L’Essentiel : Monsieur [G] [J] a signé un bail d’habitation le 3 juin 2016 pour un appartement au 3ème étage, avec un loyer initial de 4 050 euros. Un diagnostic énergétique a classé le logement en catégorie F. La SARL HM [F] a délivré un congé le 4 janvier 2023 pour travaux d’amélioration et a signifié un commandement de payer de 13 930,26 euros. Le 21 avril 2023, elle a assigné M. [E] [B] et Mme. [A] [D] pour obtenir le paiement de 18 527,89 euros et leur expulsion. Le tribunal a requalifié le bail en location nue et annulé le congé, le jugeant frauduleux.
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Constitution du bailMonsieur [G] [J] a signé un bail d’habitation le 3 juin 2016 avec M. [E] [B] et Mme. [A] [D] pour un appartement situé au 3ème étage de l’adresse [Adresse 2], avec un loyer initial de 4 050 euros et une provision sur charges de 250 euros. Diagnostic de performance énergétiqueUn diagnostic de performance énergétique effectué le 27 septembre 2022 a classé le logement en catégorie F, indiquant une faible performance énergétique. Congé et commandement de payerLa SARL HM [F] a délivré un congé pour motif légitime et sérieux le 4 janvier 2023, en raison des travaux nécessaires à l’amélioration de la performance énergétique, et a signifié un commandement de payer de 13 930,26 euros le 24 mars 2023. Assignation en justiceLe 21 avril 2023, la SARL HM [F] a assigné M. [E] [B] et Mme. [A] [D] devant le juge des contentieux de la protection pour obtenir le paiement de 18 527,89 euros, la constatation de la résiliation du bail, leur expulsion, et le paiement d’une indemnité d’occupation. Demandes de la SARL HM [F]Lors de l’audience du 16 octobre 2024, la SARL HM [F] a demandé l’irrecevabilité de la demande reconventionnelle des défendeurs, la condamnation solidaire au paiement de 30 338 euros pour arriéré locatif et dégradations, ainsi que la validation du congé. Réponse de M. [E] [B]M. [E] [B] a contesté la qualité à agir de la SARL HM [F], demandé la requalification du bail en location nue, et sollicité des indemnités pour divers préjudices, y compris des frais de déménagement et un préjudice moral. Comparution de Mme. [A] [D]Mme. [A] [D] n’a pas comparu ni été représentée lors de l’audience. Décision sur la qualité à agirLe tribunal a écarté la fin de non-recevoir soulevée par M. [E] [B], déclarant la SARL HM [F] recevable en ses demandes, en raison de sa qualité de propriétaire. Requalification du contrat de bailLe tribunal a requalifié le contrat de bail en bail de location nue, en raison de l’insuffisance du mobilier fourni, ne répondant pas aux exigences légales. Demande de paiement pour arriéré locatifM. [E] [B] a contesté le montant de l’arriéré locatif, mais sa demande de diminution de loyer a été jugée irrecevable, car il n’a pas saisi le juge dans le délai imparti. Indexation du loyerLa SARL HM [F] a été reconnue non fondée à réclamer des arriérés locatifs pour la période antérieure à la révision du loyer, en raison de l’absence de preuve de sa volonté d’appliquer cette révision. Dégradations locativesLe tribunal a constaté que les locataires avaient laissé le logement dans un état conforme à l’usage, sauf pour quelques réparations mineures, pour lesquelles la SARL HM [F] a été autorisée à demander une indemnité. Compensation avec le dépôt de garantieLe tribunal a ordonné la compensation entre les créances, en tenant compte du dépôt de garantie indûment perçu par la SARL HM [F]. Demandes reconventionnelles de M. [E] [B]Les demandes de M. [E] [B] pour indemnisation au titre du préjudice de jouissance et des frais de déménagement ont été partiellement acceptées, tandis que d’autres demandes ont été rejetées. Nullité du congéLe tribunal a annulé le congé délivré par la SARL HM [F], le jugeant frauduleux, car les travaux annoncés n’avaient pas été réalisés. Indemnités à verserLa SARL HM [F] a été condamnée à verser des indemnités à M. [E] [B] et Mme. [A] [D] pour divers préjudices, totalisant 11 551 euros. Compensation finaleAprès compensation des créances, M. [E] [B] et Mme. [A] [D] doivent verser 17 379,97 euros à la SARL HM [F]. Dépens et exécution provisoireLes défendeurs ont été condamnés aux dépens, et l’exécution provisoire du jugement a été ordonnée. |
Q/R juridiques soulevées :
Sur la qualité à agir de la SARL HM [F]La question de la qualité à agir de la SARL HM [F] est soulevée par M. [E] [B], qui conteste la légitimité de la demande de la bailleresse, arguant qu’elle n’est pas signataire du bail initial. Selon l’article 122 du code de procédure civile, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d’agir, tel le défaut de qualité. En l’espèce, il est établi que la SARL HM [F] est devenue propriétaire des lieux depuis le 23 juin 1999, comme le confirme l’attestation notariale produite. Ainsi, la SARL HM [F] dispose de la qualité à agir en tant que propriétaire, ce qui écarte la fin de non-recevoir soulevée par M. [E] [B]. La SARL HM [F] est donc déclarée recevable en ses demandes. Sur la requalification du contrat de bailM. [E] [B] demande la requalification du contrat de bail en bail de location nue, soutenant que l’appartement n’était pas meublé conformément aux exigences légales. L’article 25-4 de la loi du 6 juillet 1989 définit le logement meublé comme « un logement décent équipé d’un mobilier en nombre et en qualité suffisants pour permettre au locataire d’y dormir, manger et vivre convenablement ». Le décret n°2015-981 du 31 juillet 2015 précise le mobilier minimum requis pour qu’un logement soit considéré comme meublé. En l’espèce, l’inventaire annexé au contrat ne mentionne pas de mobilier suffisant, et les constatations faites lors de l’état des lieux de sortie montrent que le logement était dépourvu de mobilier. Ainsi, le bail est requalifié en contrat de location nue, ce qui a des conséquences sur les obligations des parties, notamment en matière de loyer et de charges. Sur l’arriéré locatif et les dégradations locativesLa SARL HM [F] réclame le paiement d’un arriéré locatif, tandis que M. [E] [B] conteste le montant en raison de la requalification du bail. L’article 7a) de la loi du 6 juillet 1989 impose au locataire de régler le loyer et les charges aux termes convenus. En l’espèce, le bail a été requalifié en bail non meublé, ce qui permet à M. [E] [B] de demander