L’Essentiel : Le 4 octobre 2023, le conseil de prud’hommes de Montmorency a jugé que les contrats à durée déterminée de M. [P] étaient conformes à la loi, le déboutant de ses demandes. M. [P] a interjeté appel le 19 octobre 2023. Le 20 juin 2024, la cour a constaté la caducité de son appel, condamnant M. [P] aux dépens. Cependant, le 27 juin 2024, il a demandé un déféré pour contester cette décision. La cour a finalement infirmé l’ordonnance de caducité, considérant que la sanction était excessive, et a renvoyé l’affaire à la mise en état pour poursuivre la procédure.
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Jugement du Conseil de Prud’hommesLe 4 octobre 2023, le conseil de prud’hommes de Montmorency a rendu un jugement concernant M. [P]. Ce jugement a déclaré que les contrats à durée déterminée signés par M. [P] étaient conformes à la loi. M. [P] a été débouté de toutes ses demandes, tout comme la SAS Snap on equipment France de sa demande reconventionnelle. Les dépens ont été laissés à la charge de chaque partie. Interjection d’AppelM. [P] a interjeté appel de ce jugement par une déclaration adressée au greffe de la cour d’appel de Versailles le 19 octobre 2023. Ordonnance de CaducitéLe 20 juin 2024, le conseiller de la mise en état de la cour d’appel a constaté la caducité de la déclaration d’appel de M. [P] et a décidé qu’il n’y avait pas lieu d’écarter cette caducité. M. [P] a été condamné aux dépens d’appel, avec la possibilité de faire un déféré dans les quinze jours suivant cette ordonnance. Demande de DéféréLe 27 juin 2024, M. [P] a déposé une requête aux fins de déféré, demandant à la cour d’infirmer la décision de caducité de son appel. Conclusions de la SAS Snap on Equipment FranceLe 27 novembre 2024, la société Snap on equipment France a déposé des conclusions demandant la confirmation de l’ordonnance de caducité et le déboutement de M. [P] de toutes ses demandes. Rappels LégislatifsL’article 908 du code de procédure civile stipule qu’un appelant doit remettre ses conclusions au greffe dans un délai de trois mois pour éviter la caducité de sa déclaration d’appel. L’article 930-1 précise que les actes de procédure doivent être remis par voie électronique, sauf impossibilité. Circonstances de l’AffaireM. [P] a fait parvenir ses conclusions au greffe le 5 janvier 2024, avant l’expiration du délai. Cependant, le greffe n’a pas enregistré cet envoi, ce qui a conduit à un avis de caducité. La confusion a été exacerbée par un changement de numéro de chambre au sein de la cour d’appel. Décision de la Cour d’AppelLa cour a jugé que la caducité de l’appel constituerait une sanction excessive et contraire à l’équité, étant donné que l’intimée avait bien reçu les conclusions dans les délais. En conséquence, la cour a infirmé l’ordonnance de caducité, déclarant que la déclaration d’appel de M. [P] n’était pas caduque et renvoyant l’affaire à la mise en état pour la poursuite de la procédure au fond. |
Q/R juridiques soulevées :
Quelle est la portée de l’article 908 du code de procédure civile concernant la caducité de la déclaration d’appel ?L’article 908 du code de procédure civile stipule que « à peine de caducité de la déclaration d’appel, relevée d’office, l’appelant dispose d’un délai de trois mois à compter de la déclaration d’appel pour remettre ses conclusions au greffe. » Ce texte impose un formalisme strict à l’appelant, qui doit s’assurer que ses conclusions soient effectivement remises au greffe dans le délai imparti. En l’espèce, M. [P] a interjeté appel le 19 octobre 2023 et devait donc remettre ses conclusions au plus tard le 19 janvier 2024. Cependant, la question de la réception effective de ces conclusions par le greffe est cruciale. Si l’appelant a respecté le délai, mais que le greffe n’a pas enregistré la réception, cela peut soulever des questions sur l’application de la caducité. Comment l’article 930-1 du code de procédure civile s’applique-t-il à la remise des actes de procédure ?L’article 930-1 du code de procédure civile précise que « à peine d’irrecevabilité relevée d’office, les actes de procédure sont remis à la juridiction par voie électronique. » Cet