Affiche de films : qui est investi des droits ? Le producteur ? Le graphiste ? Quid du contrat de commande ? Et de l’existence d’un contrat de travail ?

·

·

Affiche de films : qui est investi des droits ? Le producteur ? Le graphiste ? Quid du contrat de commande ? Et de l’existence d’un contrat de travail ?

Affiches de films : des situations multiples

Déterminer la titularité des droits sur une affiche de film est moins évident qu’il n’y paraît. En effet, l’affiche de film peut être une œuvre collective, individuelle, composite  ou dérivée. Dans l’hypothèse générale il s’agit d’une œuvre individuelle réalisée par le salarié d’un producteur audiovisuel. Partant, ce travail créatif, en l’absence de clause contraire du contrat de travail, reste la propriété du salarié. En effet, l’existence ou la conclusion d’un contrat de travail par l’auteur n’emporte pas dérogation à la jouissance de ses droits (L. 111-1 alinéa 3 du Code de la propriété intellectuelle).

Présomption de titularité des droits

Si l’affiche, œuvre collective, est divulguée sous le nom du producteur, comme c’est souvent le cas, une présomption simple (contestable) s’applique : la personne physique ou morale sous le nom de laquelle est divulguée une oeuvre collective est investie des droits de l’auteur. Cette dévolution légale ne vaut que pour l’exploitation de l’oeuvre collective prise dans son ensemble et telle qu’initialement divulguée. Les auteurs de l’oeuvre collective conservent leurs droits d’auteur sur leur contribution particulière et peuvent l’exploiter séparément dès lors que cette exploitation ne heurte pas celle de l’oeuvre collective.

Obligation de preuve du créateur d’affiche de film

L’auteur de l’affiche dès lors qu’il revendique des droits d’auteur,  doit démontrer pour se voir reconnaître le statut d’auteur l’empreinte de sa personnalité sur chaque oeuvre revendiquée car c’est bien la forme particulière de chaque réalisation qui est seule protégeable. En conséquence, toute personne revendiquant des droits sur une oeuvre doit décrire et spécifier pour chacune ce qui la caractérise et en fait le support de la personnalité de son auteur, tâche qui ne peut revenir au tribunal qui n’est par définition pas l’auteur des oeuvres et ne peut substituer ses impressions tout à fait subjectives aux manifestations de la personnalité de l’auteur. Ainsi, une juridiction ne peut, ni porter de jugement sur la qualité de l’oeuvre qui lui est soumise, ni imposer ses choix ou ses goûts ; elle ne peut qu’apprécier le caractère protégeable de l’oeuvre au vu des éléments revendiqués par l’auteur et les contestations émises par ses contradicteurs.

Exemple : l’affaire La Martinière groupe

Dans une affaire jugée en 2014, la société La Martinière groupe, poursuivie en contrefaçon d’une affiche de film, pour l’avoir reproduit dans ses ouvrages, a fait assigner en garantie le cédant des droits sur l’affiche, la société Specta-films CEPEC. L’éditeur pensait avoir acquis les droits de reproduction de l’affiche du film “Mon oncle”.

L’auteur de l’affiche expliquait qu’il n’avait jamais cédé ses droits et que le contrat qu’il avait conclu avec le producteur était un CDD d’assistant dessinateur ne comportant pas de clause de cession de droits sur l’affiche réalisée hors contrat et après le film. Une clause du contrat stipulait que  « la coproduction se réserve le droit d’utiliser tout ou partie du film en vue de la reproduction totale ou partielle par tous les moyens techniques de radiodiffusion, de disque, ou de télévision etc existants à l’étude ou à créer ainsi que par la couleur ou le relief, éditions littéraires et photographiques et ce sous toutes ses formes sans être tenue de payer une rémunération complémentaire ». Or, cette clause ainsi que le contrat en général se rapportait au film et non pas à l’affiche qui n’était mentionnée nulle part et qui constituait une oeuvre graphique distincte échappant à la présomption de cession en faveur du producteur, même si elle est composée à partir d’éléments du film et notamment du personnage du film. Le producteur du film n’était donc pas titulaire des droits sur l’affiche.

La société La Martinière groupe, professionnelle, en sa qualité d’éditeur, des droits de propriété intellectuelle, n’était pas autorisée à ne pas vérifier les limites exactes des droits de la société Specta-films CEPEC alors que le nom du créateur de l’affiche était expressément indiqué sur celle-ci. L’éditeur n’a donc pu sa prévaloir d’un mandat apparent ( 800 € à titre de dommages intérêts).

 


Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Chat Icon