En application de l’article L. 323-6 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue de la loi n° 2017-1594 du 20 décembre 2010, applicable à la date des faits, rendu applicable aux indemnités journalières au titre des accidents du travail et des maladies professionnelles par le dernier alinéa de l’article L. 433-1, le service de l’indemnité journalière est subordonné à l’obligation pour le bénéficiaire de s’abstenir de toute activité non autorisée. En cas d’inobservation volontaire des obligations mises à sa charge, le bénéficiaire restitue à la caisse les indemnités versées correspondantes. En outre, si l’activité non autorisée a donné lieu à une rémunération, à des revenus professionnels ou à des gains, il peut être prononcé une sanction financière dans les conditions prévues à l’article L. 162-1-14.
En cas de recours formé contre les décisions de la caisse, la juridiction contrôle l’adéquation du montant de la sanction prononcée par la caisse à l’importance de l’infraction commise par l’assuré. Il appartient en conséquence à l’assuré qui a exercé une activité pendant la période de perception des indemnités journalières de démontrer que celle-ci avait été autorisée par son médecin traitant. N° RG 20/03377 – N° Portalis DBV2-V-B7E-ISVC COUR D’APPEL DE ROUEN CHAMBRE SOCIALE ET DES AFFAIRES DE SECURITE SOCIALE ARRET DU 05 MAI 2023 DÉCISION DÉFÉRÉE : 17/659 Jugement du POLE SOCIAL DU TJ D’EVREUX du 17 Septembre 2020 APPELANTE : CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DE L’EURE [Adresse 1] [Localité 2] représenté par Me François LEGENDRE, avocat au barreau de ROUEN INTIME : Monsieur [V] [Y] [Adresse 4] [Localité 3] représenté par Me Matthieu ROUSSINEAU, avocat au barreau de ROUEN COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions de l’article 945-1 du Code de procédure civile, l’affaire a été plaidée et débattue à l’audience du 08 Mars 2023 sans opposition des parties devant Madame ROGER-MINNE, Conseillère, magistrat chargé d’instruire l’affaire. Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de : Madame BIDEAULT, Présidente Madame ROGER-MINNE, Conseillère Madame DE BRIER, Conseillère GREFFIER LORS DES DEBATS : M. CABRELLI, Greffier DEBATS : A l’audience publique du 08 Mars 2023, où l’affaire a été mise en délibéré au 05 Mai 2023 ARRET : CONTRADICTOIRE Prononcé le 05 Mai 2023, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile, signé par Madame BIDEAULT, Présidente et par M. CABRELLI, Greffier. * * * EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE M. [V] [Y] a été placé en arrêt de travail du 16 septembre 2014 au 17 février 2017 au titre d’un accident du travail du 16 septembre 2014. À la suite d’un contrôle diligenté par la cellule de lutte contre la fraude de la caisse primaire d’assurance-maladie de l’Eure (la caisse), celle-ci lui a notifié, le 7 avril 2007, un indu d’indemnités journalières réglées du 27 octobre 2014 au 16 décembre 2016, pour un montant de 9846,76 euros, au motif qu’il avait poursuivi une activité sur cette période au sein du club de pétanque de [Localité 3], en participant à des compétitions sportives puis en tant que président. M. [Y] a saisi la commission de recours amiable de la caisse en contestation de l’indu. Il a ensuite saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale d’Evreux d’une contestation de la décision implicite de rejet de la commission. Cette dernière a rejeté sa demande, explicitement, le 19 décembre 2018. L’affaire a été transmise au tribunal de grande instance d’Évreux, devenu tribunal judiciaire, qui, par jugement du 17 septembre 2020, a: – constaté la prescription des indemnités journalières perçues entre le 27octobre 2014 et le 7 avril 2015, – déclaré indues les indemnités journalières perçues à compter du 7 avril 2015, – débouté la caisse de sa demande de condamnation à hauteur de 9846,76 euros au titre de l’indu d’indemnités journalières du 27octobre 2014 au 16 décembre 2016, – dit n’y avoir lieu à condamnation sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et que chacune des parties