L’Essentiel : La société civile propriétaire des locaux, désignée comme « la propriétaire », possède des locaux au rez-de-chaussée d’un immeuble soumis à la copropriété. Elle loue un local à une entreprise de boucherie, désignée comme « le locataire ». Le 13 janvier 2017, un affaissement de plancher se produit dans le local. Après une expertise amiable infructueuse, la propriétaire, le locataire et la mutuelle d’assurance assignent le syndicat des copropriétaires et son assureur devant le juge des référés. Le tribunal conclut que l’affaissement engage la responsabilité du syndicat, ordonnant des indemnités pour les travaux de réparation et les préjudices subis.
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Contexte de l’affaireLa société civile propriétaire des locaux, désignée comme « la propriétaire », possède des locaux au rez-de-chaussée d’un immeuble soumis à la copropriété. Elle loue un local à une entreprise de boucherie, désignée comme « le locataire », qui y exerce son activité. Les deux entités sont assurées par une mutuelle d’assurance, tandis que l’immeuble est couvert par une autre société d’assurance. Événements déclencheursLe 13 janvier 2017, un affaissement de plancher se produit dans le local de la propriétaire. Une expertise amiable est réalisée, mais ne permet pas de déterminer les causes de l’affaissement ni d’établir un accord sur l’indemnisation des préjudices. En conséquence, la propriétaire, le locataire et la mutuelle d’assurance assignent le syndicat des copropriétaires et son assureur devant le juge des référés pour obtenir la désignation d’un expert. Expertise et rapportsLe juge des référés ordonne une mesure d’expertise, et un expert est désigné. Son rapport, déposé en février 2022, confirme l’affaissement du plancher et les dommages associés. En mai 2022, la propriétaire, le locataire et la mutuelle d’assurance assignent à nouveau le syndicat des copropriétaires et son assureur devant le tribunal judiciaire pour obtenir une indemnisation. Demandes d’indemnisationLes demandeurs sollicitent des sommes précises pour couvrir les frais de réparation et les préjudices subis. Ils soutiennent que l’affaissement est dû à une rupture de la canalisation d’évacuation des eaux usées, causée par des travaux effectués par la Métropole. Ils affirment également que le syndicat des copropriétaires est responsable des dommages, car le plancher est une partie commune. Réponses des défendeursLe syndicat des copropriétaires conteste la responsabilité, arguant que les travaux réalisés par la Métropole sont à l’origine des dommages. Il demande également à limiter sa responsabilité et à être indemnisé par l’assureur. De son côté, l’assureur soutient que le syndicat n’est pas responsable des désordres et que la vétusté de la canalisation est en cause. Décision du tribunalLe tribunal conclut que l’affaissement du plancher engage la responsabilité du syndicat des copropriétaires, sans qu’il soit nécessaire de prouver une faute. Il ordonne au syndicat et à son assureur de verser des indemnités aux demandeurs pour les travaux de réparation et les préjudices de jouissance. Le tribunal rejette également les demandes de limitation de responsabilité du syndicat. Conséquences financièresLe tribunal condamne le syndicat des copropriétaires et son assureur à indemniser la mutuelle d’assurance pour les sommes versées, ainsi qu’à payer des montants spécifiques au locataire et à la propriétaire pour les travaux effectués et les préjudices subis. Les parties perdantes sont également condamnées aux dépens et à verser des frais supplémentaires pour les opérations d’expertise. ConclusionCette affaire met en lumière les responsabilités des syndicat des copropriétaires en matière de dommages causés aux parties communes et souligne l’importance des assurances dans la couverture des préjudices subis par les locataires et propriétaires. Le jugement rappelle que la responsabilité peut être engagée même en l’absence de faute avérée, lorsque les dommages ont leur origine dans des parties communes. |
Q/R juridiques soulevées :
Quelle est la responsabilité du syndicat des copropriétaires en cas de dommages causés aux parties privatives ?La responsabilité du syndicat des copropriétaires est régie par l’article 14 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965, qui stipule que : « Le syndicat est responsable des dommages causés aux copropriétaires ou aux tiers ayant leur origine dans les parties communes, sans préjudice de toutes actions récursoires. » Il est établi que l’affaissement du plancher, qui constitue une partie commune, engage la responsabilité du syndicat des copropriétaires. La victime n’a pas à prouver une faute de la part du syndicat pour engager sa responsabilité. Ainsi, même si le syndicat n’a pas commis de faute, il ne peut s’exonérer de sa responsabilité que s’il prouve une