L’Essentiel : Un médecin a été condamné à quatre mois d’emprisonnement avec sursis pour avoir installé un keylogger sur les ordinateurs de ses confrères, permettant ainsi l’accès frauduleux à leurs courriels. Cette intrusion, motivée par un litige personnel, a été jugée comme un délit caractérisé tant sur le plan matériel qu’intentionnel. La bonne foi du médecin a été écartée, car l’utilisation d’un dispositif destiné à espionner les frappes de clavier démontre une intention malveillante. Sa condamnation a également été inscrite au bulletin numéro 2 de son casier judiciaire, sans possibilité de suppression immédiate.
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Prison avec sursisUn médecin a été condamné pour accès frauduleux à un système de traitement automatisé de données, atteinte au secret des correspondances émises par voie électronique et détention sans motif légitime d’équipement, d’instrument de programme ou données conçus ou adaptés pour une atteinte au fonctionnement d’un système de traitement automatisé (quatre mois d’emprisonnement avec sursis). Le service informatique d’un CHU a découvert qu’un keylogger (dispositif permettant d’espionner la frappe du clavier et de capter des données) avait été installé sur les ordinateurs de praticiens hospitaliers. L’enquête s’est orientée vers un médecin contractuel, lequel a été poursuivi et condamné. Le médecin avait acheté sur internet un keylogger qu’il l’avait ensuite installé sur les ordinateurs de confrères dans le but de récupérer des courriels susceptibles de lui être utiles dans le cadre du litige l’opposant à un professeur de médecine qu’il avait porté devant le conseil de l’ordre. Délit constituéL’installation du keylogger avait permis, par l’espionnage de la frappe du clavier des ordinateurs des confrères, de prendre connaissance des codes d’accès à leur messagerie ; sans l’usage de ce moyen frauduleux, il n’aurait pas pu accéder aux courriels échangés entre les deux praticiens concernés ; le délit était donc caractérisé tant dans son élément matériel qu’intentionnel. Bonne foi inopéranteLa bonne foi et les motifs de la surveillance électronique mise en place ont été jugés indifférents à la constitution du délit. L’installation d’un dispositif destiné à espionner la frappe du clavier afin d’obtenir les codes d’accès aux messageries de deux confrères puis l’interception à leur insu de certains de leurs courriels caractérisent suffisamment la mauvaise foi. Dispositif technique illégalL’article 323-3-1 du Code pénal sanctionne le fait, sans motif légitime, notamment de recherche ou de sécurité informatique, d’importer, de détenir, d’offrir, de céder ou de mettre à disposition un équipement, un instrument, un programme informatique ou toute donnée conçus ou spécialement adaptés pour opérer des intrusions informatiques non autorisées. L’exception de recherche ou de sécurité informatique ne peut être reconnue qu’aux seules personnes habilitées à assurer la maintenance et la sécurité d’un parc informatique et agissant aux seules fins prévues par leurs missions et ne bénéficie pas aux simples utilisateurs des ordinateurs. Visite domiciliaire v/ Perquisition à domicileLe médecin n’a pu obtenir la perquisition effectuée à son domicile pour établir la preuve des faits. La perquisition de son domicile avait pour seule fin la recherche de preuves relatives aux faits dénoncés par les plaignants, laquelle, aux termes de l’article 56 alinéa 1er du code de procédure pénale, permet aux enquêteurs de saisir documents, données informatiques ou autres objets en possession de la personne soupçonnée ; elle n’avait donc pas à être autorisée par le procureur de la République, à l’inverse de la perquisition destinée à rechercher et à saisir des biens dont la confiscation est prévue par les 5e et 6e alinéas de l’article 131-21 du code de procédure pénale. Quant à la « forte émotion » manifestée par le médecin quand les enquêteurs se sont présentés à son domicile et aux tremblements dont il a été pris au moment de donner par écrit son assentiment à la perquisition, ils n’ont pas suffi à établir qu’il n’avait pas librement consenti sous la contrainte les enquêteurs ou sous l’effet d’un état de confusion mentale tel qu’il l’a privé de tout discernement. Inscription au casier judiciaireLe médecin condamné a également vu sa condamnation inscrite au bulletin numéro 2 de son casier judiciaire. Le prévenu n’a pas réussi à justifier que sa situation professionnelle risquerait d’être compromise par la mention de la condamnation. A noter que le refus d’exclure la mention d’une condamnation au bulletin n° 2 du casier judiciaire relève de l’exercice d’une faculté que les juges n’ont pas à motiver spécialement. Le condamné reste toujours investi de la faculté prévue par l’article 775-1 du code de procédure pénale, de solliciter ultérieurement le retrait de sa condamnation de son casier judiciaire. |
