L’Essentiel : Dans cette affaire, des co-indivisaires ont assigné un membre de l’indivision devant le tribunal judiciaire pour obtenir l’autorisation de signer un bail commercial au nom de l’indivision familiale. Les demandeurs soutiennent que le refus de ce membre a causé un préjudice financier à l’indivision, entraînant une perte de loyer significative. Le tribunal a jugé que l’assignation était régulière et a autorisé la signature du bail, considérant l’urgence et l’intérêt commun. Cependant, la demande de dommages-intérêts a été rejetée, le tribunal n’ayant pas compétence pour se prononcer sur cette question dans le cadre de la procédure accélérée.
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Contexte de l’affaireM. [E] [R], M. [L] [R] et M. [W] [R] ont assigné M. [P] [R] devant le tribunal judiciaire pour obtenir l’autorisation de signer un bail commercial au nom de l’indivision familiale [R]. Cette indivision, composée de quatre frères, possède plusieurs biens immobiliers, dont un local commercial à [Localité 17]. Les demandeurs soutiennent que le refus de M. [P] [R] de signer le bail a causé un préjudice financier à l’indivision. Les demandes des demandeursLes demandeurs souhaitent que le tribunal reconnaisse l’urgence et l’intérêt commun de l’indivision, leur permettant ainsi de signer le bail commercial avec la SARL [21]. Ils réclament également des dommages-intérêts pour la perte de loyer subie, ainsi que des frais de justice. Ils soulignent que le refus de M. [P] [R] a entraîné une perte de 31 500 € de loyer et a gravement affecté la trésorerie de l’indivision. Arguments de M. [P] [R]M. [P] [R] conteste la validité de l’assignation et demande la nullité de la procédure. Il argue que l’assignation initiale ne respectait pas les règles de procédure et que le tribunal n’est pas compétent pour statuer sur la demande d’indemnisation. Il soutient également que la signature du bail commercial n’est pas dans l’intérêt de l’indivision et qu’il existe d’autres moyens de financer les dépenses courantes. Décision du tribunalLe tribunal a jugé que la seconde assignation était régulière et a autorisé les demandeurs à signer le bail commercial, considérant que cela était dans l’intérêt commun de l’indivision et qu’il y avait urgence à agir. En revanche, la demande de dommages-intérêts pour le préjudice subi a été rejetée, le tribunal estimant qu’il n’avait pas compétence pour se prononcer sur cette question dans le cadre de la procédure accélérée. Conséquences financièresM. [P] [R] a été condamné aux dépens de l’instance, tandis que les demandeurs ont été déboutés de leurs autres demandes, y compris celles relatives aux frais irrépétibles. Le tribunal a ainsi statué sur la nécessité de préserver les intérêts de l’indivision tout en rejetant les demandes d’indemnisation. |
Q/R juridiques soulevées :
Sur la nullité de l’assignationIl résulte des pièces que suite à la délivrance de l’assignation du 23 janvier 2024, les demandeurs ont fait délivrer le 8 mars 2024 une seconde assignation au défendeur comportant les dispositions de l’article 762 du code de procédure civile applicable à la procédure, le dispositif de cette seconde assignation étant identique au dispositif de la première assignation. Dès lors que la seconde assignation délivrée au défendeur comporte les mentions nécessaires et que sa régularité n’est pas contestée de ce chef, que les deux instances ont été jointes, il convient de constater que le défendeur a été régulièrement assigné par cette seconde assignation et que cette régularisation ne laisse subsister aucun grief de sorte que, par application des articles 114 et 115 du code de procédure civile, il n’y a pas lieu à annulation de l’assignation. Il résulte par ailleurs des pièces que la procédure de l’article 751 du code de procédure civile a été respectée. Sur la demande d’autorisation de signature du bail commercialAux termes de l’article 815-6 du code civil, le président du tribunal judiciaire statuant selon la procédure accélérée au fond peut prescrire ou autoriser toutes les mesures urgentes que requiert l’intérêt commun de l’indivision. L’application de cette disposition impose que