L’Essentiel : Le 28 juin 2008, M. [U] [B] et M. [N] [B] fondent la société De [Adresse 10], spécialisée dans l’exploitation porcine. Le 19 juillet 2022, elle est mise en liquidation judiciaire, avec M. [R] désigné comme liquidateur. Le 4 juillet 2023, ce dernier demande l’autorisation de céder des actifs à la société Terreliande, dirigée par M. [V] [B], fils de M. [U] [B]. M. [N] [B] s’oppose à cette cession. Le 12 décembre 2023, le juge-commissaire rejette la requête, soulignant l’absence de demande du ministère public. Une nouvelle demande est présentée le 22 janvier 2024, mais elle est déclarée irrecevable.
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Constitution de la sociétéLe 28 juin 2008, M. [U] [B] et M. [N] [B] ont fondé la société à responsabilité limitée De [Adresse 10], spécialisée dans l’exploitation porcine. Liquidation judiciaireLe 19 juillet 2022, la société De [Adresse 10] a été mise en liquidation judiciaire, avec M. [R] de la société [S] [R] & Associés désigné comme liquidateur. Demande de cession d’actifsLe 4 juillet 2023, le liquidateur a sollicité l’autorisation du juge commissaire pour céder un ensemble immobilier et des équipements de la société à la société Terreliande, dirigée par M. [V] [B], fils de M. [U] [B]. Opposition à la cessionLe 13 novembre 2023, M. [N] [B] a exprimé son opposition à ce projet de cession. Rejet de la requête initialeLe 12 décembre 2023, le juge-commissaire a rejeté la requête du liquidateur, arguant qu’aucune demande du ministère public n’avait été faite pour permettre une telle cession à des proches du débiteur. Nouvelle requêteLe 22 janvier 2024, le liquidateur a présenté une nouvelle demande de cession, identique à la précédente, mais cette fois avec un avis favorable du ministère public daté du 7 février 2024. Décision du juge commissaireLe 9 avril 2024, le juge commissaire a déclaré la requête recevable et a autorisé la vente des biens de la société De [Adresse 10] à la société Terreliande pour un montant total de 150.000 euros. Appel de la décisionM. [N] [B] et la société De [Adresse 10] ont interjeté appel le 19 avril 2024, contestant plusieurs aspects de l’ordonnance du juge commissaire. Prétentions des partiesM. [N] [B] et la société De [Adresse 10] ont demandé l’infirmation de l’ordonnance, tandis que M. [U] [B] et la société [R] & Associés ont demandé la confirmation de celle-ci. Discussion sur l’autorité de la chose jugéeM. [N] [B] et la société De [Adresse 10] ont soutenu que la requête du 22 janvier 2024 était irrecevable en raison de l’autorité de la chose jugée, car elle était identique à celle rejetée le 12 décembre 2023. Analyse de la requête du 22 janvier 2024Il a été établi que la requête du 22 janvier 2024, bien que soutenue par un avis favorable du ministère public, était irrecevable car elle ne respectait pas les conditions requises pour une cession à un proche du débiteur. Décision finale de la courLa cour a infirmé l’ordonnance du 9 avril 2024, déclarant la requête du 22 janvier 2024 irrecevable et rejetant les demandes contraires des parties, tout en précisant que les dépens seraient pris en frais privilégiés de la procédure collective. |
Q/R juridiques soulevées :
Sur l’autorité de la chose jugéeLa question soulevée ici concerne l’application de l’autorité de la chose jugée, notamment en ce qui concerne la requête du liquidateur du 22 janvier 2024, qui pourrait être déclarée irrecevable en raison de l’ordonnance rendue le 12 décembre 2023. L’article 1355 du Code civil stipule que : « L’autorité de la chose jugée n’a lieu qu’à l’égard de ce qui a fait l’objet du jugement. Il faut que la chose demandée soit la même ; que la demande soit fondée sur la même cause ; que la demande soit entre les mêmes parties, et formée par elles et contre elles en la même qualité. » Dans cette affaire, la requête du 22 janvier 2024 est identique à