Affiliation sociale d’un médecin exerçant dans deux pays européens : enjeux et régulations.

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Affiliation sociale d’un médecin exerçant dans deux pays européens : enjeux et régulations.

L’Essentiel : M. [S] [E], médecin libéral exerçant en Belgique et en France, a contesté son affiliation à la CARMF, imposée depuis 2013. Après un refus de la commission de recours amiable, il a saisi le tribunal des affaires sociales, qui a confirmé la décision. En appel, M. [S] [E] soutient qu’aucune cotisation n’est due pour 2013-2018, invoquant des certificats A1. La CARMF, de son côté, argue qu’il n’a pas perçu de revenus en Belgique durant cette période. La cour a finalement annulé les cotisations contestées et condamné la CARMF à verser des frais de défense à M. [S] [E].

Contexte de l’affaire

M. [S] [E] est médecin libéral exerçant en Belgique depuis 1979 et en France depuis 2006. Il réside en Belgique et a un cabinet à [Localité 7] en Belgique et à [Localité 4] en France.

Décision d’affiliation

Le 21 août 2017, la caisse a informé M. [S] [E] de son affiliation obligatoire à la CARMF à partir du 1er janvier 2013, suite à un contrôle. M. [S] [E] a contesté cette décision devant la commission de recours amiable, qui a confirmé l’affiliation et les cotisations requises lors de sa séance du 26 janvier 2018.

Procédure judiciaire

M. [S] [E] a saisi le tribunal des affaires sociales de Paris le 19 avril 2018 pour contester la décision de la commission. Le tribunal a rendu son jugement le 27 septembre 2019, déclarant le recours mal fondé et confirmant l’affiliation à la CARMF ainsi que les cotisations dues.

Appel et audiences

M. [S] [E] a interjeté appel le 23 octobre 2019. L’affaire a été renvoyée à plusieurs audiences, avec des délibérés prorogés et des débats réouverts jusqu’à la dernière audience prévue pour le 14 novembre 2024.

Arguments de M. [S] [E]

M. [S] [E] soutient qu’aucune cotisation sociale n’est due pour la période de 2013 à 2018, affirmant qu’il a continué à exercer une activité non salariée en Belgique et en France. Il invoque des certificats A1 attestant de son assujettissement à la sécurité sociale belge et conteste la validité des décisions de la CARMF.

Arguments de la CARMF

La CARMF argue que M. [S] [E] doit être affilié à partir du 1er janvier 2013, soulignant qu’il n’a perçu aucun revenu en Belgique durant les années 2013 et 2014, alors qu’il a généré des revenus significatifs en France. Elle conteste également la validité des certificats A1, affirmant qu’ils ont été annulés par l’INASTI.

Décision de la cour

La cour a déclaré recevable l’appel de M. [S] [E] et a infirmé le jugement du tribunal de grande instance de Paris. Elle a annulé les appels de cotisations de la CARMF pour les années 2013 à 2018 et a condamné la CARMF à verser 1 500 euros à M. [S] [E] pour les frais de défense, ainsi qu’aux dépens.

Q/R juridiques soulevées :

Quelle est la législation applicable à M. [S] [E] concernant son affiliation à la CARMF ?

La législation applicable à M. [S] [E] est régie par le règlement CE n° 883/2004, qui établit les règles de coordination des systèmes de sécurité sociale au sein de l’Union européenne.

Selon l’article 13 du règlement CE n° 883/2004 :

« 2. Une personne qui exerce normalement une activité non salariée dans deux ou plusieurs États membres est soumise :

a) à la législation de l’État membre de résidence s’il exerce une partie substantielle de son activité dans cet État membre ; ou

b) à la législation de l’État membre dans lequel est situé le centre d’intérêt de ses activités, s’il ne réside pas dans l’un des États membres dans lesquels il exerce une partie substantielle de son activité. »

M. [S] [E] soutient qu’il a continué à exercer son activité en Belgique et en France, et qu’il est donc assujetti à la législation belge.

Il invoque également l’article 87 §8 du même règlement, qui précise :

« Si, en conséquence du présent règlement, une personne est soumise à la législation d’un État membre autre que celui à la législation duquel elle est soumise en vertu du titre II du règlement (CEE) n° 1408/71, cette personne continue d’être soumise à cette dernière législation aussi longtemps que la situation qui a prévalu reste inchangée… »

Ainsi, M. [S] [E] argue que sa situation n’a pas changé depuis 2013, ce qui justifierait son affiliation à la sécurité sociale belge.

