Détermination de l’actif successoral et enjeux de partage entre héritiers

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Détermination de l’actif successoral et enjeux de partage entre héritiers

L’Essentiel : Le tribunal a statué que les indemnités allouées par la cour d’appel de Paris constituaient un actif successoral, annulant ainsi l’acte de liquidation-partage de 2018, qui avait exclu Mme [P] [X]. Toutefois, les demandes de recel successoral et de dommages-intérêts ont été rejetées, le tribunal n’ayant pas trouvé de preuve d’intention frauduleuse de la part des consorts [G]-[X]. En conclusion, les parties ont été renvoyées devant le notaire pour poursuivre les opérations de partage judiciaire, tout en conservant chacune les frais engagés, et l’exécution provisoire du jugement a été constatée.

Décès et héritiers

[M] [X] est décédé le [Date décès 2] 2009, laissant derrière lui un conjoint survivant, Mme [O] [G] épouse [X], ainsi que plusieurs enfants issus de deux unions. Les enfants de la première union, Mmes [P] [X], [Z] [X] et [R] [X], ont renoncé à la succession, tandis que les enfants de la seconde union, MM. [V] et [A] [X] et Mmes [F], [D] et [J] [X], ont hérité avec leur mère. Un certificat collectif d’héritiers a établi la dévolution successorale, attribuant des parts spécifiques à chaque héritier.

Condamnation de l’Epic Sncf Mobilités

La cour d’appel de Paris a rendu un arrêt le 31 janvier 2018, condamnant l’Epic Sncf Mobilités à verser des indemnités aux ayants droit de M. [X]. Ces indemnités comprenaient des dommages et intérêts pour préjudices liés à la carrière, à la pension de retraite, à la formation, ainsi qu’un préjudice moral, totalisant 144 271 euros.

Liquidation-partage et contestation

Un acte de liquidation-partage a été établi par le notaire en décembre 2018, répartissant les indemnités entre Mme [G] et ses enfants, excluant Mme [P] [X]. Cette dernière a contesté cette exclusion en saisissant le tribunal judiciaire de Mulhouse pour faire reconnaître les indemnités comme un actif successoral devant être partagé entre tous les héritiers.

Procédure judiciaire et demandes de Mme [P] [X]

Le tribunal a ouvert une procédure de partage judiciaire en octobre 2022. Mme [P] [X] a ensuite introduit une action en justice en août 2023, demandant la reconnaissance des indemnités comme un actif successoral, l’annulation de l’acte de partage de 2018, et des dommages pour préjudice moral.

Réponse des consorts [G]-[X]

Les consorts [G]-[X] ont contesté les demandes de Mme [P] [X], arguant que les indemnités ne constituaient pas un actif successoral et que l’acte de partage était valide. Ils ont également rejeté les accusations de recel successoral, affirmant qu’il n’y avait pas eu de dissimulation de la part des héritiers.

Décision du tribunal

Le tribunal a statué que les indemnités allouées par la cour d’appel de Paris constituaient un actif successoral, et a annulé l’acte de liquidation-partage de 2018 en raison de l’absence de Mme [P] [X]. Cependant, il a rejeté les demandes de recel successoral et de dommages-intérêts, considérant que Mme [P] [X] n’avait pas prouvé l’intention frauduleuse des consorts [G]-[X].

Conclusion et renvoi devant le notaire

Le tribunal a ordonné le renvoi des parties devant le notaire pour poursuivre les opérations de partage judiciaire, tout en précisant que chaque partie conserverait les frais engagés. L’exécution provisoire du jugement a également été constatée.

Q/R juridiques soulevées :

Quelle est la nature des indemnités allouées par la Cour d’appel de Paris et leur qualification en tant qu’actif successoral ?

Les indemnités allouées par l’arrêt rendu le 31 janvier 2018 par la Cour d’appel de Paris à l’encontre de l’Epic Sncf Mobilités sont considérées comme un actif successoral.

En vertu de l’article 724 du code civil, « Les héritiers désignés par la loi sont saisis de plein droit des biens, droits et actions du défunt ». Cela signifie que les héritiers ont la qualité pour poursuivre les actions en justice engagées par le défunt ou pour engager des actions nées dans son patrimoine avant son décès.

