L’Essentiel : Les avis négatifs des consommateurs suscitent un débat entre dénigrement et liberté d’expression. Les commerçants se plaignent souvent de critiques virulentes en ligne. Dans une affaire récente, un consommateur a partagé son expérience d’achat d’un meuble, dénonçant des mensonges sur les délais de livraison et un service client désagréable. Malgré les menaces de poursuites judiciaires de la société, le juge a reconnu que les critiques, bien que sévères, ne constituaient pas un trouble manifestement illicite. Les avis, même excessifs, relèvent du droit à l’expression, tant qu’ils ne portent pas atteinte à l’honneur de l’entreprise.
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De nombreux commerçants se plaignent des avis négatifs publiés en ligne par les consommateurs. Que faire en cas de publication d’un avis particulièrement virulent ? Comme illustré par cette affaire, plusieurs options sont possibles mais les juges ont un degré de tolérance plus élevé s’agissant des critiques des consommateurs. Avis des consommateurs : critique, dénigrement ou diffamationDans le premier message posté sur le site ciao.fr, un consommateur relatait le déroulement de son achat avec une société de vente de meubles en stigmatisant ce qu’elle qualifiait de mensonges de ses correspondants sur les dates de livraison, en précisant que ses interlocuteurs étaient désagréables et en concluant que le site de la société était à éviter absolument. Dans un autre message, le consommateur indiquait qu’il avait été contacté par le responsable de la société afin de retirer son avis et que devant son refus il lui avait indiqué qu’il bloquait la livraison, l’avait menacé de poursuites judiciaires et de ne pas revoir son argent, ajoutant que ce responsable enregistrait les conversations téléphoniques sans en avertir les clients. Enfin dans un troisième message le consommateur reprenait l’historique de ses relations contractuelles avec la société précisant que le PDG de la société avait mis ses menaces à exécution puisqu’elle n’avait été ni livrée ni remboursée mais qu’il attendait avec impatience les poursuites judiciaires et écrivait : « Je doute qu’un avis ne comportant ni message de haine ni outrage mais relatant simplement une très mauvaise expérience lors d’un achat en ligne avec une société qui ne respecte pas ses engagements, puisse aboutir. Je pense qu’il s’agit d’une ruse pour ne pas me rendre les 700 euros empochés par xxx et pour gagner du temps. J’espère rapidement me racheter un buffet chez un commerçant digne de ce nom…. Pour ne pas avoir à subir les désagréments auxquels je dois faire face depuis le xxx un seul conseil : FUYEZ, FUYEZ, FUYEZ, FUYEZ, FUYEZ. Je viens de recevoir un chèque de remboursement il y a quelques jours. La société a conservé les frais de livraison d’un montant de 49 euros alors que sur l’avoir il est bien mentionné que l’annulation de cette commande a été faite par le PDG. Je continue mes réclamations par le biais de ma protection juridique et si cela ne suffit pas je contacterai la répression des fraudes du Pas-de-Calais. Je ne ferai aucun cadeau à ces arnaqueurs. A plusieurs tout est plus facile et surtout ne baissez pas les bras. Bon courage à tous ».