Quels sont les effets des certificats A1 sur l’affiliation de M. [S] [E] ?

Les certificats A1, délivrés par l’INASTI, attestent de l’affiliation de M. [S] [E] à la sécurité sociale belge.

L’article 5 du règlement (CE) n° 987/2009 stipule :

« 1. Les documents établis par l’institution d’un État membre qui attestent de la situation d’une personne aux fins de l’application du règlement de base et du règlement d’application, ainsi que les pièces justificatives y afférentes, s’imposent aux institutions des autres États membres aussi longtemps qu’ils ne sont pas retirés ou déclarés invalides par l’État membre où ils ont été établis. »

Cela signifie que tant que les certificats A1 ne sont pas annulés, ils créent une présomption de régularité de l’affiliation de M. [S] [E] au régime de sécurité sociale belge.

La CARMF, en contestant ces certificats, doit prouver qu’ils ont été annulés ou déclarés invalides.

En l’espèce, la CARMF n’a pas démontré que les certificats A1 avaient été annulés, ce qui renforce la position de M. [S] [E] quant à son affiliation à la sécurité sociale belge.

Quelles sont les conséquences de la décision de la CARMF sur les cotisations de M. [S] [E] ?

La décision de la CARMF d’affilier M. [S] [E] à partir du 1er janvier 2013 a des conséquences directes sur ses cotisations sociales.

M. [S] [E] conteste cette décision, arguant qu’il a déjà payé ses cotisations en Belgique et qu’il ne devrait pas être assujetti à des cotisations en France pour la même période.

L’article 14 bis §2 du règlement CEE n° 1408/71 précise :

« La personne qui exerce normalement une activité non salariée sur le territoire de deux ou plusieurs États membres est soumise à la législation de l’État membre sur le territoire duquel elle réside, si elle exerce une partie de son activité sur le territoire de cet État membre. »

M. [S] [E] soutient qu’il a exercé une activité substantielle en Belgique, ce qui justifierait son assujettissement à la législation belge et non à celle de la CARMF.

La cour a finalement décidé d’annuler les appels de cotisations de la CARMF pour les années 2013 à 2018, confirmant ainsi que M. [S] [E] ne devait pas payer de cotisations à la CARMF pour cette période.

La CARMF a été condamnée à rembourser les frais de défense de M. [S] [E] en vertu de l’article 700 du code de procédure civile, qui stipule que :

« La partie qui succombe peut être condamnée à payer à l’autre partie une somme au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. »

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 13

ARRÊT DU 10 Janvier 2025

(n° , 8 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : S N° RG 19/10637 – N° Portalis 35L7-V-B7D-CA2QR

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 27 Septembre 2019 par le Tribunal de Grande Instance de PARIS RG n° 18/01680

APPELANT

Monsieur [S] [E]

domicilié chez Maître Laurent DEAR du cabinet [5] [Adresse 8] à [Localité 1], Belgique.

comparant en personne, assisté de Me Laurent DEAR, avocat au barreau de BRANBANT WALLON (Belgique), substitué par Maître Sarah GHISLAIN, avocat au barreau de

BRANBANT WALLON (Belgique)

INTIMEE

CARMF – CAISSE AUTONOME DE RETRAITE DES MEDECINS DE FRANCE

[Adresse 2]

[Localité 3]

représenté par Mme [F] [M] en vertu d’un pouvoir spécial

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 14 novembre 2024, en audience publique et double rapporteur, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Monsieur Raoul CARBONARO, Président de chambre et Madame Sophie COUPET, Conseillère, chargés du rapport.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Raoul CARBONARO, Président de chambre

Monsieur Gilles REVELLES, Conseiller

Madame Sophie COUPET, Conseillère

Greffier : Madame Agnès IKLOUFI, lors des débats

ARRÊT :

– CONTRADICTOIRE

– prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, prévu le vendredi 10 janvier 2025, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

-signé par Monsieur Raoul CARBONARO, Président de chambre et Madame Fatma DEVECI, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La cour statue sur l’appel interjeté par M. [S] [E] d’un jugement rendu le 27 septembre 2019 par le tribunal de grande instance de Paris dans un litige l’opposant à la Caisse autonome de retraite des médecins de France (ci-après CARMF).