conserverait la charge des dépens nés après le 1er janvier 2019. La caisse a relevé appel de cette décision le 16 octobre 2020. EXPOSÉ DES PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES Par conclusions remises le 6 mars 2023, soutenues et modifiées oralement à l’audience, elle demande à la cour de: – lui donner acte de ce qu’elle accepte le jugement s’agissant de la prescription, – infirmer le jugement en ce qu’il l’a déboutée de sa demande de condamnation au titre de l’indu d’indemnités journalières, – confirmer sa décision notifiant un indu d’indemnités journalières et la décision de la commission de recours amiable, – condamner M. [Y] à lui payer la somme de 9591 euros, après déduction des indemnités journalières prescrites, – le condamner aux dépens nés après le 1er janvier 2019. Elle fait valoir que l’intimé a continué à assurer une activité pendant son arrêt de travail sans autorisation préalable de son médecin et soutient que le certificat médical du 16 février 2016 a été établi par son médecin pour le besoin de sa licence sportive annuelle sans lien avec l’arrêt de travail, de sorte qu’il ne peut constituer l’autorisation requise pour pratiquer une activité sportive et encore moins s’agissant de la présidence de l’association. Elle précise que seules les prolongations de l’arrêt de travail pendant lesquelles une activité a été prouvée ont fait l’objet de l’indu. Par conclusions remises le 3 janvier 2023, soutenues oralement à l’audience, M. [Y] demande à la cour de: – confirmer le jugement s’agissant de la prescription, – l’infirmer en ce qu’il a déclaré indues les indemnités journalières perçues à compter du 7 avril 2015, – le confirmer à titre subsidiaire en ce qu’il a retenu qu’il ne s’était pas volontairement abstenu de respecter les dispositions de l’article L. 323-6 du code de la sécurité sociale, – en tout état de cause, confirmer le jugement en ce qu’il a débouté la caisse de sa demande en paiement de l’indu, – annuler la décision du service de lutte contre les fraudes et les pratiques fautives et abusives de la caisse du 7 avril 2017, la décision implicite et la décision explicite de rejet de la commission de recours amiable, – infirmer le jugement en ce qu’il a dit qu’il n’y avait pas lieu à condamnation sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et condamner la caisse à lui payer une somme de 3000 euros sur ce fondement. Il soutient que sa participation à des compétitions de pétanque et à des assemblées générales du club constitue un loisir qui avait été expressément autorisé par son médecin traitant; que si les pathologies déclarées dans le cadre de son accident du travail, notamment des lombalgies, l’empêchaient de reprendre ses fonctions de réparateur de chaudière industrielle, impliquant le port de charges lourdes, la pratique de la pétanque dans le cadre de ses loisirs n’a jamais été contre-indiquée, son médecin l’ayant d’ailleurs toujours incité à garder son activité y compris dans le cadre de compétitions; que la caisse publie d’ailleurs elle-même sur son site Internet des articles pour promouvoir le sport en cas de mal de dos et de lombalgies. Il considère qu’aucune disposition légale ou réglementaire ne prévoit la forme que doit prendre l’autorisation du médecin et fait observer que c’est pendant son arrêt de travail que les certificats médicaux l’autorisant à pratiquer la pétanque ont été délivrés. Il ajoute que c’est dans le respect des sorties autorisées par le médecin traitant qu’il s’est rendu aux assemblées générales de son club en y participant de manière bénévole. Subsidiairement, il fait valoir qu’il a déduit légitimement des certificats remis pour obtenir sa licence que son activité de loisir avait été autorisée, ce dont il résulte que le caractère volontaire exigé par l’article L. 323-6 du code de la sécurité sociale fait défaut. Il est renvoyé aux conclusions des parties pour l’exposé détaillé de leurs moyens. MOTIFS DE LA DÉCISION 1. Sur l’indu réclamé En application de l’article L. 323-6 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue