L’Essentiel : L’association loi 1901 a tenté d’interdire l’utilisation du slogan « Au nom du Peuple » par le Front National, arguant d’une atteinte à sa dénomination sociale. Cependant, la justice a jugé que l’association n’avait pas démontré un risque de confusion avec la marque déposée par le FN, car leurs activités étaient distinctes. De plus, l’association n’a pas pu prouver qu’elle détenait un droit d’auteur sur cette expression, considérée comme une abréviation d’une locution juridique courante, dépourvue d’originalité. Ainsi, la demande d’annulation du slogan a été rejetée.
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Action en contrefaçon contre le FND’aucuns se sont interrogés sur la validité du slogan « Au nom du Peuple » adopté par le Front National (FN) en vue des prochaines élections présidentielles. Une association loi 1901 qui a choisi cette locution à titre de dénomination sociale, a tenté en vain de faire interdire l’usage de la devise de la République par le FN. Intérêt à agir de l’associationTout le monde n’a pas intérêt à agir en nullité du slogan « Au nom du Peuple » déposé à titre de marque par le FN. Un citoyen lambda n’a pas qualité à agir sur le fondement de l’article 3 de la Constitution en faisant valoir que le FN ne peut « privatiser l’expression Au nom du peuple », une entité privée n’étant en effet pas recevable à emprunter les voies judiciaires pour défendre l’intérêt général Il résulte de l’article 31 du code de procédure civile que l’intérêt à agir qui doit être né et actuel, s’entend de tout avantage susceptible de résulter, en faveur du demandeur, de la mise en oeuvre du droit dont il se prétend titulaire. Cet intérêt n’est pas subordonné à la démonstration préalable du bien-fondé de l’action, l’existence du droit invoqué par le demandeur étant une condition du succès de son action et non de sa recevabilité. Pas d’atteinte à la dénomination socialeL’association a été jugée recevable à agir au titre du dépôt frauduleux de marque par le FN au titre de l’adage « fraus omnit corrompit » et des faits de concurrence déloyale et parasitaire fondés sur l’article 1240 (nouveau) du code civil. En effet, l’association avait bien intérêt à agir à l’encontre de ceux qui ont, soit déposé, soit exploité à leur profit dans la vie publique, un signe identique à sa dénomination. L’atteinte à la dénomination sociale de l’association n’a toutefois pas été retenue. Selon l’article L 711-4 du code de propriété intellectuelle : « Ne peut être adopté comme marque un signe portant atteinte à des droits antérieurs, et notamment: b) A une dénomination ou raison sociale, s’il existe un risque de confusion dans l’esprit du public […] ». Concernant une dénomination sociale, l’antériorité existe dès lors qu’elle a fait l’objet d’une immatriculation au registre du commerce et des sociétés pour une société, ou une déclaration à la préfecture pour une association. En l’espèce, la déclaration à la préfecture de l’association avait bien été publiée. La marque en cause était bien reproduite à l’identique mais le risque de confusion n’était pas établi. La loi n’a pas précisé que la protection de la dénomination sociale doit obéir au principe de spécialité, c’est-à-dire au critère d’identité ou de similarité des services et produits visés dans la marque critiquée en comparaison à l’objet social, ou plus précisément à l’activité réelle de la personne morale, qui oppose sa dénomination sociale. Toutefois, l’appréciation de l’existence d’un risque de confusion aux yeux du public implique nécessairement de prendre en compte le domaine d’activité dans lequel intervient la personne morale qui porte cette dénomination. C’est ce qu’a précisé la Cour de Cassation (Ch. Com, 22 février 2005) en indiquant « l’indisponibilité d’un signe résultant d’une dénomination sociale antérieure s’apprécie au regard du risque de confusion impliquant l’examen des produits ou services désignés au dépôt de la marque postérieure ». La loi n’a pas non plus précisé, à la différence des atteintes au nom commercial ou à une enseigne, que la dénomination sociale doit être connue sur le territoire national. Cependant, l’appréciation de l’existence d’un risque de confusion aux yeux du public implique nécessairement de prendre en compte, dans l’appréciation in concreto de ce risque, l’ampleur du rayonnement dont jouit la dénomination sociale opposée aux yeux du public pris en considération. Ainsi une dénomination sociale qui jouit d’une renommée, échappera au principe de spécialité. La charge de la preuve de l’existence d’un risque de confusion pèse sur le demandeur à l’annulation. L’association ne revendiquait