Affaire RMC : droit de réponse refusé

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Affaire RMC : droit de réponse refusé

L’Essentiel : L’association ACER a assigné le directeur de publication de RMC STORY, [N] [J], pour obtenir la diffusion d’une réponse suite à des accusations de dérives sectaires portées contre elle dans l’émission « RMC s’engage avec vous ». Malgré les demandes de droit de réponse, [N] [J] a refusé d’insérer la réponse, entraînant un litige. Le tribunal a jugé que la demande d’insertion était irrégulière, notamment en raison d’une confusion entre les émissions et des conditions de forme non respectées. En conséquence, l’ACER a été condamnée à verser 2000 euros au défendeur pour les frais de justice.

En opérant une confusion entre le texte auquel il est répondu, et le créneau de l’émission au sein de laquelle il est demandé la lecture d’une réponse, une demande de droit de réponse ne remplit pas les conditions de l’article 6 de de la loi du 29 juillet 1982, non plus que l’article 3 du décret, ce dernier exigeant que la demande précise les références du message ainsi que les circonstances dans lesquelles le message a été mis à la disposition du public, ce qui emporte que le droit de réponse peut être diffusé dans les conditions techniques équivalentes et de manière à assurer une audience équivalente.

L’article 6 de la loi du 29 juillet 1982 sur la communication audiovisuelle prévoit, dans son I : I. Toute personne physique ou morale dispose d’un droit de réponse dans le cas où les imputations susceptibles de porter atteinte à son honneur ou à sa réputation auraient été diffusées dans le cadre d’une activité de communication audiovisuelle.
Le demandeur doit préciser les imputations sur lesquelles il souhaite répondre et la teneur de la réponse qu’il se propose d’y faire.
La réponse doit être diffusée dans des conditions techniques équivalentes à celles dans lesquelles a été diffusé le message contenant l’imputation invoquée.

Elle doit également être diffusée de manière que lui soit assurée une audience équivalente à celle du message précité.
(…)
En cas de refus ou de silence gardé sur la demande par son destinataire dans les huit jours suivant celui de sa réception, le demandeur peut saisir le président du tribunal judiciaire, statuant en référé, par la mise en cause de la personne visée au neuvième alinéa du présent article.

En outre, l’article 6 du décret n°87-246 du 6 avril 1987 relatif à l’exercice du droit de réponse dans les services de communication audiovisuelle prévoit que le texte de la réponse ne peut être supérieur à trente lignes dactylographiées. La durée totale du message ne peut excéder deux minutes.

Enfin, l’article 3 du même décret prévoit que la demande indique les références du message ainsi que les circonstances dans lesquelles le message a été mis à la disposition du public. Elle contient la mention des passages contestés et la teneur de la réponse souhaitée.

Il résulte de ces textes que le droit de réponse est un droit personnel, qui n’appartient qu’à la personne visée par des imputations susceptibles de porter atteinte à son honneur et à sa réputation. Général et absolu, il est destiné à assurer la protection de la personnalité, mais, alors qu’il constitue une limite à la liberté d’expression puisqu’il conduit un média à une publication contre sa volonté, il doit, en application de l’article 10 paragraphe 2 de la Convention européenne des droits de l’homme, être strictement limité à ce qui est nécessaire à la défense de cette personnalité. Ainsi, si celui qui en use est seul juge de la teneur, de l’étendue, de l’utilité et de la forme de la réponse dont il requiert l’insertion, le refus d’insérer se justifie si la réponse est contraire aux lois, aux bonnes mœurs, à l’intérêt légitime des tiers ou à l’honneur du journaliste ou si elle porte sur un objet différent de celui qui a été traité dans l’article étant rappelé que la réponse est indivisible et que le directeur de la publication ne peut en retrancher le moindre élément.

Résumé de l’affaire

L’association ACER a assigné le directeur de publication de la chaine RMC STORY, [N] [J], afin qu’il diffuse une réponse de l’association dans le cadre de l’émission « RMC s’engage avec vous ». L’ACER demande également des astreintes en cas de retard dans la diffusion, ainsi que des dommages et intérêts et le remboursement des frais de justice. [N] [J] conteste ces demandes et demande au juge des référés de débouter l’ACER et de lui accorder des dommages et intérêts. L’affaire a été mise en délibéré pour le 26 avril 2024.

Les points essentiels

Sur les publications litigieuses

L’association chrétienne pour l’évangélisation et le réveil (dite ACER) indique avoir pour but de propager l’évangile en éditant ou produisant des ouvrages, des contenus audiovisuels, en s’exprimant par différents médias et en organisant des séminaires et des conférences. [N] [J] est le directeur de publication de RMC STORY.

Sur l’émission du 11 septembre 2023

Le 11 septembre 2023, la chaine RMC STORY a diffusé, durant l’émission « [T] Matin », un sujet intitulé « Dérives sectaires à l’église évangélique ACER ? ». Les journalistes [T] [U] et [Z] [S] ont présenté une enquête mettant en lumière des pratiques sectaires au sein de l’église ACER, suscitant de vives réactions et des enquêtes en cours.

Le 15 septembre 2023

Le 15 septembre 2023, la chaine RMC STORY a diffusé un reportage intitulé “Secte Eglise ACER, la justice saisie”, mettant en lumière les actions de la Miviludes et du parquet de Bobigny suite aux révélations sur les dérives sectaires présumées de l’église ACER.

Sur la non-insertion de la réponse

L’ACER demande le droit de réponse suite aux accusations portées contre elle, mais le directeur de publication de RMC STORY refuse d’insérer la réponse, entraînant un litige sur le respect du droit de réponse en matière de communication audiovisuelle.

Sur la demande de droit de réponse à l’émission du 15 septembre 2023

L’ACER demande un droit de réponse à l’émission du 15 septembre 2023, mais la demande est jugée irrégulière en raison de la confusion entre les émissions et des conditions de forme non respectées.

