Appel et effets des condamnations accessoires dans un contexte de procédure abusive

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Appel et effets des condamnations accessoires dans un contexte de procédure abusive

L’Essentiel : M. [R] et la société [D] ont intenté une action contre Accenture, Renault SAS et PSA automobiles pour pratiques anticoncurrentielles, demandant réparation des préjudices subis. Le tribunal de commerce, par jugement du 15 septembre 2020, a débouté les demandeurs et les a condamnés à une amende civile ainsi qu’à verser 50 000 euros à chaque défendeur pour procédure abusive. En appel, les appelants ont contesté ces condamnations, arguant qu’elles étaient liées à leurs demandes principales. Cependant, la cour d’appel a jugé que ces condamnations n’avaient pas été expressément visées, limitant ainsi l’effet dévolutif de l’appel.

Contexte de l’affaire

M. [R] et la société [D] ont engagé une action en justice contre les sociétés Accenture, Renault SAS et PSA automobiles, en raison de pratiques anticoncurrentielles qu’ils leur reprochaient. Ils ont demandé une indemnisation pour les préjudices matériel et financier subis.

Décision du tribunal de commerce

Le tribunal de commerce a rendu un jugement le 15 septembre 2020, déboutant M. [R] et la société [D] de leurs demandes. En conséquence, ils ont été condamnés in solidum à payer une amende civile, ainsi qu’une somme de 50 000 euros à chacun des défendeurs pour procédure abusive, et 30 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Appel de la décision

M. [R] et la société [D] ont interjeté appel de cette décision, contestant les condamnations qui leur avaient été infligées.

Arguments des appelants

Les appelants ont soutenu que l’effet dévolutif de l’appel devait s’appliquer aux condamnations in solidum, même si celles-ci n’avaient pas été expressément critiquées dans leur déclaration d’appel. Ils ont affirmé que ces condamnations étaient des accessoires indivisibles des demandes principales qu’ils avaient formulées.

Réponse de la Cour d’appel

La cour d’appel a constaté que les appelants n’avaient pas expressément visé les condamnations dans leur déclaration d’appel, qui se concentrait sur d’autres aspects du jugement. Elle a donc décidé que l’effet dévolutif de l’appel ne s’était pas opéré sur ces condamnations.

Analyse de la décision de la Cour

La cour d’appel n’a pas examiné s’il existait un lien de dépendance entre les chefs de jugement déboutant M. [R] et la société [D] de leurs demandes et ceux les condamnant à une amende civile et à des dommages-intérêts. Cette omission a conduit à une absence de base légale pour sa décision, selon l’article 562, alinéa 1er, du code de procédure civile.

Q/R juridiques soulevées :

Quelle est la portée de l’effet dévolutif de l’appel selon l’article 562 du code de procédure civile ?

L’article 562, alinéa 1er, du code de procédure civile stipule que :

« L’appel ne défère à la cour d’appel que la connaissance des chefs de jugement qu’il critique expressément et de ceux qui en dépendent, lesquels s’entendent de tous ceux qui sont la conséquence des chefs de jugement expressément critiqués. »

Cet article établit que l’effet dévolutif de l’appel est limité aux décisions qui sont expressément contestées par l’appelant. Cela signifie que si un appel ne vise pas directement certaines condamnations, celles-ci ne seront pas examinées par la cour d’appel, sauf si elles sont liées à des chefs de jugement qui ont été critiqués.

En l’espèce, M. [R] et la société [D] ont contesté certaines décisions du tribunal de commerce, mais n’ont pas expressément visé les condamnations in solidum à une amende civile et à des dommages-intérêts pour procédure abusive.

Ainsi, la cour d’appel a considéré que l’effet dévolutif de l’appel ne s’était pas opéré sur ces condamnations, car elles n’étaient pas mentionnées dans la déclaration d’appel.

Quelles sont les conséquences d’une déclaration d’appel incomplète sur les condamnations accessoires ?

La jurisprudence a établi que les condamnations accessoires, telles que les amendes civiles et les dommages-intérêts, peuvent être considérées comme dépendantes des chefs de jugement principaux.

Dans le cas présent, M. [R] et la société [D] soutenaient que les condamnations à une amende civile et à des dommages-intérêts pour procédure abusive étaient des « accessoires » indivisibles des demandes principales qu’ils avaient formulées.

