L’Essentiel : En 2020, la SCI DE [Localité 19] a assigné l’Association sportive du Golf de Touraine, alléguant un manquement à ses obligations d’entretien. Un expert judiciaire a été désigné pour évaluer la situation. En août 2022, la SCI a de nouveau assigné l’association pour interdire l’abattage d’arbres sans son accord. La SCI soutient que ces abattages sont commerciaux et nécessitent son autorisation, tandis que l’association défend son droit d’agir pour des raisons de sécurité. Le tribunal a finalement débouté la SCI de ses demandes et l’a condamnée à verser 2 000 euros à l’association pour les frais de justice.
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Contexte du litigeLa SCI DE [Localité 19] a conclu un bail emphytéotique avec l’Association sportive du Golf de Touraine en 1971, pour une durée de 99 ans, concernant une propriété agricole. Ce bail stipule que l’association doit aménager un terrain de golf et entretenir les bâtiments, moyennant une redevance symbolique. Un avenant en 1997 a modifié cette redevance à 40 000 francs. Demande d’expertise judiciaireEn 2020, la SCI DE [Localité 19] a assigné l’association en référé, alléguant un manquement à ses obligations d’entretien. Un expert judiciaire a été désigné pour évaluer la situation, et des associés de la SCI ont également engagé une action en justice contre la SCI et son gérant, contestation qui est toujours en cours. Conflit sur l’abattage des arbresEn août 2022, la SCI DE [Localité 19] a assigné l’Association sportive du Golf de Touraine pour interdire l’abattage d’arbres sans son accord et pour récupérer les sommes perçues de la vente de ces arbres. L’association a réagi en contestant cette demande, soutenue par des associés de la SCI. Arguments des partiesLa SCI DE [Localité 19] soutient que l’association procède à des abattages d’arbres à des fins commerciales, en violation des termes du bail. Elle affirme que ces arbres doivent être considérés comme des immeubles et que leur abattage nécessite son autorisation. En revanche, l’Association sportive du Golf de Touraine argue qu’elle a le droit d’abattre des arbres pour des raisons de sécurité et d’entretien, sans avoir besoin de l’accord du bailleur. Évaluation des preuvesLe tribunal a examiné les preuves fournies par les deux parties, y compris des rapports d’expertise et des procès-verbaux de constat. Il a noté que la SCI DE [Localité 19] n’a pas réussi à prouver que l’association procédait à un abattage systématique et commercial des arbres, et que les abattages réalisés étaient justifiés par des raisons d’entretien. Décision du tribunalLe tribunal a déclaré irrecevable la contestation de l’intérêt à agir des associés de la SCI, a débouté la SCI DE [Localité 19] de sa demande d’interdiction d’abattage, ainsi que de sa demande de remboursement des sommes perçues par l’association pour la vente des arbres. La SCI a également été condamnée à verser 2 000 euros à l’association pour les frais de justice. |
Q/R juridiques soulevées :
Sur la recevabilité des interventions volontaires des associés de la SCI DE [Localité 19]La question de la recevabilité des interventions volontaires des associés de la SCI DE [Localité 19] se pose dans le cadre de l’article 789 du Code de procédure civile. Cet article stipule que « lorsque la demande est présentée postérieurement à sa désignation, le juge de la mise en état est, jusqu’à son dessaisissement, seul compétent, à l’exclusion de toute autre formation du tribunal, pour : […] 1° Statuer sur les exceptions de procédure, les demandes formées en application de l’article 47 et les incidents mettant fin à l’instance ; 6° Statuer sur les fins de non-recevoir. » En l’espèce, la fin de non-recevoir tirée du défaut d’intérêt à agir des associés n’a pas été soulevée devant le juge de la mise en état, ce qui rend cette fin de non-recevoir irrecevable. Ainsi, les interventions volontaires des associés sont déclarées recevables, car ils justifient d’un intérêt à agir en dénonçant les agissements du gérant de la SCI. Sur les demandes d’interdiction sous astreinte d’abattage des arbres par l’ASSOCIATION SPORTIVE DU GOLF DE TOURAINELa question de l’interdiction d’abattage des arbres par l’Association sportive du Golf de Touraine est régie par les articles L. 451-1 et L. 451-8 du Code rural et de la pêche maritime. L’article L. 451-1 précise que le bail emphytéotique confère au preneur un droit réel, tandis que l’article L. 451-8 impose à l’emphytéote l’obligation de procéder aux réparations et à l’entretien des constructions. Dans le cas présent, le