L’Essentiel : La cession tacite des droits d’auteur entre professionnels est reconnue, bien que le formalisme applicable aux auteurs physiques soit distinct. Dans le cas de la société Optima et de la société Maison Villevert, il existe une preuve suffisante d’une cession implicite des droits patrimoniaux sur des créations graphiques. La société Optima ne peut opposer les exigences formelles du code de la propriété intellectuelle, car la preuve de la transmission des droits peut être établie par tous moyens entre commerçants. Ainsi, la nature des commandes et l’absence de contestation pendant des années impliquent une cession implicite des droits d’exploitation. |
La cession tacite des droits d’auteur (droits graphiques) entre sociétés est reconnue. Le formalisme applicable avec les auteurs, personnes physiques, est un régime juridique distinct. Cession implicite des droits patrimoniauxEn l’occurrence, il est suffisamment rapporté la preuve d’une cession implicite des droits patrimoniaux d’auteur de la société Optima à la société Maison Villevert sur les créations litigieuses (étiquettes de vins). Le formalisme de l’article L. 131-2 du CPISi la société appelante invoque le formalisme des dispositions de l’article L. 131-2 du code de la propriété intellectuelle selon lesquelles ‘Les contrats par lesquels sont transmis des droits d’auteur doivent être constatés par écrit.’, il est constant qu’à l’encontre de la partie commerçante, la preuve certaine et précise de la transmission conventionnelle peut être faite par tous moyens. En outre, s’agissant de l’application de l’article L. 131-3 du même code selon lequel ‘La transmission des droits de l’auteur est subordonnée à la condition que chacun des droits cédés fasse l’objet d’une mention distincte dans l’acte de cession et que le domaine d’exploitation des droits cédés soit délimité quant à son étendue et à sa destination, quant au lieu et quant à la durée.’, il est rappelé que ces dispositions, relatives à la preuve des contrats d’exploitation des droits patrimoniaux de l’auteur, ne concernent que les rapports de celui-ci et de son cocontractant et qu’elles sont ainsi étrangères à un litige opposant deux commerçants dont l’un se prétend cessionnaire d’un droit de propriété intellectuelle. Il s’évince de ces éléments que la société Optima est mal fondée à opposer les dispositions restrictives des articles L. 131-2 et L. 131-3 précités à la société intimée laquelle est par contre recevable à offrir la preuve d’une cession implicite à son bénéfice des droits d’exploitation sur les créations revendiquées. Commande de packagings graphiquesEn l’occurrence, il est acquis que les commandes passées par la société Maison Villevert à la société Optima portaient sur des packagings graphiques de bouteilles de spiritueux, lesquelles étaient destinées à une production industrielle et à une commercialisation dans le monde entier. La nature de la commande impliquait donc nécessairement la reproduction de ces éléments de packaging pour la production et la commercialisation des bouteilles, à défaut de quoi la société Maison Villevert ne pouvait faire aucun usage des graphismes commandés. En sa qualité de professionnelle de la communication, la société Optima ne pouvait ignorer que le graphisme des étiquettes, les formes verrières et autres éléments de communication par elle réalisés, étaient nécessairement destinés à être diffusés et reproduits sur les bouteilles et sur les outils de promotion et de commercialisation de ces produits, étant relevé que l’utilisation, la reproduction, la diffusion et, plus généralement, l’exploitation par la société Maison Villevert de ses travaux pendant les vingt années de leur collaboration n’ont donné lieu à aucune protestation de la part de la société Optima. Au vu de l’ensemble de ces éléments, la société Maison Villevert est fondée à soutenir que la nature de la commande, la connaissance par la société Optima de la destination contractuelle des travaux commandés et son absence de contestation pendant de longues années, emportaient nécessairement dans la commune intention des parties, la cession implicite des droits d’exploitation pour la commercialisation des produits. Cette analyse de la volonté des parties est confortée par : la rédaction des devis de la société Optima qui comportent la mention suivante:‘Cession des droits : La société Optima Brand Design se réserve la propriété des prestations et des documents vendus jusqu’au paiement intégral du montant facturé TTC. Les axes créatifs non retenu demeure la propriété de l’agence.’ Ainsi que le souligne justement la société intimée, la mention relative à la ‘cession des droits’ confirme que la facturation de la société Optima comprenait ladite cession, étant ajouté que les prestations de la société Optima étant immatérielles, la référence à la ‘propriété des prestations’ ne peut s’entendre que de celles des droits d’auteur liés à ces prestations et que la précision selon laquelle les créations qui ne sont pas retenues ‘restent la propriété de l’agence’, signifie a contrario que celles qui sont retenues deviennent la propriété du commanditaire. |
Q/R juridiques soulevées : C’est quoi la cession tacite des droits d’auteur ?La cession tacite des droits d’auteur, également appelée cession implicite, se réfère à une situation où les droits d’exploitation d’une œuvre sont transférés sans qu’un contrat écrit explicite ne soit nécessaire. Dans le contexte des relations entre sociétés, comme dans le cas de la société Optima et de la société Maison Villevert, cette cession peut être prouvée par des éléments de fait, tels que la nature des commandes et l’absence de contestation sur l’utilisation des créations. Cela signifie que, même sans un accord formel, les actions des parties peuvent démontrer une intention de transfert des droits d’exploitation.Quel est le formalisme requis par l’article L. 131-2 du CPI ?L’article L. 131-2 du Code de la propriété intellectuelle (CPI) stipule que les contrats de cession des droits d’auteur doivent être constatés par écrit. Cependant, cette exigence s’applique principalement aux relations entre un auteur et son cocontractant. Dans le cas de litiges entre deux commerçants, comme Optima et Maison Villevert, la preuve de la cession peut être apportée par d’autres moyens. Cela signifie que la société Optima ne peut pas se prévaloir de cette exigence pour contester la cession implicite des droits d’exploitation.Comment se manifeste la commande de packagings graphiques ?Les commandes passées par la société Maison Villevert à la société Optima concernaient des packagings graphiques pour des bouteilles de spiritueux, destinées à une production et une commercialisation à l’échelle mondiale. Cette nature de commande implique que les éléments graphiques devaient être reproduits pour que Maison Villevert puisse utiliser les créations. Optima, en tant que professionnelle de la communication, devait être consciente que ses créations étaient destinées à être diffusées et reproduites, ce qui renforce l’idée d’une cession implicite des droits d’exploitation.Quels éléments soutiennent la cession implicite des droits d’exploitation ?Plusieurs éléments soutiennent l’idée d’une cession implicite des droits d’exploitation. D’abord, la nature des commandes et la connaissance par Optima de la destination des travaux commandés sont des facteurs clés. De plus, l’absence de contestation de la part d’Optima pendant vingt ans renforce cette interprétation. Enfin, les devis de la société Optima mentionnent explicitement une « cession des droits », ce qui indique que la facturation incluait cette cession, et que les créations retenues devenaient la propriété de Maison Villevert.Quelle est la signification de la mention sur la cession des droits dans les devis ?La mention sur la cession des droits dans les devis de la société Optima indique que celle-ci se réserve la propriété des prestations jusqu’au paiement intégral. Cela signifie que, tant que le paiement n’est pas effectué, Optima conserve des droits sur les créations. Cependant, la précision selon laquelle les créations non retenues restent la propriété de l’agence implique que celles qui sont retenues deviennent la propriété du commanditaire, renforçant ainsi l’idée d’une cession implicite des droits d’exploitation. |
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