L’Essentiel : L’administration fiscale a interjeté appel d’un jugement du tribunal judiciaire de Paris, annulant une décision de rejet et ordonnant un dégrèvement de 47 709 euros. Après plusieurs procédures, M. [C] a contesté la validité de l’appel, arguant que les conclusions de l’administration n’avaient pas été notifiées dans les délais requis. Le tribunal a constaté que, bien que l’administration ait respecté le délai de remise, elle n’avait pas correctement notifié son avocat. En conséquence, l’appel a été déclaré caduque, entraînant des condamnations aux dépens et au paiement de frais de justice à M. [C].
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Contexte de l’AffaireL’administration fiscale a interjeté appel d’un jugement rendu par le tribunal judiciaire de Paris le 30 janvier 2024, qui annulait une décision de rejet de la direction nationale des vérifications et situations fiscales. Ce jugement ordonnait également le dégrèvement d’un montant de 47 709 euros au titre des impôts de solidarité sur la fortune et condamnait la direction régionale des finances publiques d’Ile-de-France à payer 2 000 euros à M. [P] [C]. Procédures SuivantesAprès l’appel interjeté le 18 mars 2024, un avis a été adressé à l’avocat de l’administration fiscale le 30 avril 2024, et la signification de cet appel a été effectuée le 21 mai 2024. M. [C] a constitué avocat le 13 juin 2024, et l’administration fiscale a remis ses conclusions d’appel le 17 juin 2024. Cependant, ces conclusions ont été signifiées à M. [C] par un acte de commissaire de justice le 9 juillet 2024, à une adresse erronée. Arguments de M. [C]Dans ses conclusions d’incident remises le 2 août 2024, M. [C] a demandé la caducité de l’appel de l’administration fiscale, arguant que celle-ci n’avait pas notifié ses conclusions à son avocat dans le délai imparti. Il a également souligné que la signification des conclusions à son ancienne adresse était inappropriée, et que l’appel lui imposait des frais supplémentaires. Décision du TribunalLe tribunal a examiné les dispositions du code de procédure civile concernant les délais de notification des conclusions. Il a constaté que l’administration fiscale avait respecté le délai pour remettre ses conclusions, mais n’avait pas notifié celles-ci à l’avocat de M. [C] dans le délai requis après sa constitution. En conséquence, la déclaration d’appel a été déclarée caduque. Conséquences de la DécisionL’administration fiscale, considérée comme partie perdante, a été condamnée aux dépens de la procédure d’appel et à verser 1 200 euros à M. [C] au titre des frais de justice. La décision a été rendue par le magistrat en charge de la mise en état, avec notification aux parties concernées. |
Q/R juridiques soulevées :
Quelle est la portée de l’article 908 du code de procédure civile concernant le délai de remise des conclusions d’appel ?L’article 908 du code de procédure civile, dans sa version issue du décret 2017-891 du 6 mai 2017, stipule : « À peine de caducité de la déclaration d’appel, relevée d’office, l’appelant dispose d’un délai de trois mois à compter de la déclaration d’appel pour remettre ses conclusions au greffe. » Cela signifie que l’appelant, en l’occurrence l’administration fiscale, doit impérativement remettre ses conclusions dans un délai de trois mois suivant la déclaration d’appel, sous peine de voir celle-ci déclarée caduque. Dans le cas présent, l’administration fiscale a interjeté appel le 18 mars 2024. Elle devait donc remettre ses conclusions au greffe au plus tard le 18 juin 2024. Elle a respecté ce délai en remettant ses conclusions le 17 juin 2024, ce qui, en soi, ne constitue pas une cause de caducité. Cependant, la question de la notification de ces conclusions à l’avocat de M. [C] est cruciale pour la validité de l’appel. Quelles sont les conséquences de la non-notification des conclusions d’appel à l’avocat constitué selon l’article 911 du code de procédure civile ?L’article 911, premier alinéa, du code de procédure civile, dans sa version issue du décret 2017-891 du 6 mai 2017, dispose : « Sous les sanctions prévues aux articles 905-2 et 908 à 910, les conclusions sont notifiées aux avocats des parties dans le délai de leur remise au greffe de la cour. Sous les mêmes sanctions, elles