Affaire Recherche Maison & Appartement : quelle protection pour les marques génériques ?

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Affaire Recherche Maison & Appartement : quelle protection pour les marques génériques ?

La reprise à l’identique d’une marque générique à titre de nom de domaine ou de nom commercial, pour être sanctionnée, suppose l’existence d’une risquer de confusion. La seule reprise des mots clefs de la marque n’est pas à elle seule suffisante pour générer ce risque de confusion.

Affaire Recherche Maison & Appartement

Reprochant à la société Recherche Maison & Appartement l’usage de son nom commercial et du nom de domaine www.recherchemaisonappartement.com, portant atteinte à ses droits sur ses marques, la société Patr’immo (titulaire de la marque verbale « Recherche appartement ou maison ») l’a assignée en référé pour obtenir des mesures d’interdiction.

Déboutée en appel, la société vient d’obtenir la cassation de la décision rendue.

Appréciation du risque de confusion

Il résulte de la combinaison des articles L. 713-3, L. 716-1 et L. 716-6, alinéa 1er, du code de la propriété intellectuelle, qu’est interdite, sauf autorisation du propriétaire, s’il peut en résulter un risque de confusion, l’imitation d’une marque pour des produits ou services identiques à ceux désignés dans l’enregistrement et que ce risque de confusion doit s’apprécier globalement, par référence au contenu des enregistrements des marques, vis-à-vis du consommateur des produits tels que désignés par ces enregistrements.

L’action en contrefaçon

Toute personne ayant qualité pour agir en contrefaçon peut saisir en référé la juridiction civile compétente afin de voir ordonner, à l’encontre du prétendu contrefacteur, toute mesure destinée à prévenir une atteinte imminente aux droits conférés par le titre ou à empêcher la poursuite d’actes argués de contrefaçon, à la condition que les éléments de preuve, raisonnablement accessibles au demandeur, rendent vraisemblable qu’il est porté atteinte à ses droits.

L’appréciation globale du risque de confusion

Pour rejeter la demande d’interdiction faite à la société Recherche Maison & Appartement d’utiliser son nom commercial et le nom de domaine www.recherchemaisonappartement.com, l’arrêt retient que le changement de place des mots « appartement » et « maison », ainsi que la suppression de la conjonction « ou », ne permettent pas de conclure que le nom de domaine constitue une reproduction du signe « Recherche appartement ou maison » composant les marques déposées par la société Patr’immo, que les différences perceptibles au niveau auditif et visuel ne peuvent passer inaperçues aux yeux du consommateur moyen, le nom de domaine ne constituant pas la reproduction à l’identique de la marque.

En se déterminant ainsi, sans rechercher concrètement et au terme d’une appréciation globale si la ressemblance existant entre les signes en présence associant trois mots identiques, ainsi que la similitude des services proposés, ne créent pas un risque de confusion pour un consommateur d’attention moyenne, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision.

COMM.

FB

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 6 septembre 2023

Cassation partielle

M. VIGNEAU, président

Arrêt n° 541 F-D

Pourvoi n° U 20-16.680

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 6 SEPTEMBRE 2023

La société Patr’immo, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° U 20-16.680 contre l’arrêt rendu le 12 mai 2020 par la cour d’appel de Lyon (8e chambre), dans le litige l’opposant à la société Recherche maison et appartement, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l’appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Comte, conseiller référendaire, les observations de la SARL Cabinet Rousseau et Tapie, avocat de la société Patr’immo, de la SARL Le Prado – Gilbert, avocat de la société Recherche maison et appartement, et l’avis de M. Debacq, avocat général, après débats en l’audience publique du 6 juin 2023 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Comte, conseiller référendaire rapporteur, Mme Darbois, conseiller doyen, et Mme Labat, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Exposé du litige

Faits et procédure

1. Selon l’arrêt attaqué (Lyon, 12 mai 2020), rendu en matière de référé, et les productions, la société Patr’immo est titulaire de la marque verbale « Recherche appartement ou maison » n° 3615606 et de la marque semi-figurative « Recherche appartement ou maison » n° 3643147 enregistrées respectivement le 4 décembre 2008 et le 9 avril 2009 et régulièrement renouvelées, pour désigner différents produits et services en classes 35, 36 et 37.