article établit que la transmission des actes doit se faire principalement par voie électronique, sauf impossibilité pour des raisons étrangères à l’expéditeur. Dans le cas où un acte ne peut être transmis électroniquement, il doit être remis sur support papier. Il est également précisé que la déclaration d’appel doit être remise en autant d’exemplaires qu’il y a de parties destinataires, plus deux. Dans cette affaire, bien que M. [P] ait envoyé ses conclusions par voie électronique, le greffe n’a pas enregistré leur réception, ce qui a conduit à la question de la caducité de l’appel. Quelles sont les implications de la jurisprudence sur le formalisme excessif en matière de procédure ?La jurisprudence rappelle que le formalisme excessif peut violer les droits des parties, notamment en vertu de l’article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales. Cette disposition garantit le droit à un procès équitable, ce qui implique que les règles de procédure ne doivent pas être appliquées de manière à porter atteinte à ce droit. Dans l’affaire en question, la cour a constaté que le conseil de l’appelant avait été trompé par un changement d’adresse électronique dû à la modification de la numérotation des chambres. La cour a donc jugé que la caducité de l’appel constituerait une sanction disproportionnée et a décidé d’infirmer l’ordonnance de caducité. Quelles sont les conséquences de la décision de la cour d’appel sur la procédure en cours ?La cour d’appel a décidé d’infirmer l’ordonnance de caducité et a déclaré que la déclaration d’appel de M. [P] n’est pas caduque. Cela signifie que l’affaire sera renvoyée à la mise en état pour la poursuite de la procédure au fond. Cette décision permet à M. [P] de continuer à faire valoir ses droits sans être pénalisé par un formalisme excessif. En outre, la cour a laissé les dépens du présent déféré à la charge de M. [P], ce qui est une pratique courante dans ce type de décisions. Ainsi, la cour a veillé à respecter les droits des parties tout en maintenant l’intégrité de la procédure. |
DE
VERSAILLES
Code nac : 80O
Chambre sociale 4-4
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 29 JANVIER 2025
N° RG 24/01933
N° Portalis DBV3-V-B7I-WTIR
AFFAIRE :
[Z] [P]
C/
Société SNAP-ON EQUIPMENT FRANCE
Décision déférée à la cour : Ordonnance rendue le 20 juin 2024 par la Cour d’Appel de VERSAILLES
Chambre : 4-1
N° RG : 23/02935
Copies délivrées à :
Me Katia BENCHETRIT
Me Martine DUPUIS
le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE VINGT-NEUF JANVIER DEUX MILLE VINGT CINQ,
La cour d’appel de Versailles, a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :
Monsieur [Z] [P]
né le 19 janvier 1967 à [Localité 6]
de nationalité française
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentant : Me Katia BENCHETRIT de la SCP BENCHETRIT FRAYSSINHES, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0239
DEMANDEUR A LA REQUETE EN DEFERE
****************
Société SNAP-ON EQUIPMENT FRANCE
N° SIRET : 552 083 420
[Adresse 1]
[Adresse 1]
[Localité 4]
Plaidant : Me Philippe THOMAS du PARTNERSHIPS DECHERT (Paris) LLP, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : J096
Représentant : Me Martine DUPUIS de la SELARL LX PARIS- VERSAILLES- REIMS, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire: 625
DEFENDERESSE A LA REQUETE EN DEFERE
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 11 décembre 2024 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Aurélie PRACHE, Présidente chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Aurélie PRACHE, Présidente,
Monsieur Laurent BABY, Conseiller,
Madame Nathalie GAUTIER, Conseillère,
Greffier, lors des débats : Madame Anne REBOULEAU,
Greffier lors du délibéré : Madame Dorothée MARCINEK,
Par jugement du 4 octobre 2023, notifié aux parties le 9 octobre 2023, le conseil de prud’hommes de Montmorency (section encadrement) a :
. dit que les contrats à durée déterminée signés par M. [P] sont conformes à la loi ;
. débouté M. [P] de toutes ses demandes ;
. débouté la SAS Snap on equipment France de sa demande reconventionnelle ;
. laissé à chacune des parties la charge de ses propres dépens éventuels.