bail emphytéotique stipule que l’association doit entretenir les arbres existants. Toutefois, l’abattage d’arbres ne peut être considéré comme une prérogative de l’emphytéote, sauf si cela est nécessaire pour l’entretien du terrain ou pour des raisons sanitaires. L’Association a produit un rapport d’expertise indiquant que certains arbres présentaient un danger et nécessitaient d’être abattus. La SCI DE [Localité 19] ne conteste pas la nécessité d’abattre des arbres dangereux, mais soutient que l’association procède à des abattages à des fins commerciales. Cependant, la preuve d’un abattage systématique à des fins commerciales n’est pas rapportée. Les constatations faites par le commissaire de justice ne permettent pas d’établir que l’Association aurait agi en dehors de son obligation d’entretien. Ainsi, la demande d’interdiction d’abattage des arbres est rejetée. Sur le remboursement du prix de vente des arbresLa question du remboursement des sommes perçues par l’Association sportive du Golf de Touraine pour la vente des arbres est régie par l’article L. 451-10 du Code rural et de la pêche maritime. Cet article stipule que l’emphytéote bénéficie du droit d’accession pendant la durée de l’emphytéose, ce qui lui permet de conserver le produit de la vente des bois issus des coupes nécessaires à l’entretien des lieux loués. L’Association a reconnu avoir vendu des arbres à ses membres pour un montant total de 5.588,03 euros, représentant moins d’un tiers du coût d’entretien des arbres. Étant donné que ces ventes ont été réalisées dans le cadre de l’entretien des lieux, l’Association a le droit de conserver ces sommes. La SCI DE [Localité 19] sera donc déboutée de sa demande de remboursement des sommes perçues par l’Association au titre des ventes des arbres. Sur les demandes accessoiresConcernant les demandes accessoires, l’article 700 du Code de procédure civile prévoit que la partie perdante peut être condamnée à payer à l’autre partie une somme au titre des frais irrépétibles. Étant donné que la SCI DE [Localité 19] a perdu le litige, il serait inéquitable de laisser à l’Association sportive du Golf de Touraine la charge des frais qu’elle a exposés. Par conséquent, la SCI DE [Localité 19] sera condamnée à verser à l’Association la somme de 2.000 euros au titre de l’article 700. En conclusion, la SCI DE [Localité 19] sera également condamnée aux dépens, avec droit de recouvrement direct au profit de l’avocat de l’Association, conformément à l’article 699 du Code de procédure civile. |
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE TOURS
PREMIERE CHAMBRE
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
JUGEMENT RENDU LE 31 DECEMBRE 2024
N° RG 22/03665 – N° Portalis DBYF-W-B7G-IOJI
DEMANDERESSE
S.C.I. DE [Localité 19]
(RCS de TOURS n°443 898 325), dont le siège social est sis [Adresse 21] – [Localité 14]
représentée par Maître Laurent LALOUM de la SCP REFERENS, avocats au barreau de BLOIS,
DÉFENDEURS
ASSOCIATION SPORTIVE DU GOLF DE TOURAINE, dont le siège social est sis Golf de Touraine – [Adresse 16] – [Localité 14]
représentée par Maître Daniel JACQUES de la SELARL A.B.R.S ET ASSOCIES, avocats au barreau de TOURS,
Madame [LO] [U] épouse [Z], intervenante volontaire
née le 03 Juin 1947 à [Localité 23], demeurant [Adresse 10] – [Localité 24]
représentée par Maître Daniel JACQUES de la SELARL A.B.R.S ET ASSOCIES, avocats au barreau de TOURS,
Monsieur [S] [Z], intervenant volontaire
né le 22 Décembre 1946 à [Localité 17], demeurant [Adresse 10] – [Localité 24]
représenté par Maître Daniel JACQUES de la SELARL A.B.R.S ET ASSOCIES, avocats au barreau de TOURS,
Monsieur [O] [J], intervenant volontaire
né le 03 Janvier 1953 à [Localité 22], demeurant [Adresse 12] – [Localité 7]
représenté par Maître Daniel JACQUES de la SELARL A.B.R.S ET ASSOCIES, avocats au barreau de TOURS,
Monsieur [R] [L], intervenant volontaire
né le 03 Février 1952 à [Localité 15], demeurant [Adresse 9] – [Localité 8]
représenté par Maître Daniel JACQUES de la SELARL A.B.R.S ET ASSOCIES, avocats au barreau de TOURS,
Monsieur [M] [K] intervenant volontaire
tant en son nom personnel qu’en qualité de cohéritier de Monsieur [N] [K], son père, né le 6 janvier 1913 et décédé le 18 août 1985,
né le 02 Février 1949 à [Localité 24]
de nationalité Française, demeurant [Adresse 3] – [Localité 6]
représenté par Maître Daniel JACQUES de la SELARL A.B.R.S ET ASSOCIES, avocats au barreau de TOURS,
Monsieur [A] [K] intervenantt volontaire, gissant tant en son nom personnel qu’en sa qualité de cohéritier de Monsieur [N] [K], décédé.
