L’Essentiel : L’affaire du monstre d’Annemasse illustre la prévalence de la liberté d’information sur le droit à l’oubli. Condamné en 1986 pour l’assassinat d’une fillette, l’auteur n’a pas réussi à faire déréférencer les articles le concernant, malgré le temps écoulé. La juridiction a également validé la diffusion de l’émission « Faites entrer l’accusé » sur ce crime. Le droit à l’information du public est jugé supérieur, car les faits, bien que anciens, demeurent d’une gravité telle qu’ils justifient leur accessibilité. Ainsi, le traitement des données personnelles de l’accusé ne peut prévaloir sur l’intérêt général à connaître ces événements.
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Les affaires criminelles, même anciennes (plus de dix ans), peuvent bénéficier de la liberté d’information à l’exclusion de tout droit à l’oubli de l’accusé. Affaire du monstre d’AnnemasseL’auteur du crime d’Annemasse n’a pu obtenir le déréférencement des liens hypertextes Google relatant le crime pour lequel il a été condamné. La presse avait surnommé l’assassin en 1986 « l’assassin aux cordelettes », année où il avait assassinée une petite fille de 10 ans dans des circonstances atroces. L’enquête avait révélé qu’il avait aussi agressé 4 autres victimes qui avaient échappé à la mort par miracle. Il purge toujours actuellement une peine de prison à perpétuité. Faites entrer l’accuser sur YoutubeOutre le refus du déréférencement des articles de presse Google, la juridiction a également validé le maintien, sur Youtube, de l’émission « Faites entrer l’accusé » intitulée « X l’assassin aux cordelettes ». Droit au déréférencement : le contrôle de proportionnalitéL’article 40 de la loi du 06 janvier 1978 dispose que toute personne physique peut exiger du responsable d’un traitement de données à caractère personnel que soient, selon les cas, rectifiées, complétées, mises à jour, verrouillées ou effacées les données la concernant, qui sont inexactes, incomplètes, équivoques, périmées, ou dont la collecte, l’utilisation, la communication ou la conservation est interdite. Le droit national doit s’appliquer au regard de la directive 95/46/CE relative aux traitements de données personnelles et de la jurisprudence de la CJUE ; la demande en déréférencement doit porter sur des liens vers des pages web, la juridiction saisie devant nécessairement s’assurer que l’apparition dans la liste des résultats d’adresses URL déterminées constituerait, au regard du contenu des pages, des données personnelles inexactes, incomplètes, équivoques ou périmées ou qu’un motif légitime justifierait le déréférencement. En la matière, il convient de concilier les droits fondamentaux à la vie privée et à la protection des données à caractère personnel avec les droits fondamentaux à la liberté d’expression et d’information énoncés dans les mêmes termes à l’article 10 de la Convention Européenne des droits de l’homme et à l’article 11 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne selon lesquels : ‘Toute personne a droit à la liberté d’expression. Ce droit comprend la liberté d’opinion et la liberté de recevoir ou de communiquer des informations ou des idées sans qu’il puisse y avoir ingérence d’autorités publiques et sans considération de frontières’. Il importe donc de rechercher le juste équilibre entre l’intérêt légitime des internautes potentiellement intéressés à avoir accès à une information et les droits de la personne concernée. Les droits fondamentaux à la vie privée et à la liberté d’expression ont une valeur normative identique, de sorte que le juge saisi doit privilégier la solution la plus protectrice de l’intérêt le plus légitime. Question des faits anciensLe rappel de faits publics anciens déjà divulgués ne constitue pas en soi une atteinte au respect de la vie privée, même en dehors de tout contexte d’actualité, les contenus en cause ne font état ni des débats qui se sont tenus à huit clos devant la Cour d’assises des mineurs, ni de faits relevant de la vie privée actuelle du condamné. En toute hypothèse, le public a intérêt à avoir accès aux contenus en cause. En effet, l’intéressé a été condamné en 1993 à une peine de réclusion criminelle à perpétuité assortie d’une période de sûreté de 30 ans pour trois faits à caractère criminel, période de sûreté ramenée à 22 ans par la Cour de cassation le 12 octobre 1994 ; il a en outre été condamné, le 20 octobre 1994, à 7 ans d’emprisonnement par une cour d’assises des mineurs pour viol sur mineur de moins de 15 ans. Les débats