L’Essentiel : Dans l’affaire opposant Dassault Systèmes à IBM, la question de la contrefaçon a été soulevée suite à la publication des codes sources du logiciel Cascade par IBM. Les juges ont déterminé que seuls les algorithmes et le code associés avaient été transférés à Dassault, sans protection au titre du droit d’auteur. En revanche, la publication du code source a été jugée comme une violation de la clause de non-concurrence, créant un logiciel libre concurrent. Cette action a conduit à une condamnation d’IBM à verser près de 4 millions d’euros de dommages-intérêts pour concurrence déloyale.
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Action en contrefaçon du cessionnaireLe cessionnaire d‘un logiciel, au-delà de la valeur ajoutée tirée des fonctionnalités du logiciel, doit être conscient que l’absence de l’originalité du logiciel est de nature à le priver du droit d’agir en cas de contrefaçon. Affaire Dassault SystèmesDans cette affaire, par protocole, la société Matra Datavision/ IBM a cédé à la société Dassault Systèmes des logiciels de modélisation. Ces logiciels n’étant cependant utilisables que par le biais du logiciel complémentaire Cascade, IBM a concédé à Dassault Systèmes une licence d’exploitation accompagnée des codes sources du logiciel Cascade. Reprochant à IBM d’avoir publié les codes sources du logiciel Cascade sur ses sites internet, permettant ainsi aux utilisateurs de reproduire ledit logiciel, les sociétés Dassault Systèmes ont poursuivi IBM en contrefaçon. Algorithmes applicatifs non protégésLes juges ont considéré que seuls les algorithmes applicatifs et le code associé ainsi que les spécifications et la documentation associée des fonctionnalités du logiciel ont été transférés à Dassault et non l’intégralité des logiciels. L’algorithme, simple succession d’opérations ne traduisant qu’un « énoncé logique de fonctionnalités » est insusceptible de protection. Le code associé doit s’entendre comme le code associé des algorithmes. Les spécifications fonctionnelles, en tant que description des fonctions d’un logiciel en vue de sa réalisation, de même que les fonctionnalités d’un logiciel, définies comme la mise en oeuvre de la capacité de celui-ci à effectuer une tâche précise ou à obtenir un résultat déterminé, ne bénéficient pas davantage, en tant que telles, de la protection du droit d’auteur. Les éléments transférés à Dassault Systèmes étant insusceptibles de protection, les sociétés Dassault ne pouvaient donc fonder leur action sur la contrefaçon. Violation de clause de non concurrenceLes sociétés Dassault ont fait valoir avec succès qu’en publiant sur internet, le code source de Cascade, MDTV / IBM avait créé un nouveau logiciel libre directement concurrent aux logiciels cédés et avait sciemment violé la clause de non-concurrence dont elle était débitrice. L’octroi de la licence à Dassault Systèmes était assorti d’une obligation de non-concurrence à la charge de MDTV : « En raison de la cession projetée de la Société Cible qui aura notamment pour activité la commercialisation et l’évolution du développement des logiciels transférés et de leurs fonctionnalités, et en raison de sa position de distributeur des logiciels transférés et des logiciels de DS, MDTV souscrit les engagements suivants envers DS : (c) ne pas développer, licencier, commercialiser, distribuer, maintenir, de logiciels standard fonctionnellement identiques ou similaires aux Logiciels Transférés, et ce, directement ou indirectement, seul ou en association, pour son compte ou pour le compte de tiers, en France ou à l’étranger ; (e) comme indiqué ci-après, les engagements ci-dessus ne s’appliqueront (…) ni aux produits Quantum suivants : … le logiciel Cascade … ; les engagements de non-concurrence visés en (c) et (d) n’ont pas pour objet et ne pourront avoir pour conséquence d’obliger MDTV à retirer de ses produits actuels les fonctionnalités qui constitueraient une atteinte à ces engagements de non-concurrence. Les parties précisent donc que ces engagements ne s’appliquent pas aux produits potentiellement concurrents actuellement inclus dans ces gammes, à savoir les logiciels visés au premier alinéa du présent paragraphe (e) étant précisé, que l’exploitation de ces logiciels par MDTV n’aura pas pour conséquence de porter atteinte aux engagements de non-concurrence relatifs aux logiciels transférés. Les engagements au présent paragraphe prendront effet à la date de transfert et resteront en vigueur pour une période de 5 années. ».