Les sommes allouées, qui incluent des dommages et intérêts pour préjudices liés à la carrière, à la pension de retraite, à la formation, et un préjudice moral, sont des créances d’indemnité nées dans le patrimoine du défunt avant son décès.

Ainsi, bien que ces sommes aient été allouées après le décès, elles doivent être qualifiées d’actif successoral, car elles résultent d’une créance d’indemnisation du préjudice personnellement subi par le défunt.

Il est donc établi que Mme [P] [X] a le droit de revendiquer ces indemnités en tant qu’actif successoral devant être partagé entre tous les héritiers.

Quelles sont les conséquences de l’absence de Mme [P] [X] lors de l’acte de liquidation-partage des 7 et 10 décembre 2018 ?

L’absence de Mme [P] [X] lors de l’acte de liquidation-partage des 7 et 10 décembre 2018 a des conséquences juridiques significatives.

Selon l’article 887-1 du code civil, « Le partage peut être également annulé si un des cohéritiers y a été omis ». L’absence d’un cohéritier lors d’un partage constitue une cause d’annulation de l’acte de partage.

En l’espèce, l’acte de liquidation-partage mentionne que Mme [P] [X] est héritière pour 3/24ème de la succession, mais elle a été écartée du bénéfice de l’indemnité versée en exécution de l’arrêt de la Cour d’appel.

Cette exclusion entraîne la nullité de l’acte de partage, car la présence et le concours de tous les indivisaires sont des conditions essentielles à la validité du partage.

Ainsi, le tribunal a prononcé l’annulation de l’acte de liquidation-partage, confirmant que Mme [P] [X] doit être incluse dans le partage des indemnités.

Quelles sont les conditions et les conséquences du délit civil de recel successoral ?

Le délit civil de recel successoral est régi par l’article 778 du code civil, qui stipule que « l’héritier qui a recelé des biens ou des droits d’une succession ou dissimulé l’existence d’un cohéritier est réputé accepter purement et simplement la succession ».

Pour qu’il y ait recel, il faut prouver deux éléments : un élément matériel, qui est la dissimulation d’un bien ou d’un droit, et un élément intentionnel, qui est l’intention de s’accaparer une partie du patrimoine successoral au détriment des autres héritiers.

Dans cette affaire, bien que Mme [P] [X] ait été exclue du partage, elle n’a pas apporté de preuves suffisantes pour établir la dissimulation de ses droits par les consorts [G]-[X].

Les échanges de courriels et les mentions dans l’acte de partage montrent que les consorts [G]-[X] n’ont pas cherché à dissimuler l’existence de Mme [P] [X] en tant qu’héritière.

Par conséquent, la demande de Mme [P] [X] au titre du recel successoral a été rejetée, car elle n’a pas prouvé les éléments constitutifs de ce délit.

Quels sont les droits de Mme [P] [X] concernant les dommages et intérêts pour préjudice moral ?

Les droits de Mme [P] [X] concernant les dommages et intérêts pour préjudice moral sont encadrés par l’article 1240 du code civil, qui stipule que « tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ».

Dans cette affaire, Mme [P] [X] allègue un préjudice moral en raison de l’attitude des consorts [G]-[X]. Cependant, pour obtenir réparation, elle doit prouver qu’il existe une faute imputable à ces derniers.

Le tribunal a constaté que Mme [P] [X] n’a pas apporté de preuve d’une faute de la part des consorts [G]-[X]. En conséquence, sa demande de dommages et intérêts pour préjudice moral a été rejetée.

Il est donc essentiel pour une partie qui réclame des dommages et intérêts de démontrer non seulement l’existence d’un préjudice, mais aussi la faute de la partie adverse.

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE MULHOUSE
———————————
[Adresse 6]
[Adresse 6]
[Localité 5]
—————————-
Première Chambre Civile

MINUTE n° 24/640
N° RG 23/00459
N° Portalis DB2G-W-B7H-IMET

KG/BD
République Française

Au Nom du Peuple Français

JUGEMENT

DU 26 novembre 2024
Dans la procédure introduite par :

Madame [P] [X] épouse [L]
demeurant [Adresse 3]

représentée par Me Steeve ROHMER, avocat au barreau de MULHOUSE,
vestiaire : 86

– partie demanderesse –

A l’encontre de :

Madame [J] [X]
demeurant [Adresse 4]

Madame [D] [X]
demeurant [Adresse 4]

