Airbnb, une activité d’agent immobilier ?

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Airbnb, une activité d’agent immobilier ?

L’Essentiel : Dans l’affaire C-390/18, l’Avocat général a plaidé pour que la plateforme Airbnb soit considérée comme un service de la société de l’information, échappant ainsi à la réglementation des agents immobiliers. Cette position a été renforcée par une plainte de l’AHTOP, entraînant une enquête sur d’éventuelles infractions à la loi Hoguet. Le juge d’instruction a soumis une question préjudicielle à la CJUE concernant la liberté de prestation de services et l’applicabilité de la loi française à Airbnb Ireland. L’Avocat général a souligné que les restrictions imposées par un État membre doivent respecter des conditions précises pour être opposables.

Airbnb, un service de la société de l’information

Dans l’affaire C-390/18, pendante devant la CJUE, l’Avocat général a plaidé pour la qualification de service de la société de l’information pour la plateforme Airbnb, ce qui permettrait  à cette dernière d’échapper à la réglementation des agents immobiliers (sur le volet location à titre habituel de logements).

Plainte contre X de l’AHTOP

À la suite d’une plainte contre X avec constitution de partie civile déposée, notamment, par l’Association pour un hébergement et un tourisme professionnel (AHTOP), le parquet de Paris (France) a délivré, le 16 mars 2017, un réquisitoire introductif pour des infractions à la loi réglementant les conditions d’exercice des activités relatives à certaines opérations portant sur les immeubles et les fonds de commerce (dite « loi Hoguet ») concernant notamment l’activité d’agent immobilier. Airbnb Ireland a contesté exercer une activité d’agent immobilier et a soulevé l’inapplicabilité de la loi Hoguet du fait de son incompatibilité avec la directive relative à certains aspects juridiques des services de la société de l’information.

Saisine de la CJUE

Le juge d’instruction du TGI de Paris a soumis une question préjudicielle à la CJUE afin de savoir si les prestations fournies en France par la société Airbnb Ireland par l’intermédiaire d’une plate-forme électronique exploitée depuis l’Irlande bénéficient de la liberté de prestation de services prévue par la directive sur le commerce électronique et si les règles restrictives relatives à l’exercice de la profession d’agent immobilier en France, édictées par la loi Hoguet, lui sont opposables.

Position de l’Avocat général

L’avocat général considère qu’un service consistant à mettre en relation, au moyen d’une plate-forme électronique, des locataires potentiels avec des loueurs proposant des prestations d’hébergement de courte durée, dans une situation où le prestataire dudit service n’exerce pas de contrôle sur les modalités essentielles de ces prestations, constitue un service de la société de l’information. Le fait que ledit prestataire propose également d’autres services dont le contenu est matériel n’empêche pas la qualification du service fourni par voie électronique comme un service de la société de l’information, à condition que ce dernier service ne forme pas un tout indissociable avec ces services. Sur la possibilité d’opposer la loi Hoguet à Airbnb Ireland, l’avocat général observe que, en ce qui concerne le cas soumis à la Cour, cette loi entre a priori dans le champ d’application de la directive sur le commerce électronique car il s’agit d’une réglementation d’un État membre autre que l’État membre d’origine, qui est susceptible de restreindre les services de la société de l’information. Il poursuit en rappelant que, pour qu’une exigence posée par un État membre autre que celui où est établi le prestataire des services de la société de l’information soit opposable à celui-ci et conduise à la restriction de la libre circulation de ces services, cette exigence doit constituer une mesure remplissant les conditions de fond et de procédure posées par cette directive.

L’avocat général estime qu’un État membre autre que celui d’origine ne peut déroger à la libre circulation des services de la société de l’information que par des mesures prises « au cas par cas ». En tout état de cause, il appartient au juge national de déterminer si, eu égard à l’ensemble des éléments qui ont été portés à sa connaissance, les mesures en cause sont nécessaires pour assurer la protection du consommateur et ne vont pas au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre l’objectif poursuivi. Un État membre qui envisage l’adoption de mesures restreignant la libre circulation des services de la société de l’information en provenance d’un autre État membre doit préalablement notifier son intention à la Commission et demander à l’État membre d’origine de prendre des mesures en matière de services de la société de l’information. Or, rien n’indique que la France ait demandé à l’Irlande de prendre des mesures en matière de services de la société de l’information et qu’il semble que la condition relative à la notification de la Commission n’ait pas non plus été remplie, que ce soit pendant ou après la période de transposition de la directive. Affaire à suivre ….