2. Reprochant à la société Recherche Maison & Appartement l’usage de son nom commercial et du nom de domaine www.recherchemaisonappartement.com, portant atteinte à ses droits sur ses marques, la société Patr’immo l’a assignée en référé pour obtenir des mesures d’interdiction.

Moyens

Examen des moyens

Sur le second moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

3. La société Patr’immo fait grief à l’arrêt de rejeter ses demandes, alors « que l’imitation d’une marque et l’usage d’une marque imitée sont interdits, sauf autorisation du propriétaire, s’il peut en résulter un risque de confusion dans l’esprit du public, pour des produits ou services identiques ou similaires à ceux désignés dans l’enregistrement ; que l’existence de ce risque doit être appréciée au regard de l’ensemble des facteurs pertinents de la cause, parmi lesquels figure l’identité ou la similarité entre les produits ou services respectivement désignés ; que pour écarter tout risque de confusion, la cour d’appel s’est bornée à constater l’absence d’identité exacte entre la marque « RECHERCHE APPARTEMENT OU MAISON » d’une part et la marque « Recherche maison & appartement » et le nom de domaine www.recherchemaisonappartement.com d’autre part, au vu d’une simple interversion entre les deux mots « appartement » et « maison » et de la suppression ou du remplacement de la conjonction « et » par « ou », sans rechercher concrètement et précisément si la confusion ne pouvait naître de la proximité entre les deux expressions, associant les trois mots identiques, dont l’absence d’identité exacte de l’ordre ou des caractères employés était insuffisante pour exclure la contrefaçon par imitation et était du reste largement compensée par l’identité des services proposés, privant ainsi sa décision de base légale au regard de l’article L. 713-3 du code de la propriété intellectuelle, ensemble l’article L. 716-6 du même code, dans leur rédaction applicable au litige. »

Motivation

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 713-3, L. 716-1 et L. 716-6, alinéa 1er, du code de la propriété intellectuelle, dans leur version antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2019-1169 du 13 novembre 2019 :

4. Il résulte de la combinaison des deux premiers de ces textes qu’est interdite, sauf autorisation du propriétaire, s’il peut en résulter un risque de confusion, l’imitation d’une marque pour des produits ou services identiques à ceux désignés dans l’enregistrement et que ce risque de confusion doit s’apprécier globalement, par référence au contenu des enregistrements des marques, vis-à-vis du consommateur des produits tels que désignés par ces enregistrements.

5. Selon le troisième, toute personne ayant qualité pour agir en contrefaçon peut saisir en référé la juridiction civile compétente afin de voir ordonner, à l’encontre du prétendu contrefacteur, toute mesure destinée à prévenir une atteinte imminente aux droits conférés par le titre ou à empêcher la poursuite d’actes argués de contrefaçon, à la condition que les éléments de preuve, raisonnablement accessibles au demandeur, rendent vraisemblable qu’il est porté atteinte à ses droits.

6. Pour rejeter la demande d’interdiction faite à la société Recherche Maison & Appartement d’utiliser son nom commercial et le nom de domaine www.recherchemaisonappartement.com, l’arrêt retient que le changement de place des mots « appartement » et « maison », ainsi que la suppression de la conjonction « ou », ne permettent pas de conclure que le nom de domaine constitue une reproduction du signe « Recherche appartement ou maison » composant les marques déposées par la société Patr’immo, que les différences perceptibles au niveau auditif et visuel ne peuvent passer inaperçues aux yeux du consommateur moyen, le nom de domaine ne constituant pas la reproduction à l’identique de la marque.

7. En se déterminant ainsi, sans rechercher concrètement et au terme d’une appréciation globale si la ressemblance existant entre les signes en présence associant trois mots identiques, ainsi que la similitude des services proposés, ne créent pas un risque de confusion pour un consommateur d’attention moyenne, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision.