né le 02 Juin 1950 à [Localité 24], demeurant [Adresse 20] – [Localité 24]
représenté par Maître Daniel JACQUES de la SELARL A.B.R.S ET ASSOCIES, avocats au barreau de TOURS,
Monsieur [C] [B], intervenant volontaire
né le 09 Janvier 1954 à [Localité 13], demeurant [Adresse 1] – [Localité 24]
représenté par Maître Daniel JACQUES de la SELARL A.B.R.S ET ASSOCIES, avocats au barreau de TOURS,
Monsieur [E] [X], intervenant volontaire
né le 24 Juin 1964 à [Localité 18]
de nationalité Française, demeurant [Adresse 2] – [Localité 5]
représenté par Maître Daniel JACQUES de la SELARL A.B.R.S ET ASSOCIES, avocats au barreau de TOURS,
MAGISTRAT TENANT L’AUDIENCE :
V. GUEDJ, chargée du rapport, tenant seule l’audience en application de l’article 805 du Code de procédure civile, les avocats ne s’y étant pas opposés, V. GUEDJ en a rendu compte à la collégialité.
COMPOSITION DU TRIBUNAL LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Président : Madame V. ROUSSEAU, Première Vice-Présidente
Assesseur : Madame V. GUEDJ, Vice-Présidente
Assesseur : Madame F. MARTY-THIBAULT, Vice-Présidente
assistés de Madame C. FLAMAND, Greffier, lors des débats et du prononcé du jugement.
DÉBATS :
A l’audience publique du 03 Septembre 2024 avec indication que la décision serait rendue par mise à disposition au greffe le 31 Décembre 2024.
Par acte notarié du 29 septembre 1971, la SCI DE [Localité 19] a donné à bail emphytéotique à l’association sportive du Golf de Touraine, pour une durée de 99 ans à compter du 1er septembre 1971 une propriété agricole située à [Localité 14], lieudit « [Localité 19] », constituée notamment d’immeubles (corps de ferme, pavillon de gardien, chai, bâtiments de vigne), de terres, de prés et de bois, sous conditions pour l’association de faire aménager et d’installer, à ses frais, sur l’ensemble de la propriété un terrain de golf de 18 trous ainsi que des vestiaires dans le chai dépendant de la propriété et d’entretenir, à ses frais, tous les bâtiments dépendant de la propriété louée, et tous autres qu’elle jugerait à propos d’y ajouter, moyennant une redevance annuelle d’un franc symbolique.
Un avenant au bail a été régularisé entre les parties le 20 janvier 1997, prévoyant une redevance annuelle de 40 000 francs à compter du 1er janvier 1997.
En 2020, la bailleresse, estimant que l’emphytéote manquait à ses obligations contractuelles en n’entretenant pas les différents bâtiments a demandé, suivant assignation en référé du 26 avril 2023, la désignation d’un expert judiciaire.
Monsieur [P] a été désigné en qualité d’expert judiciaire par ordonnance de référé et les opérations d’expertise sont en cours.
Des associés de la SCI DE [Localité 19] sont intervenus volontairement à l’instance en référé expertise et ont introduit, avec l’Association sportive du Golf de Touraine, suivant assignation du 6 avril 2022, une action au fond à l’encontre de la SCI DE [Localité 19] et de M. [HP] [F], son gérant, lequel avait été désigné président de l’association le 21 mars 2015, en vue d’obtenir l’annulation de plusieurs assemblées générales extraordinaires et ordinaires autorisant notamment une augmentation de capital de la SCI DE [Localité 19], et désignant M. [F] comme gérant de la SCI DE [Localité 19] et d’obtenir le rétablissement de la SCI DE [Localité 19] dans les fonctions de gérant de l’association.
Cette procédure est actuellement pendante devant ce Tribunal.
