Conflit sur l’autorité de la chose jugée et ses implications en matière de créances et de restitution.

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Conflit sur l’autorité de la chose jugée et ses implications en matière de créances et de restitution.

L’Essentiel : La SAS Speic Atout Services a acquis un fonds de commerce de la SARL Stocobis le 1er juillet 2019 pour 129.000 €, incluant des activités de stockage et distribution. Le même jour, un bail commercial a été signé avec la SCI Stoc-Immo pour les locaux précédemment occupés par Stocobis. En redressement judiciaire depuis le 23 février 2021, la SAS a résilié le bail le 6 mai 2021, entraînant une créance de 33.102,40 € pour la SCI. Le tribunal a déclaré nulle la cession de fonds de commerce le 7 avril 2023, et a rejeté la créance de la SCI le 7 novembre 2023.

Acquisition du fonds de commerce

La SAS Speic Atout Services a acquis, le 1er juillet 2019, un fonds de commerce de la SARL Stocobis pour un montant de 129.000 €, dont une partie était payable à terme. Ce fonds concernait des activités de magasinage, stockage, conditionnement, négoce, distribution et commercialisation de divers produits.

Contrat de bail commercial

Le même jour, la SCI Stoc-Immo a conclu un contrat de bail commercial avec la SAS Speic Atout Services pour des locaux situés à [Adresse 2] à [Localité 4], où la SARL Stocobis avait précédemment exercé son activité.

Redressement judiciaire

Le tribunal de commerce de Tours a placé la SAS Speic Atout Services en redressement judiciaire le 23 février 2021, désignant Maître [J] [F] comme mandataire judiciaire.

Résiliation du bail commercial

Le 6 mai 2021, le juge commissaire a autorisé la SAS Speic Atout Services à résilier le contrat de bail commercial, en raison de l’impossibilité d’exploiter les locaux. La résiliation a pris effet le 18 mai 2021, et la SCI Stoc-Immo a déclaré une créance de 33.102,40 € au passif de la SAS pour les loyers dus.

Assignation en annulation

Le 29 avril 2021, la SAS Speic Atout Services a assigné la SARL Stocobis pour annuler la cession de fonds de commerce et ordonner la remise en état des parties, ainsi que la SCI Stoc-Immo pour que le jugement soit déclaré opposable.

Suspension de l’admission des créances

Le 25 octobre 2021, le juge commissaire a suspendu l’admission des créances de la SCI Stoc-Immo jusqu’à ce que le litige soit tranché au fond.

Liquidation judiciaire

Le tribunal de commerce a prononcé la liquidation judiciaire de la SAS Speic Atout Services le 12 juillet 2022, avec Maître [J] [F] comme liquidateur judiciaire.

Nullité de la cession de fonds de commerce

Le 7 avril 2023, le tribunal a déclaré nulle la cession de fonds de commerce du 1er juillet 2019, en raison de dol, et a ordonné la remise en état des parties.

Rejet de la créance de la SCI Stoc-Immo

Le 7 novembre 2023, le juge commissaire a rejeté la créance de la SCI Stoc-Immo au titre des loyers commerciaux, soit 33.102,40 €.

Nouvelle assignation par le liquidateur

Le 15 décembre 2023, Maître [J] [F] a assigné la SCI Stoc-Immo pour obtenir la remise en état des parties et le remboursement de 160.074,25 € au titre des loyers versés, tout en demandant que la SCI ne soit pas redevable d’une indemnité d’occupation.

Demandes de la SCI Stoc-Immo

Le 31 mai 2024, la SCI Stoc-Immo a demandé au juge de déclarer irrecevables les demandes de Maître [F] et de condamner ce dernier à lui verser 1.500 € en application de l’article 700 du Code de procédure civile, arguant que les demandes se heurtaient à la chose jugée.

Réponse du liquidateur

Le 6 juin 2024, Maître [J] [F] a soutenu que ses demandes étaient recevables, précisant qu’aucune demande n’avait été formulée contre la SCI Stoc-Immo dans la précédente instance.

