L’affaire concerne le licenciement de M. [O] [B], directeur de l’association Centre culturel de l’ouest (CCO) et directeur général de la société publique régionale de l’Abbaye de [Localité 2] (SOPRAF). M. [B] a été licencié pour faute grave par l’association CCO, qui lui reprochait notamment des manquements aux règles des commandes publiques, un défaut de reporting régulier et un management inadapté. Parallèlement, son mandat de directeur général de la SOPRAF a été suspendu puis révoqué. M. [B] a saisi le conseil de prud’hommes pour contester son licenciement et demander la requalification de son mandat en contrat de travail, ainsi que des indemnités. Le conseil de prud’hommes a rejeté ses demandes, considérant que son licenciement était justifié pour faute grave. M. [B] a interjeté appel de cette décision, demandant la requalification de son mandat, des indemnités pour travail dissimulé, et contestant la légitimité de son licenciement. Les parties ont exposé leurs arguments devant la cour d’appel, qui doit statuer sur l’affaire.
L’association CCO reproche à M. [B] un management inadapté.
Elle s’appuie sur cinq courriers de salariés et d’élus adressés à M. [S], lequel a été nommé représentant permanent de l’administrateur unique du GIE [Localité 2] en juin 2018.
M. [B] conteste tout comportement ou propos inadapté. Il souligne d’abord que les témoignages communiqués par l’employeur ne respectent pas le formalisme de l’article 202 du code de procédure civile, qu’ils sont concomitants pour être datés du 14 et du 15 septembre 2018, que l’un d’eux est daté du 15 septembre 2019, qu’ils sont rédigés dans le même style et avec la même calligraphie, et que par conséquent, ils doivent être écartés. Il affirme ensuite qu’il en ressort au contraire qu’il répondait aux sollicitations de ses équipes et était attentif à leurs propositions, et qu’il organisait des réunions régulières, voire en urgence si nécessaire. Il communique pour sa part des témoignages démontrant ses qualités humaines et managériales.
Il sera d’abord rappelé qu’en matière prud’homale, la preuve est libre et qu’il appartient seulement au juge d’apprécier souverainement la valeur et la portée des éléments qui lui sont fournis par les parties. Il n’y a donc pas lieu d’écarter d’emblée les courriers versés aux débats par l’employeur au soutien de ce grief.
Il sera en outre souligné que s’ils sont rédigés à la même époque (14 et 15 septembre 2018, étant précisé que l’année 2019 mentionnée sur l’un d’eux résulte manifestement d’une erreur matérielle au regard de son contenu), c’est qu’ils font suite à des échanges et rencontres initiés par M. [S], nouvellement nommé représentant permanent de l’administrateur unique du GIE [Localité 2]. Ainsi, ces courriers comportent tous un préambule faisant référence aux récents échanges avec ce dernier, et à la volonté de leurs auteurs de mettre ceux-ci par écrit. On observe ensuite que ces courriers sont particulièrement longs et argumentés (celui de Mme [R] comporte 18 pages), et que chacun utilise un style et des tournures de phrase qui lui sont propres. Enfin, les événements évoqués dans ces courriers sont multiples et différents selon ce que leur auteur a constaté.