une diminution du loyer en raison de la surface réelle du logement, conformément à l’article 3-1 de la même loi. Cependant, M. [E] [B] n’a pas saisi le juge dans le délai de quatre mois suivant sa demande de diminution, rendant cette demande irrecevable. Concernant les dégradations locatives, l’article 7 c) de la loi du 6 juillet 1989 stipule que le locataire est responsable des dégradations survenues pendant la durée du contrat, sauf preuve du contraire. Il a été constaté que le logement a été rendu dans un état conforme à l’usage, à l’exception de quelques dégradations spécifiques, pour lesquelles la SARL HM [F] peut demander réparation. Sur la nullité du congéM. [E] [B] conteste la validité du congé délivré par la SARL HM [F], arguant qu’il est frauduleux et ne respecte pas les dispositions légales. L’article 15 de la loi du 6 juillet 1989 exige que le congé soit justifié par un motif légitime et sérieux, et qu’il respecte un délai de préavis de six mois. En l’espèce, le congé a été délivré sans respecter ce délai et sans preuve de l’intention réelle de réaliser les travaux mentionnés. Les éléments de preuve, notamment l’absence de travaux réalisés et les témoignages, montrent que la SARL HM [F] n’avait pas l’intention de procéder aux travaux, rendant le congé frauduleux et donc nul. Sur les demandes reconventionnelles de M. [E] [B]M. [E] [B] formule plusieurs demandes reconventionnelles, notamment pour préjudice de jouissance et remboursement de frais. L’article 6 de la loi du 6 juillet 1989 impose au bailleur de remettre un logement décent et d’assurer la jouissance paisible du locataire. Les désordres constatés, tels que les infiltrations d’air et l’inefficacité du chauffage, constituent un manquement aux obligations du bailleur. M. [E] [B] demande une indemnisation pour le préjudice de jouissance, qui est évalué à 1 000 euros, en raison des désagréments subis. Concernant le remboursement du coût du DPE, il est établi que le bailleur doit fournir ce diagnostic, et M. [E] [B] a engagé des frais pour le réaliser, ce qui justifie le remboursement de 300 euros. Sur les frais de déménagement et le préjudice moralM. [E] [B] demande le remboursement des frais de déménagement et une indemnisation pour préjudice moral. L’article 1231-1 du code civil prévoit que la mauvaise exécution d’un contrat peut donner lieu à des dommages et intérêts. Les frais de déménagement, justifiés par des documents, sont directement liés à la délivrance du congé frauduleux et doivent être remboursés à hauteur de 1 651 euros. Le préjudice moral, quant à lui, est également reconnu, et une indemnisation de 500 euros est accordée en raison de l’angoisse causée par la menace d’expulsion. Sur la compensation des créancesLa compensation des créances est régie par l’article 1347 du code civil, qui stipule que la compensation s’opère à due concurrence. En l’espèce, M. [E] [B] et Mme. [A] [D] sont redevables d’une somme d’arriéré locatif et de dégradations locatives, tandis que la SARL HM [F] doit restituer le dépôt de garantie. Après compensation, la somme due par M. [E] [B] et Mme. [A] [D] à la SARL HM [F] est déterminée, tenant compte des sommes dues et des remboursements à effectuer. Ainsi, le jugement ordonne la compensation des créances, et la SARL HM [F] est condamnée à verser des sommes à M. [E] [B] et Mme. [A] [D], tout en restant redevable d’un montant net après compensation. |
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]
[1] Copie conforme délivrée
le :
à :
Copie exécutoire délivrée
le : 30/01/25
à : Me Jérôme ORSI ; Madame [A] [D] ; Monsieur [E] [B]
Pôle civil de proximité
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PCP JCP fond
N° RG 23/03993 – N° Portalis 352J-W-B7H-CZZYU
N° MINUTE :
1-2025
JUGEMENT
rendu le jeudi 30 janvier 2025
DEMANDERESSE
S.A.R.L. SARL HM [F] prise en la personne de sa gérante Madame [L] [J], dont le siège social est sis [Adresse 1]
représentée par Me Jérôme ORSI, avocat au barreau de LYON, vestiaire : 680
DÉFENDEURS
Madame [A] [D], demeurant [Adresse 2]
ayant pour conseil Me Grégoire BERTROU, avocat au barreau de Paris, vestiaire : #J003
non comparante, ni représentée
Monsieur [E] [B], demeurant [Adresse 2]
ayant pour conseil Me Grégoire BERTROU, avocat au barreau de Paris, vestiaire : #J003
comparant en personne
COMPOSITION DU TRIBUNAL
Clara SPITZ, Juge, juge des contentieux de la protection
assistée de Antonio FILARETO, Greffier,
DATE DES DÉBATS
Audience publique du 16 octobre 2024
Délibéré le 30 janvier 2025
JUGEMENT
réputé contradictoire, en premier ressort, prononcé par mise à disposition le 30 janvier 2025 par Clara SPITZ, Juge assistée de Antonio FILARETO, Greffier
Décision du 30 janvier 2025
PCP JCP fond – N° RG 23/03993 – N° Portalis 352J-W-B7H-CZZYU
Suivant acte sous seing privé du 3 juin 2016, Monsieur [G] [J] a consenti à M. [E] [B] et à Mme. [A] [D] un bail d’habitation portant sur un appartement situé [Adresse 2], 3ème étage, moyennant le versement d’un loyer initial de 4 050 euros outre une provision sur charge de 250 euros.
Un diagnostic de performance énergétique a été réalisé le 27 septembre 2022 classant le logement en catégorie F.
La SARL HM [F] a fait délivrer à ses locataires un congé pour motif légitime et sérieux par acte de commissaire de justice 4 janvier 2023, au regard de l’ampleur des travaux d’amélioration de la performance énergétique du logement à réaliser, selon un rapport d’architecte daté du 15 novembre 2022.
Elle leur a également fait signifier un commandement de payer la somme de 13 930,26 euros par acte de commissaire de justice du 24 mars 2023.
Par acte de commissaire de justice en date du 21 avril 2023, la SARL HM [F] a fait assigner M. [E] [B] et Mme. [A] [D] devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de PARIS afin d’obtenir :
leur condamnation solidaire au paiement de la somme de 18 527,89 euros,le constat de la résiliation du bail intervenue le 19 juin 2023 par l’effet du congé,l’expulsion de M. [E] [B] et Mme. [A] [D], devenus occupants dans droit ni titre, avec au besoin, le concours de la force publique,leur condamnation au paiement d’une indemnité d’occupation mensuelle égale au montant du loyer et des charges jusqu’à libération effective des lieux,leur condamnation au paiement de la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.