Par déclaration adressée au greffe de la cour d’appel de Versailles le 19 octobre 2023, M. [P] a interjeté appel de ce jugement.
Par ordonnance du 20 juin 2024, le conseiller de la mise en état de la cour d’appel de Versailles a :
. constaté la caducité de la déclaration d’appel du 19 octobre 2023 ;
. dit qu’il n’y a pas lieu d’écarter cette caducité ;
. condamné M. [Z] [P] aux entiers dépens d’appel.
. rappelé que la présente ordonnance peut faire l’objet d’un déféré à la cour dans les quinze jours de sa date.
Par requête aux fins de déféré du 27 juin 2024, à laquelle il est expressément renvoyé pour l’énoncé complet des moyens, M. [P] demande à la cour de :
. infirmer la décision déférée et de juger qu’il n’y a pas lieu de prononcer la caducité de l’appel.
Par conclusions remises à la cour le 27 novembre 2024, le défendeur au déféré, la société Snap on equipment France, demande à la cour de :
. confirmer l’ordonnance déférée du 22 juin 2024 en toutes ses dispositions ;
En conséquence :
. débouter M. [P] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions
. condamner M. [P] aux dépens de l’instance en déféré.
L’article 908 du code de procédure civile prescrit qu’à peine de caducité de la déclaration d’appel, relevée d’office, l’appelant dispose d’un délai de trois mois à compter de la déclaration d’appel pour remettre ses conclusions au greffe.
L’article 930-1 prévoit qu’à peine d’irrecevabilité relevée d’office, les actes de procédure sont remis à la juridiction par voie électronique. Lorsqu’un acte ne peut être transmis par voie électronique pour une cause étrangère à celui qui l’accomplit, il est établi sur support papier et remis au greffe ou lui est adressé par lettre recommandée avec demande d’avis de réception. En ce cas, la déclaration d’appel est remise ou adressée au greffe en autant d’exemplaires qu’il y a de parties destinataires, plus deux. La remise est constatée par la mention de sa date et le visa du greffier sur chaque exemplaire, dont l’un est immédiatement restitué.
Lorsque la déclaration d’appel est faite par voie postale, le greffe enregistre l’acte à la date figurant sur le cachet du bureau d’émission et adresse à l’appelant un récépissé par tout moyen.
Les avis, avertissements ou convocations sont remis aux avocats des parties par voie électronique, sauf impossibilité pour cause étrangère à l’expéditeur.
Un arrêté du garde des sceaux définit les modalités des échanges par voie électronique.
Fait preuve d’un formalisme excessif et viole les articles les articles 954 et 961 du code de procédure civile et 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, la cour d’appel qui retient que les conclusions, qui adressaient les demandes au tribunal de grande instance, ne la saisissaient d’aucune demande, alors que ces conclusions avaient été régulièrement transmises à la cour d’appel et contenaient une demande de réformation du jugement, la référence erronée au tribunal de grande instance relevant d’une simple erreur matérielle affectant uniquement l’en-tête des conclusions et portant sur une mention non exigée par la loi (2e Civ., 3 octobre 2024, pourvoi n° 22-16.223, publié).
En l’espèce, l’appelant ayant relevé appel le 19 octobre 2023, et disposant d’un délai de trois mois pour conclure, il devait remettre ses conclusions au greffe le 19 janvier 2024 au plus tard.