faute avérée de la victime ou un cas de force majeure. Dans cette affaire, l’affaissement du plancher a été reconnu comme un dommage causé par une partie commune, ce qui engage la responsabilité du syndicat des copropriétaires. Quelles sont les garanties d’assurance applicables en cas de dommages matériels ?Les garanties d’assurance applicables sont définies par les articles 4-1, 4-2, 4-3, 4-5 et 4-6 des conditions générales du contrat d’assurance multirisque immeuble. L’article 4-1 précise que sont garantis « les pertes matérielles » et les responsabilités « pouvant incomber à l’assuré, en qualité de propriétaire, à raison de dommages matériels causés à autrui ». L’article 4-2 mentionne que les dommages matériels causés par des « ruptures, débordements, fuites accidentelles provenant de tous appareils fixés à effet d’eau et des canalisations situés à l’intérieur des bâtiments » sont couverts. L’article 4-5 étend les garanties aux « canalisations enterrées situées à l’extérieur du bâtiment ». Dans le cas présent, la stagnation des eaux usées, qui a causé l’affaissement du plancher, est couverte par ces garanties, car elle résulte d’un débordement. L’exclusion de garantie pour vétusté ou défaut d’entretien, mentionnée à l’article 4-6, n’est pas applicable ici, car l’expert a identifié d’autres causes des désordres. Comment se détermine l’indemnisation des préjudices subis par les victimes ?L’indemnisation des préjudices est déterminée par le principe de réparation intégrale, qui vise à compenser la victime pour l’ensemble des pertes subies. Dans cette affaire, les préjudices incluent les frais de travaux de réfection du plancher et de la chambre froide, ainsi que les préjudices de jouissance. L’expert judiciaire a évalué les travaux nécessaires à la somme de 31.000 à 33.000 euros, et les frais ont été justifiés par des devis et factures. Les articles 700 et 699 du code de procédure civile prévoient également la possibilité d’indemniser les frais de procédure et d’expertise. Ainsi, l’EURL Boucherie Vernier a été indemnisée pour les frais restés à sa charge, et la société civile SASO a également été indemnisée pour les travaux de réfection du sol. Quelles sont les conséquences de la subrogation de l’assureur dans les droits des victimes ?La subrogation de l’assureur est régie par l’article 12 de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985, qui stipule que : « L’assureur qui a indemnisé la victime est subrogé dans ses droits contre le responsable du dommage. » Dans cette affaire, la société MAPA, ayant indemnisé les victimes, est subrogée dans leurs droits. Cela signifie qu’elle peut exercer des actions en justice contre le syndicat des copropriétaires et la société SADA pour récupérer les sommes versées. Cette subrogation permet à l’assureur de se retourner contre les responsables des dommages, renforçant ainsi la protection des victimes tout en assurant le droit de recours de l’assureur. Quelles sont les implications de la théorie du trouble anormal de voisinage dans ce litige ?La théorie du trouble anormal de voisinage est fondée sur le principe selon lequel chacun doit supporter les inconvénients normaux de la vie en société. Elle est souvent appliquée dans les cas où des nuisances causées par un voisin entraînent des préjudices pour autrui. Dans cette affaire, les demandeurs soutiennent que l’affaissement du plancher et les dommages qui en résultent constituent un trouble anormal de voisinage, car ils affectent l’exploitation de la boucherie. Cette théorie peut renforcer la responsabilité du syndicat des copropriétaires, car elle établit que les dommages subis par les victimes dépassent les inconvénients normaux liés à la copropriété. Ainsi, le syndicat des copropriétaires pourrait être tenu responsable non seulement en vertu de l’article 14 de la loi du 10 juillet 1965, mais également sur la base de la théorie du trouble anormal de voisinage. |
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE NICE
GREFFE
M I N U T E
(Décision Civile)
JUGEMENT : Compagnie d’assurance MAPA, S.C.I. SASO, E.U.R.L. BOUCHERIE VERNIER c/ Syndic. de copro. [Adresse 9], S.A. SADA ASSURANCES
N° 25/
Du 03 février 2025
4ème Chambre civile
N° RG 22/02112 – N° Portalis DBWR-W-B7G-OGIT
Grosse délivrée à
Me Emmanuelle CORNE
expédition délivrée à
la SELARL JULIEN SALOMON
Me Laura RICCI
le 03 Février 2025
mentions diverses
Par jugement de la 4ème Chambre civile en date du trois février deux mil vingt cinq
COMPOSITION DU TRIBUNAL
Madame VALAT, Présidente, assistée de Madame Taanlimi BENALI, Greffier,
Vu les Articles 812 à 816 du Code de procédure civile sans demande de renvoi à la formation collégiale ;
DÉBATS
A l’audience publique du 19 septembre 2024, le prononcé du jugement étant fixé au 17 décembre 2024 par mise à disposition au greffe de la juridiction, les parties en ayant été préalablement avisées.