soient réunies deux conditions cumulatives, à savoir que la mesure sollicitée soit justifiée par l’intérêt commun de l’indivision et par l’urgence. Les indivisaires sont héritiers à parts égales des biens issus de la succession de leurs parents, comportant notamment des biens immobiliers situés à [Localité 17], [Localité 22], [Localité 19] et [Localité 23]. Par jugement du 30 octobre 2018, le tribunal de Nice a ordonné l’ouverture des opérations de compte, liquidation et partage et a désigné un notaire pour procéder aux dites opérations. Parmi les biens immobiliers indivis, figure un immeuble situé [Adresse 15] comportant au rez-de-chaussée un local commercial. Il résulte des écritures et pièces que ce local commercial n’est pas loué depuis plusieurs années, ce qui constitue de façon indiscutable une perte de recettes pour l’indivision; que depuis 2020, des pourparlers ont eu lieu entre les indivisaires et un locataire potentiel pour la conclusion d’un bail commercial; que les quatre coindivisaires, y compris le défendeur, par un mail du 5 juin 2022, ont donné leur accord pour la conclusion de ce bail dont ils ont eu connaissance et pu discuter des conditions. Alors que le bail devait être signé en mars 2023, le défendeur refusait de signer le bail en faisant valoir que le document concernant les lieux avant les travaux entrepris par ses frères et le locataire potentiel ne correspondait pas à la réalité, que par ailleurs, l’une des zones devait rester pleinement accessible par les pompiers pour faire évacuer les fumées, qu’enfin, il ignorait si le locataire potentiel avait soumis son plan à l’approbation des services de l’urbanisme de la ville de [Localité 17]. Depuis lors, ce bail n’a pas été signé, si bien que le local commercial est toujours libre de tout preneur et que le preneur qui a libéré auprès du notaire les fonds le 27 février 2023 en prévision de la signature, s’agissant du pas-de-porte de 125 000 € et du dépôt de garantie de 10 500 €, a mis en demeure l’indivision de signer le bail commercial et a informé l’indivision qu’à défaut de signature, il saisirait le tribunal pour obtenir la condamnation de l’indivision à des dommages et intérêts eu égard aux acomptes des travaux de 35 000 €, au remboursement du crédit de 229 000 € pour financer l’opération et à l’absence de ressources de la société, privée d’un chiffre d’affaires prévisionnel de 310 000 €. En premier lieu, il n’est pas contestable que l’intérêt commun de l’indivision, y compris alors que celle-ci a vocation à cesser dès que possible par le partage amiable ou judiciaire des biens la composant, est de valoriser lesdits biens immobiliers. En l’espèce, il résulte des pièces versées au dossier et notamment de la position du notaire que l’indivision a des difficultés de trésorerie, a dû vendre un bien immobilier pour faire face aux charges courantes, dont les taxes foncières; que les dépenses courantes et les travaux d’entretien et de réparation nécessaires pour relouer les biens immobiliers, ne peuvent pas être prises en charge par les loyers actuellement perçus. Il en résulte également que le loyer annuel prévu dans le bail commercial de 42 000 €, bien supérieur à celui estimé par une expertise immobilière dont fait état le notaire et non communiquée à la présente instance par les parties, et la valeur du pas de porte obtenu, sont manifestement dans l’intérêt commun de l’indivision. Le défendeur ne peut pas utilement soutenir que la signature de ce bail commercial ne serait pas dans l’intérêt commun de l’indivision alors même qu’il y avait consenti et que la réduction de 140 000 à 125 000 € du pas-de-porte ne saurait suffire à considérer qu’en définitive, cette opération ne serait pas conforme à l’intérêt commun; de la même façon, le fait que le preneur ait engagé des travaux sans que le défendeur ne l’ait autorisé alors qu’il n’ignorait pas que des travaux devaient intervenir et que les devis lui avaient au surplus été communiqués ne permet pas non plus de considérer que l’opération est contraire à l’intérêt commun de l’indivision; aucun élément versé aux débats ne permet d’établir que le preneur potentiel se serait affranchi des règles de