Archives payantes de titres de presse : les droits du photographe

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Archives payantes de titres de presse : les droits du photographe
L’Essentiel : Un photographe a obtenu gain de cause contre Le Figaro pour l’utilisation non autorisée de ses images dans des archives payantes. La cour a reconnu une atteinte à son droit moral, car les photographies, une fois téléchargées, ne portaient aucune signature. La mise en ligne de ces œuvres constituait une exploitation imprévisible, non prévue par les parties. Selon le Code de la propriété intellectuelle, toute reproduction sans consentement est illicite. De plus, l’originalité des photographies a été confirmée, justifiant leur protection par le droit d’auteur, tandis que la qualification d’œuvre collective a été exclue.

Un photographe a obtenu la condamnation du Figaro pour exploitation non autorisée de ses photographies au sein d’archives en accès payant, sous forme de reproductions par voie de numérisation au format PDF. L’atteinte au droit moral a également été retenue dès lors qu’une fois téléchargées, ses photographies ne comportaient aucune signature.

La mise en ligne de ces photographies constituait une forme nouvelle d’exploitation non prévisible et, en tout état de cause, non prévue par les parties, la reproduction non autorisée de ces photos ne saurait être considérée comme la continuation de l’exploitation des photographies sous un nouveau format.

Atteinte aux droits de reproduction

Pour mémoire, l’article L.122-1 du CPI prévoit que le droit d’exploitation appartenant à l’auteur comprend le droit de représentation et le droit de reproduction. L’article L.122-4 du même code dispose que ‘Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit on ayants cause est illicite. Il en est de même pour la traduction, l’adaptation ou la transformation, l’arrangement ou la reproduction par un art ou un procédé quelconque’.

La transmission des droits de l’auteur est subordonnée à la condition que chacun des droits cédés fasse l’objet d’une mention distincte dans l’acte de cession et que le domaine d’exploitation des droits cédés soit délimité quant à son étendue et à sa destination, quant au lieu et quant à la durée’ (L. 131-3). En application de cette dernière disposition, la portée de la cession des droits de l’auteur s’interprète restrictivement, en faveur de l’auteur qui est supposé s’être réservé tout mode d’exploitation non expressément inclus dans le contrat de cession.

La clause d’une cession qui tend à conférer le droit d’exploitation de l’oeuvre sous une forme non prévisible ou non prévue à la date du contrat doit être expresse et stipuler une participation corrélative aux profits d’exploitation (L.131-6).

Les mentions des factures délivrées par l’agence mandataire du photographe excluaient la commercialisation payante des archives. La reproduction non autorisée des photographies dans la rubrique ‘archives’, en accès payant, du site internet de l’éditeur, du fait de la numérisation et de l’archivage de l’intégralité du quotidien et des périodiques comprenant les articles illustrés de ces photographies, constituaient donc bien des actes de contrefaçon.

Originalité des photographies

L’originalité de près de 500 photographies a été qualifiée. Pour les photographies de scènes de spectacles, si par hypothèse le photographe n’a choisi ni les sujets (acteur, scène), ni la posture ou l’expression des acteurs, ni les décors, ni les costumes, ni la lumière, ce qui appartient au dramaturge ou au metteur en scène, le photographe justifiait que les clichés revendiqués procédaient de choix arbitraires qui sont les siens, touchant à la détermination du moment qu’il a choisi de capturer, de l’angle, du cadrage, ou même du montage, ces choix conférant à ses clichés, quand bien même ils ont été pris ‘sur le vif’, et indépendamment du savoir-faire technique du photographe, un caractère original qui en fait des oeuvres protégeables par le droit d’auteur.

Il en est de même des photographies de spectacles de plein air ou de rue et de scènes de répétition, l’auteur justifiant avoir en outre, dans certains cas, opéré des choix relevant de la mise en scène en formulant des demandes de pose aux artistes photographiés.

Pareillement, pour les portraits de personnalités ou les photographies représentant des lieux, l’auteur démontrait avoir opéré des choix quant à la détermination du moment de la prise du cliché, de l’angle, du cadrage, ou même du montage, ainsi que d’autres relevant d’un travail de mise en scène, tenant au cadre spatial dans lequel il a pris les photos et aux instructions données aux personnalités photographiées relativement à leur pose ou leur expression, voire à l’adjonction d’accessoires.

Selon l’alinéa 1 de l’article L.111-1 du code de la propriété intellectuelle, l’auteur d’une oeuvre de l’esprit jouit sur cette oeuvre, du seul fait de sa création, d’un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous. L’article L.112-1 du même code protège par le droit d’auteur toutes les oeuvres de l’esprit, quels qu’en soient le genre, la forme d’expression, le mérite ou la destination, pourvu qu’elles soient des créations originales. Selon l’article L. 112-2, 9° du même code, sont considérées comme oeuvres de l’esprit les oeuvres photographiques et celles réalisées à l’aide de techniques analogues à la photographie.

Il incombe à celui qui entend se prévaloir des droits de l’auteur de caractériser l’originalité de l’oeuvre revendiquée, c’est à dire de justifier de ce que cette oeuvre présente une physionomie propre traduisant un parti pris esthétique et reflétant l’empreinte de la personnalité de son auteur.

