Caducité d’une déclaration d’appel en raison de l’indivisibilité des créances

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Caducité d’une déclaration d’appel en raison de l’indivisibilité des créances

L’Essentiel : Le 27 décembre 2023, le Président du tribunal judiciaire de Montluçon a ordonné la jonction de deux instances et fixé une créance de 10.225,39 € au passif de M. [O] [B]. Mme [W] [E] a été condamnée à verser cette somme à plusieurs créanciers et à payer une indemnité de 800,00 € en vertu de l’article 700 du code de procédure civile. Le 9 janvier 2024, elle a interjeté appel, mais le 16 mai 2024, cet appel a été déclaré caduc pour absence de signification dans le délai légal. La cour a confirmé cette caducité, considérant le litige indivisible.

Ordonnance de référé du 27 décembre 2023

Le Président du tribunal judiciaire de Montluçon a rendu une ordonnance de référé qui a ordonné la jonction de deux instances, fixé une créance de 10.225,39 € au passif de la procédure collective de M. [O] [B], et condamné Mme [W] [E] à verser cette somme à M. [J] [Z], M. [O] [Z], M. [K] [Z] et M. [U] [Z]. De plus, M. [O] [B] et Mme [W] [E] ont été condamnés à payer une indemnité de 800,00 € en vertu de l’article 700 du code de procédure civile, et ils doivent supporter solidairement les dépens de l’instance.

Appel interjeté par Mme [W] [E]

Le 9 janvier 2024, le conseil de Mme [W] [E] a interjeté appel de l’ordonnance de référé, visant à contester la décision à l’encontre de plusieurs parties, y compris M. [O] [B] représenté par son mandataire judiciaire. Le greffe a ensuite informé les parties d’un avis de caducité le 26 février 2024.

Caducité de la déclaration d’appel

Le 16 mai 2024, le Président de la 3ème chambre civile a prononcé la caducité de l’appel de Mme [W] [E], en raison de l’absence de signification de sa déclaration d’appel dans le délai légal. Il a également déclaré qu’il n’y avait pas lieu de statuer sur certaines demandes de radiation d’appel, considérant qu’elles étaient sans objet.

Requête en déféré de Mme [W] [E]

Le 29 mai 2024, Mme [W] [E] a formé une requête en déféré, demandant la recevabilité de sa requête et l’infirmation de la décision de caducité, tout en plaidant pour une caducité partielle de son appel uniquement à l’égard de M. [O] [B].

Conclusions des parties

Le 29 octobre 2024, les conseils des autres parties ont demandé le rejet de la demande de caducité partielle et ont proposé de radier l’appel, invoquant un défaut d’exécution des condamnations pécuniaires par Mme [W] [E]. Ils ont également demandé une indemnité de 900,00 € et la prise en charge des dépens.

Décision de la cour

La cour a confirmé la recevabilité de la requête en déféré de Mme [W] [E] mais a maintenu la décision de caducité totale de son appel, considérant que le litige était indivisible. La demande de radiation d’appel a été jugée sans objet et la cour a rejeté les demandes supplémentaires des parties. Mme [W] [E] a été condamnée aux entiers dépens de l’instance.

Q/R juridiques soulevées :

Quelle est la portée de l’article 905-1 du code de procédure civile concernant la caducité de la déclaration d’appel ?

L’article 905-1 alinéa 1er du code de procédure civile [ancien] stipule que :

« Lorsque l’affaire est fixée à bref délai par le président de la chambre, l’appelant signifie la déclaration d’appel dans les dix jours de la réception de l’avis de fixation qui lui est adressé par le greffe à peine de caducité de la déclaration d’appel relevée d’office par le président de la chambre ou le magistrat désigné par le premier président ; cependant, si entre-temps, l’intimé a constitué avocat avant signification de la déclaration d’appel, il est procédé par voie de notification à son avocat. »

Dans le cas présent, il est établi que Mme [W] [E] épouse [B] n’a pas respecté le délai de dix jours pour signifier sa déclaration d’appel à l’égard de M. [O] [B].

Aucune signification n’a été faite à ce dernier, et la notification à son avocat n’a eu lieu que le 7 février 2024, soit après l’expiration du délai.

Le premier juge a donc légitimement prononcé la caducité de l’appel, considérant que cette caducité était totale en raison de l’indivisibilité du litige.

Quelles sont les conséquences de l’indivisibilité du litige sur la caducité de l’appel ?

L’indivisibilité du litige implique que les prétentions des parties sont liées de manière telle qu’une décision sur l’une d’elles affecte nécessairement les autres.