Cependant, la cour d’appel a jugé que, puisque ces condamnations n’étaient pas expressément critiquées dans la déclaration d’appel, elles ne pouvaient pas être examinées.

Cela soulève la question de savoir si la cour aurait dû examiner le lien de dépendance entre les chefs de jugement déboutant M. [R] et la société [D] de leurs demandes et les condamnations accessoires.

En ne le faisant pas, la cour d’appel a été considérée comme n’ayant pas donné de base légale à sa décision, ce qui pourrait avoir des conséquences sur le droit à un recours effectif.

Comment la cour d’appel a-t-elle interprété la déclaration d’appel de M. [R] et de la société [D] ?

La cour d’appel a interprété la déclaration d’appel de M. [R] et de la société [D] comme ne visant que les chefs de jugement qui avaient été expressément critiqués.

Elle a noté que la déclaration d’appel ne mentionnait pas les condamnations in solidum à une amende civile, à des dommages-intérêts pour procédure abusive, ni à l’indemnité prévue par l’article 700 du code de procédure civile.

Cette interprétation a conduit la cour à conclure que l’effet dévolutif de l’appel ne s’était pas étendu à ces condamnations.

Cependant, la cour aurait dû examiner si ces condamnations étaient liées aux demandes principales qui avaient été contestées.

En omettant de le faire, la cour d’appel a été critiquée pour ne pas avoir donné une base légale suffisante à sa décision, ce qui pourrait avoir des implications sur le droit des appelants à obtenir une réparation complète de leurs préjudices.

CIV. 2

FD

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 16 janvier 2025

Cassation partielle

Mme MARTINEL, président

Arrêt n° 48 F-D

Pourvoi n° A 22-24.629

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 16 JANVIER 2025

1°/ M. [Z] [R], domicilié [Adresse 5], [Localité 6],

2°/ la société [D], société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1], [Localité 8],

ont formé le pourvoi n° A 22-24.629 contre l’arrêt rendu le 12 octobre 2022 par la cour d’appel de Paris (pôle 5, chambre 4), dans le litige les opposant :

1°/ à la société Renault, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 3], [Localité 10],

2°/ à la société Accenture, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], [Localité 7],

3°/ à la société PSA automobiles, société anonyme, dont le siège est [Adresse 4], [Localité 9],

défenderesses à la cassation.

Les demandeurs invoquent, à l’appui de leur pourvoi, un moyen unique de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Waguette, conseiller, les observations de la SCP L. Poulet-Odent, avocat de M. [R] et de la société [D], de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société PSA automobiles, de la SCP Marlange et de La Burgade, avocat de la société Renault, de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la société Accenture, et l’avis de M. Adida-Canac, avocat général, après débats en l’audience publique du 27 novembre 2024 où étaient présents Mme Martinel, président, M. Waguette, conseiller rapporteur, Mme Durin-Karsenty, conseiller doyen, et Mme Sara, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l’arrêt attaqué (Paris, 12 octobre 2022), M. [R] et la société [D] ont assigné les sociétés Accenture, Renault SAS et PSA automobiles devant un tribunal de commerce à fin de voir indemniser les préjudices matériel et financier résultant des pratiques anticoncurrentielles qu’ils leur reprochaient.

2. Par jugement du 15 septembre 2020, le tribunal de commerce a notamment débouté M. [R] et la société [D] de leurs demandes et les a condamnés in solidum au paiement d’une amende civile, d’une somme de 50 000 euros à chacun des défendeurs à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et d’une somme de 30 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