Examen de l’affaire

L’affaire a été examinée lors de l’audience d’incident de mise en état du 10 octobre 2024, et le juge a statué sur la fin de non-recevoir tirée de l’autorité de chose jugée.

Décision du juge de la mise en état

Le juge a rejeté la fin de non-recevoir soulevée par la SCI Stoc-Immo, déclarant recevable l’action de Maître [J] [F] contre elle, et a réservé le sort des dépens et des frais irrépétibles à l’appréciation du juge du fond. L’affaire a été renvoyée à l’audience de mise en état virtuelle du 20 janvier 2025.

Q/R juridiques soulevées :

Sur la fin de non-recevoir tirée de l’autorité de chose jugée

L’article 122 du code de procédure civile dispose : « Constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d’agir, tel le défaut de qualité, le défaut d’intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée. »

Le juge de la mise en état est compétent pour statuer sur cet incident en vertu de l’article 789 du code de procédure civile, la chose jugée constituant une fin de non-recevoir.

L’article 1355 du code civil précise : « L’autorité de la chose jugée n’a lieu qu’à l’égard de ce qui a fait l’objet du jugement. Il faut que la chose demandée soit la même ; que la demande soit fondée sur la même cause ; que la demande soit entre les mêmes parties, et formée par elles et contre elles en la même qualité. »

Il est de droit positif que l’autorité de la chose jugée n’a lieu qu’à l’égard de ce qui fait l’objet d’un jugement et a été tranché dans son dispositif.

Il est également de droit que pour invoquer l’autorité que la loi attribue à la chose jugée, il faut, entre autres conditions, que la demande soit entre les mêmes parties et formée par elles ou contre elles en la même qualité.

En l’espèce, la procédure engagée devant le tribunal de commerce de Tours opposait la SAS Speic Atout Services et Maître [F], intervenant volontairement à l’instance en sa qualité de liquidateur judiciaire de ladite société, à la SARL Stocobis et à la SCI Stoc-Immo.

La présente instance, elle, oppose Maître [F], toujours en sa qualité de liquidateur judiciaire, à la SCI Stoc-Immo. Dès lors, il y a bien une identité de parties.

S’agissant de l’identité de cause, la demande de restitution des loyers formée par Maître [F] vise à tirer les conséquences de la nullité de la cession du fonds de commerce dont découle le fait que la SAS Speic Atout Services n’a jamais été locataire de la SCI Stoc-Immo, le droit au bail étant l’un des éléments du fonds cédé.

La demande est bien formée sur la même cause puisque le jugement du tribunal de commerce a prononcé la nullité de ladite cession et remis les parties dans l’état dans lequel elles se trouvaient antérieurement à ladite cession. Il y a donc identité de cause.

S’agissant de l’identité d’objet, le tribunal de commerce a prononcé la nullité de la cession du fonds de commerce sur le fondement du dol et dit que par l’effet de cette annulation, la SAS Speic Atout Services est réputée n’avoir jamais été ni propriétaire du fonds de commerce ni locataire du local dans lequel il a été exploité.

Il a également ordonné la remise en état des parties telles qu’elles se trouvaient antérieurement au 1er juillet 2019 et condamné la SARL Stocobis à rembourser le prix de la cession et à indemniser la SAS Speic Atout Services au titre de sa perte d’exploitation.

Maître [F], ès qualités, demande dans le cadre de la présente instance la restitution par la SCI Stoc-Immo des loyers qu’elle a perçus.

La chose demandée n’est donc pas la même que celle sollicitée devant le tribunal de commerce. Ce dernier n’a pas été saisi d’une demande de restitution par la SCI Stoc-Immo des loyers perçus.

Sans se prononcer sur le bien-fondé de cette demande qui ne peut être examinée que par le juge du fond, il résulte de ce qui précède qu’il n’y a pas identité d’objet.