publics qui aboutiront à sa condamnation à la réclusion criminelle à perpétuité ont été largement médiatisés, les faits ayant été même par la suite mentionnés lors des débats à l’Assemblée nationale à propos de la perpétuité incompressible. Droit légitime à l’informationL’information portant sur une affaire dont l’ampleur, tant au regard de la peine que de l’écho rencontré, a été exceptionnelle, participe du droit à l’information du public, cette information est d’autant plus légitime que les faits relatés dans les pages URL faisant état de la condamnation, dans une affaire d’ampleur médiatique nationale, dans le cadre d’un procès public, et des débats relatifs au suivi et la libération des personnes condamnées pour les faits criminels les plus graves, sont des informations auxquelles les internautes peuvent légitimement accéder. Par conséquent, les pages URL en cause n’ont fait que servir le droit légitime du public à accéder à une information portant sur un fait criminel entrant, du fait de son traitement judiciaire, dans la sphère publique, comportant également des éléments relevant de la vie privée de l’époque des faits. Appréciation du droit à la réinsertionS’il est certain que le droit à la réinsertion des criminels est un souci légitime, la circonstance que d’une part les faits sont anciens de plus de 30 années et que d’autre part le condamné a formé une demande de libération conditionnelle, n’est pas suffisante à elle seule à disqualifier les articles qui ne seraient plus pertinents alors que le public a toujours droit et intérêt à accéder à une information portant sur des faits d’une telle gravité ayant donné lieu à de très lourdes condamnations, toujours en cours d’exécution. Le traitement des données à caractère personnel du condamné reste nécessaire à l’exercice du droit à la liberté d’expression et d’information de sorte qu’en application de la loi du 6 janvier 1978 il n’était pas fondé à obtenir de la société Google l’effacement de ces données par la suppression des URL concernant la cause. |
Q/R juridiques soulevées :
Quelles sont les implications de la liberté d’information sur les affaires criminelles anciennes ?La liberté d’information joue un rôle déterminant dans le traitement des affaires criminelles, même celles qui remontent à plus de dix ans. En effet, selon le texte, les affaires criminelles peuvent bénéficier de cette liberté, excluant ainsi le droit à l’oubli pour l’accusé. Cela signifie que les informations relatives à ces affaires peuvent continuer à être accessibles au public, même si elles concernent des événements passés. Cette approche vise à garantir que le public puisse accéder à des informations pertinentes sur des crimes, ce qui est essentiel pour la transparence et la justice. La protection de l’intérêt public est souvent jugée plus importante que le droit individuel à l’oubli, surtout dans des cas où les crimes ont eu un impact significatif sur la société. En conséquence, les condamnés, même après avoir purgé leur peine, peuvent se voir refuser le déréférencement de leurs affaires, car l’intérêt du public à connaître ces informations est jugé supérieur à leur droit à la vie privée. Quel est le cas de l’assassin aux cordelettes ?L’affaire de l’assassin aux cordelettes, survenue en 1986, illustre parfaitement les implications de la liberté d’information. L’auteur de ce crime, qui a assassiné une petite fille de 10 ans, a tenté d’obtenir le déréférencement des liens hypertextes Google relatant son crime. Cependant, sa demande a été rejetée, soulignant que les faits étaient d’une telle gravité qu’ils justifiaient leur maintien dans l’espace public. L’enquête a également révélé que cet individu avait agressé quatre autres victimes, ce qui renforce l’argument selon lequel le public a un droit légitime à l’information concernant des crimes aussi graves. Actuellement, il purge une peine de prison à perpétuité, ce qui signifie que son crime reste d’actualité dans l’esprit du public et des médias. Ainsi, cette affaire démontre comment la justice équilibre le droit à l’information et le droit à la vie privée, en privilégiant l’intérêt public dans des cas de crimes particulièrement choquants. Comment la juridiction a-t-elle traité le cas de l’émission « Faites entrer l’accusé » ?La juridiction a validé le maintien de l’émission « Faites entrer l’accusé » sur Youtube, qui portait sur l’affaire de l’assassin aux cordelettes. Ce choix souligne l’importance de la liberté d’expression et d’information dans le traitement des affaires