3. M. [R] et la société [D] ont relevé appel de cette décision.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

4. M. [R] et la société [D] font grief à l’arrêt de dire que l’effet dévolutif de l’appel ne s’est pas opéré sur les condamnations in solidum de M. [R] et de la société [D] à une amende civile, à des dommages-intérêts pour procédure abusive et à l’article 700 du code de procédure civile prononcées par le tribunal, alors « que l’appel ne défère à la cour d’appel que la connaissance des chefs de jugement qu’il critique expressément et de ceux qui en dépendent ; qu’en l’espèce, la déclaration d’appel de M. [R] et de la société [D] indiquait que l’appel tend à la réformation du jugement qui a écarté des débats les pièces 33 et 42, a débouté Mr [R] et la société [D] de leur demande tendant à voir juger qu’Accenture a commis des fautes dans l’utilisation du procédé Acceria comprenant le logiciel Partneo, de leur demande de condamnation d’Accenture, Renault, Peugeot PSA à verser la somme de 33 000 000 euros au titre de la réparation de son préjudice matériel et financier, et celle de 30 000 euros au titre de l’article 700 et aux dépens et de la demande tendant à voir condamner Accenture à verser à M. [R] une somme de 1 euro en réparation de son préjudice moral (déclaration d’appel) ; que M. [R] et la société [D] faisaient valoir que, si cette déclaration d’appel ne critiquait pas expressément les chefs du jugement les condamnant in solidum au paiement d’une amende civile de 10 000 euros et à verser une somme de 50 000 euros à chacun des défendeurs à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive, et celle de 30 000 euros aux sociétés Accenture, Renault et PSA Automobiles sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, ces chefs dépendaient nécessairement des chefs expressément critiqués au sein de la déclaration d’appel ; qu’après avoir rappelé les termes de l’article 562 du code de procédure civile, M. [R] et la société [D] avaient indiqué que « il est patent que l’article 700, les dépens, l’amende civile et les dommages et intérêts auxquels M. [R] et [D] ont été condamnés en première instance constituent des « accessoires » indivisibles et dépendent des déboutés dont ils ont fait l’objet. De facto, la cour en est saisie. En effet, si la cour accueille l’argumentation développée par M. [R] et [D] et réforme le jugement du tribunal de commerce, elle anéantirait, ainsi, le raisonnement de fond des juges consulaires. Dès lors, il serait impensable que cette sanction ne comporte pas les condamnations tendant à indemniser M. [R] et [D] d’une procédure jugée à tort abusive et dont le bien-fondé serait alors consacré par la cour d’appel » ; qu’en décidant toutefois que l’effet dévolutif de l’appel ne s’était pas opéré sur les condamnations in solidum de M. [R] et de la société [D] à une amende civile, à des dommages et intérêts pour procédure abusive et à l’article 700 du code de procédure civile prononcées par le tribunal, sur le seul constat que la déclaration d’appel « ne vise pas expressément les condamnations in solidum de M. [R] et de la société [D] à une amende civile, à des dommages-intérêts pour procédure abusive et à l’article 700 du code de procédure civile prononcées par le tribunal », sans rechercher, comme elle y était invitée, s’il existait un lien de dépendance entre le chef du jugement déboutant M. [R] et la société [D] de leurs demandes de reconnaissance de la responsabilité et de condamnation des sociétés Accenture, Renault et PSA Automobiles, et les chefs du jugement condamnant in solidum M. [R] et la société [D] à une amende civile, à des dommages-intérêts pour procédure abusive et à l’article 700 du code de procédure civile, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 562, alinéa 1er, du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l’article 562, alinéa 1er, du code de procédure civile :

5. Selon ce texte, l’appel ne défère à la cour d’appel que la connaissance des chefs de jugement qu’il critique expressément et de ceux qui en dépendent, lesquels s’entendent de tous ceux qui sont la conséquence des
chefs de jugement expressément critiqués.

6. Pour dire que l’effet dévolutif de l’appel n’a pas opéré sur les condamnations in solidum de M. [R] et de la société [D] à une amende civile, à des dommages-intérêts pour procédure abusive et à l’article 700 du code de procédure civile, l’arrêt constate que les appelants n’ont pas expressément visé ces condamnations dans leur déclaration d’appel laquelle ne tendait qu’à la réformation du jugement en ce qu’il a écarté les pièces 33 et 42, a débouté M. [R] et la société [D] de leur demande tendant à voir juger que la société Accenture a commis des fautes, de leur demande de condamnation à payer la somme de 33 000 000 d’euros au titre de la réparation de leur préjudice matériel et financier, celle de 30 000 euros au titre de l’article 700 et aux dépens et de la demande tendant à voir condamner la société Accenture à verser à M. [R] une somme de un euro en réparation de son préjudice moral.

7. En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, s’il existait un lien de dépendance entre le chef de jugement ayant débouté M. [R] et la société [D] de l’ensemble de leurs demandes et les chefs de jugement les ayant condamnés à une amende civile, à des dommages et intérêts pour procédure abusive et à une indemnité de l’article 700 du code de procédure civile, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision.


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