Bonne exécution du contrat d’édition

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Bonne exécution du contrat d’édition

L’Essentiel : Maître Ingrid-Mery HAZIOT a brillamment défendu un auteur face à un éditeur manquant à ses obligations contractuelles. La cession d’un fonds de commerce inclut la transmission des droits de propriété intellectuelle, permettant à l’auteur d’agir contre le cessionnaire en cas de manquement. L’éditeur est tenu de rendre compte annuellement des ventes et des exemplaires, mais a failli à cette obligation, ne fournissant que des informations insuffisantes. De plus, il a été condamné pour ne pas avoir assuré une exploitation continue des ouvrages, violant ainsi ses engagements contractuels et légaux.

Cession du fonds de commerce d’un éditeur

Maître Ingrid-Mery HAZIOT a remporté avec succès cette affaire en manquements d’un l’éditeur (cessionnaire d’un fonds de commerce) à ses différentes obligations. Premier apport de cette affaire, le cessionnaire d’un fonds de commerce reprend avec l’actif, l’ensemble des droits de propriété intellectuelle attachés au fonds y compris les contrats d’édition. En effet, par  dérogation au principe selon lequel les contrats ne rentrent pas dans la composition du fonds de commerce, l’article L. 132-16 du Code de la propriété intellectuelle (CPI) autorise la transmission du contrat d’édition même sans l’autorisation de l’auteur, dès lors que ce contrat est compris dans le transfert du fonds.  La cession du fonds a donc opéré, par voie de conséquence, le transfert de l’ensemble des droits et surtout obligations nés des contrats d’édition, de telle sorte que l’auteur est toujours recevable à agir contre le cessionnaire en cas de manquement.

Manquements à l’obligation de rendre compte

Sont dès lors applicables au cessionnaire, les dispositions de l’article L. 132-13 du code de la propriété intellectuelle dans sa version antérieure au 12 novembre 2014, en vertu duquel «l’éditeur est tenu de rendre compte. L’auteur pourra, à défaut de modalités spéciales prévues au contrat, exiger au moins une fois l’an la production par l’éditeur d’un état mentionnant le nombre d’exemplaires fabriqués en cours d’exercice et précisant la date et l’importance des tirages et le nombre des exemplaires en stock. Sauf usage ou conventions contraires, cet état mentionnera également le nombre des exemplaires vendus par l’éditeur, celui des exemplaires inutilisables ou détruits par cas fortuit ou force majeure, ainsi que le montant des redevances dues ou versées à l’auteur ». En outre, l’éditeur est tenu de fournir à l’auteur toutes justifications propres à établir l’exactitude de ses comptes.

Nonobstant les dispositions légales du CPI, l’éditeur était tenu par une obligation contractuelle de reddition de compte chaque année pour chacun des contrats conclus, laquelle obligation devait être exécutée spontanément et adressée, au moins pour les 5 premières années, à l’auteur.  Or, l’éditeur ne justifiait nullement du respect d’une communication spontanée des relevés de compte à l’auteur.

Rubriques de la reddition des comptes

En outre, les comptes communiqués en cours d’instance étaient  manifestement insuffisants dès lors qu’ils ne comportaient pour seules rubriques (outre le nom de l’auteur, son adresse, et le titre de l’ouvrage), que le pourcentage attribuée à l’auteur, le prix public de l’œuvre, le prix hors taxe, le nombre d’exemplaires, le « CA » (le chiffre d’affaires) et une rubrique intitulée « total des droits ».  Ces comptes ne comportaient aucune information sur le nombre d’exemplaires fabriqués en cours d’exercice, la date et l’importance des tirages et le nombre des exemplaires en stock, le nombre des exemplaires inutilisables ou détruits par cas fortuit ou force majeure. L’éditeur avait donc manqué à son obligation contractuelle de reddition des comptes.

Obligation de reddition des comptes après 2015

Piqure de rappel, aux termes de l’ordonnance n°2014-1348 du 12 novembre 2014, un article L. 132-17-3 a été ajouté au CPI, aux termes duquel «  L’éditeur est tenu pour chaque livre de rendre compte à l’auteur du calcul de sa rémunération de façon explicite et transparente. ; A cette fin, l’éditeur adresse à l’auteur, ou met à sa disposition par un procédé de communication électronique, un état des comptes mentionnant : i) Lorsque le livre est édité sous une forme imprimée, le nombre d’exemplaires fabriqués en cours d’exercice, le nombre des exemplaires en stock en début et enfin d’exercice, le nombre des exemplaires vendus par l’éditeur, le nombre des exemplaires hors droits et détruits au cours de l’exercice ; ii) Lorsque le livre est édité sous une forme numérique, les revenus issus de la vente à l’unité de chacun des autres modes d’exploitation du livre ; iii) Dans tous les cas, la liste des cessions de droits réalisées au cours de l’exercice, le montant des redevances correspondantes dues ou versées à l’auteur ainsi que les assiettes et les taux des différentes rémunérations prévues au contrat d’édition. Une partie spécifique de cet état des comptes est consacrée à l’exploitation du livre sous une forme numérique. La reddition des comptes est effectuée au moins une fois par an, à la date prévue au contrat ou, en l’absence de date, au plus tard six mois après l’arrêté des comptes.

