L’Essentiel : Dans une affaire de contrefaçon de modèles, le tribunal a condamné les sociétés Eeears et Eeears développement à une amende civile de 2 000 euros pour procédure abusive. Les demandeurs, qui accusaient la société 360 Design de contrefaçon, ont vu leurs demandes rejetées, le juge considérant qu’elles étaient manifestement dépourvues de sérieux. En maintenant leurs actions malgré des réponses argumentées, ils ont causé une perturbation significative à la défenderesse, une petite entreprise, qui a dû gérer le risque d’un arrêt complet de son activité pendant plus de deux ans. Le tribunal a également accordé 10 000 euros de dommages-intérêts à 360 Design.
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Toute action abusive sur le terrain de la contrefaçon de dessin et modèle (vouée à l’échec) est sanctionnable par une amende civile.
En la cause, les demandeurs ont été condamnés in solidum à payer au défendeur une amende civile de 2 000 euros mais aussi à l’indemniser du préjudice tenant à la perturbation inévitable de son activité, s’agissant d’une petite entreprise venant de lancer son produit confrontée à un procès visant à lui interdire complètement la poursuite de son activité (10 000 euros). En application de l’article 32-1 du code de procédure civile, celui qui agit en justice de manière dilatoire ou abusive peut être condamné à une amende civile d’un maximum de 10 000 euros, sans préjudice des dommages-intérêts qui seraient réclamés. Le droit d’agir en justice dégénère en abus lorsqu’il est exercé en connaissance de l’absence totale de mérite de l’action engagée, ou par une légèreté inexcusable, obligeant l’autre partie à se défendre contre une action ou un moyen que rien ne justifie sinon la volonté d’obtenir ce que l’on sait indu, une intention de nuire, ou l’indifférence aux conséquences de sa légèreté. En l’espèce, les demandes fondées sur les marques et le modèle étaient manifestement dépourvues de sérieux, reposant seulement, en définitive, sur la critique de ressemblances génériques que le droit des marques et le droit des modèles visent précisément à laisser libres et ignorant les divergences pertinentes, ce que les demandeurs, assistés d’un professionnel du droit, ne pouvaient plus ignorer après la réponse apportée par la défenderesse. Si l’animosité résultant des relations passées entre les personnes physiques concernées peut expliquer en partie la légèreté de la première mise en demeure, elle n’excuse en rien l’introduction de la procédure puis son maintien après avoir reçu des réponses argumentées en fait et en droit. En maintenant pourtant leurs demandes en contrefaçon, M. [F] et la société Eeears développement ont imposé à la défenderesse de gérer pendant plus de deux ans le risque, que l’aléa judiciaire l’empêchait d’écarter, d’un arrêt complet de son activité, et ont imposé à l’autorité judiciaire de consacrer à cette affaire des ressources qui auraient dû pouvoir être allouées aux autres procès. Le fait que, par ailleurs, les demandes en concurrence déloyales reposent simplement sur une erreur d’analyse mais pas sur une légèreté fautive ou une intention malveillante est indifférent dans la caractérisation de l’abus de procédure, dès lors que ces demandes n’étaient susceptibles de fonder qu’une réparation modique et une interdiction de certaines modalités de communication mais pas l’interdiction complète du produit de la défenderesse, laquelle ne reposait que sur l’allégation abusive du risque de confusion avec les marques et de contrefaçon du modèle. Résumé de l’affaire : Les sociétés Eeears et Eeears développement, dirigées par M. [C] [F] [I], accusent la société 360 Design and product de contrefaçon de leurs marques de nettoyeurs d’oreille en silicone, notamment sous les marques « Eeears » et « Ears360 ». Elles allèguent que 360 Design utilise des signes similaires, contrefait leur marque tridimensionnelle et leur modèle communautaire, et adopte une communication commerciale déloyale. M. [F] détient plusieurs marques de l’Union européenne et un modèle enregistré, et après une mise en demeure infructueuse, il a assigné 360 Design en justice. Le juge a déclaré la société Eeears irrecevable dans ses demandes de contrefaçon et a rejeté ses demandes d’interdiction provisoire. Les sociétés Eeears réclament des dommages-intérêts et des mesures d’interdiction, tandis que 360 Design conteste les accusations et demande des dommages pour procédure abusive. Le tribunal a finalement rejeté les demandes des sociétés Eeears, condamnant celles-ci à verser des dommages-intérêts à 360 Design pour procédure abusive et à une amende civile.