C’est dans ce contexte que par acte de commissaire de justice du 23 août 2022, la SCI DE [Localité 19] a assigné l’association SPORTIVE DU GOLF DE TOURAINE, aux fins d’interdire l’abattage des arbres sans son accord et de voir condamner cette dernière à lui verser l’ensemble des sommes perçues au titre de la vente des arbres, outre le paiement d’une somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 ainsi qu’aux entiers dépens.
Madame [LO] [U] épouse [Z], Monsieur [S] [Z], Monsieur [O] [J], Monsieur [R] [L], Monsieur [M] [K], Monsieur [A] [K], Monsieur [C] [B] et Monsieur [E] [X] sont intervenus volontairement à l’instance.
Aux termes de ses dernières écritures notifiées par voie électronique le 29 mars 2024, la SCI DE [Localité 19] demande au Tribunal de :
rejeter l’intervention volontaire pour défaut d’intérêt à agir de Madame [LO] [U] épouse [Z], Monsieur [S] [PH] [LI] [Z], Monsieur [O] [H] [J], Monsieur [R] [T] [ED] [L], Monsieur [M] [K], Monsieur [A] [K], Monsieur [C] [G] [W] [V] [B], Monsieur [E] [X] ;interdire sauf accord de la SCI tout abattage des arbres par l’association sportive du golf de Touraine sous astreinte de 15 000 € par infraction constatée ;condamner l’association sportive du golf de Touraine à verser à la SCI DE [Localité 19] l’ensemble des sommes perçues par l’association au titre des ventes des arbres ainsi abattus ;débouter l’association sportive du golf de Touraine de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;condamner l’association sportive du golf de Touraine à verser à la SCI DE [Localité 19] la somme de 5 000 € au titre de l’article 700 du CPC ainsi qu’aux entiers dépens qui comprendront le cout du procès-verbal de constat en date du 28 avril 2022 dire n’y avoir lieu à écarter l’exécution provisoire de droit.
Elle fait valoir que les associés de la SCI DE [Localité 19], parties à la présente instance, ne formulent aucune prétention de sorte que leur intervention ne peut être que qualifiée d’accessoire et que ceux-ci ne justifient pas d’un intérêt à agir.
La SCI DE [Localité 19] expose que l’Association sportive du Golf de Touraine se livre à une activité commerciale d’abattage d’arbres et de coupes, alors que le bail emphytéotique du 29 septembre 1971 ne lui permet pas de procéder à un tel abattage et met uniquement à la charge de l’association une obligation de construire, de réparer et d’entretien.
Elle précise que l’association pratique des coupes et abattages d’arbres récurrents et systématiques, qui ne peuvent avoir qu’une finalité commerciale compte tenu de leur caractère systématique et ajoute avoir constaté de nouveaux abattages en janvier 2024, indiquant que les arbres abattus ne sont nullement malades ou dangereux, ni à proximité du parcours.
Elle estime que les arbres doivent être qualifiés d’immeubles et l’association ne peut procéder à leur abattage sans l’autorisation du bailleur et qu’en agissant de la sorte, l’association ne respecte pas les stipulations du bail et commet un manquement grave à ses obligations, constituant des détériorations graves.
Elle ajoute que les préconisations produites par l’Association sportive du Golf de Touraine, tendant à l’élagage et à l’abattage de certains arbres, ne peuvent en aucun cas justifier des abattages sauvages et ne conclut en aucun cas à un abattage systématique et généralisé.
Elle ajoute que l’association ne peut percevoir les fruits de la vente des arbres et expose que l’association avait précédemment sollicité son accord, en 2016/2017, pour procéder à des abattages et que les arbres avaient été vendus par la SCI et non par l’association.
Elle estime que l’association ne peut se prévaloir d’un usage et que les coupes effectuées dépassent le cadre des arbres malades et n’ont rien de conservatoire et sollicite en conséquence qu’il soit interdit, sous astreinte, à l’association de procéder à tout abattage sans son autorisation.