Madame [F] [X]
demeurant [Adresse 1]

Monsieur [V] [X] représenté par son tuteur l’association [7]
demeurant [Adresse 4]

Monsieur [A] [X]
demeurant [Adresse 4]

Madame [O] [G] veuve [X]
demeurant [Adresse 4]

représentés par Maître Alexandre TABAK de la SELARL ALEXANDRE TABAK AVOCAT, avocats au barreau de MULHOUSE, vestiaire : 81

– partie défenderesse –

CONCERNE : Demande relative au rapport à succession

Le Tribunal composé de Blandine DITSCH, Juge au Tribunal de céans, statuant à Juge unique, et de Thomas SINT, Greffier

Jugement contradictoire en premier ressort

Après avoir à l’audience publique du 15 octobre 2024, entendu les avocats des parties en leurs conclusions et plaidoiries, et en avoir délibéré conformément à la loi, statuant comme suit, par jugement mis à disposition au greffe ce jour :

EXPOSÉ DU LITIGE

[M] [X], domicilié à [Localité 5] (68), est décédé le [Date décès 2] 2009, laissant pour lui succéder :
– son conjoint survivant en seconde noces, Mme [O] [G] épouse [X],
– ses enfants issus d’une première union, Mmes [P] [X] épouse [L] (ci-après dénommée Mme [P] [X]), [Z] [X] épouse [I] et [R] [X],
– les enfants issus de son union avec Mme [G], MM. [V] et [A] [X] et Mmes [F], [D] et [J] [X].

Mmes [Z] [X] épouse [I] et Mme [R] [X] ayant renoncé à la succession de leur père pour leur propre compte et pour le compte de leurs enfants, le certificat collectif d’héritiers délivré le 31 mai 2013 par le tribunal d’instance de Mulhouse a établi la dévolution successorale, Mme [G] épouse [X] recueillant, en sa qualité de conjoint survivant, 6/24ème de la succession en pleine propriété, et les six enfants successibles recueillant chacun 3/24ème de la succession en pleine propriété.

Suivant arrêt rendu le 31 janvier 2018, la cour d’appel de Paris a, notamment, condamné l’Epic Sncf Mobilités à verser aux ayant-droits de M. [X] les sommes suivantes :
– 134 821 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice en lien avec le déroulement de carrière,
– 1 300 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice en lien avec les droits à pension de retraite,
– 3 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice lié à la formation,
– 5 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral, et pour inaction dans le dossier,
– 150 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Suivant acte de liquidation-partage reçu en l’étude de Me [Y] [E], notaire à [Localité 5], les 7 et 10 décembre 2018, la somme de 137 152,45 euros correspondant à l’indemnité due par la [8] en vertu de la décision précitée, a été répartie, après déduction des frais correspondant à l’acte de partage, entre Mme [G] épouse [X] et ses cinq enfants (ci-après dénommés les consorts [G]-[X]), à l’exclusion de Mme [P] [X] qui n’avait pas la qualité d’intimé à la procédure.

Estimant que ces indemnités constituaient un actif successoral, Mme [P] [X] a saisi le tribunal judiciaire de Mulhouse aux fins de voir ordonner l’ouverture des opérations de partage de ces sommes.

Par décision du 27 octobre 2022, le tribunal judiciaire de Mulhouse a ouvert une procédure de partage judiciaire et désigné Me [U] [H], notaire à Mulhouse, pour y procéder.

Me [H] a dressé un procès-verbal de difficultés le 25 mai 2023.

Suivant acte introductif d’instance déposé au greffe le 8 août 2023, et signifié les 1er et 15 septembre 2023, Mme [P] [X] épouse [L] a attrait Mme [O] [G] épouse [X], M. [V] [X], représenté par son tuteur, l’association [7], M. [A] [X], Mme [F] [X], Mme [D] [X] et Mme [J] [X] devant le tribunal judiciaire de Mulhouse aux fins, notamment, de :
– dire que les condamnations prononcées par l’arrêt de la Cour d’appel de Paris du 31 janvier 2018 à l’encontre de l’Epic Sncf Mobilités constituent un actif successoral devant être soumis à partage,
– annuler l’acte de liquidation partage reçu par Me [E] les 7 et 10 décembre 2018 et, subsidiairement, dire que l’actif doit faire l’objet d’un complément de partage,
– dire que les défendeurs ne pourront prétendre à aucune part dans l’actif ainsi recelé,
– condamner les défendeurs à l’indemniser du préjudice moral subi.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 26 avril 2024, Mme [P] [X] demande au tribunal de :

