Cession de droits et protection des créations en bijouterie

·

·

Cession de droits et protection des créations en bijouterie

L’Essentiel : Dans le cadre de contrats de création de modèles originaux, la société CHANEL a confié à M. Lorenz BAUMER la conception de bijoux. Suite à un litige, M. BAUMER a demandé l’interdiction de commercialisation de ses créations. Le Tribunal a jugé que certains modèles, comme la chaîne plate à gros maillons, manquent d’originalité et ne sont pas protégés par le droit d’auteur. Concernant le droit à la paternité, les juges ont estimé que l’absence de mention du nom de M. BAUMER sur les bijoux ne constitue pas une violation, car il n’a pas prouvé l’usage d’un poinçon dans la haute joaillerie.

Par actes sous seing privés dits «contrats de création de modèles originaux » la société CHANEL a confié à M. Lorenz BAUMER la création de dessins de modèles de bijoux. Ces contrats faisaient ensuite l’objet de contrats de cession de droits par acte séparé. Suite à un litige avec la société CHANEL, M. BAUMER a saisi les tribunaux pour faire interdire à la société CHANEL de commercialiser les bijoux dont il est l’auteur.
Le Tribunal a eu l’opportunité de juger que dans le domaine de la bijouterie, les « chaînes » et « maillons de chaîne » constituent d’abord un genre, lui même subdivisé en sous genre ou type de chaîne, bien connus et antériorisés de mémoire d’homme.
La chaîne plate à gros maillons ne présente aucun caractère d’originalité et n’est donc pas susceptible d’être protégée par le droit d’auteur (il importe peu qu’elle ait fait l’objet d’une cession de droit).
Sur l’ajout de pavage sur certains modèles de montres dessinées par M. BAUMER, les juges ont considéré que ces Ces adaptations ne modifient pas substantiellement le bijou dont les droits de reproduction ont été acquis par la société CHANEL et n’en altèrent pas l’allure générale, de sorte qu’il n’y a pas d’atteinte au droit moral de M. BAUMER.
Sur le droit à la paternité, M Lorenz BAUMER se plaignait du fait que la société CHANEL depuis plus de vingt ans l’empêche de se prévaloir de sa qualité de créateur des bijoux CHANEL.
Selon les juges, l’autorisation faite par l’auteur au cessionnaire du droit de ne pas mentionner son nom sur les articles reproduisant ses oeuvres n’emporte pas aliénation de son droit de paternité, dès lors qu’il conserve la faculté d’exiger l’indication de son nom.
En l’espèce, M. BAUMER ne démontre pas qu’il existerait un usage dans la haute joaillerie selon lequel les bijoux créés à partir de dessins seraient accompagnés d’un poinçon indiquant le nom du créateur des dessins. L’absence d’un tel poinçon ne saurait constituer une violation de son droit de paternité.

Mots clés : cession de droits

Thème : Cession de droits

A propos de cette jurisprudence : juridiction :  Tribunal de Grande Instance de Paris | Date : 14 mai 2010 | Pays : France

Q/R juridiques soulevées :

Qu’est-ce qu’un contrat de cession de droits ?

Un contrat de cession de droits est un accord juridique par lequel un créateur, tel qu’un artiste ou un designer, transfère ses droits d’exploitation sur une œuvre à une autre partie, souvent une entreprise ou un éditeur.

Ce type de contrat est courant dans le domaine de la création artistique, y compris en bijouterie, où les créateurs conçoivent des modèles et des designs. En échange de cette cession, le créateur reçoit généralement une compensation financière, qui peut prendre la forme d’un paiement unique ou de redevances sur les ventes futures.

Il est essentiel que les termes de ce contrat soient clairement définis pour éviter des litiges ultérieurs concernant l’utilisation des œuvres.

Quel est le rôle du droit d’auteur dans la bijouterie ?

Le droit d’auteur joue un rôle crucial dans la protection des créations originales, y compris dans le domaine de la bijouterie. Il vise à protéger les œuvres de l’esprit, permettant aux créateurs de bénéficier de leurs créations et d’en contrôler l’utilisation.

Cependant, dans le secteur de la bijouterie, certaines créations peuvent ne pas être considérées comme suffisamment originales pour bénéficier de cette protection. Par exemple, des designs qui s’inscrivent dans des genres bien établis, comme les chaînes ou les maillons, peuvent être jugés dépourvus de caractère d’originalité.

Cela signifie que même si un créateur a conçu un bijou, il peut ne pas avoir le droit d’auteur sur celui-ci si le design est trop similaire à d’autres œuvres existantes.

Qu’est-ce que le droit de paternité ?

Le droit de paternité est un droit moral qui permet à un créateur de revendiquer la paternité de son œuvre. Cela signifie qu’il a le droit d’exiger que son nom soit mentionné lors de l’exploitation de celle-ci, que ce soit dans des expositions, des publications ou des ventes.

Ce droit est fondamental pour les artistes, car il leur permet de maintenir un lien avec leur création et de protéger leur réputation. Dans le cadre de la cession de droits, un créateur peut autoriser un cessionnaire à ne pas mentionner son nom, mais cela ne constitue pas une aliénation de son droit de paternité.

Ainsi, même si un créateur accepte de ne pas être nommé, il conserve le droit de revendiquer sa paternité à tout moment.

Pourquoi le Tribunal a-t-il jugé que la chaîne plate à gros maillons n’était pas protégée ?

Le Tribunal a jugé que la chaîne plate à gros maillons ne présentait pas de caractère d’originalité, car elle appartient à un genre bien connu et antérieur dans le domaine de la bijouterie.

Dans ce contexte, le Tribunal a souligné que les créations doivent être suffisamment distinctives pour bénéficier de la protection du droit d’auteur. Les « chaînes » et « maillons de chaîne » sont considérés comme des éléments standards dans la bijouterie, et la chaîne en question ne se distinguait pas suffisamment des modèles existants.

Cette décision met en lumière l’importance de l’originalité dans l’évaluation des droits d’auteur, en particulier dans des secteurs où des formes et des designs sont largement utilisés et reconnus.

Conclusion

Le litige entre M. Lorenz BAUMER et la société CHANEL illustre les défis liés à la cession de droits et à la protection des créations dans le secteur de la bijouterie.

Les décisions judiciaires mettent en lumière l’importance de l’originalité et des pratiques de l’industrie dans l’évaluation des droits des créateurs. Ce cas souligne également la nécessité pour les créateurs de bien comprendre leurs droits et les implications des contrats de cession.

Pour en savoir plus, vous pouvez consulter le jugement complet [ici](https://www.uplex.fr/contrats/wp-content/uploads/1members/pdf/TGI_Paris_14_5_2010_Chanel.pdf).


Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Chat Icon