de la loi n° 2017-1594 du 20 décembre 2010, applicable à la date des faits, rendu applicable aux indemnités journalières au titre des accidents du travail et des maladies professionnelles par le dernier alinéa de l’article L. 433-1, le service de l’indemnité journalière est subordonné à l’obligation pour le bénéficiaire de s’abstenir de toute activité non autorisée. En cas d’inobservation volontaire des obligations mises à sa charge, le bénéficiaire restitue à la caisse les indemnités versées correspondantes. En outre, si l’activité non autorisée a donné lieu à une rémunération, à des revenus professionnels ou à des gains, il peut être prononcé une sanction financière dans les conditions prévues à l’article L. 162-1-14. En cas de recours formé contre les décisions de la caisse, la juridiction contrôle l’adéquation du montant de la sanction prononcée par la caisse à l’importance de l’infraction commise par l’assuré. Il appartient en conséquence à l’assuré qui a exercé une activité pendant la période de perception des indemnités journalières de démontrer que celle-ci avait été autorisée par son médecin traitant. M. [Y] ne conteste pas avoir exercé son rôle de président de l’association et participé à des compétitions sportives aux dates précisées par la caisse, entre le 30 mai 2015 et le 10 décembre 2016. C’est à juste titre que le tribunal a retenu, d’une part, que le fait d’autoriser des sorties libres ne constituait pas l’autorisation requise et, d’autre part, que si les certificats médicaux des 9 janvier 2015 et 16 février 2016, mentionnant que l’état de santé de M.[Y] ne présentait aucune contre-indication à la pratique de la pétanque y compris en compétition, ils ne sauraient néanmoins s’analyser en une autorisation expresse d’exercer une activité pendant l’arrêt de travail. Il en résulte que l’assuré ne rapporte pas la preuve d’une autorisation préalable à la pratique de la pétanque et à la présidence de son club, de sorte qu’il n’a pas observé l’obligation mise à sa charge par l’article L. 323-6 du code de la sécurité sociale. Or, contrairement à ce que jugé le tribunal, il ne peut être retenu qu’il s’est involontairement abstenu de respecter son obligation, à défaut d’établir par exemple qu’il se trouvait dans une situation de force majeure. Ainsi, la caisse est en droit d’obtenir la restitution des indemnités journalières indues. Cependant, au regard du nombre de manquements sur la période, soit 14 en 20 mois, de la bonne foi de M. [Y] qui a pu légitimement se croire autorisé à l’exercice de ses activités par son médecin et du fait que lesdites activités n’étaient pas de nature à aggraver son état de santé ayant justifié les arrêts de travail, il convient de limiter à la somme de 2000 euros le montant des indemnités journalières à rembourser à la caisse. 2. Sur les frais du procès Compte tenu de la solution du litige, il y a lieu de condamner M.[Y] aux dépens d’appel et de le débouter de sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile. PAR CES MOTIFS LA COUR Statuant publiquement, par décision contradictoire et en dernier ressort Confirme le jugement du tribunal judiciaire d’Évreux du 17 septembre 2020sauf en ce qu’il a débouté la caisse primaire d’assurance-maladie de l’Eure de sa demande de condamnation de M. [V] [Y] au titre de l’indu; Statuant à nouveau de ce chef et y ajoutant: Condamne M. [Y] à payer à la caisse la somme de 2000 euros au titre de l’indu d’indemnités journalières du 8 avril 2015 au 10 décembre 2016; Déboute la caisse du surplus de ses demandes; Condamne M. [Y] aux dépens d’appel; Le déboute de sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile. Le greffier La présidente |
→ Questions / Réponses juridiques