Lors de l’audience du 16 octobre 2024 à laquelle l’affaire a été retenue, la SARL HM [F], représentée par son conseil, a déposé des conclusions qu’elle a soutenues oralement, aux termes desquelles elle demande :
d’écarter l’irrecevabilité soulevée par les défendeurs et par conséquent d’être déclarée recevable en ses demandes,de déclarer irrecevable la demande reconventionnelle de requalification du contrat de bail formée par les défendeurs en raison de la prescription, et à défaut, les débouter de cette demande,de les condamner solidairement au paiement de la somme de 30 338 euros au titre de l’arriéré locatif et des charges arrêté au 1er juin 2023 et des dégradations locatives,de valider le congé,subsidiairement, d’ordonner la compensation des créances réciproques,en tout état de cause, de condamner M. [E] [B] et Mme. [A] [D] à lui verser la somme de 6 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.
En premier lieu, la SARL HM [F] indique qu’elle rapporte la preuve qu’elle est désormais propriétaire de l’appartement litigieux, en produisant l’attestation de propriété afférente et dit ainsi avoir parfaitement qualité à agir. En deuxième lieu, elle oppose à la demande de requalification du contrat de bail formée par les défendeurs le délai de prescription triennal prévu à l’article 7-1 de la loi du 6 juillet 1989 estimant qu’il ne s’agit pas d’une défense au fond mais bien d’une demande reconventionnelle. En tout état de cause, elle estime que le bail signé portait bien sur un appartement meublé, comme en atteste, notamment, l’inventaire annexé au contrat. En troisième lieu, elle sollicite, au visa de l’article 7 de la loi du 6 juillet 1989, la condamnation des preneurs à lui verser la somme de 30 338 euros au titre de l’arriéré locatif et du coût des travaux de remise en état après déduction du montant du dépôt de garantie, eu égard au décompte locatif produit et à l’état des lieux de sorte dressé le 17 juillet 2023 faisait état d’un certain nombre de dégradations locatives.
M. [E] [B], comparant en personne, demande, à titre principal :
de déclarer les demandes formées par la SARL HM [F] irrecevables pour défaut d’intérêt et / ou de qualité à agir, A titre subsidiaire :
de requalifier le contrat de bail en bail de location nue,de prononcer la nullité du congé,de débouter la SARL HM [F] de l’intégralité de ses demandes,A titre reconventionnel, il demande de condamner la SARL HM [F] à leur verser les sommes suivantes :
24 112 euros au titre du préjudice causé par la sous-évaluation de la surface habitable,1 318 euros au titre du remboursement de l’augmentation du loyer qui n’était pas due,7 875 euros au titre du remboursement du solde du dépôt de garantie,2 000 euros au titre du préjudice lié au trouble de jouissance lié au manque d’isolation de l’appartement,300 euros au titre du remboursement de la réalisation du DPE,1 651 euros au titre du remboursement des frais de déménagement,42 120 euros au titre du surcoût de loyer,500 euros au titre de leur préjudice moral,En tout état de cause, il demande :
de condamner la SARL HM [F] aux entiers dépens,de la condamner à leur verser la somme de 9 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,de condamner la SARL HM [F] aux intérêts légaux à compter du 22 avril 2023 et d’ordonner la capitalisation des intérêts.
A titre principal, il soutient que la SARL HM [F] n’a pas qualité à agir car elle n’est pas signataire du bail qui a été conclu avec Monsieur [G] [P] et qu’ainsi, elle ne peut se prévaloir des stipulations contractuelles auxquelles elle est tiers.
A titre subsidiaire, il fait valoir, en application de l’article 25-4 de la loi du 6 juillet 1989 et du décret 2015-981 du 31 juillet 2015, que l’appartement qu’il a pris à bail avec Mme. [A] [D] n’était, en réalité, pas meublé et sollicite donc la requalification du contrat, soutenant que cette demande échappe au délai de prescription triennal en ce qu’il s’agit d’un moyen de défense au fond. Il demande, par conséquent, que la nullité du congé soit prononcée, et qu’en tout état de cause, il soit qualifié de frauduleux pour avoir été délivré en raison de la nécessité de réaliser des travaux sans intention véritable de les faire.
A titre reconventionnel, M. [E] [B] entend obtenir, sur le fondement de l’article 3-1 de la loi du 6 juillet 1989, la condamnation de la SARL HM [F] au paiement d’une somme de 24 112 euros compte-tenu de l’écart de 6,54% entre la surface réelle de l’appartement, non meublé et la surface mentionnée au contrat de bail. Il sollicite le remboursement du dépôt de garantie versé, déduction faite des frais de ramonage, en l’absence de preuve de l’état non conforme de l’appartement lors de l’état des lieux de sortie et en l’absence de réalisation de tout travaux de la part du propriétaire. Par ailleurs, il demande le remboursement de la somme de 1 318 euros au titre de l’indexation du loyer puisque la première demande faite à ce titre est intervenue tardivement au regard des dispositions de l’article 17-1 I. De la loi du 6 juillet 1989 et que la seconde demande se heurte aux dispositions de l’article 17-41 II de cette loi compte-tenu de la catégorie F dans laquelle est classée le logement.
Mme. [A] [D], bien que régulièrement assignée à personne physique, n’a pas comparu et ne s’est pas fait représenter.
La décision a été mise en délibéré par mise à disposition au greffe jusqu’à ce jour.
Selon l’article 472 du code de procédure civile, lorsque le défendeur ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond, le juge ne fait droit à la demande que s’il l’estime régulière, recevable et bien fondée.
SUR LA FIN-DE-NON RECEVOIR TIRÉE DU DÉFAUT DE QUALITÉ À AGIR
Constitue une fin de non-recevoir, selon l’article 122 du code de procédure civile, tout moyen qui tend à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d’agir, tel le défaut de qualité, le défaut d’intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.
En l’espèce, si le bail litigieux a été conclu entre Monsieur [G] [J] et les défendeurs, ces derniers ne contestent pas que la propriétaire des lieux est bien, depuis le 23 juin 1999, la SARL HM [F], ce qui ressort en effet de l’attestation notariale en date du 22 avril 2024.
L’instance a bien été introduite par voie d’assignation par la SARL HM [F] qui dispose ainsi, du fait de sa qualité de propriétaire des lieux, de la qualité à agir aussi bien que d’un intérêt pour ce faire.
La fin de non recevoir soulevée par M. [E] [B] sera ainsi écartée et la SARL HM [F] sera déclarée recevable en sa demande.