Sur la demande de droit de réponse à l’émission du 11 septembre 2023

L’ACER demande un droit de réponse à l’émission du 11 septembre 2023, mais la durée du message demandé excède les limites fixées par la loi, entraînant le rejet de la demande d’insertion forcée du droit de réponse.

Demandes accessoires

L’ACER est condamnée aux dépens de l’instance et à verser une somme de 2000 euros au défendeur au titre des frais exposés non compris dans les dépens.

Les montants alloués dans cette affaire: – Somme allouée à [N] [J]: 2000 €
– Somme allouée à l’Assemblée Chrétienne pour l’Evangélisation et le Réveil pour les dépens

Réglementation applicable

– Article 6 de la loi du 29 juillet 1982 sur la communication audiovisuelle
– Article 6 du décret n°87-246 du 6 avril 1987 relatif à l’exercice du droit de réponse dans les services de communication audiovisuelle

Texte de l’article 6 de la loi du 29 juillet 1982 sur la communication audiovisuelle:
« I. Toute personne physique ou morale dispose d’un droit de réponse dans le cas où les imputations susceptibles de porter atteinte à son honneur ou à sa réputation auraient été diffusées dans le cadre d’une activité de communication audiovisuelle. Le demandeur doit préciser les imputations sur lesquelles il souhaite répondre et la teneur de la réponse qu’il se propose d’y faire. La réponse doit être diffusée dans des conditions techniques équivalentes à celles dans lesquelles a été diffusé le message contenant l’imputation invoquée. Elle doit également être diffusée de manière que lui soit assurée une audience équivalente à celle du message précité. En cas de refus ou de silence gardé sur la demande par son destinataire dans les huit jours suivant celui de sa réception, le demandeur peut saisir le président du tribunal judiciaire, statuant en référé, par la mise en cause de la personne visée au neuvième alinéa du présent article. »

Texte de l’article 6 du décret n°87-246 du 6 avril 1987 relatif à l’exercice du droit de réponse dans les services de communication audiovisuelle:
« Le texte de la réponse ne peut être supérieur à trente lignes dactylographiées. La durée totale du message ne peut excéder deux minutes. »

Avocats

Bravo aux Avocats ayant plaidé ce dossier: – Maître Sadry PORLON, avocat au barreau de PARIS
– Maître Laurent MERLET de la SELARL MERLET PARENT AVOCATS, avocat au barreau de PARIS

Mots clefs associés & définitions

– MOTIFS
– ACER
– évangile
– RMC STORY
– émission
– Dérives sectaires
– ACER
– Assemblée Chrétienne pour l’Evangélisation et le Réveil
– [N] [J]
– [T] Matin
– [Z] [S]
– [I]
– [G]
– Miviludes
– dérives sectaires
– jeunes
– mineurs
– procureur
– abus de confiance
– droit de réponse
– loi du 29 juillet 1982
– communication audiovisuelle
– honneur
– réputation
– liberté d’expression
– décret n°87-246 du 6 avril 1987
– droit de réponse
– émission [Y] Midi
– émission [T] Matin
– taille maximale
– durée du message
– dépens
– article 700 du code de procédure civile
– MOTIFS: Raisons ou arguments qui justifient une action ou une décision
– ACER: Assemblée Chrétienne pour l’Evangélisation et le Réveil
– évangile: Ensemble des enseignements de Jésus-Christ contenus dans les quatre évangiles du Nouveau Testament
– RMC STORY: Chaîne de télévision française diffusant des programmes de divertissement
– émission: Programme diffusé à la télévision ou à la radio
– Dérives sectaires: Pratiques abusives ou dangereuses liées à une organisation sectaire
– [N] [J]: Abréviation pour une émission de télévision ou de radio
– [T] Matin: Abréviation pour une émission diffusée le matin
– [Z] [S]: Abréviation pour une émission de télévision ou de radio
– [I]: Abréviation pour une émission de télévision ou de radio
– [G]: Abréviation pour une émission de télévision ou de radio
– Miviludes: Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires
– jeunes: Personnes de moins de 18 ans
– mineurs: Personnes de moins de 18 ans
– procureur: Magistrat chargé de représenter l’État dans les procédures judiciaires
– abus de confiance: Infraction consistant à abuser de la confiance d’une personne pour lui soutirer de l’argent ou des biens
– droit de réponse: Droit pour une personne mise en cause dans un média de répondre à ses détracteurs
– loi du 29 juillet 1982: Loi régissant la communication audiovisuelle en France
– communication audiovisuelle: Ensemble des moyens de communication utilisant l’image et le son
– honneur: Sentiment de dignité et de respect de soi-même
– réputation: Opinion publique sur la valeur morale d’une personne
– liberté d’expression: Droit fondamental permettant à chacun de s’exprimer librement
– décret n°87-246 du 6 avril 1987: Décret réglementant la communication audiovisuelle en France
– taille maximale: Dimension maximale autorisée
– durée du message: Temps pendant lequel un message est diffusé
– dépens: Frais engagés dans une procédure judiciaire
– article 700 du code de procédure civile: Article permettant au juge de condamner la partie perdante à verser une somme à l’autre partie pour ses frais de justice.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

26 avril 2024
Tribunal judiciaire de Paris
RG n°
24/51446
TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS

N° RG 24/51446 – N° Portalis 352J-W-B7I-C4DAP

N° : 3/MC

Assignation du :
20 Février 2024

[1]

[1] 2 Copies exécutoires
délivrées le:

ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ
rendue le 26 avril 2024

par Delphine CHAUFFAUT, Juge au Tribunal judiciaire de Paris, agissant par délégation du Président du Tribunal,

Assistée de Marion COBOS, Greffier.
DEMANDERESSE

Association ACER, ASSEMBLEE CHRETIENNE POUR L’EVANGELISATION ET LE REVEIL, représentée par son Président Monsieur [E] [L] [V]
[Adresse 4]
[Adresse 4]

représentée par Maître Sadry PORLON, avocat au barreau de PARIS – #E2010

DEFENDEUR

Monsieur [N] [J], Directeur de la publication de RMC STORY
Domicilié au siège de la société ALTICE MEDIA
[Adresse 2]
[Localité 3]

pour signification : [Adresse 1]
[Localité 3]

représenté par Maître Laurent MERLET de la SELARL MERLET PARENT AVOCATS, avocat au barreau de PARIS – #P0327

Assignation dénoncée à Madame La Procureure de la République du Tribunal Judiciaire de Paris le 23 février 2024.