Si l’éditeur n’a pas satisfait à son obligation de reddition des comptes selon les modalités et dans les délais prévus au I, l’auteur dispose d’un délai de six mois pour mettre en demeure l’éditeur d’y procéder. Lorsque cette mise en demeure n’est pas suivie d’effet dans un délai de trois mois, le contrat est résilié de plein droit.

Lorsque l’éditeur n’a satisfait, durant deux exercices successifs, à son obligation de reddition des comptes que sur mise en demeure de l’auteur, le contrat est résilié de plein droit dans les six mois qui suivent la seconde mise en demeure.

L’éditeur reste tenu, même en l’absence de mise en demeure par l’auteur, de respecter ses obligations légales et contractuelles de reddition des comptes. ».

Ces dispositions nouvelles issues de l’ordonnance du 12 novembre 2014 sont, en vertu de l’article 11 de cette même ordonnance, applicables aux contrats d’édition d’un livre conclus avant le 1er décembre 2014.

L’obligation d’exploitation permanente

L’éditeur a également été condamné au titre de l’arrêt fautif de l’exploitation des ouvrages de l’auteur (manquement manifeste à l’obligation d’assurer une exploitation permanente et suivie et une diffusion commerciale conformément aux usages de la profession). Un éditeur ne peut, quand bien même le contenu des nouveaux ouvrages serait proche, unilatéralement décider d’arrêter la commercialisation d’un ancien ouvrage aux motifs qu’il a conclu avec l’auteur des contrats plus récent portant sur de nouveaux ouvrages. En application de l’article L. 132-17-2, issu de l’ordonnance du 12 novembre 2014 :

« L’éditeur est tenu d’assurer une exploitation permanente et suivie du livre édité sous une forme imprimée ou sous une forme numérique ;

« La cession des droits d’exploitation sous une forme imprimée est résiliée de plein droit lorsque, après une mise en demeure de l’auteur adressée par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, l’éditeur ne satisfait pas dans un délai de six mois à compter de cette réception aux obligations qui lui incombent à ce titre. « Cette résiliation n’a pas d’effet sur la partie distincte du contrat d’édition relative à la cession des droits d’exploitation du livre sous une forme numérique. ».

Inexécution du contrat de directeur de collection

Toujours dans cette affaire, l’éditeur avait conclu avec l’auteur un contrat « de directeur de collection » aux termes duquel l’auteur avait pour mission de diriger une collection portant sur l’aspect commercial et la vie en entreprise pour le grand public. En contrepartie « des idées qu’il apportera et de son activité au bénéfice de la collection » le contrat stipulait que l’auteur- directeur de collection bénéficierait d’un intéressement proportionnel aux recettes provenant de l’exploitation des livres de la collection fixé à de 2% du prix public HT pour chaque exemplaire définitivement vendu des livres publiés.

Le contrat de directeur de collection s’apparente, non à un contrat de travail, mais à un contrat d’auteur spécifique aux termes duquel la rémunération du directeur est prévue sous forme de droits d’auteur, celui-ci ayant cédé à l’éditeur « l’ensemble des droits de reproduction, d’adaptation et de représentation afférents à ses contributions ». Ce faisant, ce contrat, comme les autres contrats d’édition, est cédé avec le transfert du fonds de commerce. Là aussi, l’éditeur avait manqué à ses obligations de rémunération. La résiliation de l’ensemble des contrats d’édition et contrats de cession des droits d’adaptation audiovisuelle a été prononcée.

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Q/R juridiques soulevées :

Quelles sont les implications de la cession d’un fonds de commerce pour un éditeur ?

La cession d’un fonds de commerce d’un éditeur implique le transfert de l’ensemble des droits de propriété intellectuelle associés, y compris les contrats d’édition. Selon l’article L. 132-16 du Code de la propriété intellectuelle (CPI), cette transmission peut se faire sans l’autorisation de l’auteur, tant que le contrat d’édition est inclus dans le transfert.

Cela signifie que le cessionnaire hérite non seulement des droits, mais aussi des obligations découlant des contrats d’édition. Par conséquent, l’auteur conserve le droit d’agir contre le cessionnaire en cas de manquement à ces obligations, ce qui souligne l’importance de la diligence dans la gestion des droits d’auteur.