Dès lors, la chose demandée n’est pas la même que celle jugée précédemment, il convient de rejeter la fin de non-recevoir tirée de l’autorité de chose jugée soulevée par la SCI Stoc-Immo et de déclarer recevable la demande formée par Maître [F] à son encontre.

Sur les autres demandes

A ce stade de la procédure, les dépens seront réservés.

Le sort des frais irrépétibles sera apprécié par le juge du fond.

PAR CES MOTIFS

Le juge de la mise en état, statuant par mise à disposition au greffe, par ordonnance contradictoire et susceptible d’appel dans les conditions prévues par l’article 795 du code de procédure civile,

Rejette la fin de non-recevoir tirée de l’autorité de chose jugée soulevée par la SCI Stoc-Immo à l’encontre de Maître [J] [F],

Déclare recevable l’action de Maître [J] [F], agissant es qualité de liquidateur judiciaire de la SAS Speic Atout Services, à l’encontre de la SCI Stoc-Immo,

Dit que les dépens de l’incident suivront le sort de l’instance au fond,

Laisse le sort des frais irrépétibles à l’appréciation du juge du fond.

Rejette le surplus des demandes,

Renvoie l’examen de l’affaire à l’audience de mise en état virtuelle du 20 janvier 2025 et dit que Me [Z] devra signifier ses conclusions avant cette date.

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE TOURS

MISE EN ÉTAT

PREMIERE CHAMBRE

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

ORDONNANCE RENDUE LE 21 NOVEMBRE 2024

Numéro de rôle : N° RG 23/05439 – N° Portalis DBYF-W-B7H-JAA6

DEMANDEUR :

Maître [J] [F] Es qualité de liquidateur de la société SPEIC ATOUT SERVICES immatriculée au RCS de TOURS sous le numéro 849 858 667, nommé par jgt du TC de TOURS le 12 juillet 2022
de nationalité Française, demeurant [Adresse 1] – [Localité 3]
représenté par Maître Sophie CHARRON de la SARL ARCOLE, avocats au barreau de TOURS,

ET :

DÉFENDERESSE :

S.C.I. STOC IMMO
RCS de TOURS sous le numéro 428 174 072, dont le siège social est sis [Adresse 2] – [Localité 4]
représentée par Maître Antoine BRILLATZ de la SCP BRILLATZ-CHALOPIN, avocats au barreau de TOURS,

ORDONNANCE RENDUE PAR :

JUGE DE LA MISE EN ÉTAT : V. ROUSSEAU

GREFFIER : C. FLAMAND

DÉBATS :

A l’audience du 10 Octobre 2024, le Juge de la mise en état a fait savoir aux parties que la décision serait rendue par mise à disposition au greffe le 21 Novembre 2024.

Exposé du litige :

Suivant acte sous seing privé du 1er juillet 2019, la SAS Speic Atout Services a acquis auprès de la SARL Stocobis un fonds de commerce de magasinage, stockage, conditionnement, négoce distribution et commercialisation de tous produits pour le prix de 129.000 €, pour partie payable à terme.

Suivant contrat de bail commercial du 1er juillet 2019, la SCI Stoc-Immo a donné à bail à la SAS Speic Atout Services des locaux situés [Adresse 2] à [Localité 4], dans lesquels la SARL Stocobis exerçait son activité.

Suivant jugement du tribunal de commerce de Tours du 23 février 2021, la SAS Speic Atout Services a été placée en redressement judiciaire et Maître [J] [F] a été désigné en qualité de mandataire judiciaire.

Suivant ordonnance du 6 mai 2021, le juge commissaire à la procédure de redressement judiciaire a autorisé la SAS Speic Atout Services à résilier le contrat de bail commercial au motif qu’elle était dans l’impossibilité d’exploiter les locaux pris à bail et que l’activité logistique et d’entreposage était devenue quasi-inexistante. La résiliation du bail a pris effet le 18 mai 2021, date à laquelle les locaux ont été restitués. En parallèle, la SCI Stoc-Immo a déclaré sa créance au passif de la SAS Speic Atout Services pour les sommes dues en vertu du bail commercial pour un montant total de 33.102,40 €.

