On se souvient que dans son édition papier, le JDD avait publié un article, annoncé en page de couverture par les phrases « Exclusif-Maroc : l’enregistrement accablant-Comment les deux journalistes (Eric Laurent et Catherine Graciet) ont fait chanter le roi (du Maroc) », intitulé «un « biscuit » à deux millions ». Les journalistes viennent d’obtenir la condamnation du JDD pour atteinte à la présomption d’innocence. Principe de la présomption d’innocenceAux termes de l’article 9-1 du code civil, « chacun a le droit au respect de la présomption d’innocence. Lorsqu’une personne est, avant toute condamnation, présentée publiquement comme étant coupable de faits faisant l’objet d’une enquête ou d’une instruction judiciaire, le juge peut, même en référé, sans préjudice de la réparation du dommage subi, prescrire toutes mesures, telles que l’insertion d’une rectification ou la diffusion d’un communiqué, aux fins de faire cesser l’atteinte à la présomption d’innocence, et ce aux frais de la personne, physique ou morale, responsable de cette atteinte». Ce droit doit toutefois se concilier avec le droit à la liberté d’expression, consacré par l’article 10 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et peut céder devant la liberté d’informer sur tout ce qui entre dans le champ de l’intérêt légitime du public, certains événements d’actualité ou sujets d’intérêt général pouvant justifier une publication en raison du droit du public à l’information et du principe de la liberté d’expression. S’agissant de la version papier du JDD, que, de fait, l’annonce faite à la Une « Exclusif-Maroc : l’enregistrement accablant-Comment les deux journalistes ont fait chanter le roi »-, accompagnée de surcroît de la mention « exclusif » ne laisse planer aucun doute dans l’esprit du lecteur sur la culpabilité des journalistes concernés, l’épithète « accablant » accolé au mot « enregistrement » comme l’emploi du terme « fai(re)chanter » et la formulation à l’indicatif de l’assertion « ont fait chanter le roi » ne pouvant que le conduire à considérer que les journalistes en question sont nécessairement coupables de l’infraction de chantage. Il n’est en second lieu pas démontré que cette première impression soit dissipée par le surplus de l’article, dans la mesure où : -le titre et le sous-titre de l’article reprennent à la fois les termes « chantage » et « enregistrements accablants », -l’ensemble de l’article est non seulement formulé à l’indicatif, ce qui pourrait se concevoir si le journaliste ne faisait que rapporter des faits objectifs, mais régulièrement ponctué de formules de son cru qui s’apparentent à des commentaires et ne peuvent que conforter la conviction de culpabilité, telles « Un très mauvais polar », «récit d’une folle entreprise », « il y a urgence », « le marché est clair » ou « une phrase lourde de sous-entendus », aucune réserve de sa part n’étant par ailleurs formulée quant à l’attitude et aux déclarations des représentants du royaume du Maroc; -si l’auteur prend soin, apparemment, de présenter les explications et réactions des avocats des demandeurs, ce procédé n’est pas non plus de nature à modifier la perception des lecteurs ; Il résulte de l’ensemble de ces éléments que tant la Une du JDD que l’article publié en version papier a porté atteinte à la présomption d’innocence des journalistes. 1 euro de préjudiceSi la demande de réparation du préjudice moral formulée par les journalistes paraît justifiée en son principe, ils n’ont fourni aucun élément concret de nature à apprécier la gravité des répercussions alléguées de ces accusations et partant, le montant particulièrement élevé réclamé par leurs soins. Les journalistes n’ont obtenu qu’un euro de dommages-intérêts. |
→ Questions / Réponses juridiques
Quel est le principe de la présomption d’innocence ?La présomption d’innocence est un droit fondamental inscrit dans l’article 9-1 du code civil français. Ce principe stipule que toute personne est considérée comme innocente tant qu’elle n’a pas été condamnée par un tribunal. Cela signifie qu’avant toute décision judiciaire, une personne ne doit pas être présentée publiquement comme coupable. Si une telle atteinte se produit, le juge peut ordonner des mesures pour rectifier cette situation, comme la diffusion d’un communiqué ou l’insertion d’une rectification dans les médias concernés. Ces mesures doivent être prises aux frais de la personne responsable de l’atteinte à la présomption d’innocence. Ce droit est essentiel pour garantir un procès équitable et protéger la réputation des individus. Comment la présomption d’innocence se concilie-t-elle avec la liberté d’expression ?La présomption d’innocence doit être équilibrée avec le droit à la liberté d’expression, qui est protégé par l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme. Cette liberté permet aux médias et aux individus d’informer le public sur des sujets d’intérêt général, y compris des affaires judiciaires. Cependant, cette liberté n’est pas absolue et doit être exercée avec prudence, surtout lorsqu’il s’agit de personnes qui n’ont pas encore été condamnées. Il est donc crucial de veiller à ce que les informations diffusées ne portent pas atteinte à la réputation des individus avant qu’ils ne soient jugés. Les journalistes doivent s’assurer que leurs reportages respectent la présomption d’innocence tout en informant le public de manière responsable. Quelles ont été les conséquences de l’article du JDD sur la présomption d’innocence des journalistes ?L’article du JDD a été jugé comme portant atteinte à la présomption d’innocence des journalistes Eric Laurent et Catherine Graciet. Le titre et le sous-titre de l’article, qui évoquaient des termes comme « chantage » et « enregistrements accablants », ont contribué à créer une impression de culpabilité dans l’esprit des lecteurs. De plus, l’utilisation de l’indicatif dans l’article, ainsi que des commentaires suggestifs, a renforcé cette perception. Malgré les tentatives de l’auteur de présenter les réactions des avocats des journalistes, cela n’a pas suffi à dissiper l’impression de culpabilité. En conséquence, le tribunal a reconnu que tant la Une que le contenu de l’article avaient violé le droit à la présomption d’innocence. Quel a été le montant des dommages-intérêts accordés aux journalistes ?Les journalistes Eric Laurent et Catherine Graciet ont demandé des dommages-intérêts pour le préjudice moral qu’ils ont subi en raison de l’article du JDD. Cependant, bien que leur demande ait été jugée justifiée en principe, ils n’ont pas pu fournir des éléments concrets pour évaluer la gravité des répercussions de ces accusations. En conséquence, le tribunal a décidé de leur accorder un montant symbolique d’un euro de dommages-intérêts. Cette décision souligne l’importance de fournir des preuves tangibles pour justifier des demandes de réparation dans des cas de diffamation ou d’atteinte à la réputation. |
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