PRONONCÉ
Par mise à disposition au Greffe le 3 février 2025, après prorogation du délibéré, signé par Madame VALAT, Présidente, assistée de Madame Eliancia KALO, Greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
NATURE DE LA DÉCISION : contradictoire, en premier ressort, au fond.
DEMANDERESSES :
LA MUTUELLE D’ASSURANCE MAPA, représentée par son représentant légal en exercice
[Adresse 8]
[Localité 5]
représentée par Me Emmanuelle CORNE, avocat au barreau de GRASSE, avocat plaidant
S.C.I. SASO, représentée par M. [L] [H], son gérant en exercice
[Adresse 2]
[Localité 1]
représentée par Me Emmanuelle CORNE, avocat au barreau de GRASSE, avocat plaidant
E.U.R.L. BOUCHERIE VERNIER, représentée par M. [U] [X], son gérant en exercice
[Adresse 4]
[Localité 1]
représentée par Me Emmanuelle CORNE, avocat au barreau de GRASSE, avocat plaidant
DÉFENDEURS :
Syndicat des copropriétaires de la résidence [Adresse 9], représenté par son syndic en exercice le cabinet CDS GESTION,
[Adresse 2]
[Localité 1]
représentée par Me Laura RICCI, avocat au barreau de NICE, avocat plaidant
SOCIETE ANONYME DE DEFENSE ET D’ASSURANCES (SADA), prise en la personne de son représentant légal
[Adresse 7]
[Localité 6]
représentée par Maître Julien SALOMON de la SELARL JULIEN SALOMON, avocat au barreau de NICE, avocat plaidant
La société civile SASO est propriétaire de locaux au rez-de-chaussée d’un immeuble dénommée [Adresse 9] situé [Adresse 3] à [Localité 1] et soumis au régime de la copropriété.
Elle loue un local à l’EURL Boucherie Vernier, qui y exploite une activité de boucherie.
Les deux sociétés sont assurées auprès de la Mutuelle d’Assurance MAPA (MAPA).
L’immeuble est assuré auprès de la Société Anonyme de Défense et d’Assurance (SADA).
La 13 janvier 2017, un affaissement de plancher s’est produit dans le local appartenant à la société civile SASO.
Une expertise amiable a été diligentée par la société MAPA et un rapport a été établi par le Cabinet Ravaine le 4 mars 2018 qui n’a pas permis d’aboutir à un accord quant aux causes de l’affaissement du plancher et l’indemnisation des préjudices.
La société MAPA, la société civile SASO et l’EURL Boucherie Vernier ont fait assigner le syndicat des copropriétaires de l’immeuble [Adresse 9] et son assureur la société SADA devant le juge des référés afin d’obtenir la désignation d’un expert.
L’assignation a d’abord été dénoncée à la Métropole Nice Côte d’Azur ayant effectué des travaux de voirie au droit du [Adresse 2] qui ont pu impacter la canalisation d’évacuation des eaux usées de l’immeuble, puis aux sociétés Enedis et Véolia qui ont également procédé à des interventions sur le domaine public en proximité de l’immeuble.
Par ordonnance du 8 octobre 2019, le juge des référés a ordonné une mesure d’expertise et a désigné M. [O], remplacé par M. [G], pour y procéder.
L’expert a déposé son rapport le 21 février 2022.
Par actes d’huissier des 13 et 18 mai 2022, la société MAPA, la société civile SASO et l’EURL Boucherie Vernier ont fait assigner le syndicat des copropriétaires de l’immeuble [Adresse 9] et son assureur la société SADA devant le tribunal judiciaire de Nice afin d’obtenir indemnisation des préjudices.