SUR LA DEMANDE DE REQUALIFICATION DU CONTRAT DE BAIL
A titre liminaire, il sera rappelé que l’article 64 du code de procédure civile définit la demande reconventionnelle comme une demande par laquelle le défendeur originaire prétend obtenir un avantage autre que le simple rejet de la prétention de son adversaire.
L’article 71 du même code rappelle, quant à lui, que constitue une défense au fond tout moyen qui tend à faire rejeter comme non justifiée, après examen au fond du droit, la prétention de l’adversaire.
En l’espèce, la demande de requalification du contrat de bail doit bien être analysée comme une défense au fond en ce que cette demande, si elle prospère, a des conséquences sur le calcul des sommes réclamées par la requérante au titre de la dette locative que M. [E] [B] demande de compenser.
Par conséquent, cette demande échappe à la prescription triennale et sera donc déclarée recevable.
Il convient, par conséquent, d’étudier à ce stade, la question de la requalification du contrat. En revanche, s’agissant de la nullité du congé, qui en partie, selon l’argumentaire de la défenderesse, découle de la requalification du contrat, elle sera étudiée au stade de l’examen des demandes reconventionnelles, en ce que l’annulation de cet acte ne tend qu’à obtenir un autre avantage que le simple rejet de la prétention adverse, notamment, l’indemnisation des frais de déménagement et l’indemnisation du préjudice moral.
Il résulte de l’article 25-4 de la loi du 6 juillet 1989 que le logement meublé est défini comme « un logement décent équipé d’un mobilier en nombre et en qualité suffisants pour permettre au locataire d’y dormir, manger et vivre convenablement au regard des exigences de la vie courante ». Le décret n°2015-981 du 31 juillet 2015 est en outre venu fixer le mobilier minimum que doit contenir un logement pour que le bail puisse être qualifié de meublé.
En l’espèce, un inventaire du mobilier a été signé par les parties au contrat et fait mention de la présence d’un table basse et d’un canapé dans le salon, d’une table et de chaises dans la salle à manger, et d’un réfrigérateur, un lave-vaisselle, un lave-linge, des plaques à induction, un four et un four à micro-ondes dans la cuisine.
Cette liste est donc largement en deçà des exigences posées par le décret susmentionné et à titre d’exemple, il sera relevé que l’inventaire ne mentionne ni vaisselle, ni ustensiles de cuisine, ni luminaires. Il ressort également des photos versées au procès verbal de constat d’état des lieux de sortie, dressé par commissaire de justice le 17 juillet 2023, que le logement ne comporte aucun meuble et que les tiroirs de la cuisine sont vides, qu’aucune vaisselle n’était donc à disposition.
A cet égard, la bailleresse ne justifie pas de son allégation selon laquelle les preneurs ont émis le souhait de disposer de leur propre mobilier comme l’avait fait la précédente locataire, dont la renonciation au mobilier garnissant le logement avait, en ce qui la concernait, bien été actée par écrit.
La seule conclusion qui peut d’ailleurs être tirée de la comparaison avec l’inventaire que la SARL HM [F] avait signé avec Madame [I] [H] est que ce document comprenait une liste fournie de mobilier qui ne figure pas sur l’inventaire signé par les locataires suivants.
Enfin, le caractère non meublé du logement, qui ne comprend qu’une cuisine équipée, ressort également de l’attestation rédigée par M. [C] [O], agent immobilier présent au moment de la signature du contrat qui indique que « M. [P] a demandé aux locataires de signer un bail meublé alors que l’appartement était dépourvu de mobilier ».
La circonstance de ce que les locataires étaient des professionnels avertis et n’auraient pas signé un tel inventaire s’il n’était pas conforme à la réalité n’est pas opérante eu égard, notamment, à la tension du marché locatif parisien, comme l’explique M. [E] [B] qui a légitimement pu conduire les preneurs à conclure le bail du logement qu’ils étaient désireux de se voir attribuer.
Par conséquent, le bail sera requalifié en contrat de location nue.
SUR LA DEMANDE EN PAIEMENT AU TITRE DE L’ARRIÉRÉ LOCATIF ET DES DÉGRADATIONS LOCATIVES
Sur l’arriéré locatif
L’article 7a) de la loi du 6 juillet 1989 fait obligation au locataire de régler le loyer et les charges aux termes convenus.
M. [E] [B] conteste le montant de l’arriéré locatif compte-tenu de la requalification du contrat de bail et des conséquences qui en découlent, notamment, s’agissant de la possibilité de réviser le loyer annuellement et du trop-perçu de loyer compte-tenu de la surface réelle du logement.
Sur la surface du logement et la diminution de loyer
L’article 3-1 de la loi du 6 juillet 1989 prévoit que lorsque la surface habitable de la chose louée est inférieure de plus d’un vingtième à celle exprimée dans le contrat de location, le bailleur supporte, à la demande du locataire, une diminution du loyer proportionnelle à l’écart constaté. A défaut d’accord entre les parties ou à défaut de réponse du bailleur dans un délai de deux mois à compter de la demande en diminution de loyer, le juge peut être saisi, dans le délai de quatre mois à compter de cette même demande, afin de déterminer, le cas échéant, la diminution de loyer à appliquer. La diminution de loyer acceptée par le bailleur ou prononcée par le juge prend effet à la date de signature du bail. Si la demande en diminution du loyer par le locataire intervient plus de six mois à compter de la prise d’effet du bail, la diminution de loyer acceptée par le bailleur ou prononcée par le juge prend effet à la date de la demande.
Cet article n’est pas applicable, selon l’article 25-3 de la même loi, aux logements meublés.
En l’espèce, le bail a été requalifié en bail non meublé. Il est établi par le Diagnostic de Performance Énergétique en date du 27 septembre 2022 que la surface habitable est de 108,42 m² au lieu de la surface de 116 m² indiquée au bail, ce qui n’est pas contesté par la bailleresse.
Si M. [E] [B] justifie avoir alerté le bailleur de ce différentiel pour la première fois par courriel le 9 décembre 2022, il ne justifie pas de la saisine du juge dans le délai de 4 mois à compter de cette date puisqu’il a formé cette demande de diminution du loyer pour la première fois lors de l’audience du 16 octobre 2024.
Par conséquent, cette demande est irrecevable.
Sur l’indexation du loyer
L’article 17-1 de la loi du 6 juillet 1989, tel que modifié par la loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 et applicable aux logement non meublés, dispose que lorsque le contrat prévoit la révision du loyer, celle-ci intervient chaque année à la date convenue entre les parties ou, à défaut, au terme de chaque année du contrat (…).