Le 5 janvier 2024, c’est-à-dire avant l’expiration du délai susvisé, le conseil de l’appelant a adressé ses conclusions au greffe de la 25ème chambre chargée de la mise en état pour les chambres sociales de la cour. Sa pièce 1 montre en effet qu’un envoi a été adressé au greffe le 5 janvier 2024 avec pour intitulé « 1ère conclusions appelant ». Ce message d’une taille de 355 KB, comportait en outre une pièce jointe portant pour intitulé « ZamSnaConc050124.pdf ». Il a été envoyé à l’adresse suivante : « [Courriel 5] ».
L’appelant a, le même jour, adressé ses conclusions à la société intimée. Cette dernière, qui ne conteste pas les avoir réceptionnées, considère cependant que l’appelant aurait dû s’assurer de recevoir l’accusé de réception de son envoi à la cour d’appel et qu’en ne procédant pas à un nouvel envoi électronique de ses conclusions ou à une remise sur support papier auprès du greffe de la cour d’appel, il a manqué de vigilance.
Le 22 janvier 2024, le conseiller de la mise en état de la chambre 4-1 « nouveau numéro de la 25ème chambre par suite de la modification de l’ordonnance de roulement de la cour d’appel changeant la numérotation des chambres civiles, sociales et commerciale » a adressé à l’appelant un avis préalable à la caducité de la déclaration d’appel, expliquant qu’aucune « conclusion n’apparaissait avoir été remise au greffe » dans le délai de l’article 908, ce dont il se déduit que, contrairement à ce que croyait le conseil de l’appelant, le message qu’il avait adressé au greffe le 5 janvier 2024 à « [Courriel 5] » n’avait en réalité pas été réceptionné par le greffe, alors qu’il a bien été réceptionné par le conseil de l’intimée (cf pièce 1 du demandeur au déféré).
Le conseil de l’appelant a pu être trompé, en adressant son message au greffe de la 25ème chambre, par le fait que le numéro de cette chambre venait de changer pour devenir la chambre 4-1, ce qui a eu pour effet de modifier l’adresse courriel de cette chambre et de générer un avis de non-réception par une chambre qui avait été supprimée, dont il ne peut pas être reproché au demandeur au déféré de ne pas le produire.
Au surplus, la cour relève que le conseil de l’appelant est inscrit au barreau de Paris et il n’est pas établi que ce dernier lui ait communiqué le nouveau numéro de la chambre de mise en état commune aux chambres sociales de la cour d’appel de Versailles.
D’une part, le caractère exceptionnel de ces circonstances explique la méprise du conseil de l’appelant, lequel doit être tenu comme ayant satisfait à son obligation de remettre au greffe, dans les trois mois de sa déclaration d’appel, ses conclusions.
D’autre part, la cour relevant que l’intimée a été rendu destinataire des conclusions dans les délais prescrits par l’article 908, la caducité de l’appel constituerait une sanction procédant d’un formalisme excessif dans l’application de règles de procédure susceptible de porter atteinte à l’équité de la procédure.
Il convient en conséquence d’infirmer l’ordonnance du conseiller de la mise en état et, statuant à nouveau, de dire que la déclaration d’appel n’est pas caduque.
Statuant publiquement et par arrêt contradictoire, la cour :
INFIRME l’ordonnance entreprise,
Statuant à nouveau et y ajoutant,
ECARTE la sanction de caducité de la déclaration d’appel,
DIT que la déclaration d’appel de M. [P] n’est pas caduque,
RENVOIE l’affaire à la mise en état pour poursuite de la procédure au fond,
DÉBOUTE les parties de leurs demandes autres, plus amples, ou contraires,
LAISSE les dépens du présent déféré à la charge de M. [P].
. prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
. signé par Madame Aurélie Prache, Présidente et par Madame Dorothée Marcinek, Greffière, à qui la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La Greffière La Présidente
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