Par conclusions responsives et récapitulatives n°4 notifiées le 17 mai 2024, la société MAPA, la société civile SASO et l’EURL Boucherie Vernier sollicitent, sous le bénéfice de l’exécution provisoire, la condamnation in solidum du syndicat des copropriétaires de l’immeuble [Adresse 9] et de la société SADA à verser les sommes suivantes :
39.620 euros à la société Mapa,7.667 euros TTC à l’EURL Boucherie Vernier au titre des frais de remplacement de la chambre froide, outre indexation selon l’indice BT01 de décembre 2018, publié le 23 mars 2019, et jusqu’à l’exécution du jugement à intervenir,1.768 euros TTC à la société civile SASO au titre des frais de réfection du sol, outre indexation selon l’indice BT01 de décembre 2018, publié le 23 mars 2019, et jusqu’à l’exécution du jugement à intervenir,
800 euros à l’EURL Boucherie Vernier au titre du préjudice de jouissance subi de janvier 2017 à août 2022, déduction faite de l’indemnité versée par la société MAPA, outre indexation selon l’indice BT01 de décembre 2018, publié le 23 mars 2019, et jusqu’à l’exécution du jugement à intervenir,700 euros à la société civile SASO au titre du préjudice de jouissance subi de janvier 2017 à juillet 2022, déduction faite de l’indemnité versée par la société MAPA, outre indexation selon l’indice BT01 de décembre 2018, publié le 23 mars 2019, et jusqu’à l’exécution du jugement à intervenir, ainsi que sa dispense de toute participation à la dépense commune des frais de procédure,5.000 euros chacune au titre de l’article 700 du code de procédure civile,les entiers dépens, en ce compris le coût de l’expertise d’un montant de 6.736,63 euros, recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
Ils expliquent que la copropriété dispose d’un bac de rétention situé au sous-sol de l’immeuble en dessous du local appartenant à la société civile SASO qui recueille les eaux usées de l’immeuble, que ce bac s’est mis en charge en raison d’une rupture du raccordement au réseau public d’assainissement suite à des travaux effectués dans le domaine public. Ils font valoir que la rupture de continuité du réseau d’eaux usées est la cause d’affaissement du plancher.
Ils notent également que le plancher du local sinistré constitue une partie commune dont la responsabilité incombe au syndicat des copropriétaires, que les dommages occasionnés aux parties privatives de la société civile SASO par l’affaissement du plancher trouvent leur origine dans cette partie commune et que le syndicat des copropriétaires est responsable des préjudices causés au local de la société civile SASO en application de l’article 14 de la loi du 10 juillet 1965 ainsi que de la théorie du trouble anormal de voisinage.
Ils précisent qu’ils disposent en tant que tiers lésés d’un droit d’action directe à l’encontre de la société SADA et que la demande de condamnation in solidum est bien fondée. Ils ajoutent que la société MAPA ayant indemnisé la société civile SASO et l’EURL Boucherie Vernier est subrogée dans leurs droits.
Ils précisent en réponse aux conclusions adverses que la société MAPA n’a pas indemnisé une perte d’exploitation de la boucherie, mais un préjudice constitué par une exploitation du commerce devenue plus difficile eu égard au fort risque de chute. Ils observent que le remplacement de la chambre froide a été expressément préconisé par l’expert pour mettre un terme aux désordre. Ils insistent que ce n’est qu’à l’occasion du refoulement des eaux usées suite à la rupture de continuité du réseau que le plancher s’est affaissé et ils contestent tout manque d’entretien de la part du syndicat.
En réplique aux écritures du syndicat des copropriétaires, ils soulignent que si le syndicat estimait que les dommages avaient pour origine les travaux réalisés sous la voirie dans le domaine public, il aurait dû exercer les actions récursoires prévues par l’article 14 de la loi du 10 juillet 1965.
En réplique aux écritures de la société SADA, ils estiment que la rupture de la canalisation constitue un fait accidentel et que la société SADA ne saurait refuser sa garantie due au titre des articles 4-1, 4-2 et 4-5 du contrat d’assurance. Ils estiment que la clause d’exclusion de garantie n’est pas applicable puisque la vétusté visée est une notion vague non définie dans la police et
qu’il n’est pas démontré que celle-ci constitue la cause déterminante du désordre.
Par conclusions notifiées le 14 novembre 2023, le syndicat des copropriétaires [Adresse 9] conclut à titre principal au débouté de la société MAPA, de la société civile SASO et de l’EURL Boucherie Vernier de l’intégralité de leurs demandes formées à son encontre. A titre subsidiaire, il demande au tribunal de :
limiter sa responsabilité à hauteur de 50 %,de condamner la société SADA à le relever et garantir de toutes condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre,débouter la société MAPA, la société civile SASO et l’EURL Boucherie Vernier de leurs demandes au titre du préjudice de jouissance. en tout état de cause, condamner la société SADA à lui payer la somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens de l’instance.
Il fait valoir que les travaux sous voirie diligentés par la Métropole Nice Côte d’Azur ont causé la suppression accidentelle du branchement de la canalisation de l’immeuble au réseau d’assainissement public, et que le refoulement et la stagnation des eaux usées imbibant le plancher en bois sont à l’origine de l’affaissement du plancher et non la vétusté de la canalisation de l’immeuble, celle-ci étant ancienne mais régulièrement entretenue.