Statuant sur la première difficulté :
– dire que l’intégralité des condamnations prononcées par la Cour de Paris à l’encontre de l’Epic Sncf Mobilités aux ayants droit de M. [X] son arrêt du 31 janvier 2018 constitue un actif successoral ;
– dire que cet actif successoral devait être soumis à partage entre l’ensemble des héritiers de M. [X], en ce compris Mme [P] [X] épouse [L] ;
– dire que l’acte de liquidation-partage de liquidités dans la succession de M. [M] [X] reçu par Me [Y] [E] en date des 7 et 10 décembre 2018 est nul et de nul effet ;
– à titre subsidiaire, si le tribunal ne devait dire que l’acte de partage du 7 décembre 2018 est nul, dire que les condamnations à l’encontre de l’Epic Sncf Mobilités portant sur un montant de 144 271 € constituent un actif qui devra faire l’objet d’un complément de partage ;

Statuant sur la deuxième difficulté :
– dire que les consorts [G]-[X] se sont rendus coupables du délit civil de recel successoral dans la succession de M. [M] [X] ;
– dire que les défendeurs ne peuvent prétendre à aucun droit sur l’actif recelé constitué par les condamnations prononcées par la Cour de Paris à l’encontre de l’Epic Sncf Mobilités dans son arrêt du 31 janvier 2018 et représentant une somme de 144 271 € ;
– dire que les défendeurs devront solidairement restituer l’intégralité de l’actif recelé d’un montant de 144 271 € ;
– dire que les défendeurs seront solidairement tenus de rendre tous les fruits et revenus produits par les biens recelés dont ils ont eu la jouissance depuis l’ouverture de la succession,
– dire que ces différentes restitutions devront être assorties des intérêts au taux légal à compter de la requête en partage judiciaire enregistrée au greffe en date du 14 juin 2022 ;
– dire que les intérêts produiront eux-mêmes des intérêts ;
– fixer ses droits sur l’indemnité due par la société l’Epic Sncf Mobilités au titre de l’arrêt de la Cour d’Appel de Paris du 31 janvier 2018 (RG S15/11390 et 17/0444) à un montant de 144 271 € ;
– dire que les frais de l’acte de partage judiciaire seront à la charge des défendeurs ;
– renvoyer les parties devant Me [H], notaire à [Localité 5] pour la poursuite des débats ;

En tout état de cause,
– condamner solidairement les défendeurs à lui payer une somme de 5 000 € en réparation du préjudice moral qu’elle a subi du fait du recel successoral dont elle a été victime et en tout état de cause en raison de son omission dans l’acte de partage reçu par Maître [Y] [E] en date des 7 et 10 décembre 2018 ;
– condamner solidairement les défendeurs aux entiers frais et dépens ainsi qu’à lui payer une somme de 5 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– ordonner l’exécution provisoire de la décision à intervenir.

A l’appui de ses demandes, Mme [P] [X] soutient, pour l’essentiel :
– qu’en vertu de l’article 724 du code civil, l’action patrimoniale en réparation du préjudice se transmet de plein droit aux héritiers du de cujus, ce texte n’imposant pas que l’héritier ait été partie à l’instance,
– que l’arrêt de la cour d’appel de Paris a alloué les indemnités aux demandeurs, en leur qualité d’ayant-droits du défunt, de sorte qu’il s’agit d’un actif successoral devant être soumis à partage entre tous les héritiers, ce que les demandeurs et le notaire en charge de la succession ont confirmé,
– qu’en vertu de l’article 887-1 du code civil, l’acte de partage reçu par Me [E] les 7 et 10 décembre 2018 doit être annulé puisqu’elle a été écartée de ce partage,
– que, subsidiairement, les parties doivent être renvoyées devant le notaire pour procéder à un complément de partage,
– qu’en application de l’article 778 du code civil, les défendeurs l’ont volontairement tenue à l’écart de la procédure et se sont abstenus de partager les condamnations avec elle, alors qu’ils avaient conscience de ses droits sur ces sommes, de sorte qu’ils se sont rendus coupable du délit civil de recel successoral et ne peuvent donc prétendre à aucune part dans l’actif recelé,
– que l’attitude des défendeurs lui a causé un préjudice moral qu’il convient d’indemniser.

