Reportage télévisé et présomption d’innocence Il est parfois difficile de cerner les limites entre ce qui peut être dit sur une personne inculpée et l’atteinte à la présomption d’innocence. Dans ce litige, la fondation 30 millions d’amis a été condamnée pour atteinte à la présomption d’innocence d’un particulier chez qui a été saisi de nombreux animaux parmi lesquels des singes, des perroquets et des faucons présentés comme victimes de mauvais traitements. Périmètre de la présomption d’innocence La présomption d’innocence est un droit consacré par l’article préliminaire du Code de procédure pénale et par l’article 6-2 de la convention de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales. Les atteintes à ce droit peuvent être réparées dans les conditions prévues par les dispositions de l’article 9-1 du Code civil. Ce texte suppose qu’une personne qui fait “l’objet d’une enquête ou d’une instruction judiciaire” soit présentée publiquement comme coupable des faits objets de cette enquête ou de cette instruction, la protection ainsi instituée demeurant, même si l’enquête ou l’instruction ont cessé et qu’une juridiction de jugement est saisie, jusqu’à l’éventuelle intervention d’une condamnation pénale ayant acquis la force de la chose jugée. L’action fondée sur l’atteinte à la présomption d’innocence ne doit pas se confondre avec une action en diffamation dès lors, qu’au delà de la protection de l’honneur et de la considération de la personne visée, cette action tend essentiellement à sauvegarder le caractère juste et équitable de la procédure dont elle fait l’objet ainsi que, de façon plus générale, à préserver la sérénité et l’impartialité de l’autorité judiciaire. L’atteinte à la présomption d’innocence n’est caractérisée qu’à la double condition que l’existence de l’enquête ou de l’instruction soit rappelée dans le texte litigieux, à moins qu’elle ne soit notoire, et que les propos incriminés contiennent des conclusions définitives manifestant un préjugé tenant pour acquise la culpabilité de la personne concernée pour les faits objets de l’enquête ou de l’instruction. Le principe du respect de la présomption d’innocence n’interdit cependant pas à la presse d’évoquer un fait divers ou une affaire pénale, ni n’exige que la présentation qui en est donnée soit strictement objective ou équilibrée. Il ne proscrit pas non plus le choix de mettre davantage en lumière les éléments à charge qu’à décharge, dès lors que la présentation des faits reprochés ne procède pas d’un préjugé de culpabilité mais d’éléments de faits non dénaturés. La seule contrainte imposée par le principe du respect de la présomption d’innocence est de s’abstenir de toute conclusion définitive manifestant un préjugé tenant pour acquise la culpabilité de la personne visée avant que celle-ci ne soit jugée par une décision de justice irrévocable. Atteinte à la présomption d’innocence constituée En l’occurrence, les propos figurant sur le site internet de la fondation 30 millions d’amis contenaient effectivement des conclusions définitives sur la culpabilité de la personne poursuivie : « les animaux sont détenus en totale illégalité et dans de très mauvaises conditions », « incompatibles avec leurs besoins physiologiques », « dans des cages souillées par le manque d’entretien », « montrant des signes de stress, voire de souffrances psychologiques prononcées », « il les avait récupérés sans autorisation grâce à son statut d’ancien responsable animalier », « il ne détenait aucun des certificats obligatoires prouvant l’origine des animaux ». Les textes en cause, publiés sur le site internet d’une fondation reconnue d’utilité publique, étaient donc rédigés de façon affirmative et catégorique, sans mesure ni recul et sans que soit exprimé un quelconque doute sur la culpabilité de la personne concernée (5000 € de dommages-intérêts). Mots clés : Presomption d’innocence Thème : Presomption d’innocence A propos de cette jurisprudence : juridiction : Tribunal de Grande instance de Paris | 24 avril 2013 | Pays : France |
→ Questions / Réponses juridiques
Qu’est-ce que la présomption d’innocence ?La présomption d’innocence est un principe fondamental du droit pénal qui stipule qu’une personne accusée d’un crime est considérée comme innocente jusqu’à ce qu’elle soit prouvée coupable par un tribunal. Ce droit est consacré par l’article préliminaire du Code de procédure pénale français et par l’article 6-2 de la Convention européenne des droits de l’Homme. Ce principe vise à protéger les individus contre les jugements hâtifs et les atteintes à leur réputation avant qu’une décision judiciaire ne soit rendue. Il est essentiel pour garantir un procès équitable et préserver l’intégrité de la justice. La présomption d’innocence reste en vigueur même si une enquête ou une instruction judiciaire est en cours, et elle ne prend fin qu’après une condamnation pénale définitive. Quels sont les enjeux de la présomption d’innocence dans les médias ?Les médias jouent un rôle crucial dans la diffusion d’informations concernant des affaires pénales. Cependant, ils doivent naviguer avec prudence pour respecter la présomption d’innocence. La loi n’interdit pas aux journalistes de couvrir des faits divers ou des affaires judiciaires, mais elle impose des limites sur la manière dont ces informations sont présentées. Les journalistes doivent éviter de tirer des conclusions définitives sur la culpabilité d’une personne avant qu’elle ne soit jugée. Cela signifie qu’ils ne doivent pas exprimer de préjugés ou de jugements hâtifs dans leurs reportages. La présentation des faits doit être équilibrée et ne pas favoriser une vision biaisée de la situation, même si les éléments à charge peuvent être plus mis en avant. Comment la fondation 30 millions d’amis a-t-elle été condamnée ?La fondation 30 millions d’amis a été condamnée pour atteinte à la présomption d’innocence d’un particulier dont des animaux avaient été saisis. Les propos publiés sur leur site internet contenaient des affirmations catégoriques sur la culpabilité de cette personne, sans exprimer de doute ou de nuance. Les déclarations telles que « les animaux sont détenus en totale illégalité » et « montrant des signes de stress » ont été jugées comme des conclusions définitives qui présument la culpabilité de l’individu. En conséquence, le tribunal a estimé que ces affirmations violaient le droit à la présomption d’innocence, entraînant une condamnation à verser 5000 € de dommages-intérêts. Quelles sont les conditions pour qu’il y ait atteinte à la présomption d’innocence ?Pour qu’une atteinte à la présomption d’innocence soit caractérisée, deux conditions doivent être remplies. Premièrement, il doit être fait mention de l’existence d’une enquête ou d’une instruction judiciaire dans le texte litigieux, sauf si cette information est notoire. Deuxièmement, les propos incriminés doivent contenir des conclusions définitives qui manifestent un préjugé en faveur de la culpabilité de la personne concernée. Ces conditions visent à protéger les individus contre des déclarations qui pourraient influencer l’opinion publique et compromettre leur droit à un procès équitable. La loi cherche ainsi à maintenir l’intégrité de la justice et à garantir que les personnes accusées ne soient pas jugées avant d’avoir eu la possibilité de se défendre devant un tribunal. |
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