celle du 12 décembre 2023, tant en termes de montant (150.000 euros) que d’objet (un immeuble agricole, une porcherie) et de partie (le même liquidateur). Ainsi, même si l’ordonnance du 12 décembre 2023 aurait dû prononcer l’irrecevabilité de la requête, elle a rejeté celle-ci, rendant la décision définitive. Le fait que la seconde requête ait reçu un avis favorable du ministère public ne modifie pas la nature de la demande, qui reste identique. Il convient donc de déclarer la requête du 22 janvier 2024 irrecevable sur ce fondement. Sur l’auteur de la requête du 22 janvier 2024La question ici est de savoir si la requête du liquidateur du 22 janvier 2024 est valide, compte tenu des restrictions imposées par le Code de commerce concernant les cessions d’actifs à des proches du débiteur. L’article L.642-20 du Code de commerce précise que : « Les cessions d’actifs réalisées en application des articles L. 642-18 et L. 642-19 sont soumises aux interdictions prévues au premier alinéa de l’article L. 642-3. Toutefois, le juge-commissaire peut, sur requête du ministère public, y déroger et autoriser la cession à l’une des personnes visées à ce texte à l’exception des contrôleurs et du débiteur au titre de l’un quelconque de ses patrimoines. » De plus, l’article L.642-3 du même code stipule que : « Ni le débiteur, au titre de l’un quelconque de ses patrimoines, ni les dirigeants de droit ou de fait de la personne morale en liquidation judiciaire, ni les parents ou alliés jusqu’au deuxième degré inclusivement de ces dirigeants ou du débiteur personne physique, ni les personnes ayant ou ayant eu la qualité de contrôleur au cours de la procédure ne sont admis, directement ou par personne interposée, à présenter une offre. » Dans cette affaire, M. [V] [B] est un allié du 1er degré de M. [U] [B], ce qui signifie qu’il est interdit de déposer une offre sur un élément d’actif de l’entreprise gérée par son père, sauf autorisation du juge commissaire sur requête du ministère public. Or, la requête du 22 janvier 2024 émane du liquidateur, et non du ministère public. Ainsi, la requête est également irrecevable pour ce motif. Sur les frais et dépensLa question des frais et dépens se pose en raison des demandes formulées par les parties au titre de l’article 700 du Code de procédure civile. L’article 700 du Code de procédure civile dispose que : « La partie perdante est condamnée aux dépens. Le juge peut, dans sa décision, condamner la partie perdante à payer à l’autre partie une somme au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. » Dans cette affaire, les dépens de première instance et d’appel seront pris en frais privilégiés de la procédure collective, conformément aux règles applicables en matière de liquidation judiciaire. Les demandes formées au titre des dispositions de l’article 700 seront rejetées, car la cour a décidé d’infirmer l’ordonnance du 9 avril 2024 et de déclarer la requête du 22 janvier 2024 irrecevable. Ainsi, les parties ne peuvent prétendre à des indemnités au titre de l’article 700 dans ce contexte. |
ARRÊT N° 420
N° RG 24/02403 – N° Portalis DBVL-V-B7I-UWZR
(Réf 1ère instance : 22/02473)
M. [N] [B]
S.A.R.L. DE [Adresse 10]
C/
M. [U] [B]
S.C.A. TERRELIANDE
S.E.L.A.R.L. [S] [R] ET ASSOCIES
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me D’AUDIFFRET
Me VIVES
Me VERRANDO
Copie délivrée le :
à :
Tribunal judiciaire Nantes
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 19 NOVEMBRE 2024
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Président : Monsieur Alexis CONTAMINE, Président de chambre,
Assesseur : Madame Fabienne CLEMENT, Présidente de chambre,
Assesseur : Madame Sophie RAMIN, Conseiller,
GREFFIER :
Madame Julie ROUET, lors des débats et Madame Frédérique HABARE lors du prononcé
MINISTERE PUBLIC :
Auquel l’affaire a été régulièrement communiquée. (Avis écrit en date du 29 août 2024).