Aux termes de leurs dernières écritures notifiées par voie électronique le 24 janvier 2024, l’ASSOCIATION SPORTIVE DU GOLF DE TOURAINE et Madame [LO] [U] épouse [Z], Monsieur [S] [Z], Monsieur [O] [J], Monsieur [R] [L], Monsieur [M] [K], Monsieur [A] [K], Monsieur [C] [B] et Monsieur [E] [X] demandent au Tribunal, de :
Rejetant toutes fins, moyens et conclusions contraires,Déclarer la Société SCI DE [Localité 19] irrecevable et mal fondée en toutes ses demandes, et l’en débouter ;Condamner la Société SCI DE [Localité 19] à payer la somme de 5 000 € en application de l’article 700 du Code de procédure civile ;Écarter l’exécution provisoire de la décision à intervenir Condamner la Société SCI DE [Localité 19] aux entiers dépens ;Juger que Madame [LO] [U] épouse [Z] Monsieur [S] [PH] [LI] [Z], Monsieur [O] [H] [J], Monsieur [R] [T] [ED] [L], Monsieur [M] [PH] [I] [D] [K], Monsieur [A] [K], Monsieur [C] [G] [W] [V] [B], Monsieur [E] [X] seront exonérés, en leurs qualités d’associés, de leur quote-part dans les dépens, frais, honoraires et condamnations de la SCI DE [Localité 19] pour la présente procédure.Et dire que, conformément aux dispositions de l’article 699 du Code de procédure civile, Maître [T] [Y] pourra recouvrer directement les frais dont il a fait l’avance sans en avoir reçu provision.
Ils exposent à titre liminaire que les intervenants volontaires ont tous la qualité d’associés de la SCI DE [Localité 19] et qu’ils interviennent aux côtés de l’association pour dénoncer les agissements de M. [HP] [F], actuel gérant de la SCI DE [Localité 19].
Ils estiment que les associés justifient d’un intérêt à agir, mettant en avant que l’action engagée par la SCI DE [Localité 19] est contraire à son intérêt social, puisqu’elle tend à entraver le bon fonctionnement de l’Association sportive du Golf de Touraine, alors que son objet social consiste en la mise en valeur, l’administration et l’exploitation d’un ensemble de terrains situés autour du château de [Localité 19] en vue notamment d’y créer un terrain de Golf.
Ils arguent des dispositions de l’article L. 451-1 du code rural et de la pêche maritime, et en déduisent que l’association, peut, en sa qualité d’emphytéote, réaliser librement tous travaux de construction et de démolition sans le consentement du bailleur.
Ils ajoutent que l’Association sportive du Golf de Touraine a aménagé un terrain de golf conformément à ses obligations contractuelles et qu’elle a l’obligation d’entretenir le terrain et de soigner les arbres existants. Ils précisent notamment avoir, à cette fin, fait appel à M. [HW], ancien cadre retraité de l’Office Nationale des Forêts et que celui-ci a fait différents constats et préconisé l’abattage d’arbres, notamment en raison de leur dangerosité.
Ils mettent en avant que le bail ne prévoit pas que l’accord du bailleur est nécessaire et qu’une telle limitation viendrait remettre en cause les prérogatives essentielles du bail emphytéotique.
Ils relèvent qu’il n’est pas prouvé que l’abattage des arbres constituerait des détériorations graves.
Pour ce qui est la demande de remboursement du prix de vente des arbres formée par la SCI DE [Localité 19], ils se prévalent du droit d’accession prévu par l’article L, 451-10 du code rural et de la pêche maritime.
Ils ajoutent que la preuve du caractère systématique et répété à des fins commerciales des ventes n’est pas apportée par la demanderesse et que le produit de ces ventes a été tout à fait marginal.
Ils font enfin valoir que la vente de bois au profit des membres du club a toujours été pratiquée depuis la création du golf et que M. [F] ne peut ignorer cette pratique, qu’il a lui-même validée du temps de sa présidence.
Le tribunal renvoie aux écritures des parties par application des dispositions de l’article 455 du Code de procédure civile et de l’article 768 du Code de procédure civile pour un exposé plus amplement détaillé de leurs argumentaires, dont l’essentiel sera repris à l’occasion de l’examen des moyens et prétentions qui y sont articulés.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 10 avril 2024, avec effet au 20 août 2024 et l’affaire a été plaidée à l’audience du 03 septembre 2024.
1. Sur la recevabilité des interventions volontaires des associés de la SCI DE [Localité 19]
Il résulte des dispositions de l’article 789 du Code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret n°2019-1333 du 11 décembre 2019 applicable aux instances introduites à compter du 1er janvier 2020 que «lorsque la demande est présentée postérieurement à sa désignation, le juge de la mise en état est, jusqu’à son dessaisissement, seul compétent, à l’exclusion de toute autre formation du tribunal, pour : […] 1° Statuer sur les exceptions de procédure, les demandes formées en application de l’article 47 et les incidents mettant fin à l’instance ; 6°Statuer sur les fins de non-recevoir.
