Le changement de ligne éditoriale ne justifie pas un licenciement

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Le changement de ligne éditoriale ne justifie pas un licenciement
L’Essentiel : Le changement de ligne éditoriale ne constitue pas un motif valable de licenciement pour un pigiste engagé en contrat à durée indéterminée. Selon la jurisprudence, l’employeur est tenu de fournir régulièrement du travail à un pigiste, même si ce dernier est rémunéré à la pige. En cas de rupture, le pigiste peut revendiquer un rappel de salaires pour les périodes sans travail. La lettre de licenciement doit énoncer des motifs réels et sérieux, et le juge doit apprécier la légitimité de ces motifs. Dans ce cas, le licenciement a été jugé sans cause réelle et sérieuse.

Aucune disposition réglementaire ne consacre en matière de journalisme un droit discrétionnaire à la rupture par l’employeur lorsqu’il souhaite modifier sa ligne éditoriale et rechercher de nouvelles plumes (pigistes). En cas de rupture fautive, le pigiste a également le droit à un rappel de salaires pour les périodes ou son employeur ne l’a pas sollicité. 

Licenciement du pigiste en CDI

Un pigiste a été engagé par l’association UFC QUE CHOISIR en contrat à durée indéterminée, en qualité de « rédacteur-pigiste ». Il était rémunéré à la pige. Le salarié a été é licencié pour le motif suivant:

« La ligne éditoriale et rédactionnelle de QUE CHOISIR ARGENT a changé depuis le début de l’année et se traduit notamment par la nouvelle formule du trimestriel. A titre d’exemple, des articles tels que celui rédigé par vos soins, diffusé que le Que Choisir Argent d’octobre intitulé «marchands de bonheur» et traitant du développement personnel ne correspondent plus à la ligne éditoriale du trimestriel. Ainsi, nous ne sommes plus en mesure de vous fournir régulièrement du travail.»

Rappel de salaires confirmé

Aux termes même d’une jurisprudence désormais constante de la Cour de cassation, en fournissant régulièrement du travail à un journaliste pigiste pendant une longue période, une entreprise de presse fait de ce dernier, même rémunéré à la pige, un collaborateur régulier auquel l’entreprise est tenue de fournir du travail.

Si l’employeur d’un journaliste pigiste employé comme collaborateur régulier est tenu de lui fournir régulièrement du travail, il n’est pas tenu en revanche de lui fournir un volume de travail constant. Au regard de cette régularité du versement d’une rémunération, tous les trois mois durant plusieurs années, même si le montant variait, le salarié était fondé à solliciter un rappel de rémunération pour les mois où il ne lui a pas été fourni de travail.

Motivation du licenciement du pigiste

En vertu des dispositions de l’article L 1232-1 du Code du travail, tout licenciement motivé dans les conditions prévues par ce code doit être justifié par une cause réelle et sérieuse ; en vertu des dispositions de l’article L 1235-1 du même code, en cas de litige, le juge, à qui il appartient d’apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles ; si un doute subsiste, il profite au salarié.

En vertu des dispositions de l’article L 1232-6 du Code du travail, la lettre de licenciement, notifiée par lettre recommandée avec avis de réception, comporte l’énoncé du ou des motifs invoqués par l’employeur ; la motivation de cette lettre, précisée le cas échéant dans les conditions prévues par l’article L1235-2 du même code, fixe les limites du litige.

Il n’existe pas en matière de licenciement de spécificités propres à l’activité journalistique. Les motifs traditionnellement admis comme caractérisant une cause réelle et sérieuse de licenciement peuvent être appliqués aux journalistes, sauf à prendre en compte le cas échéant les conditions matérielles et morales d’exercice de la profession.

La clause de conscience, qui n’appartient qu’au journaliste et non à l’employeur, est elle-même très encadrée, et ne peut être invoquée que dans des cas limitativement énumérés, et notamment en cas de changement notable dans le caractère ou l’orientation du périodique.

Compte tenu de ces éléments, le jugement sera confirmé en ce qu’il a dit que le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Q/R juridiques soulevées :

Quelles sont les conditions de licenciement d’un pigiste en CDI ?

Le licenciement d’un pigiste en contrat à durée indéterminée (CDI) doit être justifié par une cause réelle et sérieuse, conformément à l’article L 1232-1 du Code du travail. Cela signifie que l’employeur doit fournir des motifs clairs et fondés pour justifier la rupture du contrat. Dans le cas d’un pigiste, la modification de la ligne éditoriale d’un média peut être invoquée, mais cela doit être prouvé comme étant un motif valable. Il est également important de noter que la lettre de licenciement doit énoncer les motifs de manière précise, comme le stipule l’article L 1232-6 du Code du travail. En l’absence de motifs justifiables, le licenciement peut être considéré comme abusif.

Quels droits a un pigiste en cas de rupture fautive de son contrat ?

En cas de rupture fautive de son contrat, un pigiste a le droit de demander un rappel de salaires pour les périodes durant lesquelles il n’a pas été sollicité par son employeur. La jurisprudence de la Cour de cassation stipule qu’un pigiste, lorsqu’il a été régulièrement sollicité pour des travaux, devient un collaborateur régulier. Cela signifie que l’employeur a l’obligation de lui fournir du travail, même si le volume de travail n’est pas constant. Ainsi, si un pigiste a été rémunéré régulièrement pendant une longue période, il peut revendiquer des salaires pour les mois où il n’a pas reçu de travail, ce qui renforce ses droits en tant que salarié.

Comment la motivation du licenciement est-elle encadrée par la loi ?

La motivation du licenciement est encadrée par plusieurs articles du Code du travail, notamment l’article L 1232-1, qui exige que tout licenciement soit justifié par une cause réelle et sérieuse. En cas de litige, le juge doit examiner les éléments fournis par les deux parties pour déterminer la validité des motifs invoqués par l’employeur. Si des doutes subsistent, ils profitent au salarié, ce qui renforce la protection des droits des travailleurs. De plus, la lettre de licenciement doit clairement énoncer les motifs, conformément à l’article L 1232-6, afin de définir les limites du litige. Il est également important de noter qu’il n’existe pas de spécificités propres à l’activité journalistique en matière de licenciement, ce qui signifie que les mêmes règles s’appliquent.

Quelles sont les implications de la clause de conscience pour les pigistes ?

La clause de conscience est un droit qui appartient exclusivement au journaliste et ne peut être invoquée par l’employeur. Elle est très encadrée et ne peut être appliquée que dans des cas spécifiques, notamment en cas de changement notable dans l’orientation ou le caractère d’un périodique. Cela signifie que si un pigiste estime que la nouvelle ligne éditoriale de son employeur ne correspond plus à ses valeurs ou à son éthique professionnelle, il peut invoquer cette clause. Cependant, cette invocation doit être justifiée par des éléments concrets et ne peut pas être utilisée de manière abusive. En résumé, la clause de conscience offre une protection aux journalistes, mais son application est strictement régulée par la loi.

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