A défaut de manifester sa volonté d’appliquer la révision du loyer dans un délai d’un an suivant sa date de prise d’effet, le bailleur est réputé avoir renoncé au bénéfice de cette clause pour l’année écoulée.
Si le bailleur manifeste sa volonté de réviser le loyer dans le délai d’un an, cette révision de loyer prend effet à compter de sa demande.
Toutefois, la révision et la majoration de loyer prévues aux I et II du présent article ne peuvent pas être appliquées dans les logements de la classe F ou de la classe G, au sens de l’article L. 173-1-1
En l’espèce, le contrat de bail prévoit bien une clause de révision du loyer, calculée en fonction de l’indice de référence des loyers étant précisé que cette indexation ne peut concerner que le loyer et, le cas échéant, le complément de loyer mais pas les charges.
Si le décompte produit par la bailleresse atteste d’une augmentation du loyer à la date anniversaire du bail le 1er juin 2017, le 1er juin 2018 et le 1er juin 2019, il s’agit en réalité d’un rattrapage opéré par la SARL HM [F] le 24 octobre 2019.
Or, la loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 a mis un terme au caractère automatique de l’indexation du loyer et exigé une manifestation de volonté de la part du bailleur pour voir une telle clause, quand bien même elle serait contenue au contrat, produire ces effets. En l’absence de preuve de cette manifestation de volonté antérieure au 24 octobre 2019 (par exemple via la production de quittances de loyer), la SARL [F] n’est pas fondée à solliciter un quelconque arriéré locatif au titre de la révision pour la période antérieure au 1er juin 2019.
Le loyer ainsi du, à compter du 1er juin 2016 jusqu’au 1er juin 2019 est de 4 050 euros par mois, outre une provision sur charge de 250 euros, étant précisé qu’il n’est produit aucun justificatif de régularisation de charge pendant toute la durée du bail, soit 4 300 euros par mois et au total, 154 800 euros sur cette période, contre 156 101,64 euros appelés.
A compter du 1er juin 2019, la bailleresse, qui a manifesté sa volonté de voir jouer la clause d’indexation pour cette année dans le délai d’un an à compter de la date anniversaire du contrat, est bien fondée à réclamer le montant du loyer hors charge révisé en fonction de l’indice du 1er trimestre, soit :
du 1er juin 2019 au 1er mai 2020 : 4 118,80 euros par mois,du 1er juin 2020 au 31 mai 2021 : 4 156,70 euros par mois,du 1er juin 2021 au 31 mai 2022 : 4 160,50 euros par mois,du 1er juin 2022 au 31 mai 2023 : 4 263,60 euros par mois,
En effet, le DPE a été réalisé le 27 septembre 2022. Or, la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 qui a modifié l’article 17-1 III s’applique aux contrats de location conclus, renouvelés ou tacitement reconduits à partir du 24 août 2022. En l’espèce, le bail a tacitement été reconduit le 1er juin 2022 pour une durée d’un an, s’agissant d’un bail meublé, de sorte que la bailleresse a pu appeler un loyer révisé jusqu’à la date anniversaire suivante du contrat, à savoir, le 1er juin 2023.
La révision du loyer n’a donc pu être paralysée que pour le seul mois de juin 2023 et son montant était identique à celui de la période précédente (4 263,60 euros).
M. [E] [B] forme une demande de remboursement au titre de la révision du loyer que la bailleresse n’était pas fondée à appliquer sur la période courant du 1er juin 2016 au 31 décembre 2022, à hauteur de 1318 euros.
Compte-tenu de ce qui précède, il sera fait droit à sa demande dans la limite du montant sollicité, bien que trop-perçu s’élève en réalité à 4 579,17 euros (sommes appelées sur la période : 349 206,37 / somme dues sur la période: 344 627,20 euros).
Sur la période courant du 1er juin 2016 au 31 décembre 2022, la SARL HM [F] aurait donc du percevoir 347 888,37 euros, auxquels s’ajoutent loyers appelés entre janvier 2023 et juin 2023, que yy estime devoir être limités à la somme mensuelle de 4 050 euros mais qui, du fait du jeu de l’indexation, paralysée pour le seul mois de juin 2023, s’élevait à la somme de 4 513,60 euros par mois charges incluses soit, 27 081,60 euros.
La SARL HM [F] est donc bien fondée à demander paiement de la somme totale de 374 969,97 euros. Or, il résulte des pièces produites au débat que M. [E] [B] et Mme. [A] [D] ont versé, depuis la prise à bail, 346 539 euros hors dépôt de garantie.
Ainsi, M. [E] [B] et Mme. [A] [D] apparaissent redevables de la somme de 28 430,97 euros au titre de l’arriéré locatif.
Sur les dégradations locatives
L’article 7 c) de la loi du 6 juillet 1989 dispose que le locataire est tenu de répondre des dégradations et pertes qui surviennent pendant la durée du contrat dans les locaux dont il a la jouissance exclusive, à moins qu’il ne prouve qu’elles ont eu lieu par cas de force majeure, par la faute du bailleur ou par le fait d’un tiers qu’il n’a pas introduit dans le logement;
En l’espèce, la SARL HM [F] sollicite le paiement de la somme de 5 280 euros au titre des frais de nettoyage et de peinture, indiquant que M. [E] [B] et Mme. [A] [D] ont pris à bail un appartement parfaitement neuf, pour avoir été intégralement refait en 2014 et qu’il l’ont rendu dans un état non-conforme.
Il résulte cependant de la comparaison de l’état des lieux d’entrée et du procès-verbal d’état des lieux de sortie que les locataires ont quitté le logement en le laissant en état d’usage, correspondant à une occupation de plus de sept années, étant par ailleurs précisé que l’état des lieux d’entrée mentionne des traces sur les murs à plusieurs endroits, certaines fissures dans les plafond et sur les murs, une bonde d’évier défectueuse, des traces sur les plinthes, les boiserie des fenêtres abîmées, les garde-corps fêlés), autant d’élément également mentionné dans le procès verbal de sortie.. Ainsi, le logement est globalement dans un état conforme à celui qu’ils ont trouvé en le prenant à bail, outre les traces d’usure liée à l’usage et au temps écoulé.
En revanche, il est constaté dans deux pièces de l’appartement la présence de trous non rebouchés (trois orifices de cheville non rebouchés) dont les frais de remise en état sont à la charge des preneurs, ainsi que des joints qui se décollent la salle de bain et l’une des salles d’eau et des traces de calcaire non nettoyées.
Par ailleurs, les lieux sont laissés dans un état de propreté douteuse (coffrage en bois recouvert de peinture un peu poussiéreuse, salissures sous le lavabo, traces de coulure
Pour l’ensemble de ces réparations locatives, le bailleur est bien fondé à solliciter la somme de 500 euros.