criminelles. En permettant la diffusion de cette émission, la juridiction reconnaît que le public a un intérêt légitime à comprendre les circonstances entourant des crimes notoires. Cela s’inscrit dans un cadre plus large où la transparence et l’accès à l’information sont considérés comme essentiels pour le bon fonctionnement de la société. De plus, cette décision montre que les médias jouent un rôle déterminant dans la diffusion d’informations sur des affaires criminelles, contribuant ainsi à la mémoire collective et à la sensibilisation du public sur des questions de sécurité et de justice. Quel est le cadre légal du droit au déréférencement ?Le cadre légal du droit au déréférencement est principalement établi par l’article 40 de la loi du 6 janvier 1978, qui permet à toute personne physique d’exiger la rectification ou l’effacement de données personnelles inexactes ou périmées. Ce droit doit être exercé dans le respect de la directive 95/46/CE sur la protection des données personnelles. La juridiction doit évaluer si les liens vers des pages web constituent des données personnelles inexactes ou si un motif légitime justifie leur déréférencement. Cela implique un contrôle de proportionnalité entre le droit à la vie privée et le droit à la liberté d’expression et d’information. Il est essentiel de trouver un équilibre entre ces droits fondamentaux, car la liberté d’expression est également protégée par des textes internationaux, tels que la Convention Européenne des droits de l’homme. Ainsi, le juge doit privilégier la solution qui protège l’intérêt le plus légitime, qu’il s’agisse de la vie privée de l’individu ou du droit du public à l’information. Comment sont traités les faits anciens dans le cadre du droit à l’information ?Le traitement des faits anciens dans le cadre du droit à l’information est un sujet délicat. Selon le texte, le rappel de faits publics anciens ne constitue pas nécessairement une atteinte à la vie privée, même s’ils ne sont pas liés à un contexte d’actualité. Les informations concernant des affaires criminelles, même anciennes, sont considérées comme d’intérêt public, surtout si elles ont été largement médiatisées. Dans le cas mentionné, les débats publics autour de la condamnation ont été significatifs, ce qui justifie le maintien de l’accès à ces informations. Le public a un intérêt légitime à connaître les détails de ces affaires, notamment en ce qui concerne les condamnations pour des crimes graves. Cela permet de maintenir une mémoire collective et d’informer les citoyens sur les enjeux de sécurité et de justice. Quel est le droit légitime à l’information dans les affaires criminelles ?Le droit légitime à l’information dans les affaires criminelles est fondamental, surtout lorsque les faits sont d’une ampleur médiatique nationale. Le texte souligne que l’information sur des affaires criminelles, en particulier celles ayant donné lieu à des condamnations lourdes, est essentielle pour le public. Cette légitimité est renforcée par le fait que les procès sont publics et que les débats autour de la libération des personnes condamnées pour des crimes graves sont d’un intérêt général. Les internautes ont donc le droit d’accéder à ces informations, qui relèvent de la sphère publique. Ainsi, les pages URL qui relatent ces affaires ne font que servir le droit du public à l’information, en permettant une transparence sur des faits criminels qui ont eu un impact significatif sur la société. Comment est appréciée la question du droit à la réinsertion des criminels ?La question du droit à la réinsertion des criminels est complexe et doit être appréciée avec soin. Bien que ce droit soit légitime, le texte indique que le fait que les crimes soient anciens ne suffit pas à justifier le déréférencement des informations les concernant. Le condamné, même après avoir purgé une partie de sa peine et demandé une libération conditionnelle, ne peut pas revendiquer le droit à l’oubli si les faits sont d’une gravité telle qu’ils justifient leur maintien dans l’espace public. Le public a toujours un intérêt à accéder à ces informations, surtout lorsque les crimes ont donné lieu à des condamnations lourdes. Le traitement des données personnelles du condamné doit donc être équilibré avec le droit à la liberté d’expression et d’information. En vertu de la loi du 6 janvier 1978, il n’était pas fondé à demander l’effacement des données relatives à son affaire, car cela nuirait à l’intérêt public. |
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