Autorité de la concurrence, 23 décembre 2019
Autorité de la concurrence, 23 décembre 2019

Type de juridiction : Juridiction administrative

Juridiction : Autorité de la concurrence

Thématique : Abus de position dominante de Google : amende de 150 millions d’euros

Résumé

L’Autorité de la concurrence a infligé à Google une amende de 150 millions d’euros pour abus de position dominante sur le marché de la publicité liée aux recherches. Les règles de fonctionnement de Google Ads ont été jugées opaques et appliquées de manière inéquitable, rendant leur compréhension difficile pour les annonceurs. Google est désormais contraint de clarifier ces règles et d’améliorer la transparence de ses procédures de suspension de comptes. Cette décision vise à protéger les annonceurs et à garantir une concurrence équitable sur le marché de la publicité en ligne.

L’Autorité de la concurrence vient de sanctionner Google d’une amende de 150 M d’euros pour abus de position dominante sur le marché de la publicité liée aux recherches. L’Autorité de la concurrence a également enjoint Google de clarifier la rédaction des règles de fonctionnement de Google Ads, ainsi que la procédure de suspension des comptes.

Absence d’objectivité et opacité sanctionnées

Google a abusé de la position dominante qu’elle détient sur
le marché de la publicité liée aux recherches, en adoptant des règles de
fonctionnement de sa plateforme publicitaire Google Ads opaques et
difficilement compréhensibles et en les appliquant de manière inéquitable et
aléatoire. L’Autorité de la concurrence
considère que les règles de fonctionnement de Google Ads imposées par Google
aux annonceurs, sont établies et appliquées dans des conditions non objectives,
non transparentes et discriminatoires. L’opacité et l’absence d’objectivité de
ces règles rendent très difficile leur application par les annonceurs, alors
que Google a toute discrétion pour modifier son interprétation des règles de
façon difficilement prévisible, et décider en conséquence si les sites les
respectent ou non. Cela permet à Google de les appliquer de façon
discriminatoire ou incohérente. Cela conduit à des dommages à la fois pour les
clients annonceurs mais aussi pour les utilisateurs du moteur de recherche.

Mesures d’injonction

L’Autorité soumet également Google à une injonction de
clarification des règles de fonctionnement de sa plateforme publicitaire Google
Ads et des procédures de suspension des comptes. Google devra également mettre
en place des mesures de prévention, de détection et de traitement des
violations des « Règles » Google Ads. Le résumé de la décision devra être
accessible via la page d’accueil des moteurs de recherche Google.com et Google.fr,
pendant une durée d’une semaine.

L’Autorité a ordonné à Google de :

• clarifier la
rédaction des Règles de sa plateforme publicitaire Google Ads et de revoir les
procédures d’information concernant les modifications des Règles (notification
individuelle deux mois avant le changement de Règle) ;

• clarifier
les procédures de suspension des comptes afin d’éviter que celles-ci ne
revêtent un caractère brutal et injustifié ;

• mettre en
place des procédures d’alerte, de prévention, de détection et de traitement des
manquements à ses Règles, afin que les mesures de suspension de sites ou de
comptes Google Ads soient strictement nécessaires et proportionnées à
l’objectif de protection de consommateur.

A ce titre, Google devra organiser une formation annuelle
obligatoire à destination des personnels chargés de l’accompagnement personnalisé
des entreprises présentes sur Google Ads afin que les équipes soient
suffisamment informées du contenu et de la portée des Règles Google Ads, ainsi
que des risques que leurs clients et les utilisateurs encourent s’ils ne les
respectent pas.

Google communiquera chaque année à l’Autorité un rapport
précisant notamment le nombre de plaintes déposées à son encontre par les
internautes français, le nombre de sites et comptes suspendus, la nature des
Règles violées et les modalités de la suspension.

Par ailleurs Google devra présenter à l’Autorité :

• dans un
délai de 2 mois, un rapport détaillant les mesures et procédures qu’elle compte
mettre en œuvre pour se conformer aux injonctions.

• dans un
délai de 6 mois, un rapport détaillant l’ensemble des mesures et procédures
qu’elle a effectivement mises en place

Pratiques en cause

Google régule l’interaction entre la face « annonceurs » et
la face « internautes » au mieux de ses intérêts. Les éléments du dossier ont
montré que Google ne protégeait qu’imparfaitement les internautes et pouvait
même les priver de sites aux modèles économiques innovants. Elle expose, en
outre, les annonceurs à des Règles particulièrement opaques dont l’application
est imprévisible et inéquitable.