DÉBATS :
A l’audience publique du 23 Septembre 2024 devant Monsieur Alexis CONTAMINE, magistrat rapporteur, tenant seul l’audience, sans opposition des représentants des parties et qui a rendu compte au délibéré collégial
ARRÊT :
Réputé contradictoire, prononcé publiquement le 19 Novembre 2024 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l’issue des débats
****
APPELANTS :
Monsieur [N] [B]
Né le [Date naissance 4] 1969 à [Localité 8] (44)
[Adresse 3]
[Localité 9]
S.A.R.L. DE [Adresse 10], immatriculée au RCS de NANTES sous le numéro 505 095 703, en cours de liquidation judiciaire, agissant en vertu de son droit propre et prise en la personne de Monsieur [N] [B], en sa qualité de co-gérant,
[Adresse 10]
[Localité 9]
Représentés par Me Joachim D’AUDIFFRET de la SCP ACTA JURIS SCP D’AVOCATS, Postulant, avocat au barreau de NANTES substitué par Me Matthieu GUIGNARD, avocat au barreau de NANTES,
Représentés par Me Florian DE MASCUREAU de la SCP LACHAUD MANDEVILLE COUTADEUR & ASSOCIES, Plaidant, avocat au barreau de PARIS
INTIMES :
Monsieur [U] [B]
Né le [Date naissance 1] 1968 à [Localité 8] (44)
[Adresse 7]
[Localité 9]
Représenté par Me Julien VIVES de la SCP CALVAR & ASSOCIES, Postulant/Plaidant, avocat au barreau de NANTES
S.C.A. TERRELIANDE immatriculée au R.C.S de Nantes sous le numéro 483 799 524, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège
[Adresse 11]
[Localité 6]
N’ayant pas constitué avocat bien que régulièrement assigné par acte de commissaire de Justice en date du 17 mai 2024 remis à personne morale
S.E.L.A.R.L. [S] [R] ET ASSOCIES prise en la personne de Maitre [S] [R] ès qualités de mandataire liquidateur de la société DE [Adresse 10] désigné à ces fonctions par jugement duTribunal judiciaire de Nantes du 19 juillet 2022
[Adresse 2]
[Localité 5]
représentée par Me Marie VERRANDO de la SELARL LX RENNES-ANGERS, Postulant, avocat au barreau de RENNES,
Représentée par Me Clément MENARD de la SELAS FIDAL, Plaidant, avocat au barreau de LAVAL
Le 28 juin 2008, M. [U] [B] et M. [N] [B] ont constitué la société à responsabilité limitée De [Adresse 10], Exploitation porcine.
Le 19 juillet 2022, la société De [Adresse 10] a été placée en liquidation judiciaire, la société [S] [R] & Associés, prise en la personne de M. [R], étant désignée liquidateur.
Par requête du 4 juillet 2023, le liquidateur a demandé au juge commissaire l’autorisation de céder un ensemble immobilier et des installations et équipements de la société De [Adresse 10], au profit de la société Terreliande, dirigée par M. [V] [B], fils de M. [U] [B].
Le 13 novembre 2023, M. [N] [B] s’est opposé à ce projet de cession.
Le 12 décembre 2023, le juge-commissaire du tribunal judiciaire de Nantes a rejeté la requête du liquidateur au motif qu’aucune requête du ministère public n’était intervenue pour déroger aux dispositions interdisant de telles cessions à des proches du débiteur.
Par requête du 22 janvier 2024, le liquidateur a demandé au juge commissaire l’autorisation de céder la porcherie au profit de la société Terreliande, dans des termes identiques à sa première requête. Cette nouvelle requête comportait le visa du ministère public mentionnant ‘Avis favorable à la requête. 07.02.2024. Procureur de la République’.
Par ordonnance du 9 avril 2024, le juge commissaire du tribunal judiciaire de Nantes a :
– Rejeté la fin de non recevoir tirée de l’autorité de la chose jugée,
– Dit la requête présentée par la société [R] & Associés avec l’avis favorable du ministère public recevable,
– Autorisé la vente des biens dont la société De [Adresse 10] est propriétaire à savoir :
– Un ensemble immobilier sis [Adresse 10] sur la commune de [Localité 9], à usage d’exploitation porcine avec fosse à lisier, sil et aire de circulation ainsi que l’assiette foncière […],
– des installations et équipements conformément à l’inventaire établi le 1er août 2022 par la société JPK,
A la société Terreliande, représentée par M. [B] [V] […], pour le prix de 150.000 euros se décomposant comme suit :
– Ensemble immobilier : 123.910 euros,
– Installations et équipements : 26.090 euros,
– Dit qu’en cas d’exercice de la faculté de substitution par l’acquéreur, le substitué demeurera garant solidaire vis-à-vis des organes de la procédure collective des obligations transmises au substituant,
– Ordonné l’emploi des dépens en frais privilégiés de la procédure de sauvegarde.
