L’Essentiel : L’affaire Palladium illustre les enjeux de la contrefaçon de marque. Selon le code de la propriété intellectuelle, l’usage d’une marque imitée est interdit s’il existe un risque de confusion pour le public. Dans ce cas, la cour a constaté qu’aucune ressemblance phonétique ou conceptuelle n’existait entre les marques « Palladium » et « Yangbokai ». Cependant, une similitude visuelle a été relevée à une distance supérieure à 20 cm, ce qui a conduit à une impression de proximité visuelle. Cette décision a été critiquée pour avoir pris en compte les conditions d’exploitation plutôt que l’enregistrement de la marque.
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La contrefaçon d’une marque ne peut être appréciée qu’au regard des conditions d’exploitation de la marque apposée sur les produits tels qu’ils sont commercialisés et non à celui de la marque semi-figurative telle qu’enregistrée,
Les conditions de la contrefaçon de marqueIl résulte desarticles L. 713-3 et L. 716-1 du code de la propriété intellectuelle qu’est interdit, sauf autorisation du propriétaire, l’usage d’une marque imitée, pour des produits et services identiques ou similaires à ceux désignés dans l’enregistrement, s’il peut en résulter un risque de confusion dans l’esprit du public, et que l’atteinte ainsi portée au droit du propriétaire de la marque constitue une contrefaçon. Le risque de confusionLe risque de confusion entre les deux signes doit s’apprécier globalement, par référence au contenu de l’enregistrement de la marque, sans tenir compte des conditions de son exploitation. Affaire PalladiumPour retenir la contrefaçon de la marque « Palladium » n° 03 3 239 720 par le signe « Yangbokai », l’arrêt (censuré en cassation) a constaté que les signes ne présentaient aucune ressemblance aux plans phonétique et conceptuel, estime qu’au plan visuel, lorsqu’ils sont observés à une distance supérieure à 20 cm, une similitude apparaît entre les inscriptions « Palladium » et « Yangbokai », dont il relève qu’elles sont toutes deux en relief et formées d’une sorte de caoutchouc posé sur un socle de la même couleur, puis procède à la comparaison de chacune des séquences de lettre, pour en déduire une impression visuelle très proche qui, ajoutée à la typogaphie caractéristique de la marque « Palladium », suscite un risque de confusion dans l’esprit du consommateur. COMM. CH.B COUR DE CASSATION Audience publique du 28 juin 2023 Cassation partielle et rectification d’erreur matérielle de l’arrêt attaqué M. VIGNEAU, président Arrêt n° 474 F-D Pourvoi n° Z 22-10.759 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 28 JUIN 2023 1°/ la société Sissi Perla, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 3], 2°/ la société Auberstar, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1], ont formé le pourvoi n° Z 22-10.759 contre l’arrêt n° RG 18/08615 rendu le 25 novembre 2021 par la cour d’appel de Lyon (1re chambre civile A), dans le litige les opposant à la société KSGB Europe, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], venant aux droits de la société Palladium, défenderesse à la cassation. La société KSGB Europe a formé un pourvoi incident contre le même arrêt. Les demanderesses au pourvoi principal invoquent, à l’appui de leur recours, trois moyens de cassation. La demanderesse au pourvoi incident invoque, à l’appui de son recours, deux moyens de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Bessaud, conseiller référendaire, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat des sociétés Sissi Perla et Auberstar, de la SCP Thomas-Raquin, Le Guerer, Bouniol-Brochier, avocat de la société KSGB Europe, après débats en l’audience publique du 16 mai 2023 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Bessaud, conseiller référendaire rapporteur, Mme Darbois, conseiller doyen, et Mme Labat, greffier de chambre, la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l’arrêt attaqué (Lyon, 25 novembre 2021), la société Palladium, aux droits de laquelle se trouve aujourd’hui la société KSGB Europe (la société KSGB), a déposé le 12 février 2003, auprès de l’Institut national de la propriété industrielle (l’INPI), un modèle n° 03 0904-004 de chaussures, commercialisé sous la dénomination « Baggy », de type baskets montantes en toile. 2. Elle a également déposé auprès de l’INPI, le 1er août 2003, la marque semi-figurative « Palladium » sous le numéro 03 3 239 720 pour des « vêtements et chaussures ». 