FAITS, PROCEDURE, PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

M. [S] [E] exerce une activité libérale de médecin en Belgique depuis le 2 juillet 1979 à [Localité 7], où se situe son cabinet, la SPRL [6]. Depuis le 1er octobre 2006, il exerce également une activité libérale de médecin en France dans son cabinet situé à [Localité 4]. Il réside en Belgique.

Par courrier du 21 août 2017, la caisse a informé M. [S] [E] de ce qu’après ce contrôle et compte tenu des éléments en sa possession, elle procédait à son affiliation à titre obligatoire au 1er janvier 2013.

Le 12 décembre 2017, M. [S] [E] a saisi la commission de recours amiable de la caisse d’une contestation de la décision d’affiliation.

Lors de sa séance du 26 janvier 2018, la commission de recours amiable de la caisse a confirmé le caractère obligatoire de l’affiliation de M. [S] [E] à la CARMF à effet du 1er janvier 2013 ainsi que les cotisations réclamées à ce titre, du fait même de son exercice médical non salarié, conformément aux dispositions du Livre IV du code de la sécurité sociale.

Par lettre recommandée avec accusé de réception adressée le 19 avril 2018, M. [S] [E] a saisi le tribunal des affaires sociales de Paris en contestation de la décision de la commission de recours amiable.

Par jugement rendu le 27 septembre 2019, le tribunal de grande instance de Paris a :

Reçu M. [S] [E] en son recours ;

Cependant, l’y a déclaré mal fondé ;

L’en a débouté ;

Confirmé la décision prise par la commission de recours amiable de la CARMF lors de sa réunion du 26 janvier 2018 ;

Confirmé l’affiliation de M. [S] [E] à la CARMF à partir du 1er septembre 2013 et les cotisations réclamées à ce titre.

Le jugement a été notifié le 3 octobre 2019 à M. [S] [E] qui en a interjeté appel par lettre recommandée avec accusé de réception le 23 octobre 2019.

L’affaire a alors été fixée à l’audience du 9 mai 2022, puis renvoyée à celle du 7 mars 2023. Le délibéré du 26 mai 2023 a été prorogé, puis les débats réouverts le 30 juin 2023. L’audience a été renvoyée au 6 février 2024, puis au 13 septembre 2024 et enfin à celle du 14 novembre 2024, lors de laquelle les parties ont développé oralement leurs conclusions écrites déposées au dossier.

Par conclusions écrites visées et développées oralement à l’audience par son avocat, M. [S] [E] demande à la cour de :

Entendre recevoir le présent appel ;

En conséquence :

Mettre à néant le jugement a quo en ce qu’il déboute M. [E] à partir du 1er janvier 2013 ;

Et partant :

Déclarer la demande de M. [E] recevable et fondée ;

En conséquence :

Annuler la décision prise par la CARMF d’affiliation de M. [E] à partir du 1er janvier 2013 ;

Annuler les demandes de réclamation des cotisations de la CARMF à l’attention de M. [E] pour la période de 2013 à 2018 ;

Condamner la CARMF aux entiers dépens de l’instance ;

Condamner la CARMF à la somme de 1 500 euros à titre de frais de défense exposés par M. [E] et non compris dans les dépens, sur pied de l’article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions écrites visées et développées oralement à l’audience par son représentant, la CARMF demande à la cour de :

Déclarer l’appel du Docteur [S] [E] recevable en la forme mais mal fondé ;

Débouter le Docteur [S] [E] ;

Confirmer le jugement du tribunal judiciaire de Paris du 27 septembre 2019 en ce qu’il a confirmé la décision de la commission de recours amiable de la CARMF du 26 janvier 2018 qui avait confirmé la réaffiliation du médecin à effet du 1er janvier 2013.