En résumé, la cession d’un fonds de commerce entraîne des conséquences significatives pour les droits et obligations des parties impliquées, garantissant ainsi la protection des intérêts de l’auteur même après le transfert.

Quelles sont les obligations de l’éditeur en matière de reddition de comptes ?

L’éditeur est soumis à des obligations strictes en matière de reddition de comptes, notamment en vertu de l’article L. 132-13 du CPI. Cet article stipule que l’éditeur doit fournir à l’auteur un état des comptes au moins une fois par an, mentionnant des informations clés telles que le nombre d’exemplaires fabriqués, le nombre d’exemplaires vendus, et le montant des redevances dues.

En plus des exigences légales, l’éditeur avait une obligation contractuelle de rendre compte chaque année pour chaque contrat, ce qui devait être fait de manière spontanée, surtout durant les cinq premières années. Dans le cas présent, l’éditeur n’a pas respecté cette obligation, ne fournissant pas les relevés de compte nécessaires à l’auteur.

Cette situation met en lumière l’importance de la transparence et de la communication dans les relations contractuelles entre éditeurs et auteurs, afin d’assurer une gestion équitable des droits d’auteur.

Quelles sont les rubriques essentielles dans la reddition des comptes ?

Les rubriques essentielles dans la reddition des comptes doivent inclure des informations détaillées sur les ventes et l’exploitation des ouvrages. Selon les exigences, les comptes doivent comporter des éléments tels que le nombre d’exemplaires fabriqués, la date et l’importance des tirages, ainsi que le nombre d’exemplaires en stock.

Dans l’affaire mentionnée, les comptes fournis par l’éditeur étaient manifestement insuffisants. Ils ne contenaient que des informations limitées, comme le pourcentage attribué à l’auteur et le chiffre d’affaires, sans mentionner des données cruciales comme le nombre d’exemplaires inutilisables ou détruits.

Cette insuffisance constitue un manquement à l’obligation contractuelle de reddition des comptes, soulignant l’importance d’une documentation complète et précise pour garantir la transparence dans les relations entre éditeurs et auteurs.

Comment la reddition des comptes a-t-elle évolué après 2015 ?

Après 2015, des modifications significatives ont été apportées à la reddition des comptes des éditeurs, notamment avec l’ordonnance n°2014-1348 du 12 novembre 2014. Un nouvel article, L. 132-17-3, a été introduit, stipulant que l’éditeur doit rendre compte de manière explicite et transparente à l’auteur.

Les nouvelles exigences incluent des détails spécifiques sur le nombre d’exemplaires fabriqués, le stock, les ventes, et les revenus issus de la vente numérique. L’éditeur doit fournir ces informations au moins une fois par an, et en cas de non-respect, l’auteur peut mettre en demeure l’éditeur de s’exécuter.

Si l’éditeur ne répond pas dans un délai de trois mois, le contrat peut être résilié de plein droit. Ces changements visent à renforcer la protection des droits des auteurs et à garantir une plus grande transparence dans les relations contractuelles.

Quelles sont les obligations de l’éditeur en matière d’exploitation des ouvrages ?

L’éditeur a l’obligation d’assurer une exploitation permanente et suivie des ouvrages, conformément à l’article L. 132-17-2 du CPI. Cela signifie qu’il ne peut pas décider unilatéralement d’arrêter la commercialisation d’un ouvrage, même si de nouveaux contrats ont été signés pour d’autres ouvrages.

Cette obligation d’exploitation est cruciale pour garantir que les œuvres des auteurs continuent d’être disponibles sur le marché. En cas de manquement à cette obligation, l’auteur peut adresser une mise en demeure à l’éditeur, et si celui-ci ne s’exécute pas dans un délai de six mois, la cession des droits d’exploitation peut être résiliée de plein droit.

Ainsi, cette réglementation vise à protéger les intérêts des auteurs en assurant que leurs œuvres soient continuellement exploitées et diffusées.

Quelles sont les implications d’un contrat de directeur de collection pour un auteur ?

Un contrat de directeur de collection permet à un auteur de diriger une collection tout en bénéficiant d’un intéressement proportionnel aux recettes générées par les livres de cette collection. Dans le cas étudié, l’auteur devait recevoir 2% du prix public HT pour chaque exemplaire vendu.

Ce type de contrat est considéré comme un contrat d’auteur, et non comme un contrat de travail, ce qui signifie que la rémunération est versée sous forme de droits d’auteur. En cas de cession du fonds de commerce, ce contrat est également transféré au cessionnaire.

Cependant, si l’éditeur ne respecte pas ses obligations de rémunération, comme cela a été le cas dans cette affaire, cela peut entraîner la résiliation de tous les contrats d’édition et de cession des droits d’adaptation audiovisuelle, protégeant ainsi les droits de l’auteur.


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