Dans cette affaire, la créance de 10.225,39 € au passif de la procédure collective de M. [O] [B] est directement liée à la condamnation pécuniaire de Mme [W] [E] épouse [B].

Cette dernière, co-preneuse du bail commercial, ne peut dissocier ses intérêts de ceux de M. [O] [B].

Ainsi, le tribunal a considéré que le litige était indivisible, ce qui a conduit à la caducité totale de la déclaration d’appel.

Cela signifie que même si Mme [W] [E] épouse [B] avait des arguments valables contre d’autres parties, la caducité de l’appel à l’égard de M. [O] [B] entraîne la caducité de l’ensemble de l’appel.

Comment l’article 700 du code de procédure civile s’applique-t-il dans cette affaire ?

L’article 700 du code de procédure civile dispose que :

« La partie qui succombe est condamnée aux dépens et peut être condamnée à payer à l’autre partie une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. »

Dans cette affaire, Mme [W] [E] épouse [B] a été condamnée aux entiers dépens en raison de sa défaite dans l’instance.

Cependant, la cour a également précisé que l’équité ne commandait pas d’appliquer les dispositions de l’article 700 au bénéfice des autres parties, M. [J] [Z], M. [O] [Z], M. [K] [Z] et M. [U] [Z].

Cela signifie que, bien qu’ils aient gagné l’affaire, ils ne recevront pas de compensation supplémentaire pour les frais engagés, ce qui est une décision qui peut sembler surprenante mais qui repose sur l’appréciation des circonstances de l’affaire.

Quelles sont les implications de la décision de la cour sur la recevabilité de la requête en déféré ?

La cour a déclaré recevable la requête en déféré formée par Mme [W] [E] épouse [B].

Cela signifie que la cour a reconnu que la demande de réexamen de la caducité de l’appel était fondée et méritait d’être examinée.

Cependant, malgré cette recevabilité, la cour a confirmé l’ordonnance de caducité, soulignant que la caducité était justifiée par l’indivisibilité du litige.

Ainsi, même si la requête a été jugée recevable, cela n’a pas conduit à un changement de la décision initiale, illustrant que la recevabilité d’une requête ne garantit pas son succès.

La cour a donc maintenu sa position sur la caducité totale de l’appel, ce qui a des conséquences significatives pour Mme [W] [E] épouse [B] et son droit à contester la décision initiale.

COUR D’APPEL

DE RIOM

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE

Du 14 janvier 2025

N° RG 24/00855 – N° Portalis DBVU-V-B7I-GF3A

-PV- Arrêt n°

[W] [B] / [J] [Z], [O] [Z], [K] [Z], [U] [Z], [O] [B]

déféré d’une ordonnance numéro 238 rendue le 16 mai 2024 par le conseiller de la mise en état de la troisième chambre civile de la cour d’appel de Riom (RG 24/00053)

(Ordonnance Au fond, origine Président du TJ de MONTLUCON, décision attaquée en date du 27 Décembre 2023, enregistrée sous le n° 23/00061)

Arrêt rendu le MARDI QUATORZE JANVIER DEUX MILLE VINGT CINQ

COMPOSITION DE LA COUR lors du délibéré :

M. Philippe VALLEIX, Président

Mme Laurence BEDOS, Conseiller

Mme Clémence CIROTTE,

En présence de :

Mme Marlène BERTHET, greffier lors de l’appel des causes et du prononcé

ENTRE :

Mme [W] [B]

[Adresse 4]

[Localité 3]

Représentée par Me Elodie FALCO de la SELARL CAP AVOCATS, avocat au barreau de MOULINS

APPELANTE et demanderesse au déféré

ET :

M. [J] [Z]

[Adresse 8]

[Localité 1]

et

M. [O] [Z]

[Adresse 7]

[Localité 1]

et

M. [K] [Z]

[Adresse 5]

[Localité 2]

et

M. [U] [Z]

[Adresse 8]

[Localité 1]

Tous quatre représentés par Me Carole GRELLET de la SCP VGR, avocat au barreau de MOULINS

M. [O] [B]

[Adresse 6]

[Localité 2]

Représenté par Me Valérie DAFFY de la SELAS ALLIES AVOCATS, avocat au barreau de MONTLUCON

INTIMES et défendeurs au déféré

DÉBATS :

L’affaire a été débattue à l’audience publique du 04 novembre 2024, en application des dispositions de l’article 786 du code de procédure civile, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant M. VALLEIX et Mme BEDOS, rapporteurs.