A défaut d’avoir été soulevée devant le juge de la mise en état, exclusivement compétent pour en connaître, la fin de non-recevoir tirée du défaut d’intérêt à agir de Madame [LO] [U] épouse [Z], Monsieur [S] [Z], Monsieur [O] [J], Monsieur [R] [L], Monsieur [M] [K], Monsieur [A] [K], Monsieur [C] [B] et Monsieur [E] [X], associés de la SCI DE [Localité 19], est irrecevable.
2. Sur les demandes d’interdiction sous astreinte d’abattage des arbres par l’ASSOCIATION SPORTIVE DU GOLF DE TOURAINE sauf accord de la SCI et de reversement de l’ensemble des sommes perçues par l’association au titre de ces ventes
sur l’interdiction sauf accord de la SCI d’abattage des arbres par l’ASSOCIATION SPORTIVE DU GOLF DE TOURAINE
Les parties s’accordent sur la qualification d’immeubles des arbres se trouvant sur la propriété de la SCI DE [Localité 19], mais s’opposent sur les droits conférés à l’Association sportive du Golf de Touraine par le bail emphytéotique.
L’article L.451-1 du Code rural et de la pêche maritime prévoit que le bail emphytéotique de biens immeubles confère au preneur un droit réel susceptible d’hypothèque.
L’emphytéose confère au preneur des droits étendus : l’emphytéote peut opérer toutes transformations aux bâtiments et tous changements de destination, de culture, à condition que ces modifications ne diminuent pas la valeur du fonds.
Par ailleurs, l’article L 451-8 du même code prévoit que l’emphytéote est tenu de procéder aux réparations de toute nature et à l’entretien des constructions existantes au moment du bail et de celles élevées en exécution de celui-ci.
En l’espèce, la SCI DE [Localité 19] a donné, par acte notarié du 29 septembre 1971, à bail emphytéotique, à l’Association sportive du Golf de Touraine un corps de ferme, un pavillon de gardien, un chai, deux bâtiments de vigne, une grange, des terres, des prés et bois, et étang. Cette qualification de bail emphytéotique n’est pas discutée.
Il ressort d’une clause spécifique de ce bail emphytéotique relative à l’entretien que « l’association preneuse entretiendra le terrain de golf ainsi que les terrains-annexes, elle curera et entretiendra les étangs et fossés, conformément aux règlements et usages locaux, et généralement fera tous les travaux d’assainissement nécessaires. Elle devra également soigner les arbres existants et ceux qu’elle plantera ».
Si aucune stipulation du bail ne prévoit une autorisation de la SCI DE [Localité 19] pour procéder à l’abattage des arbres, l’abattage des arbres ne peut toutefois pas être considéré comme une prérogative relevant de l’usage des lieux loués par l’emphytéote, puisque de nature à diminuer la valeur du fonds, sauf à ce que cet abattage soit rendu nécessaire par l’entretien du terrain de golf et/ou de l’ensemble de la propriété ou par la situation sanitaire des arbres, ce que soutient précisément l’Association sportive du Golf de Touraine.
Elle produit, à cet effet, un rapport de Monsieur [HW], ancien cadre retraité de l’ONF, intitulé « programme d’interventions sécuritaires des surfaces boisées du Golf de Touraine » du 11 août 2021, lequel constate que :
– de nombreux arbres sur l’ensemble de la propriété présentent des signes de dépérissement et comportent des branches mortes pouvant se décrocher et présentant ainsi un caractère de dangerosité, ce qui nécessite leur élagage ou leur coupage lorsque les coûts d’élagage sont trop importants,
– quelques arbres sont morts ou penchent dangereusement vers des bâtiments ou parkings et certains arbres, se trouvant à proximité ou en bordure immédiate de diverses cheminements, présentent des blessures au pied ou en hauteur, ce qui nécessite leur abattage ;
– divers bouquets d’arbres sont beaucoup trop denses, avec notamment des arbres de gros diamètres, ce qui rend nécessaire de remplacer les arbres les plus âgés et de pratiquer une éclaircie progressive au cours des prochaines années, afin d’avoir une bonne répartition des classes d’âges et ainsi d’assurer la pérennité des bouquets, sans modifier les paysages.
Ce rapport a ainsi préconisé l’élagage de 52 arbres minimum et l’abattage d’environ 135 arbres, dont 30 à 40 arbres de diamètre de 35 centimètres et précisé que suivant les tableaux joints, la majorité de ces arbres est de qualité chauffage et pourrait intéresser un marchand de bois à condition d’avoir un volume suffisant.
Le marquage des arbres a été effectué les 13 et 21 octobre 2021.