M. [N] [B] et la société De [Adresse 10] ont interjeté appel le 19 avril 2024.
Les dernières conclusions de M. [N] [B] et de la société De [Adresse 10] sont en date du 18 juin 2024. Les dernières conclusions de M. [U] [B] et de la société [R] & Associés sont en date du 11 juillet 2024. L’avis du ministère public est en date du 29 août 2024.
La société Terreliande n’a pas constitué avocat devant la cour.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 5 septembre 2024.
PRÉTENTIONS ET MOYENS :
M. [N] [B] et la société De [Adresse 10] demandent à la cour de :
– Infirmer l’ordonnance, en ce qu’elle a :
– Rejeté la fin de non-recevoir tirée de l’autorité de la chose jugée,
– Dit la requête présentée par la société [R] & Associés avec l’avis favorable du ministère public recevable,
– Autorisé la vente des biens dont la société De [Adresse 10] est propriétaire, à savoir:
– Un ensemble immobilier sis [Adresse 10] sur la commune de [Localité 9], à usage d’exploitation porcine avec fosse à lisier, silo et aire de circulation ainsi que l’assiette foncière […],
– Des installations et équipements conformément à l’inventaire établi le 1er août 2022 par la société JPK,
à la société Terreliande, représentée par M. [B] [V] […] pour le prix de 150.000 euros se décomposant comme suit :
– Ensemble immobilier : 123.910 euros,
– Installations et équipements : 26.090 euros,
– Dit qu’en cas d’exercice de la faculté de substitution par l’acquéreur, le substitué demeurera garant solidaire vis-à-vis des organes de la procédure collective des obligations transmises au substituant,
– Ordonné l’emploi des dépens en frais privilégiés de la procédure de sauvegarde,
– Statuant à nouveau :
– Juger irrecevable la requête présentée le 13 février 2024 par la société [R] & Associés, prise en la personne de M. [R], agissant ès qualités de liquidateur judiciaire de la société De [Adresse 10],
– Subsidiairement :
– Rejeter la requête présentée le 13 février 2024 par la société [R] & Associés, prise en la personne de M. [R], agissant ès qualités de liquidateur judiciaire de la société De [Adresse 10],
– En tout état de cause :
– Condamner la société [R] & Associés, prise en la personne de M. [R], à la somme de 4.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.
M. [U] [B] demande à la cour de :
– Débouter M. [N] [B] de l’ensemble des ses demandes, fins et conclusions,
– Confirmer en toutes ses dispositions l’ordonnance rendue le 9 avril 2024 par le juge-commissaire du tribunal judiciaire de Nantes,
– Condamner M. [N] [B] à verser la somme de 4.000 euros à M. [B] [U],
– Condamner M. [N] [B] aux entiers dépens.