Par acte d’huissier du 29 avril 2021, la SAS Speic Atout Services a assigné la SARL Stocobis aux fins de voir annuler la cession de fonds de commerce du 1er juillet 2019 et ordonné la remise en état des parties, ainsi que la SCI Stoc-Immo afin que le jugement à intervenir lui soit déclaré opposable.

Suivant ordonnance du 25 octobre 2021, le juge commissaire à la procédure de redressement judiciaire a sursis à statuer sur l’admission des créances de la SCI Stoc-Immo jusqu’à ce que le litige soit tranché au fond.

Par jugement du 12 juillet 2022, le tribunal de commerce de Tours a prononcé la liquidation judiciaire de la SAS Speic Atout Services et désigné Maître [J] [F] en qualité de liquidateur judiciaire.

Par jugement du 7 avril 2023, le tribunal de commerce de Tours a notamment prononcé la nullité de la cession de fonds de commerce intervenue le 1er juillet 2019 et consentie par la SARL Stocobis à la SAS Speic Atout Services sur le fondement du dol, et ordonné la remise en état des parties dans l’état dans lequel elles se trouvaient antérieurement à la cession.

En conséquence, suivant ordonnance du 7 novembre 2023, le juge commissaire a rejeté en totalité la créance déclarée par la SCI Stoc-Immo au passif de la SAS Speic Atout Services au titre des loyers commerciaux, soit la somme de 33.102,40 €.

Par acte d’huissier du 15 décembre 2023, Maître [J] [F], es qualité de liquidateur judiciaire de la SAS Speic Atout Services, a assigné devant le tribunal judiciaire de Tours la SCI Stoc-Immo, aux fins de voir ordonner la remise en état des parties et de la voir condamner à lui remettre, es qualité de liquidateur judiciaire de la SAS Speic Atout Services, la somme de 160.074,25 € au titre du remboursement des loyers versés tout en jugeant que ladite société ne pourra être déclarée redevable d’une indemnité d’occupation et, subsidiairement, de fixer l’indemnité d’occupation à la somme maximale de 22.770 €, d’ordonner la compensation des créances réciproques et de condamner par conséquent la SCI Stoc-Immo à lui verser la somme de 137.230 €.

Par conclusions d’incident signifiées par voie électronique le 31 mai 2024, la SCI Stoc-Immo demande au juge de la mise en état, au visa des articles 122 et 789 du code de procédure civile, de :
– Dire irrecevables les demandes de Maître [F] es qualité de liquidateur judiciaire de la société Speic Atout Services,
– Le condamner es qualité à payer à la société Stoc-Immo la somme de 1.500€ par application de l’article 700 du Code de procédure civile.

La SCI Stoc-Immo argue que les demandes de Maître [F] se heurtent à la chose jugée par le tribunal de commerce de Tours dans son jugement du 7 avril 2023, de sorte qu’elles seraient irrecevables. Elle précise qu’après avoir jugé nulle la cession du fonds de commerce par la SARL Stocobis à la SAS Speic Atout Services, le tribunal a ordonné la remise des parties dans l’état dans lequel elles se trouvaient avant cette cession et a condamné en conséquence la SARL Stocobis à restituer la partie du prix payée par la SAS Speic Atout Services ainsi qu’à l’indemniser au titre de sa perte d’exploitation. Elle conclut donc que la demande de Maître [F] tendant à la restitution par la SCI Stoc-Immo des loyers perçus par elle remettrait en cause la chose jugée alors qu’il a été tenu compte par le tribunal de cette somme dans le calcul de la perte d’exploitation subie par la SAS Speic Atout Services et pour laquelle elle a été indemnisée.