La SCI DE [Localité 19] ne conteste pas les conclusions de ce rapport : elle indique ne pas s’opposer à l’abattage des arbres dangereux, mais qu’en l’espèce, l’Association sportive du Golf de Touraine procéderait à leur exploitation systématique dans un but commercial.
Elle s’appuie, pour en porter la démonstration, sur trois procès-verbaux de constat dressés par Maître [HP], commissaire de justice ou par Madame [XT], clerc habilité au sein de la SAS H20 [HP] respectivement en date du 28 avril 2022, du 17 mai 2023 et du 15 avril 2024.
Dans son procès-verbal de 2022, le commissaire de justice constate la présence de troncs d’arbre entreposés aux abords de la route desservant le golf, leur regroupement, leur marquage au niveau du tronc et le caractère organisé de leur positionnement.
Le procès-verbal du 17 mai 2023 de Madame [XT] constate à l’est du parc la présence de plusieurs troncs d’arbre au sol et de bûches entreposées et regroupées (page 2 et 3), celle d’autres troncs d’arbres présents au sol en direction du Nord (p.4 à 7), puis en direction du sud, en sous-bois la présence d’un tas de bûche et d’un tronc d’arbre reposant au sol, dans un autre sous-bois en direction du sud des bûches regroupées de manière organisée en plusieurs tas recouverts d’une bâche (p.9 et 10) et enfin en direction du Nord, dans le sous-bois en limite du golf situé au Nord Est, la présence de plusieurs souches d’arbres et de plusieurs troncs d’arbre au sol (p.11 à 14).
Enfin, dans un procès-verbal du 15 avril 2024, Madame [XT] opère le même constat de la présence de plusieurs troncs d’arbre au sol, ainsi que de bûches sur le terrain du Golf, au [Adresse 4] à [Localité 14], à l’extrémité Est du Golf, au [Adresse 11] à [Localité 14], dans le bois et dans le sous-bois situés au Sud Est du parcours n°14 (p.4 à 6), dans un nouveau sous-bois en direction du Sud (p.7 et8), ainsi que sur le parcours 4, côté ouest à la lisière du bois et dans le bois en direction du ruisseau (p.9 et 13).
Il est précisé dans ce procès-verbal, que la tranche des troncs au sol est nette, de couleur claire et relevé que les numéros 6, 7, 8, 12, 13 16, 21 et 22, 36, 37, 44, 52, 54, 58, 59, 71, 88 figurent sur les troncs d’arbres abattus.
Toutefois, aucun de ces constats de commissaire de justice ne comptabilise de manière précise le nombre d’arbres abattus, et les deux constats antérieurs au 15 avril 2024 ne permettent pas l’identification des arbres abattus par rapport à ceux dont l’abattage a été constaté dans le dernier procès-verbal, en sorte que la preuve n’est pas rapportée que l’Association sportive du Golf de Touraine procéderait à un abattage « systématique et généralisé » des arbres « dans un but commercial » comme elle le soutient, et que ces abattages constitueraient des détériorations graves des lieux loués.
Les documents diffusés par l’Association sportive du Golf de Touraine ne rapportent pas davantage cette preuve, puisque le document intitulé « Golf de Touraine Info spéciale Terrain »- non daté – précise qu’une première tranche d’abattage des arbres dangereux (le long de la route d’accès) a été réalisée, et que la suite est prévue pour l’automne.
Pour sa part, le procès-verbal du comité du Golf de Touraine du 12 février 2021 en réponse au courrier recommandé de la SCI [Localité 19] au sujet des arbres, relate qu’ « au total, 50 stères de bois ont été débités et stockés sur le parcours. De plus, depuis plusieurs années nous faisons abattre des arbres avec une simple information au Comité…Nous avons eu à faire une campagne (décision prise en concertation entre le directeur et le greenkeeper) ces dernières semaines pour des raisons sanitaires (arbres malades 1/17/18), de sécurité (entrée du Golf, 14, 5, vestiaires) et aussi pour favoriser l’ensoleillement (départ du 12) et le jeu de golf (trou n°2). On ne coupe pas pour faire joli ou se faire plaisir…(375 h de travail + 7 journées d’élageur) ».
Ainsi, il n’est pas démontré que les arbres abattus ne seraient pas ceux dont la coupe était préconisée dans le rapport du 26 octobre 2021 (soit environ 135 arbres) en raison de leur dangerosité pour les golfeurs ou pour les personnels d’entretien, ou pour des raisons sanitaires ou enfin pour des impératifs de préservation de la biodiversité.