Il estime que la cause prépondérante des désordres est la suppression du branchement sous voirie à la suite des travaux réalisés au niveau du domaine public. Il note que le carrelage et la dalle sur laquelle il a été posé constituent des parties privatives et que le défaut de réalisation du carrelage dans les règles de l’art constitue la première cause du désordre relevée par l’expert. Il estime que le fait que cette cause est d’origine privative et ne lui est pas imputable justifie la limitation de sa responsabilité. Il reproche également un défaut d’entretien du carrelage.
Il note que la garantie de la société SADA est mobilisable puisque l’immeuble est assuré en application des articles 4-1 et 4-2 pour les dommages matériels et immatériels causés à la suite des dommages garantis et qu’il a souscrit par ailleurs une extension de garantie qui l’assure pour les canalisations enterrées situées même à l’extérieur de l’immeuble. Il précise que le défaut d’entretien et le manque de réparation allégués ne sont pas caractérisés.
Il estime que le préjudice immatériel allégué par les demandeurs n’est pas justifié et que la perte d’exploitation alléguée n’est pas démontrée.
Par conclusions notifiées le 22 mai 2024, la société SADA conclut au débouté de l’ensemble des demandes formulées à son encontre et sollicite la condamnation solidaire de la société MAPA, de la société civile SASO, de l’EURL Boucherie Vernier et du syndicat des copropriétaires à lui payer la somme de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.
Elle soutient à titre principal que le syndicat des copropriétaires n’est pas responsable des désordres. Elle estime que même si l’entreprise ayant réalisé le carrelage dans les règles de l’art applicables il y 45 ans n’est pas responsable, le propriétaire du local demeure au moins partiellement responsable de ses biens et équipements et doit supporter les conséquences des exclusions de garantie en résultant.
Elle note que l’expert attribue également la cause des désordres à la rupture d’évacuation des eaux usées suite aux travaux diligentés par la société Véolia et que c’est la responsabilité des entreprises intervenues au droit de la boucherie et du [Adresse 2] qui doit être recherchée davantage que celle du syndicat.
A titre subsidiaire, elle note que l’expert a relevé que le réseau était vétuste et en mauvais état, que le syndicat n’a entrepris aucune mesure visant à mettre un terme définitif aux désordres et que cette négligence a incontestablement participé à la survenance du désordre, justifiant une exclusion de garantie, l’exigence d’un évènement accidentel, imprévisible et hypothétique n’était pas satisfaite. Elle observe que la vétusté ou le défaut d’entretien ne doivent pas être les clauses déterminantes du sinistre pour exclure toute garantie de l’assureur.
Elle insiste que la nécessité de procéder à des interventions de pompage du bac recueillant les eaux usées aurait dû alerter le syndicat sur l’existence d’une difficulté dans le réseau et estime que cette négligence a participé à la survenance du désordre.
La clôture de l’instruction est intervenue le 22 mai 2024. L’affaire a été retenue à l’audience du 19 septembre 2024 et le prononcé de la décision a été fixé au 17 décembre 2024, prorogé au 3 février 2024.
Sur les désordres
L’affaissement dénoncé n’est pas contesté par les parties et les constatations du rapport d’expertise amiable établi le 4 mars 2018, du rapport d’expertise judiciaire établi le 21 février 2022 et du constat d’huissier dressé le 26 mars 2019 sont concordantes sur le fait qu’un affaissement du sol du local commercial appartenant à la société civile SASO s’est produit.
Cet affaissement se manifestait par des carreaux fissurés et plus particulièrement sur la zone de travail au sein de la boucherie, par des plinthes décollées et des fissures sur les murs intérieurs de la chambre froide de plusieurs millimètres entre les carreaux de faïence murale.
L’expert judiciaire note notamment en page 18 que les fissures et les affaissements du sol sont des désordres « qui risquent de faire tomber les personnes circulant ou travaillant dans le local ».
Il s’ensuit que les désordres dénoncés sont caractérisés.
Sur l’indemnisation des préjudices
sur le préjudice lié au coût des travaux de reprise des désordres
Le rapport d’expertise judiciaire préconise la réfection du plancher et de la chambre froide afin de remédier aux désordres comprenant les travaux suivants : déménagement des établis, présentoirs frigorifiques et étagères de boucherie, démontage de la chambre froide existante et l’installation d’une nouvelle chambre froide, démolition du carrelage au sol, réalisation d’une dalle béton, fourniture et pose de carreaux au sol, protection et nettoyage, évacuation des gravats.