La société [R] &Associés demande à la cour de :
– Recevoir la société [R] & Associés prise en la personne de M. [R], ès qualité de mandataire liquidateur à la liquidation judiciaire de la société De [Adresse 10] en ses écritures, les dire bien fondées et y faisant droit,
– Confirmer l’ordonnance rendue en ce qu’elle a :
– Rejeté la fin de non-recevoir tirée de l’autorité de la chose jugée,
– Dit la requête présentée par la société [R] & Associés avec l’avis favorable du ministère public recevable,
– Autorisé la vente des biens dont la société De [Adresse 10] est propriétaire, à savoir:
– Un ensemble immobilier sis [Adresse 10] sur la commune de [Localité 9], à usage d’exploitation porcine avec fosse à lisier, silo et aire de circulation ainsi que l’assiette foncière […],
– Des installations et équipements conformément à l’inventaire établi le 1er août 2022 par la société JPK,
à la société Terreliande, représentée par M. [B] [V] […] pour le prix de 150.000 euros se décomposant comme suit :
– Ensemble immobilier : 123.910 euros,
– Installations et équipements : 26.090 euros,
– Dit qu’en cas d’exercice de la faculté de substitution par l’acquéreur, le substitué demeurera garant solidaire vis-à-vis des organes de la procédure collective des obligations transmises au substituant,
– Ordonné l’emploi des dépens en frais privilégiés de la procédure de sauvegarde,
– Et par voie de conséquence :
– Juger recevable la requête présentée le 13 février 2024 par la société [R] & Associés, prise en la personne de M. [R], agissant ès qualités de liquidateur judiciaire de la société De [Adresse 10],
– Autoriser les ventes des biens dont la société De [Adresse 10] est propriétaire, à savoir :
– Un ensemble immobilier sis [Adresse 10] sur la commune de [Localité 9], à usage d’exploitation porcine avec fosse à lisier, silo et aire de circulation ainsi que l’assiette foncière […],
– Des installations et équipements conformément à l’inventaire établi le 1er août 2022 par la société JPK,
à la société Terreliande, représentée par M. [B] [V] […] pour le prix de 150.000 euros se décomposant comme suit :
– Ensemble immobilier : 123.910 euros,
– Installations et équipements : 26.090 euros,
– Dire qu’en cas d’exercice de la faculté de substitution par l’acquéreur, le substitué demeurera garant solidaire vis-à-vis des organes de la procédure collective des obligations transmises au substituant,
– Ordonner l’emploi des dépens en frais privilégiés de la procédure de sauvegarde,
– Subsidiairement :
– Admettre la requête présentée le 13 février 2024 par la société [R] & Associés, prise en la personne de M. [R], agissant ès qualités de liquidateur judiciaire de la société De [Adresse 10],
– En tout état de cause :
– Condamner M. [N] [B] à verser la somme de 4.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Le ministère public est d’avis de confirmer l’ordonnance du 9 avril 2024.
Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, il est renvoyé à leurs dernières conclusions visées supra.
Sur l’autorité de la chose jugée :
M. [N] [B] et la société De [Adresse 10] font valoir que la requête du liquidateur, en date du 22 janvier 2024, devrait être déclarée irrecevable comme se heurtant à l’autorité de la chose jugée découlant de l’ordonnance rendue par le juge-commissaire le 12 décembre 2023.
L’article 1355 du code civil, dans sa version en vigueur depuis le 1er octobre 2016, et applicable en l’espèce, énonce que :
L’autorité de la chose jugée n’a lieu qu’à l’égard de ce qui a fait l’objet du jugement. Il faut que la chose demandée soit la même ; que la demande soit fondée sur la même cause ; que la demande soit entre les mêmes parties, et formée par elles et contre elles en la même qualité.
Il apparaît que la requête du 22 janvier 2024 est identique à celle du 12 décembre 2023. Il s’agit d’une offre du même montant (150.000 euros), émanant du même candidat (M. [B] [V], fils de M. [U] [B], co-gérant de la société vendeuse), et portant sur le même objet (un immeuble agricole, une porcherie). Elle est en outre présentée par la même personne, le liquidateur.
Même si l’ordonnance du 12 décembre 2023 aurait sans doute du prononcer l’irrecevabilité de la requête et non pas son rejet, il n’en demeure pas moins qu’elle a rejeté la requête et que cette décision est devenue définitive.
Le fait que la seconde requête, en date du 22 janvier 2024, ait reçu un avis favorable du ministère public n’en modifie ni la chose demandée, ni la cause et elle est formée entre les mêmes parties en la même qualité.
Il y a lieu de déclarer la requête du 22 janvier 2024 irrecevable sur ce fondement.
Sur l’auteur de la requête du 22 janvier 2024 :
M. [N] [B] et la société De [Adresse 10] font valoir que la requête du 22 janvier 2024 devrait être rejetée.
La cession d’un élément d’actif d’une exploitation agricole ne peut être réalisée au profit d’un proche que sur requête du ministère public :
Article L.642-20 du code de commerce dans sa version en vigueur depuis le 1er juillet 2014 et applicable en l’espèce :
Les cessions d’actifs réalisées en application des articles L. 642-18 et L. 642-19 sont soumises aux interdictions prévues au premier alinéa de l’article L. 642-3. Toutefois, le juge-commissaire peut, sur requête du ministère public, y déroger et autoriser la cession à l’une des personnes visées à ce texte à l’exception des contrôleurs et du débiteur au titre de l’un quelconque de ses patrimoines.
