Dans l’affaire opposant la société Imation Europe à Copie France, les juges ont tranché en faveur de Copie France, ce seront près de 14 millions d’euros que devra verser Imation Europe au titre de la redevance pour copie privée.
Application directe des directives
La société Imation ne pouvait pas invoquer l’incompatibilité des décisions n° 1, 2, 5 et 15 de la commission copie privée avec la directive 2001/29/CE que si COPIE FRANCE présentait les caractéristiques d’un organisme étatique énoncées dans l’arrêt FOSTER du 12 juillet 1990 de la Cour de Justice (étant précisé que les données de la question sont différentes pour les décisions 7 et 11 qui ont fait l’objet d’une annulation par le Conseil d’Etat).
La jurisprudence de la Cour de Justice de l’Union Européenne est constante sur le fait qu’une directive ne peut être invoquée dans une instance à l’encontre d’une norme de transposition insatisfaisante ou en l’absence de transposition que dans un litige dans lequel un particulier l’invoque pour faire valoir ses droits à l’encontre de l’Etat, dans un effet couramment appelé vertical par la doctrine.
Dans l’arrêt FOSTER du 12 juillet 1990, la Cour de Justice a étendu cette possibilité à un litige concernant « un organisme, qui quelle que soit sa forme juridique, a été chargé en vertu d’un acte de l’autorité publique d’accomplir, sous le contrôle de cette dernière, un service d’intérêt public et qui dispose à cet effet, de pouvoirs exorbitants par rapport aux règles applicables dans les relations entre particuliers »
En revanche, la directive ne créant pas directement d’obligations dans le chef des particuliers, qu’il soit personne physique ou une personne morale, elle ne peut être invoquée, dans un effet dit « horizontal », dans le cadre d’une instance opposant des particuliers entre eux.
Par ailleurs le principe de primauté du droit communautaire régulièrement rappelé par la Cour de Justice s’il commande au juge de faire une interprétation des textes nationaux applicables conformes à la directive, ne permet pas au juge dans un litige entre particuliers d’écarter la norme nationale au motif qu’elle serait contraire à la directive.
Copie privée : légalité des sanctions pénales
Concernant en particulier les sanctions pénales en cas de défaut de paiement de la redevance pour copie privée, les juges ont rappelé que la société COPIE FRANCE est une société civile dont l’objet principal est de percevoir et répartir la rémunération pour copie privée au profit des auteurs, artistes-interprètes et producteurs de phonogrammes et de vidéogrammes et de leurs ayants droit, de sorte qu’elle est ainsi en charge d’intérêts certes collectifs mais qui demeurent particuliers sans être d’intérêt général ou correspondre à une mission de service public.
Elle est constituée par les sociétés de perception et de répartition des droits des auteurs et des droits des artistes-interprètes et des producteurs de phonogrammes et de vidéogrammes qui représentent les intérêts des ayants-droit.
L’existence d’un cadre légal de la rémunération pour copie privée, avec notamment l’existence d’une sanction pénale en cas de non-paiement, comme il en existe pour de nombreuses activités économiques ou sociales ne suffit pas à conférer à COPIE FRANCE qui constitue un acteur de ce régime dont la situation de monopole résulte de la décision des ayants-droit et non de la loi ou d’une décision de l’Etat, un statut assimilable à un organisme étatique ou para-étatique.
Par ailleurs la loi prévoit que les sociétés de perception et de répartition des droits des auteurs et des droits des artistes-interprètes et des producteurs de phonogrammes et de vidéogrammes, sont des sociétés civiles soumises en conséquence à ce régime de droit commun. Si elles font l’objet d’obligations particulières vis à vis de l’Etat pour garantir la transparence et la légalité de leur fonctionnement, elles ne sont pas placées pour autant sous la tutelle de celui-ci.
L’Etat ne fait pas partie des associés et n’est pas représenté dans la société, et par conséquent ne participe pas aux décisions. Enfin s’il peut agir contre COPIE FRANCE s’il estime que des illégalités sont commises, ce n’est que par le recours à des actions en justice.
La part de 25% des rémunération qui est affectée à « des actions d’aide à la création à la diffusion du spectacle vivant et à des actions de formation des artistes » s’analyse comme une modalité des compensation de l’exception de copie privée au bénéfice des ayants droits, de sorte que si elle peut rejoindre dans ces buts des actions d’intérêt général mené par l’Etat, elle présente une nature différente et ne s’assimile pas à celles-ci. Au demeurant l’utilisation de ces sommes relève des décisions de COPIE FRANCE et non de l’Etat.
Enfin, les agents assermentés visés par l’article L.331-2 du code de la propriété intellectuelle, établissent certes des constat pouvant prouver la matérialité de l’infraction de non-paiement de la rémunération pour copie privée mais ne disposent d’aucun pouvoir exorbitant du droit commun pour les établir. Au demeurant COPIE FRANCE ne dispose d’aucun pouvoir dérogatoire pour faire valoir ses droits et est soumise aux dispositions du droit commun pour saisir la justice que ce soit devant les juridictions pénales ou civiles.