Avis négatifs : fondement de l’actionLes appréciations, même excessives, touchant les produits, services ou prestations d’une entreprise industrielle ou commerciale n’entrent pas dans les prévisions de l’article 29 de la loi du 29 juillet 1881 dès lors qu’ils ne concernent pas la personne physique ou morale. En l’espèce dans les messages incriminés le consommateur a fait état de la mauvaise qualité des services et prestations de la société à laquelle il fait grief de ne pas avoir respecté le code de la consommation, d’avoir sollicité le paiement de la marchandise avant la livraison, de ne pas l’avoir livrée dans les délais, d’enregistrer les conversations téléphoniques avec ses clients, d’avoir dans un premier temps et malgré l’annulation de la vente à son initiative omis de la rembourser des sommes versées, sous entendant ainsi qu’elle serait malhonnête. Force est de constater que les faits précis rapportés dans ces messages ne sont pas attentatoires à l’honneur ou à la considération de la société ou de son dirigeant et qu’en employant le terme arnaqueurs le consommateur a fait référence au manque de diligence de la société et à l’incompétence de son personnel sans lui imputer un fait précis qualifiable pénalement. L’action engagée par la société sur le fondement de l’article 1382 du code civil pour des faits qu’elle qualifiait de dénigrement était par conséquent recevable. Toutefois la société a été débouté de sa demande de condamnation : la publication des messages ci-dessus analysés ne caractérisaient pas un trouble manifestement illicite. Si certains messages étaient plus virulents dès lors que les consommateurs sont encouragés à fuir cette société dont les membres sont qualifiés d’arnaqueurs, ils restent cependant, compte tenu des circonstances dans lesquelles ils ont été écrits, dans les limites de ce qui peut être admis d’un consommateur dont l’expérience a été particulièrement négative dans la mesure où ayant commandé un meuble à la fin du mois de septembre il n’en n’avait pas reçu livraison quatre mois plus tard et n’avait pas été complètement remboursé. |
Q/R juridiques soulevées :
Quels sont les types d’avis que les consommateurs peuvent publier en ligne ?Les consommateurs peuvent publier différents types d’avis en ligne, notamment des critiques, des dénigrements ou des commentaires qui peuvent être perçus comme diffamatoires. Les critiques sont généralement des retours d’expérience sur un produit ou un service, où le consommateur exprime son opinion, qu’elle soit positive ou négative. Le dénigrement, en revanche, implique une intention de nuire à la réputation d’une entreprise, souvent en utilisant des termes péjoratifs ou en exagérant des faits. Enfin, la diffamation se réfère à des déclarations fausses qui portent atteinte à l’honneur ou à la réputation d’une personne ou d’une entreprise. Dans le cas présenté, les avis du consommateur semblent se situer dans la catégorie des critiques, bien qu’ils contiennent des éléments de dénigrement. Comment les juges évaluent-ils les avis négatifs publiés en ligne ?Les juges évaluent les avis négatifs publiés en ligne en tenant compte de plusieurs critères, notamment le contenu des messages, le contexte dans lequel ils ont été écrits et l’intention de l’auteur. Dans l’affaire mentionnée, les juges ont montré un degré de tolérance élevé envers les critiques des consommateurs, même si celles-ci étaient virulentes. Ils examinent si les propos tenus sont fondés sur des faits vérifiables et s’ils portent atteinte à l’honneur ou à la considération de l’entreprise. Dans ce cas, les juges ont conclu que les messages du consommateur ne constituaient pas un trouble manifestement illicite, car ils reflétaient une expérience négative réelle et des préoccupations légitimes concernant le service de l’entreprise. Quelles actions peuvent entreprendre les entreprises face à des avis négatifs ?Les entreprises peuvent entreprendre plusieurs actions face à des avis négatifs, notamment répondre publiquement aux critiques, demander le retrait des avis jugés diffamatoires ou engager des poursuites judiciaires pour dénigrement. Dans le cas présenté, la société a tenté d’agir en justice sur le fondement de l’article 1382 du code civil, arguant que les avis constituaient un dénigrement. Cependant, la société a été déboutée de sa demande, car les juges ont estimé que les avis ne caractérisaient pas un trouble manifestement illicite. Les entreprises doivent donc peser le pour et le contre avant d’engager des actions légales, car cela peut parfois aggraver la situation et nuire à leur image. Quels éléments peuvent rendre un avis négatif recevable en justice ?Pour qu’un avis négatif soit recevable en justice, il doit généralement contenir des éléments factuels et vérifiables qui démontrent une expérience réelle du consommateur. Les juges prennent en compte la véracité des faits rapportés, l’intention de l’auteur et le contexte dans lequel l’avis a été publié. Dans l’affaire discutée, le consommateur a fourni des détails précis sur sa mauvaise expérience, tels que des retards de livraison et des problèmes de remboursement, ce qui a renforcé la légitimité de son avis. Les juges ont également noté que les termes utilisés, bien que virulents, ne constituaient pas une attaque personnelle mais plutôt une critique de la qualité des services fournis par l’entreprise. Ainsi, un avis qui se base sur des faits concrets et qui exprime une opinion légitime est plus susceptible d’être protégé par la liberté d’expression. |
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