DÉBATS

A l’audience du 22 Mars 2024, tenue publiquement, présidée par Delphine CHAUFFAUT, Juge, assistée de Marion COBOS, Greffier,

Nous, Président,

Après avoir entendu les conseils des parties comparantes,

Vu l’assignation délivrée par acte d’huissier du 20 février 2024, à la requête de l’association ACER (Assemblée Chrétienne pour l’Evangélisation et le Réveil) à [N] [J], directeur de publication de la chaine RMC STORY, au visa de l’article 6, I de la loi du 29 juillet 1982 et de l’article 53 de la loi du 29 juillet 1881, devant le juge des référés de ce tribunal auquel il demande de :

– Ordonner à [N] [J], en sa qualité de directeur de la publication, de diffuser au titre de l’émission « RMC s’engage avec vous » entre 07h08 et 07h12 la réponse que le conseil de l’ACER lui a adressée par lettre recommandée reçue le 12 décembre 2023 en des termes précisés ;

– Dire que cette diffusion devra intervenir au plus tard dans le délai de 15 jours de la signification de la présente décision sous astreinte de 1 500 euros par jour de retard passé ce délai ;

– Ordonner à [N] [J], en sa qualité de directeur de la publication de diffuser au titre de l’émissions « RMC s’engage avec vous » entre 13h50 et 13h54 de la réponse que le conseil de l’ACER lui a adressée par lettre recommandée reçue le 12 décembre 2023 en des termes précisés ;

– Dire que cette diffusion devra intervenir au plus tard dans le délai de 15 jours de la signification de la présente décision sous astreinte de 1 500 euros par jour de retard passé ce délai ;

– Condamner [N] [J], en sa qualité de directeur de la publication, à payer à l’ACER la somme de 4 250 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– Condamner [N] [J], en sa qualité de directeur de la publication, aux entiers dépens, en application de l’article 699 du code de procédure civile ;

Vu l’acte de dénonciation de ladite assignation au ministère public en date du 23 février 2024.

Vu les conclusions déposées par la demanderesse à l’audience du 22 mars 2024, à l’occasion desquelles elle réitérait ses demandes dans les termes de l’assignation,

Vu les conclusions signifiées le 20 mars 2024, par lesquelles [N] [J] demande au juge des référés, au visa de l’article 6, I de la loi du 29 juillet 1982, de :

– Dire n’ y avoir lieu à référé ;

– Débouter l’association ACER de toutes ses demandes, fins et conclusions ;

– Condamner l’association ACER à verser à [N] [J] la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Lors de l’audience du 22 mars 2024, les conseils des parties ont oralement soutenu leurs écritures.

A l’issue des débats, les parties ont été informées que l’affaire était mise en délibéré au 26 avril 2024, par mise à disposition au greffe.

MOTIFS

Sur les publications litigieuses

L’association chrétienne pour l’évangélisation et le réveil (dite ACER) indique avoir pour but de propager l’évangile en éditant ou produisant des ouvrages, des contenus audiovisuels, en s’exprimant par différents médias et en organisant des séminaires et des conférences.

[N] [J] est le directeur de publication de RMC STORY.

Sur l’émission du 11 septembre 2023 (pièce n°2 en défense) :

Le 11 septembre 2023, la chaine RMC STORY a diffusé, durant l’émission « [T] Matin », diffusé entre 6h30 et 9h un sujet intitulé « Dérives sectaires à l’église évangélique ACER ? ». Les journalistes [T] [U] et [Z] [S] ont présenté une enquête dans les termes suivants :

« [T] [U] : RMC s’engage avec vous et avec [Z] [S]. Bonjour [Z].

[Z] [S] : Bonjour [T].

[T] [U] : [Z], ce matin, c’est une enquête saisissante sur une église évangélique que vous nous dévoilez.

[Z] [S] : ACER, c’est son nom, pour Assemblée Chrétienne pour l’Evangélisation et le Réveil implantée partout en France. Leur vitrine est à [Localité 5] en banlieue [Localité 3] où se déroulent de grandes messes autour d’un personnage central qui se fait appeler l’Apôtre. C’est une ancienne fidèle qui nous a écrit pour dénoncer des abus au sein de cette église qui l’aurait ruinée. Nous l’appellerons [I].

[I] : En 4 ans, j’ai donné plus de 9.000 €. Ils vous mettent tellement la pression, ils vous appellent même sur la scène pour vous dire « mais vous, vous pouvez donner… » devant tout le monde. On vient chez vous, en bas de chez vous, on vous appelle, on vous harcèle, c’est jamais assez, c’est jamais suffisant, donc en gros on donne tout. On a eu aussi beaucoup de parents qui sont venus dans les bureaux avec des gendarmes pour retirer leurs enfants qui avaient vidé leur Livret A, beaucoup de familles qui s’endettent au nom de guérisons, au nom de donner pour le pasteur qui va apposer les mains sur nous pour nous guérir, pour nous libérer, ce genre de choses…

[Z] [S] : [I] explique aussi avoir été victime d’une agression physique. Elle a porté plainte, la direction du culte aussi. L’enquête est en cours.

[T] [U] : Et [Z], ce que décrit notre auditrice là, ce sont des dérives sectaires…

[Z] [S] : Oui, elle n’est pas la seule à les dénoncer. [B] [O] a retrouvé trois anciens membres dont deux ex-responsables, [G] notamment. Il a quitté l’église en 2021 après avoir encadré un groupe de jeunes pendant trois ans.

[G] : Ils étaient vraiment axés sur les chiffres. Ça fonctionnait véritablement comme une entreprise. En fait, on nous réprimandait lorsqu’on n’atteignait pas les objectifs, ça marche vraiment à la carotte en fait. Je m’étais tellement investi dans cette église au final j’ai fini par tout perdre.