Sur la compensation avec le dépôt de garantie
Selon l’ article 22 de cette même loi, lorsqu’un dépôt de garantie est prévu par le contrat de location pour garantir l’exécution de ses obligations locatives par le locataire, il ne peut être supérieur à un mois de loyer en principal. Il est restitué dans un délai maximal de deux mois à compter de la remise en main propre, ou par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, des clés au bailleur ou à son mandataire, déduction faite, le cas échéant, des sommes restant dues au bailleur et des sommes dont celui-ci pourrait être tenu, aux lieu et place du locataire, sous réserve qu’elles soient dûment justifiées. A cette fin, le locataire indique au bailleur ou à son mandataire, lors de la remise des clés, l’adresse de son nouveau domicile. Il est restitué dans un délai maximal d’un mois à compter de la remise des clés par le locataire lorsque l’état des lieux de sortie est conforme à l’état des lieux d’entrée, déduction faite, le cas échéant, des sommes restant dues au bailleur et des sommes dont celui-ci pourrait être tenu, en lieu et place du locataire, sous réserve qu’elles soient dûment justifiées.
Selon l’article 1347 du code civil, la compensation est l’extinction simultanée d’obligations réciproques entre deux personnes. Elle s’opère, sous réserve d’être invoquée, à due concurrence, à la date où ses conditions se trouvent réunies.
En l’espèce, il résulte des développements précédents que M. [E] [B] et Mme. [A] [D] sont redevables de la somme de 28 930,97 euros au titre de l’arriéré locatif et des dégradations locatives.
Il n’est pas contesté qu’ils ont versé la somme de 8 100 euros à titre de dépôt de garantie à leur entrée dans les lieux, même si cela ne figure pas sur le décompte en pièce 9, cette somme équivalant au double du loyer initial de 4 050 euros.
Or, le bail ayant été requalifié en bail non meublé, la SARL HM [F] n’était pas bien fondée à demander le versement de deux mois de loyer à titre de dépôt de garantie mais ne pouvait leur demander que 4 050 euros à ce titre, correspondant à une seule échéance au moment de la signature du bail.
La SARL HM [F] est donc redevable, à l’égard de M. [E] [B] et de Mme. [A] [D], de la somme de 4 050 euros.
Néanmoins, compte-tenu de sommes dues par ces derniers au titre de l’arriéré locatif et des dégradations locatives, il convient d’ordonner la compensation légale entre les créances sollicitée par le défendeur et de ce fait, de déduire de la somme due par M. [E] [B] et Mme. [A] [D], le montant du dépôt de garantie indûment perçu par la SARL HM [F] de 4050 euros.
S’agissant des 4 050 euros versé par les preneurs au titre du montant du dépôt de garantie, la SARL HM [F] sera autorisée à les conserver en application de l’article 22 de la loi du 6 juillet 1989.
La somme de 8100 € sera aussi compensée avec celles dues par M. [E] [B] et Mme. [A] [D].
SUR LES DEMANDES RECONVENTIONNELLES FORMÉES PAR M. [E] [B]
Sur la demande d’indemnisation au titre du préjudice de jouissance
Sur les désordres invoqués, leur origine et la responsabilité
L’article 6 de la loi du 6 juillet 1989 dispose que Le bailleur est tenu de remettre au locataire un logement décent ne laissant pas apparaître de risques manifestes pouvant porter atteinte à la sécurité physique ou à la santé, exempt de toute infestation d’espèces nuisibles et parasites, répondant à un niveau de performance minimal au sens de l’article L. 173-1-1 du code de la construction et de l’habitation et doté des éléments le rendant conforme à l’usage d’habitation. Un décret en Conseil d’Etat définit le niveau de performance minimal au sens du même article L. 173-1-1 à respecter et un calendrier de mise en œuvre échelonnée.
es caractéristiques correspondant au logement décent sont définies par décret en Conseil d’Etat pour les locaux à usage de résidence principale ou à usage mixte mentionnés au deuxième alinéa de l’article 2 et les locaux visés aux 1° à 3° du même article, à l’exception des logements-foyers et des logements destinés aux travailleurs agricoles qui sont soumis à des règlements spécifiques.
Le niveau de performance d’un logement décent est compris, au sens de l’article L. 173-1-1 du code de la construction et de l’habitation :
1° A compter du 1er janvier 2025, entre la classe A et la classe F ;
2° A compter du 1er janvier 2028, entre la classe A et la classe E ;
3° A compter du 1er janvier 2034, entre la classe A et la classe D.
(…) Les logements qui ne répondent pas aux critères précités aux échéances fixées sont considérés comme non décents.
Aux termes de l’article 2 du décret du 30 janvier 2002, le logement doit satisfaire aux conditions suivantes, au regard de la sécurité physique et de la santé des locataires :
1. Il assure le clos et le couvert. Le gros œuvre du logement et de ses accès est en bon état d’entretien et de solidité et protège les locaux contre les eaux de ruissellement et les remontées d’eau. Les menuiseries extérieures et la couverture avec ses raccords et accessoires assurent la protection contre les infiltrations d’eau dans l‘habitation.
2. Il est protégé contre les infiltrations d’air parasites. Les portes et fenêtres du logement ainsi que les murs et parois de ce logement donnant sur l’extérieur ou des locaux non chauffés présentent une étanchéité à l’air suffisante. Les ouvertures des pièces donnant sur des locaux annexes non chauffés sont munies de portes ou de fenêtres. Les cheminées doivent être munies de trappes.
3. Les dispositifs de retenue des personnes, dans le logement et ses accès, tels que garde-corps, fenêtres, escaliers, loggias et balcons, sont dans un état conforme à leur usage.
4. La nature et l’état de conservation et d’entretien des matériaux de construction, des canalisations et des revêtements du logement ne présentent pas de risques manifestes pour la santé et la sécurité physique des locataires.
5. Les réseaux et branchements d’électricité et de gaz et les équipements de chauffage et de production d’eau chaude sont conformes aux normes de sécurité définies par les lois et règlements et sont en bon état d’usage et de fonctionnement.
6. Le logement permet une aération suffisante. Les dispositifs d’ouverture et les éventuels dispositifs de ventilation des logements sont en bon état et permettent un renouvellement de l’air et une évacuation de l’humidité adaptés aux besoins d’une occupation normale du logement et au fonctionnement des équipements ;
7. Les pièces principales, au sens du troisième alinéa de l’article R. 111- 1- 1 du code de la construction et de l’habitation, bénéficient d’un éclairement naturel suffisant et d’un ouvrant donnant à l’air libre ou sur un volume vitré donnant à l’air libre.