Q/R juridiques soulevées :

Quelle est la position de l’Avocat général concernant Airbnb et la réglementation des agents immobiliers ?

L’Avocat général a plaidé pour que la plateforme Airbnb soit qualifiée de service de la société de l’information. Cette qualification permettrait à Airbnb d’échapper à la réglementation stricte qui s’applique aux agents immobiliers, notamment en ce qui concerne la location habituelle de logements.

Il a souligné que le service fourni par Airbnb consiste à mettre en relation des locataires potentiels avec des loueurs via une plateforme électronique, sans que le prestataire exerce un contrôle sur les modalités essentielles des prestations.

Cette distinction est déterminante, car elle permet de considérer le service comme un service de la société de l’information, même si d’autres services matériels sont également proposés par Airbnb.

Quelles sont les implications de la plainte déposée par l’AHTOP contre Airbnb ?

La plainte déposée par l’Association pour un hébergement et un tourisme professionnel (AHTOP) a conduit à une enquête par le parquet de Paris. Cette plainte visait à établir si Airbnb exerçait des activités d’agent immobilier en violation de la loi Hoguet, qui réglemente les conditions d’exercice des activités immobilières.

Le 16 mars 2017, un réquisitoire introductif a été délivré, soulignant les préoccupations concernant la conformité d’Airbnb avec la législation française. Airbnb Ireland a contesté cette accusation, arguant que la loi Hoguet ne s’appliquait pas à ses activités en raison de son incompatibilité avec la directive sur les services de la société de l’information.

Cette situation a mis en lumière les tensions entre la réglementation nationale et les services numériques transnationaux, soulevant des questions sur la portée de la loi Hoguet dans le contexte des plateformes en ligne.

Quelle question a été soumise à la CJUE par le juge d’instruction du TGI de Paris ?

Le juge d’instruction du TGI de Paris a soumis une question préjudicielle à la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE). Cette question portait sur la possibilité pour Airbnb Ireland de bénéficier de la liberté de prestation de services, telle que prévue par la directive sur le commerce électronique.

Il a également demandé si les règles restrictives relatives à l’exercice de la profession d’agent immobilier en France, édictées par la loi Hoguet, pouvaient être opposées à Airbnb.

Cette question est essentielle pour déterminer si les réglementations nationales peuvent restreindre les services fournis par des entreprises basées dans d’autres États membres de l’UE, en particulier dans le contexte de l’économie numérique.

Quelles conditions doivent être remplies pour qu’une réglementation nationale soit opposable à un service de la société de l’information ?

L’Avocat général a précisé que pour qu’une exigence d’un État membre soit opposable à un prestataire de services de la société de l’information, elle doit respecter certaines conditions de fond et de procédure établies par la directive sur le commerce électronique.

Ces conditions incluent la nécessité que la réglementation ne restreigne pas indûment la libre circulation des services. De plus, l’État membre qui souhaite imposer des restrictions doit notifier son intention à la Commission européenne et demander à l’État d’origine de prendre des mesures.

Il a également souligné que les mesures restrictives doivent être justifiées par la protection du consommateur et ne doivent pas aller au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre cet objectif.

Quelles sont les conséquences possibles de la décision de la CJUE sur Airbnb et d’autres plateformes similaires ?

La décision de la CJUE pourrait avoir des conséquences significatives pour Airbnb et d’autres plateformes similaires opérant dans l’UE. Si la Cour reconnaît qu’Airbnb peut bénéficier de la liberté de prestation de services, cela pourrait établir un précédent pour d’autres entreprises de l’économie numérique.

Cela signifierait que les réglementations nationales, comme la loi Hoguet, ne pourraient pas être appliquées de manière restrictive aux services fournis par des plateformes en ligne basées dans d’autres États membres.

En revanche, si la CJUE décide que la loi Hoguet est applicable, cela pourrait entraîner des obligations supplémentaires pour Airbnb et d’autres services similaires, affectant leur modèle économique et leur capacité à opérer librement dans différents pays de l’UE.

Cette affaire met en lumière les défis juridiques auxquels sont confrontées les entreprises numériques dans un environnement réglementaire en évolution rapide.


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