[Z] [S] : Il a été licencié par son employeur parce qu’il passait le plus clair de son temps à l’église. Au total, il a donné plus de 4.000 € au culte qui a profité de sa faiblesse, selon lui. Aujourd’hui, [G] va mieux et se prépare à porter plainte.

[T] [U] : [Z], est ce que cette église évangélique est connue des autorités ?

[Z] [S] : Oui, et c’est une information RMC que l’on vous révèle ce matin, la Miviludes, l’organisme d’Etat chargé des dérives sectaires, a reçu à ce jour une vingtaine de signalements pour cette église ACER. Ils décrivent tous un isolement, des périodes de jeûne imposées, d’importants investissements financiers forcés et des ruptures familiales. Et la Miviludes précise que, je cite : « le groupe ciblerait plus particulièrement les jeunes et notamment les mineurs ».

[T] [U] : [Z], que répondent les responsables de cette église, enfin soi-disant église, ACER ?

[Z] [S] : Alors, nous nous sommes longuement entretenus avec le pasteur qui se fait appeler donc l’Apôtre et il nie les accusations et dénonce une campagne de dénigrement. Il a d’ailleurs porté plainte pour diffamation contre une ancienne fidèle. Quant aux signalements à la Miviludes, quand on l’interroge, il répond que c’est la rançon du succès, lui qui revendique 2.000 membres dans son église. Il a quand même été convoqué par la Communauté des Eglises d’expressions africaine dont l’ACER est membre. Des mesures auraient même été prises. La Fédération protestante de France est aussi au courant et assure collaborer avec la Miviludes sur le sujet.

[T] [U] : Et que risque cette église ?

[Z] [S] : Alors il n’existe pas de définition juridique d’une « secte » en France, donc c’est très compliqué, la lutte contre les dérives est très compliquée puisque c’est très difficile à prouver. [I] en a d’ailleurs fait l’amère expérience puisque sa première plainte en mars dernier a été classée sans suite faute de preuve mais, selon les associations, il est important d’insister, de faire des signalements à la Miviludes et de porter plainte si vous pensez être concernés car le nombre fait la force. Nous avons de notre côté alerté les ministères concernés et nous continuerons bien évidemment d’accompagner [I] et [G] dans leurs démarches.

[T] [U] : Une enquête remarquable signée d'[Z] [S] et de toute son équipe. Merci à [I] d’abord pour son témoignage, parce qu’il en faut, il faut beaucoup de courage pour oser se détacher de ce genre de griffes et pour venir témoigner. [I], auditrice donc de RMC et puis toute l’enquête derrière. Comme [I], vous n’hésitez pas, vous écrivez à [Courriel 7] et puis cette enquête elle est à retrouver en intégralité sur l’application RMC ».

Le 15 septembre 2023 :

Le 15 septembre 2023, la chaine RMC STORY a diffusé, durant la même émission “[T] Matin”, un reportage intitulé “Secte Eglise ACER, la justice saisie”, ainsi retracée par la pièce n°3 en défense :

“[T] [U] : RMC s’engage avec vous et ce matin avec [B] [O]. Bonjour [B].

[B] [O] : Bonjour [T].

A [U] : Ce matin, vous nous reparlez de l’ACER, c’est une église évangélique soupçonnée de dérives sectaires.

[O] : Nous vous le révélions sur RMC lundi, suite au témoignage hallucinant d’une auditrice qui nous avait écrit et, après un mois d’enquête, nous avions découvert les graves soupçons qui pèsent sur cette église ACER pour Assemblée Chrétienne pour l’Evangélisation et le Réveil. Elle est implantée partout en France et revendique 2.000 adeptes. En quelques jours, suite à notre intervention, tout s’est accéléré. Selon nos informations, la Miviludes, l’organisme d’Etat qui lutte contre les sectes, va saisir la justice. Une procédure exceptionnelle. Rendez-vous compte, sur 4.000 saisines reçues en 2021, seules 20 ont abouti à des signalements à la justice et ce n’est pas tout. Ce matin le parquet de Bobigny nous apprend qu’une enquête pour abus de confiance est ouverte. De notre côté, nous avons reçu une quinzaine de nouveaux témoignages venus de toute la France. Tous parlent des faits dénoncés par la mission interministérielle : isolement, périodes de jeûne imposées, importants investissements financiers forcés et ruptures familiales. [A], par exemple, sa fille est une fidèle de l’ACER depuis six ans. Lorsqu’elle a été recrutée, elle n’avait que 14 ans. Nous avons modifié sa voix pour préserver son anonymat.

[A] : Nous avons remarqué qu’elle passait des heures de prière au téléphone. Ma fille faisait des jeûnes réguliers. Elle refusait de regarder la télé. Elle refisait de manger à table avec ses frères et soeurs et depuis ses 14 ans elle n’a plus jamais pris de vacances avec nous.

[O] : Sa fille va jusqu’à renoncer à sa famille. Elle appelle désormais son responsable à l’église “dad” (papa) en anglais.

A [U] : Mais [A] n’a pas baissé les bras.

[O] : Non, [A] a refusé d’abandonner son enfant et s’est rendue à l’ACER plusieurs fois. Elle y découvre alors des mises en scène de guérison en direct. C’est le choc.

[A] : Quand ils introduisent la messe, il y a l’Apôtre donc qui passe entre ses fidèles et qui passe la main et quand il passe la main il fait un bruit. Les personnes tombent mais vraiment s’écroulent par terre en transe et franchement quand les gens tombent au sol ça fait peur parce que quand ils tombent, ils s’écroulent, ils s’allongent par terre, on les voit trembler et on se demande qu’est-ce qui se passe.
[O] : La famille a déposé deux plaintes pour dérive sectaire et fait un signalement à la Miviludes.

A [U] : Et si [A] a souhaité témoigner auprès de vous, auprès de RMC, c’est aussu pour alerter les autres parents.