Ainsi au total, COPIE FRANCE n’exerce pas de mission ou de service d’intérêt général mais agit pour le compte d’intérêts privés regroupés collectivement. Dans sa composition comme dans son fonctionnement, elle est autonome de l’Etat et ne dispose pas de pouvoir significatif exorbitant du droit commun.
En conséquence, l’existence d’un contrôle de l’Etat par la voie d’informations obligatoires ou la capacité du Ministre de la culture d’engager des actions judiciaires à son encontre pour faire respecter la légalité des statuts et des décisions, ne suffisent pas à caractériser une emprise de l’Etat telle qu’elle justifierait que COPIE FRANCE soit considérée au sens de la jurisprudence de la Cour de Justice comme un organisme auquel un particulier peut opposer directement une directive européenne. Télécharger (1ère espèce) | Télécharger (2ème espèce) | Télécharger (3ème espèce) |
→ Questions / Réponses juridiques
Quel est le montant que devra verser Imation Europe à Copie France ?Imation Europe devra verser près de 14 millions d’euros à Copie France au titre de la redevance pour copie privée. Cette décision a été prise par les juges dans le cadre d’un litige opposant les deux entités. Cette somme représente une sanction financière significative, soulignant l’importance de la redevance pour copie privée dans le cadre de la protection des droits d’auteur et des intérêts des ayants droit. La redevance pour copie privée est un mécanisme mis en place pour compenser les pertes de revenus des créateurs dues à la reproduction non autorisée de leurs œuvres. Quelles sont les implications des décisions de la commission copie privée ?La société Imation ne pouvait pas contester les décisions n° 1, 2, 5 et 15 de la commission copie privée en invoquant leur incompatibilité avec la directive 2001/29/CE, sauf si Copie France était considérée comme un organisme étatique. Cette condition repose sur les critères établis dans l’arrêt FOSTER de la Cour de Justice de l’Union Européenne, qui précise que pour qu’une directive soit opposable, l’organisme concerné doit avoir été chargé par l’autorité publique d’accomplir un service d’intérêt public. Les décisions 7 et 11, quant à elles, ont été annulées par le Conseil d’État, ce qui montre la complexité et la variabilité des décisions juridiques dans ce domaine. Comment la jurisprudence européenne influence-t-elle les litiges entre particuliers ?La jurisprudence de la Cour de Justice de l’Union Européenne stipule qu’une directive ne peut être invoquée dans un litige entre particuliers que si un particulier cherche à faire valoir ses droits contre l’État. Cela signifie que dans les conflits entre entités privées, comme celui entre Imation et Copie France, les directives ne peuvent pas être utilisées pour contester des normes nationales. Le principe de primauté du droit communautaire impose aux juges d’interpréter les textes nationaux de manière conforme aux directives, mais cela ne leur permet pas d’écarter une norme nationale au profit d’une directive dans un litige entre particuliers. Quel est le rôle de Copie France dans la perception de la redevance pour copie privée ?Copie France est une société civile dont la mission principale est de percevoir et de répartir la rémunération pour copie privée au profit des auteurs, artistes-interprètes et producteurs de phonogrammes et de vidéogrammes. Bien qu’elle gère des intérêts collectifs, ces intérêts restent particuliers et ne relèvent pas d’une mission de service public. Elle est constituée de sociétés représentant les droits des auteurs et des artistes, ce qui lui confère un rôle central dans la gestion des droits d’auteur, mais ne lui attribue pas le statut d’organisme étatique. Quelles sont les limites des pouvoirs de Copie France ?Malgré l’existence d’un cadre légal pour la rémunération pour copie privée, Copie France ne peut pas être considérée comme un organisme étatique. Son statut découle de la décision des ayants droit et non d’une loi ou d’une décision de l’État. Les sociétés de perception et de répartition des droits sont soumises à un régime de droit commun et, bien qu’elles aient des obligations envers l’État, elles ne sont pas sous sa tutelle. L’État n’est pas associé à Copie France et ne participe pas à ses décisions, ce qui renforce son autonomie par rapport à l’État. Comment les sanctions pénales sont-elles justifiées dans ce contexte ?Les sanctions pénales pour défaut de paiement de la redevance pour copie privée sont justifiées par l’existence d’un cadre légal, mais cela ne confère pas à Copie France un statut d’organisme public. Les agents assermentés peuvent établir des constats de non-paiement, mais ils n’ont pas de pouvoirs exorbitants du droit commun. Copie France doit agir dans le cadre du droit commun pour faire valoir ses droits, que ce soit devant les juridictions pénales ou civiles. Ainsi, bien que des sanctions existent, elles ne traduisent pas une mission d’intérêt général, mais plutôt la gestion d’intérêts privés regroupés collectivement. |
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