Par conclusions signifiées par Rpva le 9 juillet 2024, les consorts [G]-[X] sollicitent du tribunal de :

A titre principal,
– juger que l’indemnité [8] ne constitue pas un actif successoral devant être soumis à partage ;
– débouter Mme [P] [X] de sa demande tendant à obtenir la nullité de l’acte de liquidation partage de liquidités des 7 et 10 décembre 2018 ;
– juger que l’action en recel successoral est non fondée ;
– débouter Mme [P] [X] de sa demande tendant à ce qu’il soit dit que les défendeurs se sont rendus coupabledu délit civil de recel successoral ;
– débouter la demanderesse de l’intégralité de ses fins, moyens et prétentions,

A titre infiniment subsidiaire,
– renvoyer les parties devant le notaire en charge du partage judiciaire aux fins de partage de l’indemnité de la [8] ;

En tout état de cause,
– juger que tous les frais de l’acte de partage judiciaire seront à la charge de la demanderesse ;
– condamner la demanderesse à leur payer un montant à hauteur de 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers frais et dépens ;
– ordonner l’exécution provisoire du jugement à intervenir.

Au soutien de leurs prétentions, les consorts [G]-[X] font valoir, en substance :
– que lorsque les sommes ont été allouées par la Cour d’appel de Paris, un partage amiable de la succession était intervenu tant en France qu’au Maroc de sorte que les héritiers n’étaient plus en indivision,
– que, comme cela été indiqué par le notaire en charge du partage des indemnités, les sommes ont été allouées aux ayant-droits de M. [X] et en leur qualité d’intimés à la procédure, Mme [P] [X] ne pouvant y prétendre à aucune part puisqu’elle n’était pas partie à la procédure alors qu’elle était informée de son existence,
– que les indemnités ainsi perçues résultent d’une action en justice intentée par les héritiers du défunt, et non par le défunt lui-même, et n’entrent donc pas dans l’hérédité,
– que l’acte notarié de partage ne souffre d’aucun vice de forme ou vice du consentement de sorte qu’il n’y a pas lieu de l’annuler, la seule omission d’un bien donnant lieu à partage complémentaire, en vertu de l’article 892 du code civil,
– que l’action en recel successoral est dénuée de tout fondement, les héritiers n’étant plus en indivision,
– qu’en tout état de cause, Mme [P] [X] ne rapporte pas la preuve de leur intention frauduleuse puisqu’elle avait connaissance de la procédure engagée aux fins d’indemnisation et que M. [A] [X] a indiqué à leur conseil que la demanderesse avait droit à sa part sur ces sommes.

Une ordonnance de clôture a été rendue le 11 juillet 2024.

Il est, en application de l’article 455 du code de procédure civile, pour plus ample exposé des faits, moyens et prétentions des parties, renvoyé au dossier de la procédure, aux pièces versées aux débats et aux conclusions des parties ci-dessus visées.

MOTIFS

A titre liminaire, les demandes des parties tendant à voir le tribunal “dire” ou “juger” ne constituant pas des prétentions au sens des articles 4, 5 et 31 du code de procédure civile mais des moyens ou arguments au soutien des véritables prétentions, il n’y a pas lieu de statuer sur celles-ci.

Sur la demande de nullité de l’acte contenant liquidation – partage de liquidités en date des 7 et 10 décembre 2018

Sur la nature des indemnités allouées par l’arrêt rendu le 31 janvier 2018 par la Cour d’appel de Paris

L’article 724 du code civil dispose : “Les héritiers désignés par la loi sont saisis de plein droit des biens, droits et actions du défunt”.
En vertu de ce texte, il est de jurisprudence constante que les héritiers ont qualité pour poursuivre les actions en justice engagées par leur auteur (Civ. 1ère, 8 janvier 1991) ou engager les actions nées dans le patrimoine du défunt avant son décès (Cass., ch. mixte, 30 avril 1976).

Ils ont qualité pour exercer, sans le concours des autres indivisaires, les actions nées dans le patrimoine du défunt et tendant à obtenir, au bénéfice de la succession, l’indemnisation du préjudice subi par leur auteur (V. en ce sens, Cass. 1re civ., 25 oct. 2005, n° 04-06.045).