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 14 janvier 2025 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

Signé par M. VALLEIX, président et par Mme BERTHET, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE

Suivant une ordonnance de référé n° RG-23/00061 rendue le 27 décembre 2023, le Président du tribunal judiciaire de Montluçon a :

– ordonné la jonction de l’instance n° RG-23/00101 à l’instance n° RG-23/00061 ;

– fixé à la somme de 10.225,39 € au 18 octobre 2023 une créance de M. [J] [Z], M. [O] [Z], M. [K] [Z] et M. [U] [Z] au passif de la procédure collective ouverte à l’égard de M. [O] [B], ayant pour mandataire judiciaire la SELARL MJ MARTIN ;

– condamné Mme [W] [E] à payer à M. [J] [Z], M. [O] [Z], M. [K] [Z] et M. [U] [Z] une indemnité provisionnelle de 10.225,39 € au 18 octobre 2023 ;

– condamné M. [O] [B] et Mme [W] [E] épouse [B] à payer à M. [J] [Z], M. [O] [Z], M. [K] [Z] et M. [U] [Z] une indemnité de 800,00 € en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

– dit que M. [O] [B] et Mme [W] [E] épouse [B] supporteront solidairement les dépens de l’instance devant notamment comprendre des frais de commandement de payer du 3 novembre 2022 et du 8 février 2023.

Par déclaration formalisée par le RPVA le 9 janvier 2024, le conseil de Mme [W] [B] a interjeté appel de cette ordonnance de référé, cet appel étant dirigé à l’encontre de M. [J] [Z], M. [O] [Z], M. [K] [Z] et M. [U] [Z] ainsi que de M. [O] [B] pris en la personne de son mandataire judiciaire la SELARL MJ MARTIN.

Le greffe de la 3ème chambre civile a communiqué aux parties le 26 février 2024 un avis de caducité.

Suivant une ordonnance n° RG-24/00053 rendue le 16 mai 2024 au visa de l’article 905-1 du code de procédure civile, le Président de la 3ème chambre civile a prononcé la caducité de la déclaration d’appel formé le 9 janvier 2024 par Mme [W] [E] épouse [B] à l’encontre de l’ordonnance de référé du 27 décembre 2023 du Président du tribunal judiciaire de Montluçon, disant par ailleurs n’y avoir lieu à statuer sur des demandes de radiation d’appel et de défraiement au visa de l’article 700 du code de procédure civile ayant été présentées par M. [J] [Z], M. [O] [Z], M. [K] [Z] et M. [U] [Z], eu égard à leur caractère sans objet pour avoir été adressées au Conseiller de la mise en état alors que l’affaire a été orientée à bref délai sans passer par le circuit de la mise en état.

Suivant une requête établie le 29 mai 2024 et communiquée par le RPVA le 30 mai 2024, le conseil de Mme [W] [E] épouse [B] a formé un déféré à l’encontre de cette ordonnance du 16 mai 2024, demandant de :

– déclarer sa requête recevable et fondée par application de l’article 916 du code de procédure civile ;

– infirmer cette ordonnance du 16 mai 2024 en ce qu’elle a prononcé la caducité de son appel à l’égard de l’ensemble des parties au litige ;

– ordonner au contraire la seule caducité partielle de sa déclaration d’appel et par voie de conséquence uniquement à l’égard de M. [O] [B] ;

– statuer ce que de droit sur les dépens.

Par conclusions communiquées par le RPVA le 29 octobre 2024, le conseil de M. [J] [Z], M. [O] [Z], M. [K] [Z] et M. [U] [Z] ont demandé de :

– à titre principal, rejeter la demande de caducité qui ne serait que partielle ;

– à titre subsidiaire, ordonner la radiation du rôle de l’appel au visa de l’article 524 du code de procédure civile, arguant d’un défaut d’exécution par Mme [W] [E] épouse [B] des condamnations pécuniaires prononcées à son encontre en première instance avec exécution provisoire ;

– condamner Mme [W] [E] épouse [B] à leur payer une indemnité de 900,00 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamner Mme [W] [E] épouse [B] aux entiers dépens.

Après évocation de cette affaire et clôture des débats lors de l’audience civile collégiale en bi-rapporteur du 4 novembre 2024 à 14h00, au cours de laquelle chacun des conseils des parties a réitéré ses précédentes écritures, la décision suivante a été mise en délibéré au 14 janvier 2025.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Le décret n° 2023-1391 du 29 décembre 2023 portant simplification de la procédure d’appel en matière civile est en vigueur depuis le 1er septembre 2024 pour les instances d’appel introduites à compter de cette dernière date. Compte tenu de la date précitée de la déclaration d’appel, les anciennes dispositions du code de procédure civile demeurent applicables.