l’urbanisme. Enfin, la forme sociale du preneur, s’agissant d’une société et non d’un individu à titre personnel, dont le défendeur indique qu’il a appris l’existence à l’occasion de cette procédure, ne saurait être un argument fondé pour estimer que la conclusion de ce bail ne serait pas dans l’intérêt commun, étant précisé que dans le projet de bail soumis en son temps au défendeur, le preneur était d’ores et déjà la société. Dès lors, il est de l’intérêt commun de l’indivision de voir signer ce bail commercial; de plus, il est également dans l’intérêt commun de l’indivision d’éviter une action en dommages et intérêts de la société. Il résulte en second lieu des écritures et pièces que la société est toujours disposée à conclure le bail, alors que les pourparlers ont commencé en 2020 et que le bail commercial devait être signé début 2023; compte tenu des conditions du bail, favorables à l’indivision, et pour éviter toute procédure en dommages et intérêts, il convient de constater qu’il y a urgence à voir autoriser la signature de ce bail commercial alors que, comme indiqué ci-dessus, la trésorerie ne permet pas de faire face aux dépenses et travaux nécessaires à la bonne conservation des biens immobiliers dans la perspective du partage. Il convient en conséquence d’autoriser les demandeurs à signer seuls le bail commercial avec la société. Sur la demande de condamnation du défendeur au titre du préjudice subi par les indivisairesIl ne résulte pas des articles 815-6 et suivants du code civil que le président du tribunal statuant en procédure accélérée au fond ait le pouvoir de se prononcer par application de l’article 1240 du code civil sur les dommages et intérêts pouvant revenir à l’indivision suite à la non-conclusion d’un contrat de bail commercial, ne s’agissant nullement d’une mesure urgente telle que prévue par l’article 815-6 du code civil. Les demandeurs sont déboutés de leur demande de ce chef. Sur les dépens et les frais irrépétiblesLe défendeur est condamné aux entiers dépens de l’instance. Il n’est pas inéquitable de laisser à chaque partie les frais irrépétibles qu’elles ont dû engager et elles sont en conséquence déboutées de leur demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile. PAR CES MOTIFS :Statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, par jugement contradictoire en premier ressort : Vu l’article 815-6 du code civil ; Autorise les demandeurs à signer seuls le contrat de bail commercial avec la société portant sur les locaux commerciaux situés [Adresse 15] à [Localité 17], Déboute les demandeurs de leurs autres demandes, Dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile, Condamne le défendeur aux dépens. |
JUDICIAIRE
DE DIJON
Affaire : [L] [R]
[E] [R]
[W] [R]
c/
[P] [R]
N° RG 24/00040 – N° Portalis DBXJ-W-B7I-IGCA
Minute N°
Copie certifiée conforme et copie revêtue de la formule exécutoire délivrées le :
à :
la SCP JEAN-MICHEL BROCHERIEUX – 24Me Jean-philippe MOREL – 87
JUGEMENT DU : 03 FEVRIER 2025
JUGEMENT
Nathalie POUX, Présidente du tribunal judiciaire de Dijon, assistée de Josette ARIENTA, Greffier
Statuant dans l’affaire entre :
DEMANDEURS :
M. [L] [R]
né le [Date naissance 4] 1946 à [Localité 20]
[Adresse 13]
[Localité 1]
M. [E] [R]
né le [Date naissance 10] 1954 à [Localité 20]
[Adresse 12]
[Localité 14]
M. [W] [R]
né le [Date naissance 9] 1948 à [Localité 20]
[Adresse 2]
[Localité 8]
représentés par Me Jean-Philippe MOREL, demeurant [Adresse 5], avocat au barreau de Dijon, postulant, Me Bertrand PAVLIK, demeurant [Adresse 11], avocat au barreau de Paris, plaidant
DEFENDEUR :
M. [P] [R]
né le [Date naissance 4] 1946 à [Localité 20]
[Adresse 6]
[Localité 7]
représenté par Me Jean-michel BROCHERIEUX de la SCP JEAN-MICHEL BROCHERIEUX, demeurant [Adresse 3], avocats au barreau de Dijon
A rendu le jugement suivant :
DEBATS :
L’affaire a été débattue à l’audience publique du 4 décembre 2024 et mise en délibéré au 22 janvier 2025, puis prorogé au 29 janvier 2025 puis au 3 février 2025 où la décision a été rendue par mise à disposition au greffe, ce dont les parties ont été avisées conformément aux dispositions de l’article 450 du code de procédure civile.