En l’espèce, il est constant que Mme [P] [X] a la qualité d’héritier de [M] [X].

Aux termes de l’arrêt rendu le 31 janvier 2018 par la Cour d’appel de Paris, l’Epic Sncf Mobilités a été condamné “à verser aux ayants droit de Monsieur [X] les sommes suivantes :
– 134 821 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice en lien avec le déroulement de carrière,
– 1 300 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice en lien avec les droits à pension de retraite,
– 3 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice lié à la formation,
– 5 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral, et pour inaction dans le dossier,
– 150 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile”

Il résulte des termes de l’arrêt précité que les consorts [G]-[X] ont engagé, en leur qualité d’ayants droit de [M] [X], une action en indemnisation des préjudices en lien avec le déroulement de carrière, en lien avec les droits à pension de retraite, en lien avec la formation et du préjudice moral et pour inaction, soit des préjudices personnellement subis par le défunt.

Dès lors, les sommes allouées par la cour d’appel de Paris procèdent d’une créance d’indemnité née dans le patrimoine du défunt avant son décès de sorte que les sommes litigieuses, bien qu’allouées après le décès, doivent revêtir la qualification d’actif successoral.

A cet égard, il importe peu que l’action n’ait pas été engagée par Mme [P] [X] dès lors qu’en vertu des dispositions de l’article 724 du code civil précitées, chacun des héritiers avait qualité à agir, cette qualité étant sans incidence sur la nature des sommes sollicitées, en l’espèce la créance d’indemnisation du préjudice personnellement subi par le défunt, laquelle, étant née dans le patrimoine du défunt avant le décès, doit bénéficier à la succession du défunt, et non aux seuls héritiers ayant la qualité de partie à la procédure en indemnisation.

Au demeurant, il est relevé que la demande formée par les consorts [G]-[X] relative au préjudice en lien avec la pension de réversion a été déclarée irrecevable pour défaut de qualité à agir en ce qu’il s’agit d’un préjudice personnellement subi par Mme [G] épouse [X] alors que les consorts [G]-[X] avaient déclaré agir en qualité d’ayants droit du défunt, et non à titre personnel.

Compte tenu de ce qui précède, Mme [P] [X] est bien fondée à revendiquer la qualification d’actif successoral s’agissant des indemnités allouées par arrêt rendu le 31 janvier 2018 par la Cour d’appel de Paris.

Sur la nullité de l’acte de partage des 7 et 10 décembre 2018

En vertu de l’article 887-1 du code civil, “Le partage peut être également annulé si un des cohéritiers y a été omis.
L’héritier omis peut toutefois demander de recevoir sa part, soit en nature, soit en valeur, sans annulation du partage.
Pour déterminer cette part, les biens et droits sur lesquels a porté le partage déjà réalisé sont réévalués de la même manière que s’il s’agissait d’un nouveau partage”.

En application de ce texte, il est constant que “la présence et le concours de tous les indivisaires étant une condition substantielle de la validité du partage entre toutes les parties”, l’exclusion d’un indivisaire entraîne la nullité du partage entre toutes les parties (Cass. req., 21 mars 1922).

En l’espèce, l’acte de liquidation-partage de liquidités en date des 7 et 10 décembre 2018 reçu en l’étude de Me [Y] [E] mentionne, en qualité de parties à l’acte, Mme [O] [G], M. [A] [X], M. [V] [X] représenté par son tuteur, l’association [7], Mme [F] [X], Mme [D] [X] et Mme [J] [X], le notaire relevant que “toutes les parties sont présentes à l’acte”.

En outre, il est rappelé, en page 4 de l’acte, que Mme [P] [L] née [X], enfant du défunt, est héritier pour les 3/24ème de la succession mais il est précisé, en page 6, que le bénéfice de l’indemnité versée en exécution de l’arrêt rendu le 31 janvier 2018 par la Cour d’appel de Paris, étant réservé aux ayants droits de M. [M] [X] et en leur qualité d’intimés à la procédure, “de fait sont exclus du bénéfice du présent partage les renonçants à la succession ainsi que les non intimés”.