Il n’apparaît d’abord pas contestable, et il n’est au demeurant pas contesté, que la requête en déféré formée par le conseil de Mme [W] [E] épouse [B] est recevable.

L’article 905-1 alinéa 1er du code de procédure civile [ancien] dispose que « Lorsque l’affaire est fixée à bref délai par le président de la chambre, l’appelant signifie la déclaration d’appel dans les dix jours de la réception de l’avis de fixation qui lui est adressé par le greffe à peine de caducité de la déclaration d’appel relevée d’office par le président de la chambre ou le magistrat désigné par le premier président ; cependant, si entre-temps, l’intimé a constitué avocat avant signification de la déclaration d’appel, il est procédé par voie de notification à son avocat. ».

Il est matériellement exact que Mme [W] [E] épouse [B] n’a pas satisfait dans le délai légalement requis à son obligation de signification de sa déclaration d’appel du 9 janvier 2024 à l’égard de M. [O] [B], aucune signification n’ayant été fait à ce sujet à l’égard de ce dernier en application des dispositions précitées de l’article 905 alinéa 1er du code de procédure civile [ancien]. De plus, la notification de cette déclaration d’appel n’a été faite à l’égard du conseil de ce dernier que le 7 février 2024, soit postérieurement à l’expiration du délai de 10 jours précité. Le premier juge en a dès lors à juste tiré comme conséquence la caducité de cet appel, prononçant par ailleurs une caducité totale à l’égard de l’ensemble des parties et non une simple caducité partielle en raison du caractère indivisible du litige.

Dans sa requête en déféré, Mme [W] [E] épouse [B] convient au fond de cette caducité à l’égard de M. [O] [B], concentrant l’ensemble de ses critiques sur cette décision d’indivisibilité. Elle fait donc valoir le caractère divisible du litige au regard des prétentions des parties autres que M. [O] [B].

En l’occurrence, en lecture de l’ordonnance de référé précitée du 27 décembre 2023, la créance litigieuse de 10.225,39 € au 18 octobre 2023 qui a été fixée au passif de la procédure collective de M. [O] [B] et qui a donné concomitamment lieu à son encontre à une condamnation pécuniaire à hauteur du même montant correspond à une dette de loyer pour laquelle M. [O] [B] a été retenu débiteur au titre d’un bail commercial qui lui avait été consenti par un acte authentique du 6 juillet 2018 sur un fond de commerce à usage de boulangerie-pâtisserie à [Localité 2] (Allier). Or, Mme [W] [E] épouse [B] avait été désignée en qualité de co-preneuse de ce bail commercial dans ce même acte authentique alors que sa déclaration d’appel du 9 janvier 2024 inclut précisément cette condamnation pécuniaire de 10.225,39 € dont elle a fait l’objet.

Mme [W] [E] épouse [B] ne peut dès lors utilement objecter que ses intérêts propres seraient dissociables de ceux de M. [O] [B] et de son mandataire judiciaire à l’égard desquels elle n’a pas signifié sa déclaration d’appel dans le délai légalement requis. Dans ces conditions, c’est à juste titre que le premier juge a considéré que ce litige été indivisible entre toutes les parties et a prononcé une caducité totale de sa déclaration d’appel en lieu et place d’une simple caducité partielle.

Par voie de conséquence, la demande de radiation d’appel formée à titre subsidiaire par M. [J] [Z], M. [O] [Z], M. [K] [Z] et M. [U] [Z] au visa de l’article 524 du code de procédure civile devient sans objet et sera donc rejetée.

Dans ces conditions, la décision déférée sera confirmée en toutes ses dispositions.

L’équité ne commande pas de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile au bénéfice de M. [J] [Z], M. [O] [Z], M. [K] [Z] et M. [U] [Z].

Enfin, succombant à l’instance, Mme [W] [E] épouse [B] en supportera les entiers dépens.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR,

STATUANT CONTRADICTOIREMENT

DÉCLARE RECEVABLE la requête en déféré formé par Mme [W] [E] épouse [B].

CONFIRME en toutes ses dispositions l’ordonnance n° RG-24/00053 rendue le 16 mai 2024 par le Président de la 3ème chambre civile.

REJETTE le surplus des demandes des parties.

CONDAMNE Mme [W] [E] épouse [B] aux entiers dépens de l’instance.

Le greffier Le président


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