REPUBLIQUE FRANÇAISE 13 septembre 2024
Tribunal judiciaire de Paris RG n° 21/08936 TRIBUNAL
JUDICIAIRE DE PARIS ■ 3ème chambre N° RG 21/08936 N° MINUTE : Assignation du : JUGEMENT Monsieur [C] [F] [I] S.A.S.U. EEEARS DEVELOPPEMENT S.A.S. EEEARS représentés par Maître Aurélie BUISSON, avocat au barreau de PARIS, avocat postulant, vestiaire #K0050 et par Maître Thomas LANGE de la SELAS FIDAL, avocat au barreau de REIMS, avocat plaidant. DÉFENDERESSE S.A.S.U. 360 DESIGN AND PRODUCT représentée par Maître Loïc LEMERCIER de DENTONS EUROPE AARPI, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #P372 Copies éxécutoires délivrées le : Décision du 13 Septembre 2024 COMPOSITION DU TRIBUNAL Madame Irène BENAC, Vice-Présidente assistés de Monsieur Quentin CURABET, Greffier DEBATS A l’audience du 08 Février 2024 tenue en audience publique avis a été donné aux parties que le jugement serait rendu par mise à disposition au greffe le 24 Mai 2024 puis prorogé en dernier lieu au 13 Septembre 2024. JUGEMENT Prononcé publiquement par mise à dipsosition au greffe EXPOSÉ DU LITIGE
Les sociétés Eeears et Eeears développement (ensemble, les sociétés Eeears), dirigées par M. [C] [F] [I] (M. [F]), exposent commercialiser des nettoyeurs d’oreille en silicone sous 3 marques « Eeears », et tous trois reprochent à la société 360 Design and product (la société 360 Design) de commercialiser elle-même des nettoyeurs d’oreille en silicone, sous des signes verbal et figuratifs « Ears360 » qui seraient la contrefaçon des 2 marques verbale et figurative Eeears, et sous une forme qui serait d’une part la contrefaçon de la marque tridimensionnelle correspondant à la forme de leur produit, d’autre part la contrefaçon d’un modèle communautaire enregistré. Ils lui reprochent également d’utiliser le signe Ears360 en tant que dénomination, d’utiliser des couleurs proches des leurs et d’avoir copié leurs « assortiments » ainsi que leur communication commerciale, ce qu’ils qualifient de comportement déloyal et parasitaire. M. [F] est titulaire des trois marques de l’Union européenne suivantes, enregistrées pour désigner divers produits en classes 3, 5 et 10, et notamment des cure-oreilles : – la marque figurative eeears, numéro 17 604 695, déposée le 15 décembre 2017 et enregistrée le 25 avril 2018, correspondant aux minuscules d’imprimerie eeears à ceci près que les trois e sont légèrement pivotés en sens anti-horaire et s’englobent partiellement les uns les autres, et que l’intérieur du a est plein avec un signe ‘+’ blanc en son centre : – la marque tridimensionnelle eeears, numéro 17 604 687, déposée le 15 décembre 2017 et enregistrée le 11 mai 2018, sous une représentation visuelle « dynamique » et des représentations graphiques dont la plus claire est la suivante : Enfin, il est titulaire d’un dessin ou modèle communautaire numéro 4549400-0001, déposé le 15 décembre 2017 (et enregistré le 19), dans le domaine des bâtonnets ouatés et des instruments médicaux pour nettoyer les oreilles, visuellement identique à la marque tridimensionnelle. M. [F] et les sociétés Eeears, dans leurs dernières conclusions (14 avril 2023), demandent la condamnation de la société 360 Design à payer, à M. [F] et la société Eeears développement, 75 000 euros chacun en réparation de la contrefaçon des marques et du modèle, aux deux sociétés Eeears, 50 000 euros chacune en réparation de la concurrence déloyale et parasitaire, des mesures d’interdiction, de destruction, de transfert à la société Eeears développement du nom de domaine , de suppression de contenu sur Internet, le tout sous astreintes, de publication, enfin la condamnation de la défenderesse à leur payer 7 500 euros à chacun (soit 22 500 euros au total), outre les dépens « en ce compris les honoraires » d’un constat d’huissier. Moyens des parties Sur la contrefaçon de marques, les demandeurs