Par acte de commissaire de justice du 23 janvier 2024, M. [E] [R], M. [L] [R] et M. [W] [R] ont fait assigner M. [P] [R] devant le président du tribunal judiciaire statuant selon la procédure accélérée au fond au visa de l’article 815 -6 du code civil et des articles 1240 et 1241 du code civil aux fins de :
– juger que l’autorisation sollicitée est conforme à l’intérêt commun et à l’urgence pour l’indivision [R],
– donner l’autorisation à MM. [E] [R], [L] [R] et [W] [R] de signer seuls le contrat de bail commercial avec la SARL [21] sur les locaux commerciaux situés [Adresse 15] à [Localité 17] en application des dispositions de l’article 815-6 du code civil,
– juger que le refus fautif de M. [P] [R] a causé un préjudice à l’indivision [R] constituée de lui-même, de [E] [R], de [L] [R] et de [W] [R],
– en conséquence, condamner M. [P] [R] à verser à l’indivision [R] constituée de lui-même de M. [E] [R] de M. [L] [R] et de M. [W] [R] la somme de 31 500 € au titre de la perte de loyer supporté par l’indivision,
– condamner M. [P] [R] à payer à chacun des indivisaires, [E] [R], [L] [R] et [W] [R] la somme de 3000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– le condamner aux entiers dépens.
Par acte de commissaire de justice du 8 mars 2024, MM. [E], [L] et [W] [R] ont fait délivrer une assignation en régularisation à M. [P] [R] comportant les mêmes motifs et le même dispositif.
Les deux assignations ont été jointes.
Les consorts [R] exposent que :
l’indivision familiale [R] est composée de quatre frères indivisaires à parts égales, les demandeurs et le défendeur ;
cette indivision est propriétaire de plusieurs biens immobiliers dont un local commercial situé [Adresse 16] à [Localité 17] ;
les indivisaires dont M. [P] [R] ont donné leur accord pour mener à bien des négociations avec M. [X] [Y] pour la conclusion d’un bail commercial portant sur ce local commercial indivis ;alors que M. [P] [R] avait donné son accord sur la conclusion du bail commercial en juin 2022, il faisait volte-face et refusait de signer le bail en mars 2023 ;
depuis cette date, l’indivision se heurte à l’opposition infondée de M. [P] [R] et a été mise en demeure le 29 novembre 2023 par la SARL [21] de signer le bail le 30 décembre 2023 ; à défaut, le conseil du SARL a reçu pour instruction de poursuivre l’indivision en réparation du préjudice évalué à au moins 574 000 € dès lors qu’elle a financé des acomptes de travaux dans les locaux pour 35 000 €, qu’elle doit assurer le remboursement d’un crédit de 229 000 € souscrit en vue de la conclusion du bail litigieux et qu’elle n’a pas pu débuter son activité le 1er avril 2023 ce qui l’a privé de toute ressource alors que son prévisionnel était de 310 000 € du 1er avril 2023 au 30 novembre 2023 ;
les demandeurs sollicitent face à cette situation de blocage dangereux et préjudiciable pour l’indivision l’autorisation de signer le bail commercial dudit local dès lors que l’urgence comme l’intérêt commun sont caractérisées, en faisant valoir que le besoin en trésorerie de l’indivision est important pour financer les dépenses courantes et les travaux d’entretien et de réparation nécessaires pour que les biens immobiliers de l’indivision soient en état pour pouvoir être loués ou reloués convenablement et au prix du marché ; que plusieurs biens de l’indivision sont actuellement vacants, que le refus soudain de M. [P] [R] est particulièrement préjudiciable à l’indivision qui perd un pas-de-porte de 125 000 € et un loyer annuel de 42 000 € ;
le refus injustifié de M. [P] [R] cause un préjudice à l’indivision dès lors que le bail devait être conclu le 28 février 2023 avec le versement d’une somme de 125 000 € de pas-de-porte et un loyer annuel de 42 000 € ; ainsi, depuis le 28 février 2023, l’indivision a supporté une perte de 31 500 € de loyer sauf à parfaire, cette perte obérant gravement la trésorerie de l’indivision et emportant une dégradation des immeubles appartenant à l’indivision.