3. Soutenant que les sociétés Sissi Perla et Auberstar commercialisaient des modèles de chaussures reproduisant les caractéristiques de son modèle n° 03 0904-004, avec l’apposition des logos « Palmbeach » et « Yangbokai » contrefaisant la marque « Palladium », la société KSGB les a assignées en contrefaçon de modèle et de marque et en concurrence déloyale et parasitaire. Sur la demande de rectification d’une erreur matérielle Vu l’article 462 du code de procédure civile : 4. A la suite d’une simple erreur matérielle, que la Cour de cassation est en mesure de rectifier au vu des autres énonciations de l’arrêt et des productions, l’arrêt attaqué, dans son dispositif, condamne les sociétés Sissi Perla et Auberstar à payer à la société KSGB la somme provisionnelle de 10 000 euros à valoir sur le préjudice résultant des faits de contrefaçon du modèle n° 03 0904-004, cependant que la cour d’appel avait, dans ses motifs, évalué sans ambiguïté ce préjudice à la somme de 32 000 euros. Sur le premier moyen et le deuxième moyen, pris en sa première branche, du pourvoi principal 5. En application de l’article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n’y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Mais sur le deuxième moyen, pris en sa deuxième branche, de ce pourvoi Enoncé du moyen 6. Les sociétés Sissi Perla et Auberstar font grief à l’arrêt de dire qu’elles se sont rendues coupables de contrefaçon de la marque « Palladium » n° 03 3 239 720 appartenant à la société KSGB, en conséquence de prononcer des mesures d’interdiction, de les condamner in solidum à payer à la société KSGB une provision de 10 000 euros à valoir sur le préjudice résultant des faits de contrefaçon de la marque « Palladium » n° 03 3 239 720 et une provision de 10 000 euros à valoir sur le préjudice résultant des actes de concurrence déloyale et de parasitisme, et d’ordonner la publication judiciaire de l’arrêt, alors « que sont interdits, sauf autorisation du propriétaire, s’il peut en résulter un risque de confusion dans l’esprit du public, l’imitation d’une marque et l’usage d’une marque imitée, pour des produits ou services identiques ou similaires à ceux désignés dans l’enregistrement ; que le risque de confusion doit s’apprécier globalement par référence au contenu des enregistrements de marques, vis-à-vis du consommateur des produits tels que désignés par ces enregistrements et sans tenir compte des conditions d’exploitation des marques ; qu’en l’espèce, la cour d’appel a constaté que la marque Palladium n° 03 3 239 720 se décrivait, sur le plan visuel, par sa composition de neuf lettres, sa structure du logo en forme de losange et sa typographie ; que pour retenir une contrefaçon de la marque « Palladium » n° 03 3 239 720 par le signe « Yangbokai », la cour d’appel a néanmoins estimé que lorsque le signe Yangbokai est observé d’une distance supérieure à 20 cm, comme c’est le cas des chaussures, qu’elles soient portées ou disposées sur les rayonnages ou dans la vitrine d’un magasin, ou encore représentées sur un site internet de vente, une similitude apparaît entre les inscriptions Palladium et Yangbokai, dont il convient de relever qu’elles sont toutes deux en relief et formées d’une sorte de caoutchouc posé sur un socle de la même couleur » ; qu’en se référant ainsi à une similitude des inscriptions quant à leur relief, à leur formation en caoutchouc et à leur socle, autant d’éléments qui ne figuraient pas sur la marque n° 03 3 239 720 telle qu’elle a été enregistrée, mais qui se référaient aux conditions d’exploitation, la cour d’appel a violé les articles L. 713-3 et L. 716-1 du code de la propriété intellectuelle, dans leur rédaction applicable au litige. » Réponse de la Cour Vu les articles L. 713-3 et L. 716-1 du code de la propriété intellectuelle, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2019-1169 du 13 novembre 2019 : 7. Il résulte de la combinaison de ces textes qu’est interdit, sauf autorisation du propriétaire, l’usage d’une marque imitée, pour des produits et services identiques ou similaires à ceux désignés dans l’enregistrement, s’il peut en résulter un risque de confusion dans l’esprit du public, et que l’atteinte ainsi portée au droit du propriétaire de la marque constitue une contrefaçon. 8. Le risque de confusion entre les deux signes doit s’apprécier globalement, par référence au contenu de l’enregistrement de la marque, sans tenir compte des conditions de son exploitation. 9. Pour retenir la contrefaçon de la marque « Palladium » n° 03 3 239 720 par le signe « Yangbokai », l’arrêt, après avoir constaté que les signes ne présentaient aucune ressemblance aux plans phonétique et conceptuel, estime qu’au plan visuel, lorsqu’ils sont observés à une distance supérieure à 20 cm, une similitude apparaît entre les inscriptions « Palladium » et « Yangbokai », dont il relève qu’elles sont toutes deux en relief et formées d’une sorte de caoutchouc posé sur un socle de la même couleur, puis procède à la comparaison de chacune des séquences de lettre, pour en déduire une impression visuelle très proche qui, ajoutée à la typogaphie caractéristique de la marque « Palladium », suscite un risque de confusion dans l’esprit du consommateur. 