font valoir l’identité des produits en cause et la similitude des signes, soulignant que l’attention du public se focalise en général sur les éléments verbaux au sein d’une marque semi-figurative, qu’au-delà du suffixe 360 peu distinctif et du préfixe « ee », ils ont en commun l’élément central « ears », au pluriel, que ces signes se prononceront de manière identique, que le public sait que cela veut dire « oreilles », de sorte que les signes, similaires aux plans visuels et phonétiques, sont identiques au plan conceptuel. Ils font valoir en particulier que dans l’un des signes litigieux, le 0 de « ears360 » est stylisé en spirale, qui correspond à la forme de l’embout du nettoyeur d’oreille de la défenderesse, de la même manière que la marque figurative représente la forme de l’embout (une croix) dans le plein de la lettre a. Ils ajoutent que les signes sont, comme les marques, rédigés en lettres minuscules, qui confèrent au terme « ears » un caractère distinctif, que récemment la défenderesse a en outre adopté un nouveau signe « ears360 » calligraphié différemment qui se rapproche encore davantage de la marque figurative avec un e dont la barre horizontale est oblique qui est un des éléments caractéristiques de la marque. Ils ajoutent que M. [M], dirigeant de la société 360 Design, connaissaient M. [F], l’avait accompagné à des salons et avait même participé à hauteur de 2 000 euros au financement des produits Eeears sur la plate-forme de financement participatif Kickstarter.com puis qu’il a ensuite promu son propre produit Ears360 sur cette même plateforme en reprenant la même présentation (le produit sortant d’un sac gris sombre, le produit tenu dans la main, un message indiquant qu’il est lavable à l’eau et qu’il nettoie l’oreille à 360°) ; que M. [F] a présenté le produit Eeears au concours Lépine 2019 puis que M. [M] y a également participé pour son produit en 2021. En réponse, la société 360 Design soutient notamment que l’impression d’ensemble des signes litigieux et marques en cause est suffisamment distincte pour exclure tout risque de confusion, que le public compare les marques comme un tout sans les « décortiquer » artificiellement, que l’élément commun « ears » se trouve d’un côté en début, de l’autre en fin de signe, que l’usage d’un ‘e’ avec une barre oblique ne peut être isolé de l’ensemble du signe et est au demeurant fréquent ; que le produit est encore très différent de la marque tridimensionnelle avec des formes et des dimensions différentes, que le public des produits de la classe 5 est d’un niveau d’attention élevé. MOTIVATION
I . Demandes en contrefaçon de marques Le droit conféré par les marques de l’Union européenne est prévu par le règlement 2017/1001, à son article 9, ce dernier étant ainsi rédigé : 2. Sans préjudice des droits des titulaires acquis avant la date de dépôt ou la date de priorité d’une marque de l’Union européenne, le titulaire de cette marque de l’Union européenne est habilité à interdire à tout tiers, en l’absence de son consentement, de faire usage dans la vie des affaires d’un signe pour des produits ou services lorsque : a) ce signe est identique à la marque de l’Union européenne et est utilisé pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels la marque de l’Union européenne est enregistrée ; b) ce signe est identique ou similaire à la marque de l’Union européenne et est utilisé pour des produits ou services identiques ou similaires aux produits ou services pour lesquels la marque de l’Union européenne est enregistrée, s’il existe un risque de confusion dans l’esprit du public; le risque de confusion comprend le risque d’association entre le signe et la marque ; (…) » Constitue un risque de confusion le risque que le public puisse croire que les produits ou les services en cause proviennent de la même entreprise ou, le cas