Sauf si le salarié refuse de signer les contrats de travail de mauvaise foi ou dans une intention frauduleuse, l’absence d’écrit entre le salarié et l’employeur emporte ipso facto requalification de la collaboration des parties en CDI. La preuve du temps complet reste néanmoins à la charge du salarié.
Affaire Issey Miyake
M. [E] [C] a été engagé par la société Issey Miyake Europe SA, ci-après la société IMESA, société faisant partie du groupe Issey Miyake, par plusieurs contrats de travail à durée déterminée en qualité d’assistant technique au titre desquels il participait à l’organisation des défilés de la marque Issey Miyake, le premier contrat de travail à durée déterminée étant à effet du 2 juin 2000.
A compter de 2002, M. [C] a poursuivi son activité sous la qualification d’assistant de production, puis de régisseur général et en dernier lieu de directeur de production en vertu de contrats de travail à durée déterminée conclus avec la société.
L’absence de contrat de travail écrit
Plusieurs interventions du salarié n’ayant pas été formalisées, la juridiction a conclu à l’existence d’un CDI. Il n’existait pas de contrat établi par écrit sur la période courant à compter du 15 juillet 2016. Si la société Py fait valoir qu’elle a soumis des contrats écrits à M. [C] mais que ce dernier ne les a jamais signés, la requalification doit s’appliquer dès lors qu’il n’est pas démontré que le salarié a refusé de signer les contrats de travail de mauvaise foi ou dans une intention frauduleuse.
En application de l’article L. 1242-12 du code du travail, le CDD est établi par écrit et comporte la définition précise de son motif et à défaut, il est réputé conclu pour une durée indéterminée.
Lorsque la demande de requalification est fondée sur l’absence d’établissement d’un écrit et qu’elle est reconnue fondée, le salarié est en droit de se prévaloir d’une ancienneté à compter du premier contrat irrégulier non atteint par la prescription.
L’objet des CDD
Par ailleurs, les CDD successifs conclus entre les Parties ont été requalifiés en un CDI.
En application des articles L. 1242-1 (codifié jusqu’au 1er mai 2008 à l’article L122-1 alinéa 1) et L. 1242-2 (codifié anciennement aux articles L.122-1 alinéa 2 et L.122-1-1) du code du travail, un contrat de travail à durée déterminée, quel que soit son motif, ne peut avoir ni pour objet, ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité permanente de l’entreprise et ne peut être conclu que pour l’exécution d’une tâche précise et temporaire, et seulement dans certains cas, dont les emplois pour lesquels, dans certains secteurs définis par décret ou convention ou accord collectif étendu, il est d’usage constant de ne pas recourir au CDI en raison de la nature de l’activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois.
L’article D. 1242-1 du même code énumère les secteurs d’activité dans lesquels peuvent être conclus des contrats à durée déterminée dits d’usage, parmi lesquels celui des spectacles, de l’action culturelle, de l’audiovisuel, de la production cinématographique et de l’édition phonographique.
La convention collective de la production audiovisuelle prévoit le recours au CDD d’usage dans certaines conditions, notamment pour les emplois de catégorie B.
L’accord-cadre sur le travail à durée déterminée conclu le 18 mars 1999, mis en oeuvre par la directive n° 1999/70/CE du 28 juin 1999, qui a pour objet de prévenir les abus résultant de l’utilisation de contrats à durée déterminée successifs, impose de vérifier que le recours à l’utilisation de contrats à durée déterminée successifs est justifié par des raisons objectives qui s’entendent de l’existence d’éléments concrets établissant le caractère par nature temporaire de l’emploi. La détermination par accord collectif de la liste précise des emplois pour lesquels il peut être recouru au contrat de travail à durée déterminée d’usage ne dispense pas le juge, en cas de litige, de vérifier concrètement l’existence de raisons objectives établissant le caractère par nature temporaire de l’emploi concerné.
Dès lors, sur ce fondement, M. [C] était en droit de demander la requalification des CDD conclus avec la société Py en un CDI, peu important que la relation de travail avec elle n’ait pas été continue.