MOYEN DES PARTIES

– Sur l’affiliation de M.[S] [E]

Moyens de M.[S] [E]

M. [S] [E] soutient qu’aucune cotisation sociale n’est due pour la période de 2013 à 2018. Il fait valoir qu’il a bien continué à partir de 2013 à exercer une activité professionnelle non salariée simultanée en Belgique et en France. Dès lors que sa situation est demeurée inchangée depuis 2013, il a continué à être assujetti au régime belge de sécurité sociale des travailleurs indépendants en application de l’article 87 §8 du règlement 883/2004 et la caisse ne peut lui réclamer le paiement de cotisations sociales à partir de 2013. Il soutient que s’il était jugé autrement, cela contreviendrait aux règlements européens 1408/71 et 883/2004, ainsi qu’à la position de l’INASTI et aux formulaires A1 qui lui ont été délivrés. Il soutient également que dès lors qu’il était assujetti en Belgique depuis le début de ses activités professionnelles, et donc également à partir de 2013, il ne peut être assujetti pour la même période en Belgique et en France avec pour conséquence de devoir payer deux fois ses cotisations sociales de travailleur indépendant. Il fait également valoir que durant la période faisant l’objet de la réclamation de la caisse, de 2013 à 2018, il a régulièrement payé ses cotisations sociales de travailleur indépendant en Belgique, ce qui est attesté par les bilans internes de 2013 à 2017 de la SPRL [6] et les extraits de compte de la société pour l’année 2018.

A titre « préliminaire »

M. [E] soutient que la réouverture des débats ne se justifiait pas en ce qu’il se prévalait des certificats A1 dès la première instance et que, par conséquent la CARMF avait déjà eu l’opportunité de se prononcer sur ce point.

Sur le fond

M. [E] relève que les formulaires A1 établis par l’INASTI qui confirment son assujettissement à la sécurité sociale belge des indépendants sont au nombre de trois et couvrent les périodes du 01/01/2013 au 31/12/2013, du 01/01/2015 au 31/12/2017 et du 01/01/2018 au 30/06/2019. Contrairement à ce qui est soutenu par la CARMF, la période du 1er janvier 2018 au 31 décembre 2018 est couverte par un formulaire A1. Le règlement 883/2004 et son règlement d’exécution ne permettent que de « retirer » ou de « déclarer invalide » un certificat A1, mais ne permettent pas son annulation. L’affirmation de la CARMF selon laquelle les formulaires A1 préalablement établis auraient été « annulés » par une décision de l’INASTI du 8 mars 2017 est donc erronée. Il soutient que la CARMF ne produit pas de décision de l’INASTI en ce sens. L’INASTI a informé la CARMF de sa décision de détermination de la législation belge par courrier daté du 30 janvier 2018. Néanmoins, la CARMF n’a pas contesté cette décision alors qu’elle disposait d’un délai de 2 mois pour le faire conformément à l’article 16§3 du Règlement 987/2009. Par conséquent, les formulaires A1 sont devenus définitifs. Par conséquent, et selon la jurisprudence de la Cour de justice, dès lors que les formulaires A1 n’ont pas été retirés ou déclarés invalides, ils s’imposent dans l’ordre juridique interne de l’Etat membre dans lequel le travailleur salarié se rend pour effectuer un travail et, partant, lie les institutions de cet Etat membre.

Il ajoute oralement qu’il dépend du régime du règlement CEE n° 1408/71 qui prévoit des critères d’affiliation exclusivement du fait de sa résidence et des dispositions transitoires à son abrogation.

Moyens de la CARMF

La caisse soutient que M. [E] relève de la CARMF à compter du 1er janvier 2013. Elle affirme qu’il ne peut soutenir que sa situation n’a pas changé depuis 2013 en ce qu’il n’avait perçu aucun revenu belge pour les années 2013 et 2014 alors qu’il a perçu des revenus français à hauteur de 238 580 euros pour l’année 2013 et 206 352 euros pour l’année 2014. Elle affirme que dès lors qu’il est constaté que l’activité n’a produit aucun revenu la présomption de non-salariat prévue par l’arrêté royal belge du 27 juillet 1967 tombe, le médecin ne peut avoir qualité de travailleur non salarié en Belgique. Elle soutient également que la situation du médecin ayant été modifiée, il ne peut en conséquence invoquer l’application de l’article 87 du règlement UE 883/2004 qui lui aurait permis de rester sous le statut de l’ancien règlement UE 1408/71. Il doit donc être fait application des dispositions de l’article 13 du règlement UE 883/2004 qui prévoit que le montant des revenus est un critère prépondérant pour la détermination de la législation applicable. Selon cet article, un travailleur indépendant invoquant exercer une activité non salariée dans deux Etats membres relèvera de la législation de l’Etat membre de résidence, si celui-ci exerce une partie substantielle de son activité dans cet Etat ; si l’une des deux activités ne procure aucun revenu, cette activité même si elle est réelle ne peut être définie comme substantielle. En effet, M. [E] a perçu des revenus supérieurs à 200 000 euros nets par an en France à compter de 2013 alors que pour la même période, il ne percevait plus aucun revenu en Belgique. Selon le fichier national de la CNAMTS, il a perçu des honoraires bruts de 430 852 euros à 540 617 euros de 2013 à 2018 en France. Le médecin ne peut soutenir avoir eu une activité substantielle en Belgique durant cette période.