[O] : Oui, alerter et leur dire de ne pas couper le lien avec leurs enfants mineurs embrigadés par l’ACER. L’église, elle, nous explique avoir déjà répondu aux “allégations de ses ex-paroissiens frustrés” et persiste “ces accusations sont sans fondement. Quant à nous, évidemment, on continuera d’accompagner [A] et sa famille dans leurs démarches.

A [U] : Et évidemment “allégation de ses ex-paroissiens frustrés”, c’est à mettre entre guillemets : ce sont les réponses ou les justifications qu’ont tenté de vous apporter les responsables de cette soi-disant église sur laquelle vous continuez évidemment d’enquêteur. Vous connaissez le chemin [Courriel 6]“

Par ailleurs, à cette même date du 15 septembre 2023, un reportage intitulé « Eglise évangélique ACER, le procureur saisi » est diffusé sur la même chaîne, durant l’émission « [Y] Midi » diffusée entre 12h et 15h, ainsi retranscrit en pièce n°4 en défense :

« [Y] [C] : [B], aujourd’hui vous nous reparlez de l’ACER, c’est cette église évangélique soupçonnée de dérive sectaire, on en avait déjà parlé il y a quelques jours…

[B] [O] : Oui, on en a parlé lundi, suite au témoignage hallucinant d’une auditrice qui nous avait écrit et après un mois d’enquête nous avions découvert les graves soupçons qui pèsent sur cette église ACER pour Assemblée Chrétienne pour l’Evangélisation et le Réveil. Elle est implantée partout en France et revendique 2.000 adeptes. En quelques jours, suite à notre intervention, tout s’est accéléré. Selon nos informations, la Miviludes, l’organisme d’Etat qui lutte contre les sectes, va saisir la justice.

[Y] [C] : C’est courant ça comme procédure, [B] ?

[B] [O] : Absolument pas, [Y], c’est même exceptionnel. Rendez-vous compte sur 4.000 saisines reçues en 2021, seules 20 ont abouti à des signalements à la justice et ce n’est pas tout, le Parquet de Bobigny nous apprend qu’une enquête pour abus de confiance est ouverte. De notre côté, nous avons reçu une quinzaine de nouveaux témoignages venus de toute la France, tous parlent des faits dénoncés par la mission interministérielle : isolement, période de jeûne imposée, important investissement financier forcé et rupture familiale. [A], par exemple, nous a contactés : sa fille est une fidèle de l’ACER depuis six ans. Lorsqu’elle a été recrutée, elle n’avait que 14 ans. Nous avons modifié sa voix pour préserver son anonymat.

[A] : Ses résultats au lycée étaient constamment en baisse. Aux conseils de classe, les professeurs nous signalaient qu’elle ne faisait plus ses devoirs et semblait toujours fatiguée. Nous avons remarqué qu’elle passait des heures de prières au téléphone. Ma fille faisait des jeûnes réguliers, refusait de regarder la télé. Elle refusait de manger à table avec ses frères et sœurs et depuis ses 14 ans elle n’a plus jamais pris de vacances avec nous…

[B] [O] : … Et sa fille va jusqu’à renoncer à sa famille. Elle appelle désormais son responsable à l’église « dad » (papa) en anglais.

[Y] [C] : On imagine évidemment le désarroi de cette maman face à une situation pareille.

[B] [O] : [A] a refusé d’abandonner son enfant et s’est rendue à l’ACER plusieurs fois. Elle y découvre alors des mises en scène de guérison en direct, c’est le choc.

[A] : Quand ils introduisent la messe, il y a l’apôtre donc qui passe entre ses fidèles et qui passe la main et quand il passe la main il fait un bruit. Les personnes tombent mais vraiment s’écroulent par terre en transe et franchement quand les gens tombent au sol ça fait peur parce que quand ils tombent, ils s’écroulent, ils s’allongent par terre, on les voit trembler et on se demande qu’est-ce qui se passe…

[B] [O] : La famille a déposé deux plaintes pour dérive sectaire et fait un signalement à la Miviludes.

[Y] [C] : Et si [A] a souhaité témoigner, [B], c’est aussi pour alerter les autres parents.

[B] [O] : Alerter et leur dire de ne pas couper le lien avec leurs enfants mineurs embrigadés par l’ACER, le culte qui nous a d’ailleurs répondu à sa manière, [Y], par une émission télé avec scène et public diffusée mercredi soir sur YouTube et intitulée « Notre réponse officielle au reportage de RMC ». Nous n’en saurons pas plus puisque la vidéo n’est depuis plus accessible. Sachez d’ailleurs qu’à part les témoignages à charge, on a reçu beaucoup de mails de fidèles actuels de l’ACER à partir de lundi 18h. Leurs récits se suivent et se ressemblent. Tous parlent d’une église bienveillante qui les a sauvés. Beaucoup remercient l’apôtre. A nouveau contacté hier, l’apôtre, lui, nous explique avoir déjà répondu aux allégations de ses ex-paroissiens frustrés et il persiste « ces accusations sont sans fondement ». Eglise qui précise tout de même sur ses réseaux sociaux qu’elle demande pardon à toutes les personnes qu’ils auraient offensées, c’est une première étape…

[Y] [C] : … Maintenant il y a celle de la justice.

[B] [O] : Voilà, ça sera la seconde visiblement. En tout cas RMC s’engage pour vous évidemment, on continue d’accompagner [A] et sa famille dans leurs démarches.

[Y] [C] : Eh bien merci [B] et puis bravo à vous, voilà, pour tout ce que vous avez fait dans cette enquête et puis pour toutes les enquêtes chaque jour dans [Y] Midi, dans RMC s’engage avec vous et si vous aussi vous voulez dénoncer quelque chose, si vous aussi avez un gros souci, si vous avez besoin d’être aidés par les équipes de RMC s’engage avec vous, vous nous écrivez à l’adresse [Courriel 6] ».

*

L’ACER communique une copie des deux courriers recommandés adressés à [N] [J], directeur de publication de RMC STORY, en date du 8 décembre 2023, reçus le 12 décembre 2023 (pièces 4 à 6 en demande).