sont signifiées au plus tard dans le mois suivant l’expiration des délais prévus à ces articles aux parties qui n’ont pas constitué avocat ; cependant, si, entre-temps, celles-ci ont constitué avocat avant la signification des conclusions, il est procédé par voie de notification à leur avocat. » Dans cette affaire, M. [C] a constitué avocat le 13 juin 2024, ce qui a modifié la procédure de notification des conclusions d’appel. L’administration fiscale, ayant omis de notifier ses conclusions à l’avocat de M. [C] dans le délai imparti, a donc manqué à ses obligations. Cette omission entraîne la caducité de la déclaration d’appel, car la notification à l’avocat est une condition essentielle pour la validité de l’appel. Quels articles du code de procédure civile régissent les dépens et les frais d’instance dans cette affaire ?Les articles pertinents concernant les dépens et les frais d’instance sont les articles 696 et 700 du code de procédure civile. L’article 696 stipule : « La partie perdante est condamnée aux dépens. » Cela signifie que l’administration fiscale, en tant que partie perdante dans cette instance, est tenue de supporter les dépens de la procédure d’appel. De plus, l’article 700 précise : « Le juge peut condamner la partie perdante à payer à l’autre partie une somme au titre des frais exposés non compris dans les dépens. » Dans ce cas, le magistrat a condamné l’État à verser à M. [C] la somme de 1 200 euros au titre de l’article 700, en reconnaissance des frais qu’il a engagés dans le cadre de cette procédure. Ainsi, l’administration fiscale est non seulement responsable des dépens, mais également des frais supplémentaires engagés par M. [C] en raison de la procédure d’appel. |
Pôle 5 – Chambre 10
N° RG 24/05666 – N° Portalis 35L7-V-B7I-CJERR
Nature de l’acte de saisine : Déclaration d’appel valant inscription au rôle
Date de l’acte de saisine : 18 Mars 2024
Date de saisine : 27 Mars 2024
Nature de l’affaire : Demande en décharge ou en réduction des droits d’enregistrement portant sur des actes et mutations à titre onéreux
Décision attaquée : n° 22/04285 rendue par le TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de [Localité 2] le 30 Janvier 2024
Appelant :
Monsieur LE DIRECTEUR RÉGIONAL DES FINANCES PUBLIQUES D’ILE DE FRANCE Le Directeur Régional des Finances Publiques d’Ile de France et du département de Paris qui élit domicile en ses bureaux du Pôle Fiscal Parisien 1, Pôle Juridictionnel Judiciaire, situés [Adresse 1], représenté par Me Guillaume MIGAUD, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque : PC129 – N° du dossier 20240193
Intimé :
Monsieur [P] [C], représenté par Me Emmanuel JARRY de la SELARL RAVET & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0209 – N° du dossier EJ.10655
ORDONNANCE SUR INCIDENT
DEVANT LE MAGISTRAT CHARGÉ DE LA MISE EN ÉTAT
(n° , 3 pages)
Nous, Solène LORANS, magistrat en charge de la mise en état,
Assistée de Sonia JHALLI, greffière,
Par déclaration remise au greffe le 18 mars 2024, l’administration fiscale a interjeté appel du jugement du tribunal judiciaire de Paris du 30 janvier 2024 ayant statué comme suit dans le litige l’opposant à M. [P] [C] :
« ANNULE la décision de rejet du 2 février 2022 prise par la direction nationale des vérifications et situations fiscales ;
ORDONNE en conséquence le dégrèvement des rappels d’impôts de solidarité sur la fortune pour un montant de 47 709 euros ;
CONDAMNE la direction régionale des finances publiques d’Ile-de-France et de [Localité 2] aux dépens, qui pourront être recouvrés selon les dispositions de l’article 699 du code de procédure civile ainsi qu’à payer à M. [P] [C] la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile. »
A défaut de constitution d’avocat par M. [C], un avis d’avoir à lui signifier la déclaration d’appel a été adressé à l’avocat de l’administration fiscale par le greffe le 30 avril 2024. Cette signification a été effectuée le 21 mai 2024.
M. [C] a constitué avocat le 13 juin 2024.
L’administration fiscale a remis ses conclusions d’appel au greffe le 17 juin 2024.
Par acte de commissaire de justice du 9 juillet 2024, l’administration fiscale a fait signifier ces conclusions à M. [C] suivant les modalités de l’article 659 du code de procédure civile.