En réplique à la demande de nullité de l’assignation, les consorts [R] font valoir qu’ils ont régularisé la procédure en délivrant une seconde assignation, si bien qu’en application de l’article 121 du code de procédure civile , il n’y a pas lieu à nullité.
M. [P] [R] a demandé au président du tribunal de :
– prononcer la nullité de la procédure suite à la nullité de l’assignation,
-à tout le moins déclarer le juge saisi apparemment sous la forme de la procédure accélérée au fond incompétent pour statuer sur la demande indemnitaire,
-débouter les demandeurs de l’ensemble de leurs demandes,
-les condamner in solidum à verser à M. [P] [R] une indemnité de 4 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
-les condamner aux entiers dépens.
M. [P] [R] fait ainsi valoir que :
la citation du 23 janvier 2024 est nulle par application de l’article 56 du code de procédure civile dès lors qu’elle n’a pas avisé M. [P] [R] des dispositions de l’article 762 du code de procédure civile relative aux modalités de représentation ; la notion d’assignation en régularisation n’existe pas ; la nouvelle assignation ne semble pas avoir respecté les obligations d’ordre public de l’article 751 du code de procédure civile ;
à titre subsidiaire :
le tribunal n’est pas compétent selon la procédure accélérée au fond pour statuer sur la demande d’indemnisation qui n’est au demeurant pas fondée ;
par un jugement du 30 octobre 2018, le tribunal de Nice a ordonné la cessation de l’indivision successorale et l’ouverture des opérations de compte, liquidation et partage et a désigné un notaire pour procéder aux dites opérations ;
devant l’inertie du notaire et le blocage de la situation, M. [P] [R] a donné son accord le 5 juin 2022 aux propositions faites par [E] [R] à M. [Y] , comme locataire intéressé ; mais unilatéralement , M. [E] [R] a modifié les conditions en réduisant le droit d’entrée à 125 000 € au lieu de 140 000 €, en fixant la date de départ du bail au 15 décembre 2022 ; M. [P] [R] apprenait d’autre part au cours de l’actuelle procédure, que c’est une société constituée par M. [Y] qui a vocation à devenir locataire, ce qui constitue une incertitude sur la solvabilité ; il n’a pas donné son accord sur des travaux faits par M. [Y] dans le local commercial sans autorisation du bailleur et sans autorisation administrative ;
il n’existe aucune urgence, l’immeuble de [Localité 17] n’est pas en péril et sa location ne constitue pas une nécessité impérieuse ; l’urgence est de sortir de l’indivision et non de grever un bien de l’indivision d’un bail commercial ;
l’intérêt de l’indivision n’est pas établi ; l’intérêt de l’indivision est de vendre au meilleur prix les biens ou en tout cas de les partager à leur valeur réelle ; le bail commercial est contraire aux intérêts de l’indivision puisque le bien sera grevé d’une charge constituée par ce bail qui ne peut en aucun cas valoriser l’immeuble dont la vente est envisagée; le droit d’entrée a été réduit, le locataire prévu est désormais une SARL composée d’une SAS ; d’autres biens immobiliers de l’indivision peuvent être loués ou vendus pour financer les dépenses courantes et les travaux de réparation et d’entretien nécessaires.