Si le logiciel Cascade était exclu du périmètre de l’obligation de non-concurrence souscrite, la publication sur internet en code source du logiciel a fait d’Open Cascade un produit nouveau par rapport à Cascade dès lors que sa commercialisation sous cette forme en tant que logiciel libre lui confère un statut de produit original destiné à une clientèle différente de celle d’un éditeur de logiciels. Les juges ont donc retenu que cette publication était constitutive d’un acte de concurrence déloyale (près de 4 millions d’euros de dommages-intérêts). |
Q/R juridiques soulevées :
Quel est le rôle du cessionnaire d’un logiciel en matière de contrefaçon ?Le cessionnaire d’un logiciel, en plus de bénéficier des fonctionnalités offertes par celui-ci, doit être conscient que l’absence d’originalité du logiciel peut l’empêcher d’agir en cas de contrefaçon. En effet, pour qu’une action en contrefaçon soit recevable, il est nécessaire que le logiciel présente un certain degré d’originalité. Si le logiciel cédé ne répond pas à ce critère, le cessionnaire ne pourra pas revendiquer ses droits, même s’il a acquis le logiciel de manière légale. Cela souligne l’importance pour le cessionnaire de s’assurer que le logiciel possède les caractéristiques nécessaires pour bénéficier de la protection du droit d’auteur. Quelles sont les circonstances de l’affaire Dassault Systèmes ?Dans l’affaire Dassault Systèmes, la société Matra Datavision/IBM a cédé des logiciels de modélisation à Dassault Systèmes. Cependant, ces logiciels nécessitaient un logiciel complémentaire, Cascade, pour être pleinement fonctionnels. IBM a donc accordé à Dassault Systèmes une licence d’exploitation qui incluait les codes sources de Cascade. Toutefois, Dassault Systèmes a accusé IBM d’avoir publié ces codes sources sur ses sites internet, ce qui a permis aux utilisateurs de reproduire le logiciel. En conséquence, Dassault Systèmes a poursuivi IBM pour contrefaçon, arguant que cette publication violait leurs droits. Pourquoi les juges ont-ils considéré que les algorithmes applicatifs n’étaient pas protégés ?Les juges ont déterminé que seuls les algorithmes applicatifs, le code associé, ainsi que les spécifications et la documentation des fonctionnalités du logiciel avaient été transférés à Dassault Systèmes. Ils ont précisé que l’algorithme, étant une simple succession d’opérations, ne constitue qu’un énoncé logique de fonctionnalités et n’est donc pas protégé par le droit d’auteur. De plus, le code associé doit être compris comme le code des algorithmes, et les spécifications fonctionnelles, qui décrivent les fonctions d’un logiciel, ne bénéficient pas non plus de protection. Ainsi, les éléments transférés à Dassault Systèmes étant jugés insusceptibles de protection, leur action en contrefaçon ne pouvait pas être fondée. Quelles violations ont été constatées concernant la clause de non-concurrence ?Les sociétés Dassault ont réussi à prouver qu’en publiant le code source de Cascade sur internet, MDTV/IBM avait créé un logiciel libre qui était directement concurrent aux logiciels cédés. Cette action constituait une violation de la clause de non-concurrence à laquelle MDTV était soumise. L’octroi de la licence à Dassault Systèmes comportait effectivement une obligation de non-concurrence, interdisant à MDTV de développer ou de commercialiser des logiciels identiques ou similaires. Bien que le logiciel Cascade ait été exclu de cette obligation, la publication du code source a transformé Cascade en un produit nouveau, Open Cascade, ce qui a été jugé comme un acte de concurrence déloyale. Quelles ont été les conséquences de la publication du code source de Cascade ?La publication du code source de Cascade a eu des conséquences significatives, car elle a permis à Open Cascade de se positionner comme un produit original, destiné à une clientèle différente de celle d’un éditeur de logiciels traditionnel. Les juges ont considéré que cette publication constituait un acte de concurrence déloyale, entraînant des dommages-intérêts d’environ 4 millions d’euros. Cela souligne l’importance de respecter les engagements de non-concurrence dans le cadre de cessions de logiciels, car toute violation peut entraîner des conséquences financières lourdes et nuire à la réputation des entreprises impliquées. |
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