Dans le premier courrier, l’association demande la publication d’une réponse suite aux propos tenus le 11 septembre 2023 durant l’émission « [T] Matin », dans les termes suivants :

« Dans le cadre de l’exercice du droit de réponse, l’ACER prend note des différentes accusations portées contre elle lors de l’émission « RMC s’engage avec vous » du 11 septembre 2023 diffusée sur RMC STORY et tient à faire passer le message suivant. J’ai pu répondre en détails et par écrit chacune des accusations dont vous avez fait état avant diffusion de votre reportage sans que la précision de mes réponses n’ait été restituée avec justesse, ce que je regrette pour de simples questions du respect du contradictoire. J’estime que les journalistes sont libres de faire état de ce qu’on leur confie, mais il est et il sera de notre devoir de ne pas laisser des personnes, qu’elles soient à visage cachés ou découverts, porter des accusations graves sur une église comprenant 2 000 fidèles qui pour leur très grande majorité ont découvert un portrait de leur église qu’ils ne reconnaissent en rien. Pour votre parfaite information l’une des personnes apparaissant à visage caché dans le reportage a porté plainte contre l’ACER, plainte classée sans suite après que l’ACER a eu à s’en expliquer devant un officiel de police judiciaire et cette personne a été poursuivie par notre association pour dénonciation calomnieuse devant la chambre correctionnelle du Tribunal judiciaire de Paris. Le procès est en cours et prendra fin en mars 2024. L’ACER souhaite indiquer qu’elle réfute les accusations dont elle fait l’objet et qu’elle sera en mesure de le démontrer à l’ensemble des autorités qui pourraient être saisies sur la base desdites accusations. Parce que l’ACER croit aux institutions judiciaires de notre pays, c’est principalement par ce biais qu’elle fera désormais valoir ses droits et elle laissera la question visant à s’épancher dans les médias à ceux qui confondent justement tribunal médiatique et justice. La seule exception à cette règle tient dans la présente demande d’insertion que je vous demande de bien vouloir lire à vos téléspectateurs afin qu’ils puissent connaitre la détermination de l’association que je préside à ce que la probité et l’honnêteté de l’ACER puissent être établis judiciairement concernant les faits graves dont vous avez fait état dans votre reportage. »

Dans le second courrier, l’association demande la publication d’une réponse suite aux propos tenus le 15 septembre 2023 durant l’émission « [Y] Midi », dans les termes suivants :

« Dans le cadre de l’exercice du droit de réponse, l’ACER prend note des différentes accusations portées contre elle lors de l’émission « RMC s’engage avec vous » du 15 septembre 2023 diffusée sur RMC STORY et tient à faire passer le message suivant. J’ai pu répondre en détails et par écrit chacune des accusations dont vous avez fait état avant diffusion de votre reportage sans que la précision de mes réponses n’ait été restituée avec justesse, ce que je regrette pour de simples questions du respect du contradictoire. J’estime que les journalistes sont libres de faire état de ce qu’on leur confie, mais il est et il sera de notre devoir de ne pas laisser des personnes, qu’elles soient à visage cachés ou découverts, porter des accusations graves sur une église comprenant 2 000 fidèles qui pour leur très grande majorité ont découvert un portrait de leur église qu’ils ne reconnaissent en rien. L’ACER souhaite indiquer qu’elle réfute les accusations dont elle fait l’objet et qu’elle sera en mesure de le démontrer à l’ensemble des autorités qui pourraient être saisies sur la base desdites accusations. Parce que l’ACER croit aux institutions judiciaires de notre pays, c’est principalement par ce biais qu’elle fera désormais valoir ses droits et elle laissera la question visant à s’épancher dans les médias à ceux qui confondent justement tribunal médiatique et justice. La seule exception à cette règle tient dans la présente demande d’insertion que je vous demande de bien vouloir lire à vos téléspectateurs afin qu’ils puissent connaitre la détermination de l’association que je préside à ce que la probité et l’honnêteté de l’ACER puissent être établis judiciairement concernant les faits graves dont vous avez fait état dans votre reportage. »

[N] [J] n’a pas donné suite aux courriers sollicitant les droits de réponse.

C’est dans ces circonstances que la présente instance a été engagée.

Sur la non-insertion de la réponse

L’article 6 de la loi du 29 juillet 1982 sur la communication audiovisuelle prévoit, dans son I : I. Toute personne physique ou morale dispose d’un droit de réponse dans le cas où les imputations susceptibles de porter atteinte à son honneur ou à sa réputation auraient été diffusées dans le cadre d’une activité de communication audiovisuelle.
Le demandeur doit préciser les imputations sur lesquelles il souhaite répondre et la teneur de la réponse qu’il se propose d’y faire.
La réponse doit être diffusée dans des conditions techniques équivalentes à celles dans lesquelles a été diffusé le message contenant l’imputation invoquée.

Elle doit également être diffusée de manière que lui soit assurée une audience équivalente à celle du message précité.
(…)
En cas de refus ou de silence gardé sur la demande par son destinataire dans les huit jours suivant celui de sa réception, le demandeur peut saisir le président du tribunal judiciaire, statuant en référé, par la mise en cause de la personne visée au neuvième alinéa du présent article.

En outre, l’article 6 du décret n°87-246 du 6 avril 1987 relatif à l’exercice du droit de réponse dans les services de communication audiovisuelle prévoit que le texte de la réponse ne peut être supérieur à trente lignes dactylographiées. La durée totale du message ne peut excéder deux minutes.

Enfin, l’article 3 du même décret prévoit que la demande indique les références du message ainsi que les circonstances dans lesquelles le message a été mis à la disposition du public. Elle contient la mention des passages contestés et la teneur de la réponse souhaitée.

