Type de juridiction : Cour administrative d’appel
Juridiction : CAA de Paris
Thématique : Taxe sur les éditeurs : CSTAR déboutée
→ RésuméLa société CSTAR a sollicité la décharge de sa taxe sur les éditeurs de services de télévision pour les années 2014 et 2015, s’élevant à près de 800 000 euros. Selon l’article L. 115-7 du code du cinéma, la taxe est due par les éditeurs sur les sommes perçues des annonceurs, même si une partie est reversée aux régisseurs de publicité. Le Conseil constitutionnel a précisé que les éditeurs ne doivent pas être imposés sur des revenus qu’ils ne perçoivent pas. La loi du 28 décembre 2017 a prévu le remboursement de la taxe pour les sommes non reversées aux éditeurs.
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La société CSTAR a demandé en vain la décharge de sa taxe sur les éditeurs et distributeurs de services de télévision acquittée au titre des années 2014 et 2015 (près de 800 000 euros).
L’article
L. 115-7 du code du cinéma tel qu’interprété par la décision n° 2017-669 QPC du
27 octobre 2017 du Conseil constitutionnel laisse à la charge des éditeurs de
télévision la taxe assise sur les sommes perçues des annonceurs et parrains,
même si une partie en est reversée par la suite aux régisseurs de publicité et
de parrainage, alors que les sommes perçues par ces derniers et conservés par
eux est exclue de la base taxable au nom des éditeurs.
Une
telle différence, qui ne procède pas de la loi fiscale, laquelle soumet à la
taxe toutes les sommes dont les contribuables ont eu la disposition, trouve son
origine dans les différentes modalités de gestion des régies de publicité
choisies par les éditeurs et leurs régisseurs. Le législateur, qui a entendu
établir une imposition sur le montant des recettes disponibles, a en outre, en
ne prenant pas en compte les montants réels, qui peuvent différer selon les
cas, de charges déductibles de ces recettes et correspondant à des reversements
consentis à des tiers, établi une règle à partir de critères objectifs et
rationnels et conforme aux buts recherchés. Il suit de là que le législateur
n’a méconnu à cet égard ni le principe constitutionnel d’égalité devant la loi,
ni le principe d’égalité devant les charges publiques en fonction des capacités
contributives.
Pas de rupture du principe d’égalité
Le
principe d’égalité ne s’oppose ni à ce que le législateur règle de façon
différente des situations différentes, ni à ce qu’il déroge à l’égalité pour
des raisons d’intérêt général, pourvu que, dans l’un et l’autre cas, la
différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l’objet de
la loi qui l’établit. Par ailleurs, en vertu de l’article 34 de la Constitution,
il appartient au législateur de déterminer, dans le respect des principes
constitutionnels et compte tenu des caractéristiques de chaque impôt, les
règles selon lesquelles doivent être appréciées les facultés contributives. En
particulier, pour assurer le respect du principe d’égalité, il doit fonder son
appréciation sur des critères objectifs et rationnels en fonction des buts
qu’il se propose. Cette appréciation ne doit cependant pas entraîner de rupture
caractérisée de l’égalité devant les charges publiques. L’exigence de prise en
compte des facultés contributives, qui résulte du principe d’égalité devant les
charges publiques, implique qu’en principe, lorsque la perception d’un revenu
ou d’une ressource est soumise à une imposition, celle-ci doit être acquittée
par celui qui dispose de ce revenu ou de cette ressource. S’il peut être dérogé
à cette règle, notamment pour des motifs de lutte contre la fraude ou l’évasion
fiscale, de telles dérogations doivent être adaptées et proportionnées à la
poursuite de ces objectifs.
Rappel sur la taxe sur les éditeurs de
télévision
La
taxe [sur les éditeurs de télévision] est assise sur le montant hors taxe sur
la valeur ajoutée :1° Pour les éditeurs de services de télévision, au titre de
chacun des services de télévision édités :a) Des sommes versées par les
annonceurs et les parrains, pour la diffusion de leurs messages publicitaires
et de parrainage y compris sur les services de télévision de rattrapage, aux
redevables concernés ou aux régisseurs de messages publicitaires et de
parrainage. Ces sommes font l’objet d’un abattement forfaitaire de 4 %.
Par
une décision n° 2017-669 QPC du 27 octobre 2017, le Conseil constitutionnel a
jugé contraires à la Constitution les mots » ou aux régisseurs de messages
publicitaires et de parrainages » figurant au a) du 1° de l’article L.
115-7 précité du code du cinéma et de l’image animée en ce qu’ils avaient pour
effet de soumettre un contribuable à une imposition dont l’assiette peut
inclure des revenus dont il ne dispose pas.
Il
résulte des termes mêmes de la décision n° 2017-669 QPC du 27 octobre 2017 du
Conseil constitutionnel que ce dernier a entendu exclure que les éditeurs de
services de télévision soient assujettis au paiement d’une taxe assise sur des
sommes dont ils ne disposent pas.
L’article 37 de la loi du 28 décembre 2017 a pleinement pris en compte l’effet utile de cette décision pour les instances en cours ou à venir, en prévoyant le remboursement aux éditeurs de services de télévision de la taxe établie sur les sommes versée par les annonceurs et parrains à des personnes qui n’ont pas reversés ces sommes auxdits éditeurs. La société CSTAR ne pouvait valablement soutenir que le législateur aurait dû, en application de ladite décision du Conseil constitutionnel, prévoir la même règle en ce qui concerne la taxe établie sur les sommes encaissées par les éditeurs et reversées par la suite aux régisseurs de publicité et de parrainage, lesdits sommes ayant été mises à la disposition des éditeurs, quel que soit l’usage qu’ils en ont fait par la suite. Télécharger la décision
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