Par conclusions d’incident signifiées par voie électronique le 6 juin 2024, Maître [J] [F], es qualité de liquidateur judiciaire de la SAS Speic Atout Services, demande au juge de la mise en état de :
– Déclarer recevable les demandes formées par Maître [F] ès qualité de liquidateur judiciaire de la société Speic Atout Services
– Débouter la société Stoc-Immo de toutes ses demandes.
– Renvoyer l’affaire à une audience de mise en état pour conclusions de la société Stoc-Immo.
– Condamner la société Stoc-Immo à verser la somme de 1.500 euros à Maître [J] [F] ès qualité de liquidateur judiciaire de la société Speic Atout Services
– Condamner la société Stoc-Immo aux entiers dépens de l’incident.

Maître [F] soutient que ses demandes ne souffrent pas de l’autorité de chose jugée en ce qu’aucune demande n’avait été formée à l’encontre de la SCI Stoc-Immo dans la précédente instance, qui avait été attraite à la cause uniquement pour que le jugement à intervenir lui soit déclaré opposable. Il expose que les demandes présentées à l’encontre de la SCI Stoc-Immo dans la présente instance ne sont pas les mêmes que celles soumises au tribunal de commerce, ne sont pas fondées sur la même cause et ne concernent pas les mêmes parties.

Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, et ce, conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il convient de se référer à leurs conclusions respectives régulièrement signifiées par RPVA.

L’affaire a été évoquée à l’audience d’incident de mise en état du 10 octobre 2024 puis placée en délibéré par mise à disposition au greffe au 21 novembre 2024.

MOTIFS

Aux termes de l’article 789 du code de procédure civile : Le juge de la mise en état est, à compter de sa désignation et, jusqu’à son dessaisissement, seul compétent, à l’exclusion de toute autre formation du tribunal, pour :

1° Statuer sur les exceptions de procédure, les demandes formées en application de l’article 47 et les incidents mettant fin à l’instance ;

2° Allouer une provision pour le procès ;

3° Accorder une provision au créancier lorsque l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable. Le juge de la mise en état peut subordonner l’exécution de sa décision à la constitution d’une garantie dans les conditions prévues aux articles 514-5,517 et 518 à 522 ;

4° Ordonner toutes autres mesures provisoires, même conservatoires, à l’exception des saisies conservatoires et des hypothèques et nantissements provisoires, ainsi que modifier ou compléter, en cas de survenance d’un fait nouveau, les mesures qui auraient déjà été ordonnées ;

5° Ordonner, même d’office, toute mesure d’instruction ;

6° Statuer sur les fins de non-recevoir.

Par dérogation au premier alinéa, s’il estime que la complexité du moyen soulevé ou l’état d’avancement de l’instruction le justifie, le juge de la mise en état peut décider que la fin de non-recevoir sera examinée à l’issue de l’instruction par la formation de jugement appelée à statuer sur le fond.

Dans le cas visé au précédent alinéa, la décision du juge de la mise en état, qui constitue une mesure d’administration judiciaire, est prise par mention au dossier. Avis en est donné aux avocats. Les parties sont alors tenues de reprendre la fin de non-recevoir dans les conclusions adressées à la formation de jugement.

I/ Sur la fin de non-recevoir tirée de l’autorité de chose jugée

L’article 122 du code de procédure civile dispose : « Constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d’agir, tel le défaut de qualité, le défaut d’intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée. »

Le juge de la mise en état est compétent pour statuer sur cet incident en vertu de l’article 789 du code de procédure civile susvisé, la chose jugée constituant une fin de non-recevoir.

L’article 1355 du code civil dispose : « L’autorité de la chose jugée n’a lieu qu’à l’égard de ce qui a fait l’objet du jugement. Il faut que la chose demandée soit la même ; que la demande soit fondée sur la même cause ; que la demande soit entre les mêmes parties, et formée par elles et contre elles en la même qualité. »

Il est de droit positif que l’autorité de la chose jugée n’a lieu qu’à l’égard de ce qui fait l’objet d’un jugement et a été tranché dans son dispositif.