Le bailleur est également obligé en application de l’article 6 de la loi du 6 juillet 1989 d’assurer au locataire la jouissance paisible du logement et d’entretenir les locaux en état de servir à l’usage prévu par le contrat et d’y faire toutes les réparations, autres que locatives, nécessaires au maintien en état et à l’entretien normal des locaux loués.
En l’espèce, il ressort des échanges de courriels entre les preneurs et la bailleresse que dès 2019, les premiers se sont plaints du problème des infiltrations d’air (jour entre les fenêtres et le mur) mais aussi de l’étanchéité des fenêtres en simple vitrage et enfin de l’impossibilité de régler le chauffage qui ne peut qu’être en position allumée ou éteinte.
La bailleresse ne conteste pas les désordres allégués. Par ailleurs, le DPE réalisé courant septembre 2022 classe le logement dans la catégorie énergétique F et pointe la problématique liée au simple vitrage.
Les désordres sont ainsi caractérisés et le manquement du bailleur aux obligations qui lui incombe est caractérisé.
Sur l’évaluation du préjudice subi
En application de l’article 1231-2 du code civil, les dommages et intérêts dus au créancier sont, en général, de la perte qu’il a faite et du gain dont il a été privé.
Le juge doit cantonner l’indemnisation aux seules prestations nécessaires pour parvenir à la réparation de l’entier préjudice. Ainsi, ne peut être indemnisé de manière intégrale que le préjudice direct et certain.
En l’espèce, si M. [E] [B] invoque, dans ses conclusions, le surcoût de chauffage résultant de la mauvaise isolation, il ne sollicite l’indemnisation que de son préjudice de jouissance à hauteur de 2000 euros.
Or en l’absence de constat de commissaire de justice permettant de le caractériser précisément, notamment via des mesures précises de la température dans chacune des pièces, il y a lieu d’évaluer le trouble de jouissance subi par M. [E] [B] et Mme. [A] [D] depuis la prise à bail, soit le 1er juin 2016 jusqu’au 1er juillet 2023, à la somme de 1 000 euros.
Sur le remboursement du DPE
En application des articles L 126-23 et suivant du code de la construction et de l’habitation, le propriétaire bailleur doit faire réaliser un diagnostic de performance énergétique de son logement lors de la mise en location, qui doit être annexé au contrat de bail.
En l’espèce, il est constant qu’aucun diagnostic de ce type n’était joint au contrat et que les locataires y ont fait procéder pendant le cours du bail. Si aucune sanction n’est prévue par les textes en l’absence de ce diagnostic, le coût de sa réalisation ne saurait, en aucun cas, peser sur le locataire diligent qui a entrepris de le faire réaliser.
Par conséquent, M. [E] [B] est bien-fondé à demander, à ce titre, le remboursement de la somme de 300 euros correspondant, selon la facture produite, à la somme qu’il a engagée pour ce faire.
Sur les frais de déménagement, le surcoût de loyer et le préjudice moral
Sur le congé
Selon l’article 10 de la loi du 6 juillet 1989 le contrat de location portant sur un appartement non meublé est d’une durée minimale de trois ans pour les bailleurs personnes physiques ainsi que pour les bailleurs définis à l’article 13 et à six ans pour les bailleurs personnes morales.
L’article 15 de la loi du 6 juillet 1989 dispose que lorsque le bailleur donne congé à son locataire, ce congé doit être justifié soit par sa décision de reprendre ou de vendre le logement, soit par un motif légitime et sérieux, notamment l’inexécution par le locataire de l’une des obligations lui incombant. A peine de nullité, le congé donné par le bailleur doit indiquer le motif allégué et, en cas de reprise, les nom et adresse du bénéficiaire de la reprise ainsi que la nature du lien existant entre le bailleur et le bénéficiaire de la reprise qui ne peut être que le bailleur, son conjoint, le partenaire auquel il est lié par un pacte civil de solidarité enregistré à la date du congé, son concubin notoire depuis au moins un an à la date du congé, ses ascendants, ses descendants ou ceux de son conjoint, de son partenaire ou de son concubin notoire. Lorsqu’il donne congé à son locataire pour reprendre le logement, le bailleur justifie du caractère réel et sérieux de sa décision de reprise. Le délai de préavis applicable au congé est de six mois lorsqu’il émane du bailleur.
En cas de contestation, le juge peut, même d’office, vérifier la réalité du motif du congé et le respect des obligations prévues au présent article. Il peut notamment déclarer non valide le congé si la non-reconduction du bail n’apparaît pas justifiée par des éléments sérieux et légitimes.
Les juges du fond apprécient souverainement l’intention frauduleuse du propriétaire qui justifie l’annulation du congé.
Les travaux de rénovation prévus par le bailleur comportant l’amélioration de la distribution des lieux ainsi que des éléments d’équipement et de confort et exigeant la libération des lieux loués constituent un motif légitime et sérieux sous réserve toutefois que les travaux soient incompatibles avec l’occupation de l’immeuble.
En l’espèce, le contrat de bail a été requalifié en contrat de location nue, de sorte que le bail, signé le 1er juin 2016 par Monsieur [G] [J] a pu être reconduit de trois années en trois années, pour expirer le 31 mai 2025.
Par conséquent, la délivrance d’un congé le 4 janvier 2023 pour le 16 juin 2023 ne respecte pas les dispositions d’ordre public de la loi du 6 juillet 1989 pour avoir été délivré à une échéance ne correspondant pas à la date d’expiration du bail et sans respecter le délai de préavis de six mois prévu ni la date d’échéance du bail.
M. [E] [B] soutient par ailleurs qu’il est frauduleux puisque la bailleresse n’a en réalité jamais eu l’intention de faire réaliser ces les travaux qui constituent le motif légitime et sérieux mentionné aux termes du congé.
S’il résulte en effet du congé que la bailleresse entend réaliser des travaux nécessaires à l’amélioration de la performance énergétique du logement, qui nécessite que celui-ci soit libre de tout occupant, il n’est pas contesté que les travaux visés n’ont, à la date de l’audience, soit 18 mois après le départ des locataires, toujours pas été réalisés.
Or la SARL HM [F], qui expose avoir fait face aux refus de diverses entreprises déjà très sollicitées, ne produit aucune pièce attestant de ses tentatives de prise d’attache avec celles-ci, hormis deux devis réalisés les 6 et 12 décembre 2022, soit avant que les locataires ne quittent les lieux et qui n’ont fait l’objet d’aucune validation par la bailleresse.