Ainsi qu’il a été précédemment indiqué, les indemnités allouées par l’arrêt rendu le 31 janvier 2018 par la Cour d’appel de Paris doivent recevoir la qualification d’actif successoral et, partant, doivent être partagées entre l’ensemble des héritiers du défunt, tel que cela résulte du certificat collectif d’héritiers du 31 mai 2013, en ce compris Mme [P] [X].

Dès lors, et contrairement à ce que soutiennent les consorts [G]-[X], l’acte de liquidation-partage de liquidités, qui a été reçu hors la présence et le concours de Mme [P] [X], qui a la qualité d’indivisaire, est irrégulier et doit être annulé.

Par conséquent, il sera fait droit à la demande de nullité de l’acte de liquidation-partage de liquidités reçu les 7 et 10 décembre 2018 par Me [Y] [E], notaire à [Localité 5], formée par Mme [P] [X].

Sur la demande au titre du recel successoral

L’article 778 du code civil dispose : “Sans préjudice de dommages et intérêts, l’héritier qui a recelé des biens ou des droits d’une succession ou dissimulé l’existence d’un cohéritier est réputé accepter purement et simplement la succession, nonobstant toute renonciation ou acceptation à concurrence de l’actif net, sans pouvoir prétendre à aucune part dans les biens ou les droits détournés ou recelés. Les droits revenant à l’héritier dissimulé et qui ont ou auraient pu augmenter ceux de l’auteur de la dissimulation sont réputés avoir été recelés par ce dernier.
Lorsque le recel a porté sur une donation rapportable ou réductible, l’héritier doit le rapport ou la réduction de cette donation sans pouvoir y prétendre à aucune part.
L’héritier receleur est tenu de rendre tous les fruits et revenus produits par les biens recelés dont il a eu la jouissance depuis l’ouverture de la succession”.

Il est constant que la sanction prévue par ces dispositions suppose l’existence d’une indivision entre héritiers (Cass. 1re civ., 9 sept. 2015).

La qualification de recel suppose, d’une part, la preuve d’une fraude commise par un héritier, soit un fait positif de dissimulation, qui ne saurait résulter d’une simple attitude procédurale manifestant l’intention de fausser le partage (Cass. 1re civ., 20 févr. 1996, n° 94-10.262), élément matériel, et d’autre part, la preuve de l’intention de l’héritier receleur de s’accaparer une partie du patrimoine successoral au détriment et à l’insu des autres héritiers, élément intentionnel.

En vertu du droit commun de la preuve, il appartient à l’héritier qui se prétend lésé d’apporter la preuve de la réunion des éléments matériel et intentionnel du recel.

En l’espèce, l’acte de partage des 7 et 10 décembre 2018 ayant été annulé, il existe un actif successoral à partager de sorte que, contrairement à ce que soutiennent les défendeurs, les héritiers se trouvent bien en indivision à cet égard.

Il n’est pas contesté que les consorts [G]-[X] n’ont pas rendu opposable à Mme [P] [X] la procédure d’indemnisation engagée à l’encontre de l’Epic Sncf Mobilités.

Toutefois, Mme [P] [X], sur qui pèse la charge de la preuve des éléments constitutifs du recel, n’apporte aucun élément susceptible de justifier tant de la dissimulation, que de l’intention frauduleuse.

A cet égard, s’il ne peut être déduit de la production d’articles de presse faisant état des actions en indemnisation engagées par divers cheminots marocains “chibanis” et de la condamnation de la [8], la connaissance par la demanderesse de l’existence d’une procédure en indemnisation des préjudices subis par le défunt, les articles de presse, dont la diffusion à l’intéressée n’est au demeurant pas établie, ne faisant état d’aucune identité, force est de constater que les mentions de l’acte de liquidation-partage de liquidités dressé par Me [E], font état de la qualité d’héritier de la demanderesse, le notaire ayant expressément déterminé l’étendue de ses droits, en l’espèce les 3/24ème de la succession.

En outre, les consorts [G]-[X] versent aux débats les échanges de courriels intervenus entre Me [S] [B], leur conseil dans le cadre de la procédure d’indemnisation, et M. [A] [X], s’agissant du versement des indemnités allouées, Me [B] proposant, par courriel du 20 février 2018, un versement par chèque libellé au nom de Mme [G] épouse [X], et M. [A] [X] répondant, le même jour : “Nous avons une demi soeur qui fait parti des héritiers mentionné dans l’acte d’hérédité qu’on vous a transmis mais qui ne s’est pas jointe à nous dans la procédure. Même n’étant pas dans la procédure, elle a droit à sa part, c’est pour cela qu’on préfère saisir notre notaire”.