pas la renommée de sa dénomination sociale mais indiquait être connue au plan national du fait de ses interventions, notamment auprès des parlementaires français et européens (activités de lobbying). Les actions de l’association est une activité qui consiste à agir pour infléchir une norme, en créer une nouvelle ou supprimer des dispositions existantes en intervenant auprès des décideurs publics sur les questions relatives au fonctionnement de la Justice. Elle n’intervient à l’évidence pas dans le domaine des classes de marque visées par le dépôt de la marque du FN (imprimerie, services de la publicité, télécommunications…). Il n’était donc pas démontré un risque de confusion aux yeux du public entre la dénomination de l’association et la marque du FN. Exclusion des droits d’auteurEn l’espèce, l’association n’a pu établir qu’elle disposait d’un droit d’auteur sur la locution « Au nom du peuple ». L’association a repris une expression juridique utilisée notamment par les rédacteurs du code de procédure civile à l’article 454 « le jugement est rendu au nom du peuple français ». Le simple fait de retirer le mot « français » à une expression juridique couramment utilisée depuis la Révolution française, ne peut suffire à démontrer un effort créatif et l’empreinte de la personnalité de son auteur, mais correspond plutôt à une simple abréviation dépourvue de toute originalité. |
Q/R juridiques soulevées :
Quel est le contexte de l’action en contrefaçon contre le FN ?L’action en contrefaçon contre le Front National (FN) a été initiée en raison de l’adoption du slogan « Au nom du Peuple » par ce parti politique en vue des élections présidentielles. Une association loi 1901, qui avait choisi cette même locution comme dénomination sociale, a tenté d’interdire l’utilisation de cette expression par le FN. Cette situation soulève des questions sur la validité de l’usage d’une expression qui est également une devise de la République, et sur les droits d’auteur et de propriété intellectuelle associés à cette locution. Quelles sont les conditions pour qu’une association ait intérêt à agir ?Pour qu’une association ait intérêt à agir en nullité du slogan « Au nom du Peuple » déposé par le FN, elle doit démontrer un intérêt né et actuel. Selon l’article 31 du code de procédure civile, cet intérêt se définit comme tout avantage qui pourrait découler de l’exercice du droit dont elle se prétend titulaire. Il est important de noter que cet intérêt n’est pas conditionné à la démonstration préalable du bien-fondé de l’action, mais plutôt à l’existence du droit invoqué par le demandeur. Pourquoi l’association n’a-t-elle pas pu prouver une atteinte à sa dénomination sociale ?L’association a été jugée recevable à agir contre le FN pour dépôt frauduleux de marque, mais l’atteinte à sa dénomination sociale n’a pas été retenue. L’article L 711-4 du code de propriété intellectuelle stipule qu’un signe ne peut être adopté comme marque s’il porte atteinte à des droits antérieurs, notamment à une dénomination sociale, en cas de risque de confusion. Bien que la dénomination sociale de l’association ait été immatriculée, le risque de confusion n’a pas été établi, ce qui a conduit à la décision de ne pas retenir l’atteinte. Comment la renommée d’une dénomination sociale influence-t-elle la protection juridique ?La renommée d’une dénomination sociale peut influencer la protection juridique en permettant à une entité de revendiquer des droits même si elle n’est pas connue sur le territoire national. La Cour de Cassation a précisé que l’indisponibilité d’un signe résultant d’une dénomination sociale antérieure doit être appréciée en fonction du risque de confusion, en tenant compte de l’activité de la personne morale. Ainsi, une dénomination sociale jouissant d’une certaine renommée peut échapper au principe de spécialité, ce qui signifie qu’elle pourrait être protégée même si elle n’opère pas dans le même domaine que la marque contestée. Pourquoi l’association n’a-t-elle pas pu revendiquer un droit d’auteur sur le slogan ?L’association n’a pas pu établir qu’elle disposait d’un droit d’auteur sur la locution « Au nom du peuple ». Cette expression est une abréviation d’une phrase juridique utilisée dans le code de procédure civile, et le simple fait de retirer le mot « français » ne constitue pas un effort créatif suffisant pour revendiquer un droit d’auteur. En effet, l’absence d’originalité dans cette modification signifie qu’elle ne peut pas être considérée comme une œuvre protégée par le droit d’auteur, ce qui a conduit à la décision de ne pas reconnaître ce droit. |
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