Il résulte de ces textes que le droit de réponse est un droit personnel, qui n’appartient qu’à la personne visée par des imputations susceptibles de porter atteinte à son honneur et à sa réputation. Général et absolu, il est destiné à assurer la protection de la personnalité, mais, alors qu’il constitue une limite à la liberté d’expression puisqu’il conduit un média à une publication contre sa volonté, il doit, en application de l’article 10 paragraphe 2 de la Convention européenne des droits de l’homme, être strictement limité à ce qui est nécessaire à la défense de cette personnalité. Ainsi, si celui qui en use est seul juge de la teneur, de l’étendue, de l’utilité et de la forme de la réponse dont il requiert l’insertion, le refus d’insérer se justifie si la réponse est contraire aux lois, aux bonnes mœurs, à l’intérêt légitime des tiers ou à l’honneur du journaliste ou si elle porte sur un objet différent de celui qui a été traité dans l’article étant rappelé que la réponse est indivisible et que le directeur de la publication ne peut en retrancher le moindre élément.

Soutenant la recevabilité de son action, l’ACER, au visa de l’article 6 I de la loi du 29 juillet 1982, soutient que les publications litigieuses lui imputent, chacune, d’être à l’origine d’escroqueries et d’abus de faiblesse, outre, pour l’émission du 11 septembre 2023, de violence, ces imputations étant susceptibles de porter atteinte à l’honneur et à la réputation de l’association. Elle rappelle que la transmission de sa part d’éléments de réponse à la partie défenderesse préalablement à la diffusion des propos litigieux ne la prive pas a posteriori de son droit de réponse. Elle soutient que les conditions de forme de la réponse ont été respectées, en ce qu’une assignation et deux lettres de mise en demeure ont été adressées au directeur de la publication, mentionnant précisément les propos incriminés, en sollicitant la localisation précise des propos et du droit de réponse à insérer.

Elle indique que les réponses demandées sont bien conformes à la taille maximale de 30 lignes et 2 minutes de lecture. L’ACER estime également que les réponses demandées n’occasionnent pas de contrariété à l’ordre public, aux bonnes moeurs, ne portent pas atteinte à la réputation des tiers mais évoquent seulement les différentes procédures ouvertes à leur encontre. Aussi, l’association soutient que, ne remettant pas en cause les compétences des journalistes, les droits de réponse ne peuvent être considérés comme portant atteinte à leur honneur ou leur réputation. Enfin, l’ACER fait valoir que les droits de réponse formulés apportent des précisions en corrélation avec les propos litigieux, ne constituant pas la libre tribune évoquée.

[N] [J] soutient que la demande d’insertion dans l’émission « [Y] Midi » est irrégulière, comme portant sur des propos tenus dans lors d’une émission distincte. Par ailleurs, le défendeur estime que les droits de réponse ne répondent pas aux imputations contenues dans les publications litigieuses, mais se contentent de mettre en cause le travail des journalistes et des personnes ayant témoigné. Ainsi, il allègue une atteinte à l’honneur et à la considération des journalistes et une atteinte aux intérêts des personnes ayant témoigné. Enfin, sur le fondement de l’article 6 du décret susvisé, [N] [J] souligne la durée excessive des droits de réponse.

Sur la demande de droit de réponse à l’émission du 15 septembre 2023

Il résulte des pièces produites en demande (pièce n°3) et en défense (pièces n°1 – vidéos des émissions, n°3 retranscription de l’émission [T] Matin et n°4, retranscription de l’émission [Y] Midi) qu’a été opérée une confusion entre ces deux émissions. En effet, le droit de réponse, sollicité par lettre recommandée du 8 décembre 2023 (pièce n°4), puis dans les conclusions, se réfère au texte de l’émission [T] Matin, qui prend place, ainsi que son nom l’évoque, le matin, mais mentionne l’émission [Y] Midi, qui est diffusée sur les heures méridiennes, et sollicite en conséquence la lecture d’un texte lors de ce créneau horaire.

En opérant ainsi une confusion entre le texte auquel il est répondu, et le créneau de l’émission au sein de laquelle il est demandé la lecture d’une réponse, cette demande ne remplit pas les conditions de l’article 6 de de la loi du 29 juillet 1982 sus mentionnée, non plus que l’article 3 du décret, ce dernier exigeant que la demande précise les références du message ainsi que les circonstances dans lesquelles le message a été mis à la disposition du public, ce qui emporte que le droit de réponse peut être diffusé dans les conditions techniques équivalentes et de manière à assurer une audience équivalente.

Dès lors, il ne sera pas fait droit à cette demande d’insertion forcée et aux demandes subséquentes.

Sur la demande de droit de réponse à l’émission du 11 septembre 2023

Les parties s’opposent sur l’adéquation de la réponse dont il est demandé l’insertion à la taille maximale requise. Il sera précisé que l’article 6 du décret 87-246 sus mentionné prévoyant : “Le texte de la réponse ne peut être supérieur à trente lignes dactylographiées. La durée totale du message ne peut excéder deux minutes.”, ces deux critères doivent être considérés comme cumulatifs. Il n’est pas contesté que la taille de la réponse sollicitée est inférieure au nombre de lignes requis. Est en revanche débattue la durée du message.

Au soutien de leur position respective concernant la longueur du texte soumis à titre de droit de réponse, les deux parties apportent plusieurs pièces. La demanderesse, en pièce n°16, produit un article de “Communication et langage” de 1999, qui explicite que les différents types de discours supportent une vitesse très variable, allant de 100 à plus de 200 mots par minute, cette dernière norme étant celle à laquelle tendent à se rapprocher les émissions radiophoniques et télévisées. Les pièces n° 18 et 20 tendent à démontrer qu’à différentes vitesses d’élocution, y compris bien inférieures à ces 200 mots / minute, le texte dont il est demandé la lecture ne prend pas plus de 2 minutes ; la pièce n°18 prévoit ainsi un temps de lecture de 1 minute 32, tout en indiquant par ailleurs un temps d’élocution de 2 minutes 32, la pièce n°20 un temps de 1 minute 53 à 1 minute 42 selon le nombre de mots / minute prévu par l’application (150 ou 140).