échéant, d’entreprises liées économiquement. Il doit être apprécié globalement, en tenant compte de tous les facteurs pertinents, qui sont interdépendants, dont le degré de similitude entre les produits ou services et les signes en cause, la connaissance de la marque sur le marché, mais aussi le degré de distinctivité de cette marque, le risque de confusion étant d’autant plus grand que celle-ci est plus distinctive, et inversement (voir par exemple CJUE 11 juin 2020, China construction bank, C-115/19 P, points 54 et 55, CJUE, 18 juin 2020, Primart, C-702/18 P, point 51 et jurisprudence citée, notamment CJCE, 29 septembre 1998, Lloyd Schuhfabrik, C-342-97, points 19 et 20, CJCE 11 novembre 1997, Sabel, C-251/95, point 22). La marque verbale « Eeears » et la marque figurative n’ont en commun avec ces signes que la présence d’un élément « ears » dont les demandeurs soulignent eux-mêmes que le public pertinent comprend qu’il veut dire oreilles. Les produits en cause étant des cure-oreilles, cet élément désigne la destination du produit et est donc dépourvu de tout caractère distinctif, de sorte qu’il ne peut pas entrainer de risque de confusion. S’agissant de l’inclinaison du ‘e’ dans le nouveau signe ears360, le seul fait que les 3 ‘e’ de la marque soient également inclinés est très loin de suffire à caractériser un risque de confusion. De même, la similitude de procédé tenant à l’évocation de la forme de l’embout du produit dans le signe (un + dans la marque figurative eeears, un tourbillon à la place du 0 dans l’un des signes litigieux) est trop indirecte pour être perçue comme une ressemblance entre ce signe et la marque. La marque tridimensionnelle en cause représente la forme du produit. Or, dans un tel cas, seule une marque qui, de manière significative, diverge de la norme ou des habitudes du secteur et est, de ce fait, susceptible de remplir sa fonction essentielle d’origine, n’est pas dépourvue de caractère distinctif (CJUE, 12 février 2004, Henkel, C-218/01, point 49 ; plus récemment, CJUE, 12 décembre 2019, Wajos, C-783/18, point 24). Le produit dont la marque reproduit la forme est constitué d’un manche à peu près conique et d’un embout cruciforme destiné à entrer et tourner dans l’oreille. Ces éléments ne divergent pas de la norme pour un cure-oreille et ne sont donc pas distinctifs. Seule la reprise de la marque figurative Eeears sur le côté du manche est distinctive. Or cet élément n’apparait pas sur le produit litigieux. La forme de ce produit ne crée donc aucun risque de confusion avec cette marque. II . Demandes en contrefaçon de modèle La protection conférée par un dessin ou modèle communautaire est régie par l’article 10 du règlement 6/2002, selon lequel cette protection s’étend à tout dessin ou modèle qui ne produit pas sur l’utilisateur averti une impression visuelle globale différente, son étendue devant être appréciée en tenant compte du degré de liberté du créateur dans l’élaboration du dessin ou modèle. Au cas présent, le produit litigieux (reproduit ci-dessus) n’a pas la même forme de manche ni la même forme d’embout que le modèle, pas plus que la même inscription sur le côté du manche. Les seuls éléments communs ne sont en définitive que le principe d’un embout entrant dans l’oreille, le principe d’un manche pouvant être tenu par les doigts, celui de l’apposition de la marque sur le côté du manche et la taille relativement réduite de ce manche. Ces seules similitudes, dont la généralité confine au concept et dont les deux premières sont au demeurant exclusivement imposées par la fonction technique (nettoyer l’oreille, être tenu par la main), ne peuvent déterminer un caractère individuel et donc une impression visuelle. Le produit litigieux, qui diffère très nettement du modèle dans la déclinaison concrète de ces principes généraux (l’embout est un cône fileté ou, autrement