10. En statuant ainsi, au regard des conditions d’exploitation de la marque apposée sur les produits tels qu’ils sont commercialisés et non à celui de la marque semi-figurative telle qu’enregistrée, la cour d’appel a violé les textes susvisés. Sur le troisième moyen du pourvoi principal, pris en sa première branche Enoncé du moyen 11. Les sociétés Sissi Perla et Auberstar font grief à l’arrêt de les condamner in solidum à payer à la société KSGB une provision de 10 000 euros à valoir sur le préjudice résultant des actes de concurrence déloyale et de parasitisme et d’ordonner la publication judiciaire de l’arrêt, alors « que la concurrence déloyale et le parasitisme ne peuvent pas être retenus sur le fondement d’actes déjà sanctionnés au titre de la contrefaçon ; qu’en l’espèce, pour juger que les sociétés Sissi Perla et Auberstar avaient commis des actes de parasitisme, la cour d’appel s’est bornée à retenir que ces sociétés s’étaient placées dans le sillage de la société KSGB et avaient profité de la forte visibilité du modèle Baggy pour vendre leurs propres produits en bénéficiant de l’image de marque du produit copié, ainsi que des investissements de la société KSGB et de la notoriété de la marque Palladium ; qu’en se déterminant ainsi, sans caractériser d’actes distincts de ceux déjà sanctionnés au titre des contrefaçons de modèle et de marque, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1382, devenu 1240 du code civil. » |
Q/R juridiques soulevées :
Quelles sont les conditions de la contrefaçon de marque ?La contrefaçon de marque est régie par les articles L. 713-3 et L. 716-1 du code de la propriété intellectuelle. Ces articles stipulent qu’il est interdit, sauf autorisation du propriétaire, d’utiliser une marque imitée pour des produits ou services identiques ou similaires à ceux désignés dans l’enregistrement. Cette interdiction s’applique lorsque l’utilisation de la marque imitée peut entraîner un risque de confusion dans l’esprit du public. En d’autres termes, si le public peut être induit en erreur quant à l’origine des produits ou services, cela constitue une contrefaçon. L’atteinte au droit du propriétaire de la marque est alors reconnue. Comment est évalué le risque de confusion ?Le risque de confusion entre deux marques doit être évalué de manière globale. Cela signifie qu’il faut se référer au contenu de l’enregistrement de la marque, sans prendre en compte les conditions spécifiques d’exploitation de la marque. Cette approche vise à protéger le consommateur en s’assurant qu’il ne soit pas trompé par des signes similaires. L’évaluation se fait en tenant compte de divers éléments, tels que la similarité visuelle, phonétique et conceptuelle des marques en question. Qu’est-ce que l’affaire Palladium ?L’affaire Palladium concerne un litige de contrefaçon de marque entre la société KSGB Europe, détentrice de la marque « Palladium », et les sociétés Sissi Perla et Auberstar. La société KSGB a accusé ces dernières de commercialiser des modèles de chaussures qui reproduisent les caractéristiques de son modèle enregistré. Dans cette affaire, la cour d’appel a constaté que les signes « Palladium » et « Yangbokai » ne présentaient pas de ressemblance phonétique ou conceptuelle, mais a relevé une similitude visuelle à une distance supérieure à 20 cm. Cette similitude a été jugée suffisante pour créer un risque de confusion dans l’esprit du consommateur. Quel a été le jugement de la Cour de cassation ?La Cour de cassation a partiellement cassé l’arrêt de la cour d’appel, en soulignant que le risque de confusion devait être évalué uniquement sur la base du contenu de l’enregistrement de la marque, sans tenir compte des conditions d’exploitation. Elle a ainsi rappelé que la cour d’appel avait violé les articles L. 713-3 et L. 716-1 du code de la propriété intellectuelle en se basant sur des éléments d’exploitation pour établir la contrefaçon. La décision a donc été rectifiée pour se conformer à la législation en vigueur. Quelles sont les implications de cette décision pour la concurrence déloyale ?La décision de la Cour de cassation a également des implications pour les accusations de concurrence déloyale et de parasitisme. Les sociétés Sissi Perla et Auberstar ont été condamnées à payer des dommages pour ces actes, mais la cour a souligné que ces actes ne pouvaient pas être fondés sur des éléments déjà sanctionnés au titre de la contrefaçon. Cela signifie que pour qu’une action en concurrence déloyale soit recevable, il doit y avoir des actes distincts de ceux qui ont déjà été jugés comme contrefaçon. Cette distinction est cruciale pour éviter la double sanction pour des faits similaires. |
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