Par ailleurs, il ressort de l’attestation de M. [C] [O], agent immobilier et mandataire de la bailleresse qu’à la fin de l’année 2022, Monsieur [G] [J] lui aurait demandé de trouver un moyen de se débarrasser de ses locataires, qui refusaient l’indexation du loyer qu’il sollicitait.
Enfin, alors qu’il n’est pas débattu que les travaux n’ont pas été exécutés, M. [E] [B] produit une capture d’écran de l’annonce de mise en location de l’appartement au mois d’avril 2024, mentionnant, en outre, un DPE vierge. L’annonce précise par ailleurs que le bail sera nécessairement soumis aux dispositions du code civil, ce qui permet ainsi d’échapper aux dispositions de l’article 6 de la loi du 6 juillet 1989 relative à la performance énergétique des logements.
Il résulte de ce qui précède que la SARL HM [F] n’avait pas réellement l’intention de faire réaliser les travaux mentionnés dans le congé qu’elle a délivré.
Par conséquent, le congé frauduleux sera annulé.
Sur les demandes pécuniaires de M. [E] [B] comme conséquence de la nullité du congé
L’article 1231-1 du code civil sanctionne la mauvaise exécution contractuelle par l’octroi de dommages et intérêts au profit de la partie envers laquelle l’engagement n’a pas été ou a mal été exécuté.
En l’espèce, les frais de déménagement à hauteur de 1 651 euros que les défendeurs ont engagés et dont ils justifient en produisant la lettre de voiture de l’entreprise de déménagement et leur relevé de compte bancaire leur seront remboursés en ce qu’il sont la conséquence directe de la délivrance de ce congé frauduleux.
M. [E] [B] sollicite, par ailleurs, le versement d’une somme de 42 120 euros correspondant au différentiel de loyer dont il s’acquitte mensuellement jusqu’au 19 juin 2028, date selon eux, d’expiration du bail.
En premier lieu, il sera précisé que le bail aurait du arriver à échéance le 31 mai 2025 et non 2028, ayant été conclu par une personne physique, donc pour une durée initiale de trois ans qui a été reconduite pour la dernière fois en 2022.
En second lieu, il sera relevé que si M. [E] [B] produit une quittance de loyer afférente à son nouveau logement, il ne produit pas le bail de sorte que la consistance des locaux est inconnue et qu’aucune comparaison n’est possible avec le logement litigieux.
Par conséquent, il sera débouté de cette demande.
La somme de 500 euros sollicitée au titre du préjudice moral subi par les preneurs leur sera cependant allouée, la délivrance d’un congé frauduleux, avec menace d’expulsion étant de nature à susciter une angoisse légitime.
Sur la compensation légale
Il a déjà été indiqué que selon l’article 1347 du code civil, s’opère, sous réserve d’être invoquée, à due concurrence, à la date où ses conditions se trouvent réunies.
En l’espèce, M. [E] [B] et Mme. [A] [D] doivent à la bailleresse, au titre des loyers impayés et des dégradations locatives et après compensation avec le dépôt de garantie, la somme de 20 830,97 euros.
La SARL HM [F] est condamnée à verser à ses anciens locataires :
1 000 euros au titre du préjudice de jouissance300 euros au titre du coût du DPE,1 651 euros au titre des frais de déménagement,500 euros au titre du préjudice moral,soit une somme totale de 3 451 euros.
Ainsi, après compensation entre les créance la somme du à la SARL HM [F] par M. [E] [B] et Mme. [A] [D] est de 17 379,97 euros.
SUR LES DEMANDES ACCESSOIRES
En l’espèce, M. [E] [B] et Mme. [A] [D], partie perdantes au principal, seront condamnés au dépens, en application de l’article 696 du code de procédure civile.
Toutefois, l’issue du litige commande de ne pas faire application de l’article 700 du code de procédure civile.
L’exécution provisoire est de droit, conformément à l’article 514 du code de procédure civile et sera rappelée.
Le juge des contentieux de la protection, statuant publiquement, après débats en audience publique, par jugement mis à disposition au greffe, réputé contradictoire et en premier ressort,
REJETTE la fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité à agir soulevée par M. [E] [B],
DÉCLARE la SARL HM [F] recevable en ses demandes,
DÉCLARE M. [E] [B] recevable en sa demande de requalification du contrat de bail,
REQUALIFIE le contrat de bail signé le 3 juin 2016 entre M. [G] [J] d’une part et M. [E] [B] et Mme. [A] [D] d’autre part, portant sur un appartement situé [Adresse 2], 3ème étage, en bail de location non meublée,
DÉCLARE M. [E] [B] irrecevable en sa demande de condamnation de la SARL HM [F] à lui verser la somme de 24 112 euros au titre de la diminution du loyer du fait de la surface réelle du logement,
DIT que la SARL HM [F] a indûment perçu, entre le 1er juin 2016 et le 31 décembre 2022, une somme de 1318 euros au titre de l’indexation des loyers sur cette période,
CONDAMNE M. [E] [B] et Mme. [A] [D], solidairement, à verser à la SARL HM [F] les sommes suivantes :
28 430,97 au titre de l’arriéré locatif, après déduction de la somme de 1 318 euros susmentionnée,500 euros au titre des dégradations locatives,soit 28 930,97 euros
DÉCLARE nul le congé délivré par la SARL HM [F] le 4 janvier 2023 à ses locataires,
CONDAMNE la SARL HM [F] a verser à M. [E] [B] et Mme. [A] [D], les sommes suivantes :
8 100 euros au titre du dépôt de garantie,1 000 euros au titre de leur préjudice de jouissance,300 euros en remboursement du coût du Diagnostic de Performance Énergétique,1 651 euros en remboursement des frais de déménagement,500 euros au titre de leur préjudice moral,Soit 11 551 euros
DÉBOUTE M. [E] [B] de sa demande d’indemnisation au titre du surcoût de loyer,
ORDONNE la compensation des créances susmentionnées,
CONDAMNE, par conséquent M. [E] [B] et Mme. [A] [D], solidairement, à verser à la SARL HM [F] la somme de 17 379,97 euros,
DIT n’y avoir lieu à faire application de l’article 700 du code de procédure civile et déboute les parties de leurs demandes à ce titre,
CONDAMNE M. [E] [B] et Mme. [A] [D] solidairement aux dépens,
RAPPELLE que le présent jugement est exécutoire, à titre provisoire,
Ainsi jugé par mise à disposition au greffe le 30 janvier 2025 et signé par la juge et le greffier susnommées.
Le greffier La juge des contentieux de la protection
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