Il est également de droit que pour invoquer l’autorité que la loi attribue à la chose jugée, il faut, entre autres conditions, que la demande soit entre les mêmes parties et formée par elles ou contre elles en la même qualité.

En l’espèce, la procédure engagée devant le tribunal de commerce de Tours opposait la SAS Speic Atout Services et Maître [F], intervenant volontairement à l’instance en sa qualité de liquidateur judiciaire de ladite société, à la SARL Stocobis et à la SCI Stoc-Immo. La présente instance, elle, oppose Maître [F], toujours en sa qualité de liquidateur judiciaire, à la SCI Stoc-Immo. Dès lors, il y a bien une identité de parties.

S’agissant de l’identité de cause, la demande de restitution des loyers formée par Maître [F] vise à tirer les conséquences de la nullité de la cession du fonds de commerce dont découle le fait que la SAS Speic Atout Services n’a jamais été locataire de la SCI Stoc-Immo, le droit au bail étant l’un des éléments du fonds cédé. La demande est bien formée sur la même cause puisque le jugement du tribunal de commerce a prononcé la nullité de ladite cession et remis les parties dans l’état dans lequel elles se trouvaient antérieurement à ladite cession. Il y a donc identité de cause.

S’agissant de l’identité d’objet, le tribunal de commerce a prononcé la nullité de la cession du fonds de commerce sur le fondement du dol et dit que par l’effet de cette annulation, la SAS Speic Atout Services est réputée n’avoir jamais été ni propriétaire du fonds de commerce ni locataire du local dans lequel il a été exploité. Il a également ordonné la remise en état des parties telles qu’elles se trouvaient antérieurement au 1er juillet 2019 et condamné la SARL Stocobis à rembourser le prix de la cession et à indemniser la SAS Speic Atout Services au titre de sa perte d’exploitation.
Maître [F], ès qualités, demande dans le cadre de la présente instance la restitution par la SCI Stoc-Immo des loyers qu’elle a perçus.
La chose demandée n’est donc pas la même que celle sollicitée devant le tribunal de commerce. Ce dernier n’a pas été saisi d’une demande de restitution par la SCI Stoc-Immo des loyers perçus.
Sans se prononcer sur le bien-fondé de cette demande qui ne peut être examinée que par le juge du fond, il résulte de ce qui précède qu’il n’y a pas identité d’objet.

Dès lors, la chose demandée n’est pas la même que celle jugée précédemment, il convient de rejeter la fin de non-recevoir tirée de l’autorité de chose jugée soulevée par la SCI Stoc Immo et de déclarer recevable la demande formée par Maître [F] à son encontre.

II/ Sur les autres demandes

A ce stade de la procédure, les dépens seront réservés.

Le sort des frais irrépétibles sera apprécié par le juge du fond.

PAR CES MOTIFS

Le juge de la mise en état, statuant par mise à disposition au greffe, par ordonnance contradictoire et susceptible d’appel dans les conditions prévues par l’article 795 du code de procédure civile,

Rejette la fin de non-recevoir tirée de l’autorité de chose jugée soulevée par la SCI Stoc-Immo à l’encontre de Maître [J] [F],

Déclare recevable l’action de Maître [J] [F], agissant es qualité de liquidateur judiciaire de la SAS Speic Atout Services, à l’encontre de la SCI Stoc-Immo,

Dit que les dépens de l’incident suivront le sort de l’instance au fond,

Laisse le sort des frais irrépétibles à l’appréciation du juge du fond.

Rejette le surplus des demandes,

Renvoie l’examen de l’affaire à l’audience de mise en état virtuelle du 20 janvier 2025 et dit que Me [Z] devra signifier ses conclusions avant cette date.

Ainsi fait et ordonné au Palais de Justice de Tours les jour, mois et an que dessus.

Le Greffier
C. FLAMAND
Le Juge de la mise en état
V. ROUSSEAU


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