formulé, une mèche spiralée, tandis que le manche est convexe et non conique) ne produit manifestement pas la même impression visuelle que le modèle. III . Demandes en concurrence déloyale et parasitaire La concurrence déloyale, fondée sur le principe général de responsabilité civile édicté par l’article 1240 du code civil, consiste en des agissements s’écartant des règles générales de loyauté et de probité professionnelle applicables dans la vie des affaires tels que ceux créant un risque de confusion avec les produits ou services offerts par un autre. L’appréciation de la faute doit résulter d’une approche concrète et circonstanciée des faits. – les images en cause montrant le cure-oreille posé sur un amas de cotons-tiges sont très différentes l’une de l’autre, celle de la demanderesse montrant le produit sur un ensemble de cotons-tiges en désordre, sur une très faible épaisseur, sur une surface plane, et occupant les deux tiers hauts de l’image, le produit au centre et la marque puis le message en anglais juste en-dessous, tandis que dans l’image litigieuse les cotons-tiges forment un amas s’élevant très haut, le sol n’est pas visible, le produit, certes au centre, est ainsi comme porté par les cotons-tiges, et la marque avec le message en anglais est tout en haut de l’image, le message en anglais étant, enfin, très différent (« nettoyeur d’oreille réutilisable » dans un cas, « la meilleure façon de nettoyer vos oreilles » dans l’autre) ; quant au fait d’utiliser la langue anglaise, particulièrement banal, il n’est pas sérieux d’en faire un élément litigieux ; – le paquet de cigarette, dans les deux cas, est également très différent : dans l’image de la demanderesse, les cotons-tiges sont bien rangés, deux têtes seulement dépassant des autres, le paquet est marron avec, sur sa moitié supérieure, une partie de la photographie de l’hippocampe, et sur sa moitié inférieure, en petits caractères, « cotton buds » (cotons-tiges), tandis que le paquet de cigarette dans la communication litigieuse montre les cotons-tiges désordonnés, beaucoup à moitié sortis de la boite, dont la face avant est occupée, dans sa moitié supérieure, par une photographie d’un sol sombre ressemblant à du sable sur lequel est écrit en capitales « help » (à l’aide) et, dans sa moitié inférieure, en noir sur blanc encadré de noir, « plastic kills » (le plastique tue) ; – la photographie de l’hippocampe est utilisée en entier, seule, par la défenderesse, avec pour commentaire, en Anglais, « Nous devons nous occuper de notre planète et de nos océans ! Utilisez des produits réutilisables ! » tandis que la demanderesse avait utilisé cette image, dont il est constant qu’elle émane d’un tiers, à deux reprises, la première, recadrée, intégrée au paquet de cigarettes, la seconde dans une publication en combinaison avec une image de son produit et une image parodique commentée (un « mème ») montrant un homme assis entre deux statues, leur parlant, avec comme légende, en Anglais, « il ne me croit pas… Mais je lui ai dit, l’idée vient de l’hippocampe » ; il s’agit donc seulement de la reprise de la même photographie célèbre et sur laquelle aucune des partie de détient d’exclusivité, dans un cadre et d’une façon différents ; – l’infographie sur les déchets plastiques est, elle aussi, très différente et est issue de créations indépendantes (l’une montre une photographie de bouteille en train de se décomposer dans l’eau et des images de déchets plastiques, dont aucun coton-tige au demeurant, avec leur durée de vie, l’autre montre, dessinés, des déchets plastiques en indiquant leur importance relative dans les cours d’eau européens ; au demeurant, chacune de ces deux images porte le logo d’organismes tiers qui, à l’évidence, en sont les créateurs respectifs ; – l’image du produit devant un monument est, pour chaque partie, très