Qualification d’œuvre collective

La qualification d’œuvre collective a été exclue. Au sens de l’article L.113-2 alinéa 3 du code de la propriété intellectuelle «Est dite collective l’oeuvre créée sur l’initiative d’une personne physique ou morale qui l’édite, la publie et la divulgue sous sa direction et son nom et dans laquelle la contribution personnelle des divers auteurs participant à son élaboration se fond dans l’ensemble en vue duquel elle est conçue, sans qu’il soit possible d’attribuer à chacun d’eux un droit distinct sur l’ensemble réalisé».

Même si les pages des journaux incluant articles et photographies font l’objet d’une présentation et d’une mise en forme propres à la société du FIGARO, cette disposition ne peut recevoir application en l’espèce, alors qu’il n’est pas établi que les photographies étaient commandées par la société du FIGARO à l’avance pour illustrer spécifiquement tel ou tel article qu’elle envisageait de publier et que dans les journaux et magazines édités par cette société, y compris dans leur forme numérisée archivée, les photographies de l’auteur ont toujours été créditées du nom du photographe et ne peuvent ainsi être considérées comme se fondant dans un ensemble, étant préexistantes aux articles de presse qu’elles illustrent et dont elles sont ainsi dissociables.

Atteintes au droit moral à la paternité de l’oeuvre

L’atteinte au droit moral du photographe a également été retenue. Pour rappel, l’auteur jouit du droit au respect de son nom, de sa qualité et de son œuvre (L. 121-1). La société du FIGARO aurait pu mettre en ligne les photographies en rendant impossible leur téléchargement ou du moins en faisant en sorte que ce téléchargement ne puisse pas entraîner l’occultation du nom du photographe.

Q/R juridiques soulevées :

Quelle a été la décision concernant l’exploitation des photographies par le Figaro ?

La décision a été en faveur du photographe, qui a obtenu la condamnation du Figaro pour exploitation non autorisée de ses photographies. Ces images étaient utilisées dans des archives payantes, reproduites par numérisation au format PDF. L’atteinte au droit moral a également été reconnue, car les photographies téléchargées ne comportaient aucune signature, ce qui constitue une violation des droits de l’auteur. Cette décision souligne l’importance du respect des droits d’auteur et du droit moral dans le domaine de la photographie.

Quelles sont les implications de l’article L.122-1 du CPI concernant les droits d’exploitation ?

L’article L.122-1 du Code de la Propriété Intellectuelle (CPI) stipule que le droit d’exploitation appartient à l’auteur et inclut le droit de représentation et le droit de reproduction. Cela signifie que toute représentation ou reproduction, qu’elle soit intégrale ou partielle, doit être faite avec le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit. L’article L.122-4 renforce cette protection en déclarant illicites les reproductions sans autorisation, y compris les traductions et adaptations. Ainsi, la loi protège les droits des auteurs contre toute exploitation non autorisée de leurs œuvres.

Comment la cession des droits d’auteur est-elle régulée par la loi ?

La cession des droits d’auteur est régulée par l’article L.131-3 du CPI, qui exige que chaque droit cédé soit mentionné distinctement dans l’acte de cession. De plus, le domaine d’exploitation des droits cédés doit être clairement délimité en termes d’étendue, de destination, de lieu et de durée. Cette approche restrictive vise à protéger les intérêts de l’auteur, en présumant qu’il a conservé tous les modes d’exploitation non expressément inclus dans le contrat. Ainsi, toute clause de cession qui confère des droits d’exploitation sous une forme non prévue doit être explicite et stipuler une participation aux profits.

Quelles preuves ont été fournies pour établir l’originalité des photographies ?

L’originalité des photographies a été établie par le photographe, qui a démontré que ses choix artistiques, tels que le moment de la prise de vue, l’angle et le cadrage, conféraient à ses clichés un caractère original. Même pour des scènes de spectacles où il n’a pas choisi les sujets, ses décisions sur la capture de l’image ont été considérées comme des choix arbitraires. Cela inclut également des photographies de spectacles de rue et des portraits, où le photographe a exercé un contrôle sur la mise en scène et les poses des sujets. Ces éléments sont cruciaux pour justifier la protection par le droit d’auteur, qui exige que les œuvres soient des créations originales.

Pourquoi la qualification d’œuvre collective a-t-elle été exclue dans ce cas ?

La qualification d’œuvre collective a été exclue car, selon l’article L.113-2 du CPI, une œuvre collective est celle où la contribution des divers auteurs se fond dans un ensemble, sans qu’il soit possible d’attribuer des droits distincts. Dans ce cas, bien que les photographies aient été publiées dans le Figaro, elles étaient créditées au nom du photographe et n’étaient pas commandées spécifiquement pour illustrer des articles. Cela signifie que les photographies étaient préexistantes aux articles et donc dissociables de ceux-ci, ce qui ne correspond pas à la définition d’une œuvre collective.

Quelles atteintes au droit moral ont été identifiées dans cette affaire ?

L’atteinte au droit moral du photographe a été reconnue, notamment en ce qui concerne le respect de son nom et de sa qualité en tant qu’auteur. Selon l’article L.121-1 du CPI, l’auteur a le droit d’être identifié comme tel et de voir son œuvre respectée. Le Figaro aurait pu éviter cette atteinte en rendant impossible le téléchargement des photographies ou en s’assurant que le nom du photographe soit toujours visible lors de leur utilisation. Cette situation souligne l’importance du droit moral dans la protection des intérêts des créateurs.

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