La caisse fait valoir que la période allant du 1er janvier 2018 au 31 décembre 2018 n’est pas couverte par un formulaire A1. Elle fait également valoir que l’INASTI a constaté que le médecin relevait de la législation française par décision du 8 mars 2017 et a, par conséquent, « annulé » les formulaires A1 émis.

Réponse de la cour :

L’article 13 du règlement CE n° 883-2004 dispose que :

« 2. Une personne qui exerce normalement une activité non salariée dans deux ou plusieurs États membres est soumise :

a) la législation de l’État membre de résidence s’il exerce une partie substantielle de son activité dans cet État membre ; ou

b) la législation de l’État membre dans lequel est situé le centre d’intérêt de ses activités, s’il ne réside pas dans l’un des États membres dans lesquels il exerce une partie substantielle de son activité. »

L’article 87 §8 du même règlement précise que :

« Si, en conséquence du présent règlement, une personne est soumise à la législation d’un État membre autre que celui à la législation duquel elle est soumise en vertu du titre II du règlement (CEE) n° 1408/71, cette personne continue d’être soumise à cette dernière législation aussi longtemps que la situation qui a prévalu reste inchangée, mais en tout cas pas plus de dix ans à compter de la date d’application du présent règlement, à moins qu’elle n’introduise une demande en vue d’être soumise à la législation applicable en vertu du présent règlement. La demande est introduite dans un délai de trois mois à compter de la date d’application du présent règlement auprès de l’institution compétente de l’État membre dont la législation est applicable en vertu du présent règlement pour que l’intéressé puisse être soumis à la législation de cet État membre dès la date d’application du présent règlement. Si la demande est présentée après l’expiration de ce délai, le changement de législation applicable intervient le premier jour du mois suivant. »

L’article 14 bis §2 du règlement CEE n° 1408/71 §1 b dispose que :

« La personne qui exerce normalement une activité non salariée sur le territoire de deux ou plusieurs États membres est soumise à la législation de l’État membre sur le territoire duquel elle réside, si elle exerce une partie de son activité sur le territoire de cet État membre. Si elle n’exerce pas d’activité sur le territoire de l’État membre où elle réside, elle est soumise à la législation de l’État membre sur le territoire duquel elle exerce son activité principale.

Les critères servant à déterminer l’activité principale sont fixés par le règlement visé à l’article 98. »

L’article 5 du règlement (CE) n° 987/2009 du Conseil, du 16 septembre 2009 dispose que :

« Les documents établis par l’institution d’un État membre qui attestent de la situation d’une personne aux fins de l’application du règlement de base et du règlement d’application, ainsi que les pièces justificatives y afférentes, s’imposent aux institutions des autres États membres aussi longtemps qu’ils ne sont pas retirés ou déclarés invalides par l’État membre où ils ont été établis.

2. En cas de doute sur la validité du document ou l’exactitude des faits qui sont à la base des mentions y figurant, l’institution de l’État membre qui reçoit le document demande à l’institution émettrice les éclaircissements nécessaires et, le cas échéant, le retrait dudit document. L’institution émettrice réexamine ce qui l’a amenée à établir le document et, au besoin, le retire.

3. En application du paragraphe 2, en cas de doute sur les informations fournies par les intéressés, sur le bien-fondé d’un document ou d’une pièce justificative, ou encore sur l’exactitude des faits qui sont à la base des mentions y figurant, l’institution du lieu de séjour ou de résidence procède, pour autant que cela soit possible, à la demande de l’institution compétente, à la vérification nécessaire desdites informations ou dudit document.

