées par voie réglementaire.
7. Enfin, selon l’article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, l’employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d’enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.
8. Il résulte de ces dispositions, qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant.
9. Pour rejeter la demande en paiement au titre des heures supplémentaires, l’arrêt expose qu’au soutien de sa demande de rappel de salaire, le salarié ne communique aucun décompte précis, se contentant de procéder à une évaluation forfaitaire de ce qu’il estime lui être dû, sur la base d’une moyenne de 25 heures supplémentaires par semaine. Il ajoute qu’hormis une liste des tâches qu’il prétend avoir assumées, il ne produit aucun élément sur le temps qu’il y consacrait et les attestations dont il se prévaut se limitent à indiquer que le salarié était un très bon professionnel, ce qui n’est nullement remis en cause par l’employeur. Il en conclut que ces éléments n’apparaissent pas suffisamment précis pour permettre à l’employeur d’y répondre.
10. En statuant ainsi, alors qu’il résultait de ses constatations que le salarié présentait des éléments suffisamment précis pour permettre à l’employeur de répondre, la cour d’appel, qui a fait peser la charge de la preuve sur le seul salarié, a violé le texte susvisé.
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