Par conclusions d’incident remises au greffe le 2 août 2024, M. [C] demande au conseiller de la mise en état de :
« Vu les dispositions de l’article 911 du code de procédure civile :
– Déclarer caduc l’appel formé le 18 mars 2024 par le Directeur Régional des Finances Publiques d’Ile de France et du département de [Localité 2], désormais la Directrice Régionale des Finances Publiques d’Ile de France et du département de [Localité 2] ;
– Condamner la Directrice Régionale des Finances Publiques d’Ile de France et du département de [Localité 2] à payer à Monsieur [C] la somme de 3.000 € en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
– La condamner aux dépens. »
M. [C] fait notamment valoir que :
– il a constitué avocat le 13 juin 2024, par acte remis au greffe et notifié à l’avocat de l’administration fiscale, laquelle n’a pas notifié à son avocat ses conclusions remises au greffe le 17 juin 2024 dans le délai de remise au greffe ;
– l’appelante lui a fait signifier à tort ses conclusions par acte de commissaire de justice du 9 juillet 2024, au demeurant à son ancienne adresse, alors qu’il avait constitué avocat et indiqué dans cet acte sa nouvelle adresse, cette signification ne permettant pas la régularisation de l’omission de notification à l’avocat constitué de l’intimé, qui devait être faite au plus tard le 18 juin 2024 ;
– l’appel l’expose à de nouveaux frais non compris dans les dépens.
L’administration fiscale n’a pas conclu en réponse à l’incident.
L’incident a été appelé à l’audience du 9 décembre 2024 et mis en délibéré au 20 janvier 2025.
Aux termes de l’article 908 du code de procédure civile, dans sa version issue du décret 2017-891 du 6 mai 2017 :
« A peine de caducité de la déclaration d’appel, relevée d’office, l’appelant dispose d’un délai de trois mois à compter de la déclaration d’appel pour remettre ses conclusions au greffe. »
L’article 911, premier alinéa, de ce code, dans sa version issue du décret 2017-891 du 6 mai 2017, dispose :
« Sous les sanctions prévues aux articles 905-2 et 908 à 910, les conclusions sont notifiées aux avocats des parties dans le délai de leur remise au greffe de la cour. Sous les mêmes sanctions, elles sont signifiées au plus tard dans le mois suivant l’expiration des délais prévus à ces articles aux parties qui n’ont pas constitué avocat ; cependant, si, entre-temps, celles-ci ont constitué avocat avant la signification des conclusions, il est procédé par voie de notification à leur avocat. »
En l’espèce, la déclaration d’appel de l’administration fiscale datant du 18 mars 2024, celle-ci devait remettre ses conclusions d’appel au greffe avant le 18 juin 2024 en vertu de l’article 908 du code de procédure civile, ce qu’elle a fait dans le délai imparti le 17 juin 2024.
Dès lors que M. [C] avait constitué avocat entre-temps, par acte remis au greffe et notifié à l’avocat de l’administration fiscale le 13 juin 2024, dans le délai prévu à cet article 908, cette dernière aurait dû, en vertu de l’article 911, premier alinéa, de ce code, notifier à l’avocat de M. [C] ses conclusions d’appel dans le même délai, sous peine de caducité de sa déclaration d’appel.
Du fait de cette constitution d’avocat, l’administration fiscale ne peut se prévaloir de la signification de ses conclusions d’appel à ce dernier, intervenue le 9 juillet 2024.
Conformément à ces dispositions, sa déclaration d’appel sera donc déclarée caduque.
L’administration fiscale, partie perdante, sera condamnée aux dépens de la procédure d’appel en vertu de l’article 696 du code de procédure civile et condamnée à payer à M. [C] la somme de 1 200 euros au titre de l’article 700 de ce code.
Le magistrat en charge de la mise en état
Déclare caduque la déclaration d’appel de l’administration fiscale faite le 18 mars 2024 ;
Condamne l’Etat à verser à M. [P] [C] la somme de 1 200 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamne l’Etat aux dépens de la procédure d’appel.
Ordonnance rendue par Solène LORANS, magistrat en charge de la mise en état assistée de Sonia JHALLI, greffière présente lors du prononcé de l’ordonnance au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
Paris, le 20 Janvier 2025
La greffière Le magistrat en charge de la mise en état
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