4. À défaut d’un accord entre les institutions concernées, les autorités compétentes peuvent saisir la commission administrative au plus tôt un mois après la date à laquelle l’institution qui a reçu le document a présenté sa demande. La commission administrative s’efforce de concilier les points de vue dans les six mois suivant sa saisine. »

L’article 6 précise :

« 1 En cas de divergence de vues entre les institutions de deux États membres ou plus au sujet de la détermination de la résidence d’une personne à laquelle le règlement de base s’applique, ces institutions établissent d’un commun accord le centre d’intérêt de la personne concernée en procédant à une évaluation globale de toutes les informations disponibles concernant les faits pertinents, qui peuvent inclure, le cas échéant:

la durée et la continuité de la présence sur le territoire des États membres concernés;

la situation de l’intéressé, y compris:

la nature et les spécificités de toute activité exercée, notamment le lieu habituel de son exercice, son caractère stable ou la durée de tout contrat d’emploi ;

sa situation familiale et ses liens de famille ;

l’exercice d’activités non lucratives ;

lorsqu’il s’agit d’étudiants, la source de leurs revenus ;

sa situation en matière de logement, notamment le caractère permanent de celui-ci ;

l’État membre dans lequel la personne est censée résider aux fins de l’impôt.

2. Lorsque la prise en compte des différents critères fondés sur les faits pertinents tels qu’ils sont énoncés au paragraphe 1 ne permet pas aux institutions concernées de s’accorder, la volonté de la personne en cause, telle qu’elle ressort de ces faits et circonstances, notamment les raisons qui l’ont amenée à se déplacer, est considérée comme déterminante pour établir le lieu de résidence effective de cette personne.

La Cour de justice de l’Union européenne juge qu’en vertu des principes de coopération loyale et de confiance mutuelle, les certificats E101, devenus A1, délivrés par l’institution compétente d’un Etat membre créent une présomption de régularité de l’affiliation du travailleur concerné au régime de sécurité sociale de cet État et s’imposent à l’institution compétente et aux juridictions de l’État membre dans lequel ce travailleur effectue un travail, même lorsqu’il est constaté par celles-ci que les conditions de l’activité du travailleur concerné n’entrent manifestement pas dans les cas prévus par le droit communautaire autorisant leur délivrance (CJUE, arrêt du 27 avril 2017, A-Rosa Flussschiff GmbH, C-620/15).

Elle ajoute que, lorsque l’institution de l’État membre dans lequel les travailleurs ont été détachés a saisi l’institution émettrice de ces certificats d’une demande de réexamen et de retrait de ceux-ci à la lumière d’éléments recueillis dans le cadre d’une enquête judiciaire ayant permis de constater qu’ils ont été obtenus ou invoqués de manière frauduleuse, et que l’institution émettrice s’est abstenue de prendre en considération ces éléments aux fins du réexamen du bien-fondé de la délivrance desdits certificats, le juge national peut, dans le cadre d’une procédure diligentée contre des personnes soupçonnées d’avoir eu recours à des travailleurs détachés sous le couvert de tels certificats, écarter ces derniers si, sur la base desdits éléments et dans le respect des garanties inhérentes au droit à un procès équitable qui doivent être accordées à ces personnes, il constate l’existence d’une telle fraude (CJUE, arrêt du 6 février 2018, Ömer Altun, C-359/16).

Il en résulte, ainsi qu’elle l’a ultérieurement précisé, que le juge national doit d’abord rechercher si la procédure prévue à l’article 5, du règlement n° 987/2009 a été, en amont de sa saisine, enclenchée par l’institution compétente de l’État membre d’accueil par le biais d’une demande de réexamen et de retrait de ces certificats présentée à l’institution émettrice de ceux-ci, et, si tel n’a pas été le cas, doit mettre en oeuvre tous les moyens de droit à sa disposition afin d’assurer que l’institution compétente de l’État membre d’accueil enclenche cette procédure, et que ce n’est qu’après avoir constaté que l’institution émettrice s’est abstenue de procéder au réexamen de ces certificats et de prendre position, dans un délai raisonnable, sur les éléments qui lui étaient présentés, qu’il peut se prononcer de manière définitive sur l’existence d’une telle fraude et écarter ces certificats (CJUE, arrêt du 2 avril 2020, Vueling Airlines SA, n° C-370/17 et C-37/18).