Des Règles confuses dans leur formulation et leur
interprétation et qui, par ailleurs, sont sujettes à de nombreuses
modifications sans que les annonceurs n’en soient informés

Les éléments au dossier montrent que Google a eu un
comportement ambigu à plusieurs égards : les Règles édictées sont elles-mêmes
opaques et difficilement compréhensibles, elles laissent donc à Google toute
discrétion pour les interpréter et les modifier. Par ailleurs, l’application de
ces Règles ne semble pas suivre des principes cohérents : ainsi, certains sites
ont été suspendus par Google alors que d’autres, à contenus similaires, ont été
maintenus. Enfin, l’application interne de ces Règles par Google n’est pas non
plus cohérente, certains sites qui ne
respectaient pas les Règles s’étant vu proposer des services personnalisés de
Google Ads pour renforcer leur exposition.

Obligations des sociétés en position dominante

Compte tenu de sa position dominante (plus de 90 % des
recherches effectuées en France et probablement plus de 80 % sur le marché de
la publicité en ligne liée aux recherches), renforcée par l’existence de très
fortes barrières à l’entrée, Google est tenue de définir les Règles de
fonctionnement de sa plateforme publicitaire de manière objective, transparente
et non discriminatoire. Or, la formulation des Règles ne repose sur aucune
définition précise et stable, ce qui donne toute latitude à Google pour les
interpréter selon les situations.

Ainsi, la Règle sur la « vente d’articles gratuits »
interdit, sans autre forme de précision, le fait de « facturer des frais aux
utilisateurs pour des produits ou services qui sont normalement gratuits ». Or,
le caractère « normalement gratuit » d’un service n’est pas aisément
déterminable. En matière de météo par exemple, certains sites offrent un nombre
important d’informations gratuites, mais des sites comme Météo France ou
Meteoconsult, proposent aussi une offre payante par abonnement. Il est donc
très difficile pour un professionnel de déterminer si le service en question
est « normalement gratuit », cette notion n’étant par ailleurs pas définie de
façon précise.

Google a modifié fréquemment sa position sur
l’interprétation des Règles. Cette instabilité a pour effet de maintenir
certains annonceurs dans une situation d’insécurité juridique et économique,
ces derniers étant exposés à des changements de position de Google, et donc à
la suspension de leur site ou même de leur compte, qu’ils ne peuvent pas
anticiper.

Les équipes d’assistance de Google, avec lesquelles les
annonceurs peuvent dialoguer, éprouvent parfois elles-mêmes des difficultés à
comprendre la portée et la teneur des « Règles » et doivent, dans certains cas,
se retourner vers d’autres équipes spécialisées, appelées « Policy », en charge
de la conformité des sites avec les Règles, pour tenter d’obtenir des
explications. Les équipes internes de Google ont d’ailleurs parfois des
divergences d’approches, les premières s’engageant dans certains cas auprès des
annonceurs à recommander la levée de la suspension de comptes, sans être
suivies par les équipes « Policy ». Les équipes d’assistance des annonceurs ont
parfois même été jusqu’à mettre les clients qu’ils accompagnaient en risque
vis-à-vis des Règles.

Le contenu des Règles a, par ailleurs, évolué à de
nombreuses reprises au cours de la période couverte par l’instruction, sans que
ces changements de contenu n’aient fait l’objet d’une information ou d’une
notification auprès des annonceurs concernés.

Cette instabilité des Règles a pour effet de maintenir
certains annonceurs dans une situation d’insécurité juridique et économique,
ces derniers étant exposés à des changements de position de Google, et donc à
la suspension de leur site ou même de leur compte, qu’ils ne pouvaient pas
anticiper. Des Règles appliquées de manière discriminatoire : plusieurs sites
ont été suspendus alors que d’autres, aux contenus similaires, ne l’étaient pas

Promotion de Google Ads

Délibérément ou non,
Google a affiché un comportement de protection du consommateur, tout en
développant des offres commerciales à l’égard d’éditeurs de sites pourtant
considérés par Google elle-même comme douteux, avec pour objectif d’augmenter
les investissements dans Google Ads (prestations d’accompagnement).

En outre, la Règle sur la « vente de services gratuits » a
pu conduire les sites à favoriser une politique de contenus fondée sur la gratuité
couplée à la publicité, modèle très présent dans l’écosystème des produits
Google. En effet, afin de ne pas être pris en défaut sur la Règle
d’interdiction de vente de services gratuits, des sites ont pu revoir leur
modèle économique en proposant exclusivement des services non payants pour les
utilisateurs, et financés, indirectement, par la vente d’espace publicitaires
via la publicité « display » pour laquelle Google propose ses services.

Ces pratiques ont nui également aux sites à faible notoriété. En effet, l’optimisation du référencement naturel ne pouvant être que longue et complexe, la seule véritable possibilité offerte à ces sites pour se faire connaître est, dans la grande majorité des cas, le référencement payant, les annonces liées aux recherches Google étant devenues la « norme de fait » pour les annonceurs souhaitant acheter ce type de publicité. Décision en cours de publication par l’Autorité.

 


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