Dispositif

PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu’il rejette les demandes de la société Patr’immo et statue sur les dépens et l’application de l’article 700 du code de procédure civile, l’arrêt rendu le 12 mai 2020, entre les parties, par la cour d’appel de Lyon ;

Remet l’affaire et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d’appel de Lyon autrement composée ;

Condamne la société Recherche maison et appartement aux dépens ;

En application de l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Recherche maison et appartement et la condamne à payer à la société Patr’immo la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du six septembre deux mille vingt-trois.

Questions / Réponses juridiques

Quel est le contexte de l’affaire Recherche Maison & Appartement ?

L’affaire concerne un litige entre la société Patr’immo, titulaire de la marque verbale « Recherche appartement ou maison », et la société Recherche Maison & Appartement.

Patr’immo a assigné cette dernière en référé, l’accusant d’utiliser un nom commercial et un nom de domaine (www.recherchemaisonappartement.com) qui portent atteinte à ses droits sur ses marques.

La société Patr’immo a demandé des mesures d’interdiction, mais a été déboutée en appel. Cependant, la Cour de cassation a récemment cassé cette décision, permettant ainsi à Patr’immo de poursuivre son action.

Comment est défini le risque de confusion selon le code de la propriété intellectuelle ?

Le risque de confusion est défini par les articles L. 713-3, L. 716-1 et L. 716-6 du code de la propriété intellectuelle.

Ces articles stipulent qu’il est interdit d’imiter une marque pour des produits ou services identiques à ceux désignés dans l’enregistrement, sauf autorisation du propriétaire.

L’appréciation de ce risque doit être faite de manière globale, en tenant compte du contenu des enregistrements des marques et de la perception du consommateur.

Il est essentiel d’évaluer si la ressemblance entre les marques et les services proposés pourrait induire en erreur un consommateur d’attention moyenne.

Quelles sont les conditions pour agir en contrefaçon ?

Pour agir en contrefaçon, une personne doit avoir la qualité pour le faire et peut saisir la juridiction civile compétente en référé.

Elle peut demander des mesures pour prévenir une atteinte imminente à ses droits ou pour empêcher la poursuite d’actes considérés comme contrefaisants.

Il est nécessaire que les éléments de preuve, accessibles au demandeur, rendent vraisemblable qu’il y a atteinte à ses droits.

Cela signifie que le demandeur doit démontrer que son droit est effectivement menacé par les actions du prétendu contrefacteur.

Comment la Cour a-t-elle apprécié le risque de confusion dans cette affaire ?

La Cour a rejeté la demande d’interdiction de la société Recherche Maison & Appartement en se basant sur des différences dans l’ordre des mots et l’absence de reproduction exacte de la marque.

Elle a noté que le changement de place des mots « appartement » et « maison », ainsi que la suppression de la conjonction « ou », ne constituaient pas une reproduction identique de la marque.

Cependant, la Cour de cassation a critiqué cette approche, soulignant que la cour d’appel n’avait pas examiné de manière globale la ressemblance entre les signes et la similitude des services.

Cela a conduit à une décision sans base légale, car la cour d’appel n’a pas pris en compte le risque de confusion potentiel pour un consommateur d’attention moyenne.

Quel a été le dispositif de la décision de la Cour de cassation ?

La Cour de cassation a cassé et annulé la décision de la cour d’appel de Lyon, mais seulement en ce qui concerne le rejet des demandes de la société Patr’immo.

Elle a ordonné que l’affaire soit remise dans l’état où elle se trouvait avant l’arrêt contesté et a renvoyé les parties devant une autre composition de la cour d’appel de Lyon.

De plus, la société Recherche Maison & Appartement a été condamnée aux dépens et à verser 3 000 euros à la société Patr’immo en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Cette décision souligne l’importance d’une évaluation approfondie du risque de confusion dans les litiges de propriété intellectuelle.


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