Or, la coupe de ces arbres entre dans le cadre de l’obligation d’entretien du Golf, à laquelle est tenue l’Association sportive du Golf de Touraine, sans avoir à obtenir d’autorisation préalable de la SCI DE [Localité 19], propriétaire.
Enfin, la SCI DE [Localité 19] ne peut s’appuyer sur des photographies, ni datées, ni localisables d’arbres abattus pour rapporter la preuve que ces derniers ne seraient ni malades, ni dangereux, puisque non situés en bordure du parcours du Golf.
Dans la mesure où en l’état des pièces produites, la preuve n’est pas rapportée que l’Association sportive du Golf de Touraine aurait procédé à la coupe des arbres dans un cadre autre que celui imposé par son obligation d’entretien des lieux loués, il n’y a pas lieu de lui interdire de procéder à la coupe d’arbres, sans obtenir au préalable une autorisation de la SCI DE [Localité 19].
La SCI DE [Localité 19] sera donc déboutée de la demande formée de ce chef.
Sur le remboursement du prix de vente des arbres
L’Association sportive du Golf de Touraine reconnaît avoir procédé à des ventes d’arbres « en interne », à destination de ses membres ou de son personnel pour servir de bois de chauffe. Elle précise qu’en moyenne entre 2017 et 2022, le produit de ces ventes a représenté une somme totale de 5.588,03 euros, soit moins d’un tiers du coût d’entretien des arbres.
L’emphytéote dispose d’un droit réel immobilier lui conférant des prérogatives plus larges que le bénéficiaire d’un bail ordinaire de droit commun.
Ainsi, l’article L 451-10 du Code rural et de la pêche maritime prévoit que l’emphytéote profite du droit d’accession pendant la durée de l’emphytéose. Ce droit d’accession, qui profite au preneur pendant toute la durée du bail, et s’ajoute, à titre d’accessoire, au droit réel de jouissance portant sur les immeubles, objet du bail, ne porte que sur les améliorations, constructions et autres plantations, dont il est l’auteur.
Toutefois, dans la mesure où le bail emphytéotique porte également sur les bois sur lesquels elle dispose d’un droit réel de jouissance, l’Association sportive du Golf de Touraine peut, pendant la durée du bail emphytéotique, conserver le produit de la vente du bois issu des coupes rendues nécessaires par l’entretien des lieux loués.
La SCI DE [Localité 19] sera donc déboutée de la demande en remboursement du prix de vente des arbres.
3. Sur les demandes accessoires
Il serait inéquitable de laisser à la charge de l’Association sportive du Golf de Touraine les frais irrépétibles non compris dans les dépens qu’elle a été contrainte d’exposer dans le cadre du présent litige. En conséquence, la SCI DE [Localité 19] sera condamnée à lui payer la somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.
Partie perdante, la SCI DE [Localité 19] sera condamnée aux dépens, avec droit de recouvrement direct au profit de Maître [T] [Y] si les conditions prévues à l’article 699 du Code de procédure civile sont réunies.
Il sera rappelé qu’en vertu de l’article 514 du code de procédure civile, la présente décision est assortie de plein droit de l’exécution provisoire, sans qu’aucune considération ne commande d’écarter l’exécution provisoire de la présente décision, compatible avec la nature de l’affaire ;
Le tribunal judiciaire, statuant publiquement, par jugement contradictoire en premier ressort ;
Déclare irrecevable la fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité à agir de Madame [LO] [U] épouse [Z], Monsieur [S] [Z], Monsieur [O] [J], Monsieur [R] [L], Monsieur [M] [K], Monsieur [A] [K], Monsieur [C] [B] et Monsieur [E] [X] ;
Déboute la SCI DE [Localité 19] de sa demande tendant à interdire à l’Association sportive du Golf de Touraine de procéder à l’abattage des arbres sauf accord de sa part ;
Déboute la SCI DE [Localité 19] de sa demande en remboursement des sommes perçues par l’Association sportive du Golf de Touraine au titre des ventes des arbres abattus ;
Condamne la SCI DE [Localité 19] à payer à l’Association sportive du Golf de Touraine la somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;
Condamne la SCI DE [Localité 19] aux dépens ;
Accorde à Maître [T] [Y] le bénéfice des dispositions de l’article 699 du Code de procédure civile ;
Dit n’y avoir lieu d’écarter l’exécution provisoire
Ainsi fait, jugé et rendu par mise à disposition au Greffe les jour, mois et an que dessus.
LE GREFFIER,
C. FLAMAND
LA PRÉSIDENTE,
V. ROUSSEAU
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