Se fondant sur une autre application, le défendeur, en pièce n°6, produit différentes estimations du temps de lecture, selon qu’elle corresponde à un “discours” ou une “voix off”, et que le rythme de lecture requis soit “en pause”, “normal” ou “rapide”. Aucune de ces simulations ne propose un temps de lecture inférieur à 2 minutes, allant de 2 minutes 42 à plus de 5 minutes.

Il résulte de l’ensemble de ces développements que, sans qu’il soit nécessaire d’examiner les autres moyens, qu’au vu de la diversité des appréciations du temps de lecture du message, y compris au sein des pièces de la demanderesse, n’est pas établi, avec l’évidence requise en référé, que le droit de réponse dont il est demandé l’insertion remplit les conditions exigées par le texte, s’agissant de la durée de sa lecture.

Dès lors, il y a lieu de dire n’y avoir lieu à référé et à débouter l’ACER de sa demande d’insertion forcée du droit de réponse pour l’émission du 11 septembre 2023, ainsi que de ses demandes subséquentes.

Demandes accessoires

La solution du litige impose, en application de l’article 696 du code de procédure civile, la condamnation de l’ACER aux dépens de l’instance.

En outre, elle sera condamnée à payer au défendeur, en application de l’article 700 du même code, la somme de 2000 euros au titre des frais exposés non compris dans les dépens.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par ordonnance contradictoire et en premier ressort,

DISONS n’ y avoir lieu à référé ;

REJETTONS les demandes d’insertions forcées de droit de réponse, formée auprès d’[N] [J] par l’Assemblée Chrétienne pour l’Evangélisation et le Réveil et les demandes subséquentes;

CONDAMNONS l’Assemblée Chrétienne pour l’Evangélisation et le Réveil à payer à [N] [J] la somme de 2000 € (deux mille euros) sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNONS l’Assemblée Chrétienne pour l’Evangélisation et le Réveil aux dépens ;

RAPPELONS que la présente décision est exécutoire à titre provisoire.

Fait à Paris le 26 avril 2024

Le Greffier,Le Président,

Marion COBOSDelphine CHAUFFAUT

Q/R juridiques soulevées :

Quel est le contexte de la demande de droit de réponse de l’ACER ?

L’ACER, ou Assemblée Chrétienne pour l’Évangélisation et le Réveil, a assigné le directeur de publication de RMC STORY, [N] [J], pour obtenir la diffusion d’une réponse à des accusations portées contre elle lors de l’émission « RMC s’engage avec vous ».

Cette demande fait suite à des reportages diffusés les 11 et 15 septembre 2023, qui évoquaient des pratiques sectaires au sein de l’église ACER. L’association a également demandé des astreintes en cas de retard dans la diffusion, ainsi que des dommages et intérêts pour couvrir les frais de justice.

L’affaire a été mise en délibéré pour le 26 avril 2024, ce qui souligne l’importance et la complexité de la situation, notamment en raison des implications juridiques et médiatiques.

Quelles sont les conditions légales pour exercer un droit de réponse selon la loi du 29 juillet 1982 ?

L’article 6 de la loi du 29 juillet 1982 sur la communication audiovisuelle stipule que toute personne physique ou morale a le droit de réponse lorsque des imputations susceptibles de porter atteinte à son honneur ou à sa réputation sont diffusées.

Le demandeur doit préciser les imputations sur lesquelles il souhaite répondre et la teneur de sa réponse. De plus, la réponse doit être diffusée dans des conditions techniques équivalentes à celles de la diffusion du message contenant l’imputation.

Il est également requis que la réponse assure une audience équivalente à celle du message initial. En cas de refus ou de silence dans les huit jours suivant la demande, le demandeur peut saisir le président du tribunal judiciaire.

Pourquoi la demande de droit de réponse de l’ACER a-t-elle été jugée irrégulière ?

La demande de droit de réponse de l’ACER a été jugée irrégulière en raison d’une confusion entre les émissions concernées. L’ACER a sollicité un droit de réponse à l’émission du 15 septembre 2023, mais a fait référence à des propos tenus lors de l’émission du 11 septembre 2023.

Cette confusion a conduit à un non-respect des conditions de forme exigées par l’article 3 du décret n°87-246, qui stipule que la demande doit indiquer les références du message et les circonstances de sa diffusion.

Ainsi, la demande ne remplissait pas les critères nécessaires pour être considérée comme valide, entraînant son rejet.

Quelles étaient les accusations portées contre l’ACER dans les émissions de RMC STORY ?

Les émissions diffusées sur RMC STORY ont présenté des accusations graves à l’encontre de l’ACER, notamment des allégations de dérives sectaires.

Les reportages ont mis en lumière des témoignages d’anciens membres de l’église, évoquant des pratiques abusives telles que des pressions financières, des périodes de jeûne imposées, et des ruptures familiales.

Ces accusations ont suscité des enquêtes de la Miviludes, l’organisme d’État chargé de surveiller les dérives sectaires, et ont été présentées comme des faits avérés, ce qui a conduit l’ACER à demander un droit de réponse pour défendre son honneur et sa réputation.

Quels sont les montants alloués dans cette affaire ?

Dans cette affaire, l’ACER a été condamnée à verser des dépens, ainsi qu’une somme de 2000 euros à [N] [J] pour couvrir les frais exposés non compris dans les dépens.

Cette décision souligne les conséquences financières pour l’ACER suite à sa demande de droit de réponse, qui a été jugée non fondée par le

Les montants alloués reflètent également la complexité et la gravité des accusations portées, ainsi que les implications juridiques de la situation.

Qui sont les avocats impliqués dans cette affaire ?

Les avocats impliqués dans cette affaire sont Maître Sadry PORLON, représentant l’ACER, et Maître Laurent MERLET, représentant [N] [J], le directeur de publication de RMC STORY.

Ces avocats ont plaidé pour leurs clients respectifs lors des audiences, apportant des arguments juridiques concernant le droit de réponse et les accusations portées contre l’ACER.

Leur rôle a été déterminant dans la présentation des faits et des demandes devant le tribunal, illustrant l’importance de la représentation légale dans des affaires médiatiques complexes.


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