différente, montrant un monument différent, sous un éclairage différent et des messages différents (la tour Eiffel sous un ciel bleu et la promotion d’une campagne de financement participatif sur Kisskissbankbank pour la défenderesse, une église londonienne sous un ciel gris pour promouvoir le produit au Royaume-Uni dans le cas de la demanderesse), outre que le fait de tenir le produit en bas à droite n’a rien de remarquable ; – si les deux parties ont, à un moment ou à un autre, publié une photographie de tortue, il s’agit pour la défenderesse d’une tortue prise dans un filet avec pour commentaire, en anglais, « Désormais, qui prend #soin de ses #oreilles peut prendre soin des #océans », tandis que la demanderesse avait seulement partagé une publication d’un tiers montrant une autre photo de tortue en mauvais état (le cou apparemment serré dans une maille de filet mais sans que cela soit clair), intitulée en Anglais « la réalité de nos océans », et à laquelle la demanderesse a seulement ajouté « so sad » (tellement triste) ; – la présentation du produit, en vue d’un financement participatif, sous l’eau d’un robinet pour en illustrer le nettoyage et dans l’oreille en expliquant qu’il tourne sur lui-même à 360°, sont des éléments attendus, et les images utilisées de chaque côté sont différentes et issues de créations indépendantes ; l’usage d’une trousse de toilette gris foncé est, indéniablement, un détail particulier que la défenderesse a volontairement copié dans sa présentation ; pour autant, la trousse est différente et l’ensemble de cette présentation n’est pas la copie servile de la première. Quant au fait que, en lançant une recherche Google « EARS 360 FIRST », le 2e résultat soit la page Instagram de la société 360 Design avec comme intitulé « 1st Reusable ear cleaner (@ears360) » (soit « 1er nettoyeur d’oreille réutilisable »), il n’en résulte qu’un résultat ambigu dans une recherche orientée, outre que la demanderesse n’expose pas en quoi qualifier son produit de « premier » serait fautif ni quelle conséquence elle aurait personnellement subie de ce fait. IV . Demande reconventionnelle pour procédure abusive En application de l’article 32-1 du code de procédure civile, celui qui agit en justice de manière dilatoire ou abusive peut être condamné à une amende civile d’un maximum de 10 000 euros, sans préjudice des dommages-intérêts qui seraient réclamés. V . Dispositions finales Aux termes de l’article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie. L’article 700 du même code permet au juge de condamner en outre la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l’autre, pour les frais exposés mais non compris dans les dépens, une somme qu’il détermine, en tenant compte de l’équité et de la situation économique de cette partie. PAR CES MOTIFS
Le tribunal : Rejette les demandes de M. [F] [I] et de la société Eeears développement (dommages et intérêts, interdictions, destruction, transfert de nom de domaine, suppression de contenu, publication, indemnité de procédure) ; Condamne in solidum M. [F] [I] et la société Eeears développement à une amende civile de 2 000 euros ; Condamne in solidum M. [F] [I] et la société Eeears développement à payer 10 000 euros de dommages et intérêts à la société 360 Design and product pour procédure abusive ; Condamne in solidum M. [F] [I] et les sociétés Eeears et Eeears développement aux dépens ainsi qu’à payer 40 000 euros à la société 360 Design and product au titre de l’article 700 du code de procédure civile. Fait et jugé à Paris le 13 Septembre 2024 Le Greffier La Présidente |
Q/R juridiques soulevées :