L’expert judiciaire a évalué les travaux à la somme de 31.000 à 33.000 euros sur la base d’un devis établi par la société Frimat d’un montant de 22.488 euros TTC et communiqué par la Boucherie Vernier pour le remplacement de la chambre froide et d’un autre devis établi par la société Dorobantu le 24 juillet 2020 d’un montant 8.880 euros TTC pour la réfection du sol communiqué par la société civile SASO.
Un devis actualisé a été établi par la société Frimat le 26 mars 2022, pour un montant de 28.092 euros TTC et une facture a été établie le 25 août 2022 pour les travaux réalisés pour le même montant.
La société MAPA a versé selon courrier du 5 avril 2022 une indemnité provisionnelle d’un montant de 18.740 euros et une indemnité complémentaire d’un montant de 4.685 euros appliquant une vétusté de 25 % après la réalisation des travaux, soit une somme totale de 23.425 euros.
L’EURL Boucherie Vernier justifie en outre des travaux de destruction de la chambre froide existante d’un montant de 3.000 euros selon facture établie par la société MPR 06 Rénovation le 3 août 2022. Ce coût supplémentaire s’est avéré nécessaire pour la réalisation d’une nouvelle chambre froide.
Les frais associés au coût des travaux sont justifiés par les pièces nécessaires et correspondent aux travaux préconisés par l’expert judiciaire. Il convient d’indemniser l’EURL Boucherie Vernier pour la somme restée à sa charge d’un montant total de 7.667 euros (4.667+3.000).
Les travaux de réfection du sol ont été réalisés aux frais de la société civile SASO en tant que propriétaire. Le devis établi le 24 juillet 2020 pour un montant de 8.880 euros par la société Dorobantu a été actualisé le 26 mars 2022 pour une somme de 10.208 euros TTC. Les travaux ont été réalisés par la même société selon facture du 31 juillet 2022 pour un montant de 10.648 euros. La société MAPA a versé une indemnité d’un montant de 8.880 euros. La société civile SASO sera en conséquence indemnisée pour le coût des travaux resté à sa charge, soit la somme de 1.768 euros (10.648 – 8.880).
S’agissant des travaux déjà effectués et réglés, les sommes accordées ne seront pas indexées selon l’indice BT 01 en vigueur comme demandé, mais seront assorties, en l’absence de courrier recommandé de mise en demeure, des intérêts au taux légal à compter de la date de l’assignation en justice, c’est-à-dire à compter du 13 mai 2022 pour le syndicat des copropriétaires et du 18 mai 2022 pour la société SADA.
sur les préjudices de jouissance de la Boucherie Vernier
Le gérant de la Boucherie Vernier fait valoir des difficultés d’exploitation du commerce liées aux carreaux cassés du fait du mouvement du plancher, au risque de chute et à l’introduction de rongeurs intervenue par les trous réalisés lors du sondage effectué dans le cadre des opérations d’expertise.
Ces déclarations sont confirmées par la description des désordres fournies par les rapports d’expertise judiciaire et amiable et le constat d’huissier dressé le 7 mars 2017.
Elle évalue le préjudice de jouissance à 100 euros par mois pendant 68 mois entre la date de manifestation des désordres en janvier 2017 et août 2022, soit la somme de 6.800 euros.
La somme de 6.000 euros a été versée par la société MAPA selon quittance subrogative du 5 avril 2022. L’EURL Boucherie Vernier sera par conséquent indemnisée à hauteur de 800 euros pour son préjudice de jouissance.
sur le préjudice de jouissance de la société civile SASO
La société civile Saso estime avoir subi un préjudice de jouissance puisqu’elle a vu dépérir son bien jusqu’à la finalisation des travaux de réfection du sol. Elle estime ce préjudice à la somme de 100 euros par mois. Elle n’occupe cependant pas les lieux mais les loue à l’EURL Boucherie Vernier qui subit seule un préjudice de jouissance. La société civile SASO sera par conséquent déboutée de ce chef de demande.
sur l’indemnisation versée par la société MAPA
Il ressort des courriers adressés par la société MAPA à l’EURL Boucherie Vernier et à la société civile SASO le 5 avril 2022 qu’elle a versé :
à l’EURL Boucherie Vernier la somme de 18.740 euros au titre des travaux de reprise de la chambre froide et la somme de 6.000 euros au titre du préjudice de jouissance,à la société civile SASO la somme de 8.880 euros au titre des travaux de réfection du sol et la somme de 6.000 euros au titre du préjudice de jouissance.