Q/R juridiques soulevées :
Quel délit a été commis par le médecin ?Le médecin a été condamné pour plusieurs infractions, notamment l’accès frauduleux à un système de traitement automatisé de données, l’atteinte au secret des correspondances électroniques, et la détention sans motif légitime d’équipement ou de données conçus pour nuire au fonctionnement d’un système informatique. Cette condamnation a abouti à une peine de quatre mois d’emprisonnement avec sursis. Ces infractions sont graves, car elles portent atteinte à la confidentialité des communications et à la sécurité des systèmes d’information, ce qui est particulièrement préoccupant dans un contexte médical où la protection des données des patients est primordiale. Comment le keylogger a-t-il été utilisé par le médecin ?Le médecin a installé un keylogger, un dispositif permettant d’espionner les frappes au clavier, sur les ordinateurs de ses confrères. Cela lui a permis de récupérer des codes d’accès à leurs messageries électroniques. L’objectif de cette surveillance était de collecter des courriels qui pourraient lui être utiles dans un litige avec un professeur de médecine. L’utilisation d’un tel dispositif constitue une violation flagrante de la vie privée et des droits des autres praticiens, et a été jugée comme un acte délictueux tant sur le plan matériel qu’intentionnel. Pourquoi la bonne foi du médecin a-t-elle été jugée inopérante ?La bonne foi du médecin n’a pas été prise en compte dans la constitution du délit. En effet, l’installation d’un dispositif d’espionnage pour obtenir des codes d’accès et intercepter des courriels sans le consentement des autres praticiens démontre une intention malveillante. Les juges ont considéré que les motifs de la surveillance électronique n’étaient pas pertinents pour justifier ses actions. La mauvaise foi a été clairement établie par le fait que le médecin a agi dans le but de nuire à ses confrères, ce qui a conduit à sa condamnation. Quelles sont les implications de l’article 323-3-1 du Code pénal ?L’article 323-3-1 du Code pénal interdit, sans motif légitime, d’importer, de détenir ou de mettre à disposition des dispositifs ou programmes conçus pour réaliser des intrusions informatiques non autorisées. Cette loi vise à protéger les systèmes d’information contre les abus et à garantir la sécurité des données. L’exception de recherche ou de sécurité informatique ne s’applique qu’aux personnes habilitées à maintenir et sécuriser un parc informatique, excluant ainsi les simples utilisateurs. Cela souligne l’importance de la légalité dans l’utilisation des technologies informatiques. Quelle est la différence entre une visite domiciliaire et une perquisition à domicile ?La visite domiciliaire et la perquisition à domicile sont deux procédures distinctes. Dans ce cas, la perquisition effectuée au domicile du médecin visait à rechercher des preuves des faits dénoncés par les plaignants. Selon l’article 56 alinéa 1er du code de procédure pénale, les enquêteurs peuvent saisir des documents et des données informatiques sans autorisation préalable du procureur, contrairement à une perquisition visant à saisir des biens pouvant être confisqués. La réaction du médecin lors de la perquisition n’a pas suffi à prouver qu’il avait consenti sous contrainte. Quelles sont les conséquences de la condamnation sur le casier judiciaire du médecin ?La condamnation du médecin a été inscrite au bulletin numéro 2 de son casier judiciaire. Il n’a pas réussi à prouver que cette mention compromettrait sa situation professionnelle. Le refus d’exclure cette mention relève de la discrétion des juges, qui ne sont pas tenus de justifier leur décision. Cependant, le médecin a la possibilité, selon l’article 775-1 du code de procédure pénale, de demander ultérieurement le retrait de sa condamnation de son casier judiciaire, ce qui pourrait lui permettre de rétablir sa réputation professionnelle. |
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