Quel est le contexte de l’affaire entre les sociétés Eeears et 360 Design?L’affaire concerne un litige entre les sociétés Eeears et Eeears développement, dirigées par M. [C] [F] [I], et la société 360 Design and product. Les demandeurs accusent 360 Design de contrefaçon de leurs marques de nettoyeurs d’oreille en silicone, notamment sous les marques « Eeears » et « Ears360 ». Ils allèguent que 360 Design utilise des signes similaires, contrefait leur marque tridimensionnelle et leur modèle communautaire, et adopte une communication commerciale déloyale. M. [F] détient plusieurs marques de l’Union européenne et un modèle enregistré. Après une mise en demeure infructueuse, il a assigné 360 Design en justice. Le tribunal a déclaré la société Eeears irrecevable dans ses demandes de contrefaçon et a rejeté ses demandes d’interdiction provisoire. Les sociétés Eeears réclament des dommages-intérêts et des mesures d’interdiction, tandis que 360 Design conteste les accusations et demande des dommages pour procédure abusive. Quelles sanctions ont été imposées aux sociétés Eeears par le tribunal?Le tribunal a condamné les sociétés Eeears et M. [F] à payer une amende civile de 2 000 euros pour procédure abusive. De plus, ils ont été condamnés à verser 10 000 euros de dommages et intérêts à la société 360 Design pour procédure abusive. Cette décision a été motivée par le fait que les demandes fondées sur les marques et le modèle étaient manifestement dépourvues de sérieux. Les demandeurs ont été jugés responsables d’avoir imposé à la défenderesse de gérer un risque d’arrêt complet de son activité pendant plus de deux ans, ce qui a également mobilisé des ressources judiciaires qui auraient pu être allouées à d’autres affaires. Quelles étaient les principales allégations des sociétés Eeears contre 360 Design?Les sociétés Eeears ont allégué que 360 Design avait contrefait leurs marques en utilisant des signes similaires, notamment le nom « Ears360 », qui selon eux, était trop proche de leur marque « Eeears ». Ils ont également affirmé que 360 Design avait copié leur modèle tridimensionnel et leur communication commerciale, ce qui constituait une concurrence déloyale. Les demandeurs ont soutenu que les produits de 360 Design étaient identiques aux leurs, tant sur le plan visuel que fonctionnel, et que cela créait un risque de confusion pour les consommateurs. Ils ont également mis en avant des éléments de communication qu’ils considéraient comme des imitations de leurs propres campagnes marketing. Comment le tribunal a-t-il justifié le rejet des demandes de contrefaçon?Le tribunal a rejeté les demandes de contrefaçon en considérant que les signes litigieux n’étaient pas suffisamment similaires pour créer un risque de confusion. Il a noté que l’élément commun « ears » était descriptif et dépourvu de caractère distinctif dans le contexte des produits concernés, qui sont des cure-oreilles. De plus, le tribunal a souligné que les différences dans la présentation et la forme des produits étaient suffisamment marquées pour éviter toute confusion. Les demandes étaient jugées manifestement dépourvues de sérieux, reposant sur des ressemblances génériques que le droit des marques vise à laisser libres. Quelles conséquences ont eu les actions des sociétés Eeears sur la société 360 Design?Les actions des sociétés Eeears ont eu des conséquences significatives sur la société 360 Design, qui a dû gérer un risque d’arrêt complet de son activité pendant plus de deux ans. Cela a également entraîné des perturbations dans son développement commercial, notamment en freinant sa communication et en l’empêchant de profiter d’une mise en lumière suite à des récompenses obtenues. 360 Design a affirmé que cette situation a eu un impact négatif sur sa capacité à recruter et à se positionner sur le marché, en raison des ressources financières et humaines mobilisées pour faire face à la procédure judiciaire. Le tribunal a reconnu ce préjudice et a accordé des dommages-intérêts à 360 Design pour procédure abusive. |
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