La somme relative au préjudice de jouissance de la société civile SASO ne sera pas prise en compte puisque celle-ci n’occupe pas les locaux et ne peut pas prétendre à un préjudice de jouissance, comme examiné ci-dessus. La société Mapa sera indemnisée pour les autres montants versés à ses assurés, soit un total de 33.620 euros (18.740 + 6.000 + 8.880).
sur le préjudice de perte d’exploitation
L’EURL Boucherie Vernier précise qu’elle a fait réaliser les travaux de reprise pendant la fermeture annuelle pour congés d’été et qu’elle ne formule pas de demande d’indemnisation au titre de la perte d’exploitation. La demande de débouté formulée à cet égard est sans objet.
Sur les responsabilités
En vertu de l’article 14 alinéa 5 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis, le syndicat est responsable des dommages causés aux copropriétaires ou aux tiers ayant leur origine dans les parties communes, sans préjudice de toutes actions récursoires.
L’existence et la constatation des dommages sont suffisantes pour engager sa responsabilité, la victime n’ayant pas à établir la faute du syndicat. Il ne peut s’exonérer qu’en rapportant la preuve d’une faute avérée de la victime à l’origine du dommage ou d’un cas de force majeure.
Ne constitue pas une cause exonératoire de responsabilité pour le syndicat des copropriétaires le fait que le dommage ne soit pas de son fait, qu’il n’a pas failli dans son obligation de surveillance et d’entretien, ou qu’aucune faute ne puisse lui être reprochée.
En l’espèce, il est acquis que le plancher concerné constitue une partie commune. L’affaissement de ce plancher engage la responsabilité du syndicat des copropriétaires sans que la preuve d’une faute soit nécessaire.
L’argument selon lequel le carrelage n’a pas été posé dans les règles de l’art est inopérant au cas d’espèce dès lors qu’il n’est pas démontré que le décollement des plaintes et les fissures constatées seraient apparues en l’absence d’affaissement du plancher. L’expert a en outre observé que le carrelage avait été réalisé selon les règles de l’art applicables au moment de sa réalisation.
Il s’ensuit que la responsabilité du syndicat des copropriétaires est ainsi engagée de plein droit pour les dommages causés au local commercial loué par l’EURL Boucherie Vernier et qu’il sera débouté de sa demande tendant à voir sa responsabilité limitée.
Il dispose d’une action récursoire à l’encontre de l’entreprise ayant réalisé des travaux sous la voirie en proximité de l’immeuble [Adresse 9] qui ont pu aboutir à la condamnation du raccordement de l’installation d’évacuation des eaux usées de l’immeuble au réseau d’assainissement public, si les éléments de preuve nécessaire peuvent être rapportés.
Le rapport d’expertise précise à cet égard que « les éléments et l’historique […] des désordres constatés entre 2013 et la date d’apparition des désordres du 13 janvier 2017 » n’ont pas été produits.
Sur la garantie de la société SADA
En vertu de l’article 1103 du code civil, les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits.
En l’espèce, il résulte des conditions particulières du contrat d’assurance multirisque immeuble n° 1H0091981 que le syndicat des copropriétaires a souscrit une garantie « dégât des eaux et autres liquides » et plus particulièrement l’option D décrite dans les conditions générales du contrat d’assurance.
Il est acquis que cette police d’assurance était applicable au moment des faits.
Les articles 4-1 et 4-2 des conditions générales précisent que sont garantis « les pertes matérielles » et les responsabilités « pouvant incomber à l’assuré, en qualité de propriétaire, à raison de dommages matériels causés à autrui », résultant de certains évènements et notamment les dommages matériels de mouille causés par tous liquides et résultant de « ruptures, débordements, fuites accidentelles provenant de tous appareils fixés à effet d’eau et des canalisations situés à l’intérieur des bâtiments […] »
L’article 4-3 ajoute des « garanties complémentaires (toutes options) » comprenant le « refoulement des égouts et fosses d’aisances ».
Enfin, l’article 4-5 étend les garanties aux « canalisations enterrées situées à l’extérieur du bâtiment ».
Il n’est pas contesté qu’un bac de rétention des eaux usées de l’immeuble est situé sous le local commercial de la société civile SASO et que la stagnation des eaux usées imbibant le plancher en bois est à l’origine de son affaissement. La garantie « dégâts des eaux et autres liquides » et par conséquent applicable puisque les dommages causés résultent de son débordement endommageant le plancher du rez-de-chaussée de l’immeuble.
Un dysfonctionnement des canalisations enterrées à l’extérieur de l’immeuble est également couvert par les garanties prévues.