Mme [R], chargée de mission Culture et Patrimoine au sein de l’association CCO fait état, d’une ‘absence de reconnaissance cruelle et difficile pour les équipes’ indiquant que M. [B] ‘manifeste toujours une sorte de mépris à (leur) égard comme si les autres feront mieux qu'(eux)’ et qu’il ‘n’écoute pas son équipe’. Elle prend
l’exemple de plusieurs dossiers, source d’incompréhension du fait de l’absence de communication de M. [B], et du stress engendré par cette situation. Ainsi, pour l’exposition ‘[I] [W] : Roi-Chevalier’, elle indique avoir eu du mal ‘à cerner ses demandes’ soulignant que ‘la direction n’a pas conscience de (leur) travail sur le terrain’. Pour le projet ‘Noël à [Localité 2] : exposition d’art sacré [Y] [J]’, Mme [R] fait état d’une difficulté quant au transport des oeuvres pour laquelle M. [B] a été sollicité par l’équipe, mais qu’il n’a pas résolue malgré une réunion au cours de laquelle il a ‘parlé de manière évasive’. Elle ajoute qu’une solution a finalement été trouvée en interne, hors son intervention. Elle fait enfin état de difficultés pour obtenir la signature de M. [B], les parapheurs revenant tardivement et souvent incomplètement signés entravant de ce fait la réactivité qui leur est demandée, de ses retards systématiques aux réunions, de son manque de soutien, du stress engendré par le fait d’avoir l’impression de porter seule les projets. Elle ajoute se sentir ‘vraiment rabaissée’ et conclut sa lettre ainsi ‘j’ai le sentiment que l’on nous en demande toujours plus mais que l’on ne fait jamais assez. Cette culpabilité finit par nous faire perdre confiance. J’ignore dans le fond où mène un tel management d’équipe sinon de détruire des ressources humaines qui ont toutes quelque chose à apporter à l’Abbaye et qui aujourd’hui sont usées et fatiguées’ (pièce 10 employeur).
Mme [X], Mme [K], M. [M], M. [H], délégués du personnel au sein de l’association CCO, font état de la souffrance du personnel face à un défaut de management soulevant notamment l’absence de retour suite aux entretiens individuels, des difficultés lors des réunions DUP et les absences régulières de M. [B] ayant un impact sur l’activité de l’association (pièce 11 employeur).
De même, M. [ZR], responsable de la médiation culturelle et expérience de visite au sein du CCO, témoigne d’un ‘contexte de travail épuisant moralement et physiquement’. Il fait état de ‘difficultés liées à la mise en place des projets de médiation culturelle’ soulignant l’absence de projet global, de demandes écrites structurées et de budget, l’absence de concertation et de prise en considération des réalités opérationnelles ainsi qu’un mode de sélection des projets et des prestataires contestable (pièce 12 employeur).
M. [H], responsable de la programmation arts visuels et événementiel culturel, assure quant à lui, qu’il lui est ‘difficile d’avancer sereinement dans (ses) missions tant le climat de confiance est dégradé’ au sein de l’association CCO. Il relève l’absence de réunions de services depuis avril 2018, l’absence de coordination entre les différents services pour la mise en oeuvre des projets et l’absence totale de direction en matière de communication (pièce 13 employeur).
Enfin, M. [D], chargé de mission spectacle vivant – directeur de la culture par intérim du 1er janvier 2018 au 16 août 2018 et salarié de l’association CCO depuis avril 2013, indique que M. [B] n’a jamais été à la rencontre de ses salariés et qu’il ne s’est jamais intéressé à leurs métiers et expériences. Il relève également le manque manifeste de confiance de M. [B] envers ses collaborateurs, le manque de communication et de considération pour les éléments techniques et logistiques, lesquels rendent ‘compliquée la conduite de projet de manière sereine’ (pièce 14 employeur).
Ainsi, les courriers précités font tous référence à un management inadapté de M. [B].
Si les témoignages produits par M. [B] font état de ses qualités et compétences professionnelles, ils ne contredisent cependant pas utilement ce grief, dans la mesure où ils émanent principalement d’interlocuteurs externes au CCO, étant précisé que M. [P], chargé du Mécénat, seul collaborateur du CCO louant sa disponibilité et son
écoute (pièce 20 salarié), fait néanmoins état lors de son entretien annuel du 18 décembre 2018, de ‘difficultés’ et d’un ‘manque de communication interne entre les services’ lors de l’année écoulée (pièce 15 employeur). En outre, bien qu’il se plaigne de la nouvelle direction dans son attestation et indique qu’il ‘retravaillerait les yeux fermés avec M. [B]’, il annonce lors de cet entretien annuel, être ‘à la fois soulagé et ravi d’avoir été conforté dans ses missions dans lesquelles (il s’épanouit) pleinement’.
Par conséquent, le grief tenant au management inadapté de M. [B] est établi.