Qu’est-ce que le prêt de main-d’œuvre illicite ?Le prêt de main-d’œuvre illicite est défini par l’article L. 8241-1 du Code du travail comme toute opération à but lucratif ayant pour objet exclusif le prêt de main-d’œuvre. Ce type de prêt est prohibé, sauf dans certaines exceptions, notamment celles liées au travail temporaire ou à des activités spécifiques comme les agences de mannequins. Les dispositions légales précisent que le prêt de main-d’œuvre n’est pas autorisé lorsqu’il est effectué à titre lucratif. Cela signifie que si une entreprise prête des employés à une autre entreprise dans un but de profit, cela constitue une infraction. Les exceptions incluent les opérations réalisées dans le cadre du travail temporaire ou d’autres activités réglementées. Quelles sont les conséquences du délit de marchandage ?Le délit de marchandage, prohibé par l’article L. 8231-1 du Code du travail, est défini comme toute opération à but lucratif de fourniture de main-d’œuvre qui cause un préjudice au salarié ou qui élude l’application de dispositions légales ou d’accords collectifs. Ce délit vise à protéger les droits des travailleurs en interdisant les pratiques qui pourraient nuire à leur situation. Les conséquences de ce délit peuvent inclure des sanctions pour l’employeur, qui peut être tenu responsable de dommages-intérêts envers le salarié. Cela vise à dissuader les entreprises de recourir à des pratiques qui exploitent les travailleurs ou contournent les protections légales en place. Comment la preuve de lucrativité est-elle établie dans le cadre d’un prêt de main-d’œuvre ?La preuve de lucrativité dans le cadre d’un prêt de main-d’œuvre illicite incombe au salarié. Cela signifie que c’est à lui de démontrer que l’opération de prêt de main-d’œuvre a été effectuée dans un but lucratif et qu’elle a causé un préjudice. Dans une affaire récente, un salarié a tenté de prouver que les pratiques de son employeur constituaient un prêt de main-d’œuvre illicite, mais il n’a pas réussi à établir le caractère lucratif de l’opération ni le préjudice subi. En l’absence de preuves suffisantes, sa demande a été rejetée, soulignant l’importance de la charge de la preuve dans ce type de litige. Quelles sont les exceptions au prêt de main-d’œuvre illicite ?Les exceptions au prêt de main-d’œuvre illicite sont clairement définies dans le Code du travail. Les opérations qui ne sont pas considérées comme illicites incluent celles réalisées dans le cadre du travail temporaire, des entreprises de travail à temps partagé, et des agences de mannequins, à condition que ces dernières soient titulaires d’une licence appropriée. De plus, les dispositions de l’article L222-3 du code du sport, qui concernent les associations ou sociétés sportives, sont également exemptées de cette interdiction. Ces exceptions visent à encadrer des pratiques spécifiques qui sont jugées nécessaires et bénéfiques dans certains secteurs d’activité. Quelles sont les implications d’une requalification de contrat de travail ?La requalification d’un contrat de travail, par exemple d’un CDD en CDI, a des implications significatives pour le salarié. Cela peut lui donner droit à des protections supplémentaires, telles que la sécurité de l’emploi, des indemnités de licenciement, et d’autres droits liés à un contrat à durée indéterminée. Dans le cas de Monsieur [M], la requalification a été demandée en raison de l’irrégularité des contrats signés. La cour a statué que l’absence de formalisation des contrats pouvait justifier cette requalification, ce qui a des conséquences sur les droits du salarié, notamment en matière d’indemnités et de conditions de travail. Comment se déroule la procédure en cas de litige sur le prêt de main-d’œuvre ?En cas de litige concernant le prêt de main-d’œuvre, le salarié peut saisir le conseil de prud’hommes. Ce tribunal est compétent pour traiter les conflits liés au droit du travail, y compris les questions de requalification de contrat et de prêt de main-d’œuvre illicite. Le salarié doit présenter des preuves pour soutenir sa demande, notamment en ce qui concerne le caractère lucratif de l’opération et le préjudice subi. Les décisions rendues par le conseil de prud’hommes peuvent être contestées en appel, comme cela a été le cas dans l’affaire de Monsieur [M], où plusieurs demandes ont été examinées par la cour d’appel. |
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