En l’espèce, la CARMF a saisi l’INASTI le 27 janvier 2017 pour lui demander de justifier des éléments pris en compte pour déterminer la législation applicable à l’intéressé ainsi que des détails des revenus non-salariés pris en compte par les services, tant en France que sur le territoire national belge. En réponse, l’organisme précise que pour les années 2013 et 2014, l’intéressé n’a perçu aucun revenu en Belgique que pour les années 2015 à 2017, ce dernier n’avait déclaré aucun revenu. Dès lors il a annulé les formulaires A1 délivrés. Les revenus déclarés à l’organisme belge comme perçus en France en 2013 se sont élevés à la somme de 238 580 euros et en 2014 de 206 352 euros.

Pour la période postérieure, l’intéressé dépose un formulaire A1 du 22 novembre 2019 justifiant de son affiliation à une caisse de sécurité sociale belge à compter du 1er janvier 2018.

Le 30 janvier 2018, l’INASTI adresse une nouvelle décision à la CARMF lui indiquant qu’en application de l’article 14 bis, 2 du règlement CEE 1408/71, l’intéressé demeure affilié auprès de lui depuis son affiliation initiale en 2006 en sa qualité de travailleur indépendant.

La CARMF ne conteste pas qu’avant 2013, M. [S] [E] avait une activité en Belgique et qu’il résidait dans ce pays. Il devait donc être affilié auprès de l’INASTI.

Il lui appartient donc de démontrer qu’en application de l’article 87 du règlement CE n° 883-2004, l’intéressé devait relever des nouvelles dispositions de celui-ci, du fait d’un changement de situation modifiant les règles d’affiliation, ou qu’une éventuelle fraude à ses droits avait été commise.

La lecture des bilans déposés par l’intéressé démontre l’existence d’un compte courant au bénéfice de ce dernier dont l’augmentation annuelle de l’ordre de 10 000 euros en 2014, 11 000 euros en 2015, 5 000 euros en 2016, 4 000 euros en 2017 est sans commune mesure avec les revenus déclarés en France sur la même période et alors même qu’aucune perception d’honoraires de salaire n’y figure. En effet, l’intéressé a perçu en 2013 430 852,53 euros, en 2014 445 286, 80 euros, en 2015 490 204, 29 euros en 2016 483 235, 73 euros, en 2017, la somme de 419 809, 28 euros et en 2018 la somme de 540 117, 27 euros.

La CARMF prouve ainsi l’exercice libéral très majoritaire en France de l’intéressé sur la commune de [Localité 4] en qualité de spécialiste conventionné de Secteur 1 pour les années 2013 à 2018. Dès lors, l’application du nouveau règlement devrait entraîner un changement d’affiliation, s’il était démontré par la caisse un changement de situation.

Toutefois, cette démonstration n’est pas apportée en l’espèce.

En effet, l’intéressé est associé d’une société d’imagerie médicale en Belgique dont il perçoit des revenus en compte-courant, cette société ayant une activité réelle. La CARMF ne dépose aucune pièce indiquant qu’antérieurement à 2013, la situation était différente.

La caisse ne démontre pas plus de fraude permettant à la présente juridiction de remettre en cause les certificats A1 délivrés par l’INASTI pour l’ensemble de la période et qui présument de la régularité de l’affiliation.

Le jugement déféré sera donc infirmé et il sera fait droit à la demande de M. [S] [E] d’annulation des appels de cotisations pour les années 2013 à 2018.

La CARMF, qui succombe, sera condamnée aux dépens ainsi qu’au paiement d’une somme de 1 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

LA COUR,

DÉCLARE recevable l’appel de M. [S] [E] ;

INFIRME le jugement rendu le 27 septembre 2019 par le tribunal de grande instance de Paris en ses dispositions soumises à la cour ;

STATUANT À NOUVEAU ;

ANNULE les appels de cotisations de la Caisse autonome de retraite des médecins de France portant sur les années 2013 à 2018 ;

CONDAMNE la Caisse autonome de retraite des médecins de France à payer à M. [S] [E] le somme de 1 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la Caisse autonome de retraite des médecins de France aux dépens.

La greffière Le président


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