Sur la nullité de l’assignation
Il résulte des pièces que suite à la délivrance de l’assignation du 23 janvier 2024, les demandeurs ont fait délivrer le 8 mars 2024 une seconde assignation au défendeur comportant les dispositions de l’article 762 du code de procédure civile applicable à la procédure , le dispositif de cette seconde assignation étant identique au dispositif de la première assignation.
Dès lors que la seconde assignation délivrée au défendeur comporte les mentions nécessaires et que sa régularité n’est pas contestée de ce chef , que les deux instances ont été jointes, il convient de constater que M. [P] [R] a été régulièrement assigné par cette seconde assignation et que cette régularisation ne laisse subsister aucun grief de sorte que , par application des articles 114 et 115 du code de procédure civile, il n’y a pas lieu à annulation de l’assignation.
Il résulte par ailleurs des pièces que la procédure de l’article 751 du code de procédure civile a été respectée.
Sur la demande d’autorisation de signature du bail commercial
Aux termes de l’article 815-6 du code civil, le président du tribunal judiciaire statuant selon la procédure accélérée au fond peut prescrire ou autoriser toutes les mesures urgentes que requiert l’intérêt commun de l’indivision.
L’application de cette disposition impose que soient réunies deux conditions cumulatives, à savoir que la mesure sollicitée soit justifiée par l’intérêt commun de l’indivision et par l’urgence.
MM. [P] [R] , [E] [R], [L] [R], [W] [R] sont héritiers à parts égales des biens issus de la succession de leurs parents, comportant notamment des biens immobiliers situés à [Localité 17], [Localité 22], [Localité 19] et [Localité 23].
Par jugement du 30 octobre 2018, le tribunal de Nice a ordonné l’ouverture des opérations de compte, liquidation et partage et a désigné Maître [B], notaire au sein de la SCP [18] pour procéder auxdites opérations.
Parmi les biens immobiliers indivis, figure un immeuble situé [Adresse 15] comportant au rez de chaussée un local commercial.
Il résulte des écritures et pièces que ce local commercial n’est pas loué depuis plusieurs années, ce qui constitue de façon indiscutable une perte de recettes pour l’indivision; que depuis 2020, des pourparlers ont eu lieu entre les indivisaires et M. [X] [Y] pour la conclusion d’un bail commercial; que les quatre coindivisaires, y compris M. [P] [R] par un mail du 5 juin 2022, ont donné leur accord pour la conclusion de ce bail dont ils ont eu connaissance et pu discuter des conditions.
Alors que le bail devait être signé en mars 2023, M. [P] [R] refusait de signer le bail en faisant valoir que le document concernant les lieux avant les travaux entrepris par ses frères et M. [Y] ne correspondait pas à la réalité, que par ailleurs, l’une des zones devait rester pleinement accessible par les pompiers pour faire évacuer les fumées, qu’enfin, il ignorait si M. [Y] avait soumis son plan à l’approbation des services de l’urbanisme de la ville de [Localité 17].
Depuis lors, ce bail n’a pas été signé, si bien que le local commercial est toujours libre de tout preneur et que le preneur qui a libéré auprès du notaire les fonds le 27 février 2023 en prévision de la signature, s’agissant du pas-de-porte de 125 000 € et du dépôt de garantie de 10 500 € a mis en demeure l’indivision de signer le bail commercial et a informé l’indivision qu’à défaut de signature, il saisirait le tribunal pour obtenir la condamnation de l’indivision à des dommages et intérêts eu égard aux acomptes des travaux de 35 000 €, au remboursement du crédit de 229 000 € pour financer l’opération et à l’absence de ressources de la société,privée d’un chiffre d’affaires prévisionnel de 310 000 €.
En premier lieu, il n’est pas contestable que l’intérêt commun de l’indivision, y compris alors que celle-ci a vocation à cesser dès que possible par le partage amiable ou judiciaire des biens la composant, est de valoriser lesdits biens immobiliers. En l’espèce, il résulte des pièces versées au dossier et notamment de la position du notaire Maître [K], notaire associé de l’étude [S], que l’indivision a des difficultés de trésorerie, a dû vendre un bien immobilier pour faire face aux charges courantes, dont les taxes foncières; que les dépenses courantes et les travaux d’entretien et de réparation nécessaires pour relouer les biens immobiliers, ne peuvent pas être prises en charge par les loyers actuellement perçus.