L’exclusion de garantie prévue par l’article 4-6 en cas de « vétusté ou un défaut permanent d’entretien ou de réparation incombant à l’assuré, caractérisé et connu de lui, en particulier à la suite d’une précédente manifestation des dommages matériels » n’est pas applicable puisque l’expert conclut que deux causes sont à l’origine des désordres : le mode de pose du carrelage au sol et la « rupture de continuité du réseau EU au niveau de la bordure du trottoir côté [Adresse 10] », p. 45 du rapport.
L’expert ne désigne pas la vétusté ou le défaut d’entretien ou de réparation comme étant à l’origine des désordres, même s’il note de façon générale que le réseau des eaux usées de la copropriété est vétuste et en mauvais état. Cette seule mention, sans précisions supplémentaires, ne peut pas justifier l’application de l’exclusion prévue par la police d’assurance alors que d’autres causes sont clairement identifiées comme étant à l’origine des désordres.
De même, le seul fait pour le syndicat de devoir déboucher et pomper les eaux usées du bac de rétention ne démontre pas une négligence ayant incontestablement participé à la survenance du désordre, comme l’affirme la société SADA.
La société SADA sera par conséquent condamnée à garantir le syndicat des copropriétaires pour les condamnations prononcées à son encontre en application des termes de la police d’assurance.
Sur les demandes accessoires
Parties perdantes au procès, le syndicat des copropriétaires [Adresse 9] et la société SADA seront condamnées in solidum aux dépens et à payer à la société MAPA, à l’EURL Boucherie Vernier et à la société civile SASO, ensemble, la somme de 8.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile eu égard aux diligences effectuées dans le cadre des opérations d’expertise, aux frais engagés dans le cadre de la procédure de référé, à la complexité du dossier aux jeux d’écritures échangés.
L’exécution provisoire est de droit à titre provisoire en application de l’article 514 du code de procédure civile et il n’y a pas lieu de l’ordonner comme sollicité par les demandeurs.
Le tribunal, statuant après débats publics, par jugement contradictoire rendu en premier ressort, par mise à disposition au greffe,
CONDAMNE in solidum le syndicat des copropriétaires de l’immeuble dénommée [Adresse 9] situé [Adresse 3] à [Localité 1] et la société Société Anonyme de Défense et d’Assurances, ès qualités d’assureur multirisque immeuble du syndicat [Adresse 9], à payer à la Mutuelle d’Assurance MAPA la somme de 33.620 euros au titre des indemnisations versées en lien avec l’affaissement du plancher ;
CONDAMNE in solidum le syndicat des copropriétaires de l’immeuble [Adresse 9] et la Société Anonyme de Défense et d’Assurances, ès qualités d’assureur multirisques immeuble du syndicat [Adresse 9], à payer à l’EURL Boucherie Vernier la somme de 7.667 euros TTC au titre des travaux de reprise de la chambre froide, assortie d’intérêt au taux légal à compter du 13 mai 2022 ;
CONDAMNE in solidum le syndicat des copropriétaires de l’immeuble [Adresse 9] et la Société Anonyme de Défense et d’Assurances, ès qualités d’assureur multirisque immeuble du syndicat [Adresse 9], à payer à la société civile SASO la somme de 1.768 euros TTC au titre des travaux de réfection du sol, assortie d’intérêt au taux légal à compter du 18 mai 2022 ;
CONDAMNE in solidum le syndicat des copropriétaires de l’immeuble [Adresse 9] et la Société Anonyme de Défense et d’Assurances, ès qualités d’assureur multirisques immeuble du syndicat [Adresse 9], à payer à l’EURL Boucherie Vernier la somme de 800 euros au titre de son préjudice de jouissance, assortie d’intérêt au taux légal à compter du présent jugement;
CONDAMNE in solidum le syndicat des copropriétaires de l’immeuble [Adresse 9] et la Société Anonyme de Défense et d’Assurances, ès qualités d’assureur multirisque immeuble du syndicat [Adresse 9], à payer à la Mutuelle d’Assurance MAPA, à l’EURL Boucherie Vernier et à la société civile SASO, ensemble, la somme de 8.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE in solidum le syndicat des copropriétaires de l’immeuble [Adresse 9] et la Société Anonyme de Défense et d’Assurances, ès qualités d’assureur multirisque immeuble du syndicat [Adresse 9], aux dépens de l’instance, en ce compris les frais d’expertise d’un montant de 6.736,63 euros, recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile ;
CONDAMNE la Société Anonyme de Défense et d’Assurances à garantir le syndicat des copropriétaires de l’immeuble [Adresse 9] des condamnations prononcées à son encontre ;
RAPPELLE que la présente décision est de droit exécutoire à titre provisoire ;
Le présent jugement a été signé par le Président et le Greffier.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
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