Le juge-commissaire peut être saisi, dans des conditions fixées par décret en Conseil d’Etat, aux fins d’accorder la même dérogation pour les cessions d’actifs mobiliers de faible valeur nécessaires aux besoins de la vie courante et de biens faisant partie d’une exploitation agricole ainsi que pour la vente aux enchères publiques ou par adjudication amiable des autres actifs mobiliers.
Le juge-commissaire statue par ordonnance spécialement motivée après avoir recueilli l’avis du ministère public lorsque celui-ci n’est pas l’auteur de la requête.
Article L.642-3 du code de commerce dans sa version en vigueur depuis le 11 décembre 2010 et applicable en l’espèce :
Ni le débiteur, au titre de l’un quelconque de ses patrimoines, ni les dirigeants de droit ou de fait de la personne morale en liquidation judiciaire, ni les parents ou alliés jusqu’au deuxième degré inclusivement de ces dirigeants ou du débiteur personne physique, ni les personnes ayant ou ayant eu la qualité de contrôleur au cours de la procédure ne sont admis, directement ou par personne interposée, à présenter une offre. De même, il est fait interdiction à ces personnes d’acquérir, dans les cinq années suivant la cession, tout ou partie des biens compris dans cette cession, directement ou indirectement, ainsi que d’acquérir des parts ou titres de capital de toute société ayant dans son patrimoine, directement ou indirectement, tout ou partie de ces biens, ainsi que des valeurs mobilières donnant accès, dans le même délai, au capital de cette société.
Toutefois, lorsqu’il s’agit d’une exploitation agricole, le tribunal peut déroger à ces interdictions et autoriser la cession à l’une des personnes visées au premier alinéa, à l’exception des contrôleurs et du débiteur au titre de l’un quelconque de ses patrimoines. Dans les autres cas et sous réserve des mêmes exceptions, le tribunal, sur requête du ministère public, peut autoriser la cession à l’une des personnes visées au premier alinéa par un jugement spécialement motivé, après avoir demandé l’avis des contrôleurs.
Tout acte passé en violation du présent article est annulé à la demande de tout intéressé ou du ministère public, présentée dans un délai de trois ans à compter de la conclusion de l’acte. Lorsque l’acte est soumis à publicité, le délai court à compter de celle-ci.
Il est à noter que les dispositions de l’article L. 642-20 ne renvoient qu’aux dispositions du premier alinéa des dispositions de l’article L.642-3. Les dispositions de l’alinéa 2 de l’article L. 642-3 ne sont pas applicables en l’espèce s’agissant d’une cession d’actifs et non pas de l’entreprise elle-même.
De même, il ne s’agit pas en l’espèce de la cession d’un actif mobilier de faible valeur. Les dispositions de l’alinéa 2 des dispositions de l’article L.642-20 ne sont pas applicables.
Il apparaît que M. [V] [B] est un allié du 1er degré de M. [U] [B], gérant de la société De [Adresse 10], ceux-ci ayant un lien père-fils. L’article L.642-3 du code de commerce lui interdit de déposer une offre sur un élément d’actif de l’entreprise géré par son père, sauf autorisation du juge commissaire saisi par requête du ministère public.
Seule une requête du ministère public pouvait saisir le juge commissaire. En l’espèce, la requête du 22 janvier 2024 émane du liquidateur. Le ministère public n’a fait que donner un avis, favorable, à la requête.
A ce titre également, la requête du 22 janvier 2024 était irrecevable. Il y a lieu d’infirmer l’ordonnance du 9 avril 2024.
Sur les frais et dépens :
Les dépens de première instance et d’appel seront pris en frais privilégiés de la procédure collective.
Les demandes formées au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile seront rejetées.
La cour :
– Infirme l’ordonnance du 9 avril 2024,
Statuant à nouveau et y ajoutant :
– Déclare irrecevable la requête en date du 22 janvier 2024,
– Rejette les demandes plus amples ou contraires des parties,
– Dit que les dépens de première instance et d’appel seront pris en frais privilégiés de la procédure collective.
Le greffier Le président
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