Il en résulte également que le loyer annuel prévu dans le bail commercial de 42 000 €, bien supérieur à celui estimé par une expertise immobilière dont fait état le notaire et non communiquée à la présente instance par les parties, et la valeur du pas de porte obtenu, sont manifestement dans l’intérêt commun de l’indivision.
M. [P] [R] ne peut pas utilement soutenir que la signature de ce bail commercial ne serait pas dans l’intérêt commun de l’indivision alors même qu’il y avait consenti et que la réduction de 140 000 à 125 000 € du pas-de-porte ne saurait suffire à considérer qu’en définitive, cette opération ne serait pas conforme à l’intérêt commun ; de la même façon, le fait que le preneur ait engagé des travaux sans que M. [P] [R] ne l’ait autorisé alors qu’il n’ignorait pas que des travaux devaient intervenir et que les devis lui avaient au surplus été communiqués ne permet pas non plus de considérer que l’opération est contraire à l’intérêt commun de l’indivision ; aucun élément versé aux débats ne permet d’établir que le preneur potentiel se serait affranchi des règles de l’urbanisme. Enfin,la forme sociale du preneur, s’agissant d’une société et non de M. [Y] à titre personnel, dont M. [P] [R] indique qu’il a appris l’existence à l’occasion de cette procédure, ne saurait être un argument fondé pour estimer que la conclusion de ce bail ne serait pas dans l’intérêt commun, étant précisé que dans le projet de bail soumis en son temps à M. [P] [R], le preneur était d’ores et déjà la société [21].
Dès lors, il est de l’intérêt commun de l’indivision de voir signer ce bail commercial; de plus, il est également dans l’intérêt commun de l’indivision d’éviter une action en dommages et intérêts de la société [21].
Il résulte en second lieu des écritures et pièces que la société [21] est toujours disposée à conclure le bail, alors que les pourparlers ont commencé en 2020 et que le bail commercial devait être signé début 2023; compte tenu des conditions du bail, favorables à l’indivision, et pour éviter toute procédure en dommages et intérêts, il convient de constater qu’il y a urgence à voir autoriser la signature de ce bail commercial alors que comme indiqué ci-dessus, la trésorerie ne permet pas de faire face aux dépenses et travaux nécessaires à la bonne conservation des biens immobiliers dans la perspective du partage.
Il convient en conséquence d’autoriser les demandeurs à signer seuls le bail commercial avec la société [21].
Sur la demande de condamnation de M. [P] [R] au titre du préjudice subi par les indivisaires
Il ne résulte pas des articles 815-6 et suivants du code civil que le président du tribunal statuant en procédure accélérée au fond ait le pouvoir de se prononcer par application de l’article 1240 du code civil sur les dommages et intérêts pouvant revenir à l’indivision suite à la non-conclusion d’un contrat de bail commercial, ne s’agissant nullement d’une mesure urgente telle que prévue par l’article 815-6 du code civil.
Les consorts [R] sont déboutés de leur demande de ce chef.
Sur les dépens et les frais irrépétibles
M. [P] [R] est condamné aux entiers dépens de l’instance.
Il n’est pas inéquitable de laisser à chaque partie les frais irrépétibles qu’elles ont dû engager et elles sont en conséquence déboutées de leur demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, par jugement contradictoire en premier ressort :
Vu l’article 815-6 du code civil ;
Autorise MM. [E] [R], [L] [R] et [W] [R] à signer seuls le contrat de bail commercial avec la SARL [21] portant sur les locaux commerciaux situés [Adresse 15] à [Localité 17],
Déboute MM. [E] [R], [L] [R] et [W] [R] de leurs autres demandes,
Dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamne M. [P] [R] aux dépens.
Le Greffier Le Président
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