Il s’en évince que les défendeurs n’ont jamais cherché à dissimuler l’existence d’un héritier ayant des droits sur les indemnités allouées et à s’accaparer ces sommes.

Dès lors, si Mme [P] [X] n’a pas été informée de l’existence d’une action en indemnisation, puis de l’arrêt de condamnation rendu le 31 janvier 2018, et a effectivement été exclue du bénéfice du partage, elle ne justifie ni de la dissimulation de ses droits dans le partage des indemnités, ni d’une intention frauduleuse imputable à ses cohéritiers, le fait que les défendeurs se soient abstenus de l’informer, au demeurant contesté, n’étant pas suffisant pour établir les éléments constitutifs du délit.

Par conséquent, la demande formée par Mme [P] [X] au titre du recel successoral sera rejetée.

Pour les mêmes raisons, les demandes aux fins de restitution de l’intégralité de l’actif recelé et des fruits et revenus produits par les biens recelés avec intérêts, de capitalisation des intérêts et de fixation des droits de Mme [P] [X] sur l’indemnité à un montant de 144 271 euros seront rejetées.

Sur la demande de dommages et intérêts formée par Mme [P] [X]

Aux termes de l’article 1240 du code civil, tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer. Chacun est responsable du dommage qu’il a causé non seulement par son fait, mais encore par sa négligence ou par son imprudence.

En l’espèce, Mme [P] [X], qui allègue d’un préjudice moral en raison de l’attitude des défendeurs, ne rapporte pas la preuve d’une faute imputable aux consorts [G]-[X].

Par conséquent, la demande de dommages et intérêts formée par Mme [P] [X] sera rejetée.

Sur les autres demandes

Sur les frais de partage

En vertu du premier alinéa de l’article 240 de la loi civile du 1er juin 1924, les frais de procédure devant le tribunal saisi du partage et des opérations devant le notaire, ainsi que les frais nécessaires pour mettre les intéressés en possession de leurs lots respectifs sont à la charge de la masse.

Dès lors, la demande formée par Mme [P] [X] tendant à mettre les frais de partage à la charge des consorts [G]-[X], et la demande formée par les ces derniers aux fins de mettre les frais de partage à la charge de Mme [P] [X] seront rejetées.

Sur le renvoi des parties devant le notaire

Les parties s’accordent sur la nécessité de les renvoyer devant le notaire en charge du partage, de sorte que ce renvoi sera ordonné.

Sur les dépens et les frais de l’article 700 du code de procédure civile

Conformément à l’article 696 du code de procédure civile, compte tenu des succombances partielles respectives, chaque partie conservera la charge des dépens par elle engagés.

Les demandes sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, seront rejetées.

Sur l’exécution provisoire

L’exécution provisoire est de droit, en application de l’article 514 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal statuant publiquement, par jugement contradictoire et en premier ressort, mis à disposition au greffe,

PRONONCE l’annulation de l’acte de liquidation – partage de liquidités en date des 7 et 10 décembre 2018 reçu par Me [Y] [E], notaire à [Localité 5] ;

REJETTE pour le surplus, les demandes formées par Mme [P] [X] épouse [L] ;

REJETTE la demande formée par Mme [O] [G] veuve [X], M. [A] [X], M. [V] [X], représenté par son tuteur, l’association [7], Mme [F] [X], Mme [D] [X] et Mme [J] [X] au titre des frais de l’acte de partage judiciaire ;

ORDONNE le renvoi des parties devant Me [U] [H], notaire à [Localité 5], aux fins de poursuite des opérations de partage judiciaire ;

REJETTE la demande formée sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile par Mme [P] [X] épouse [L] ;

REJETTE la demande formée sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile par Mme [O] [G] veuve [X], M. [A] [X], M. [V] [X], représenté par son tuteur, l’association [7], Mme [F] [X], Mme [D] [X] et Mme [J] [X] ;

DIT que chaque partie conservera les frais qu’elle a engagés au titre des dépens ;

CONSTATE l’exécution provisoire du présent jugement.

Et ce jugement a été signé par le Président et le Greffier.

Le Greffier, Le Président,


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