Validation des accords syndicaux et conditions de représentativité des organisations dans une entreprise.

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Validation des accords syndicaux et conditions de représentativité des organisations dans une entreprise.

L’Essentiel : Les élections professionnelles de Codirep en février 2023 ont vu la CFDT obtenir 51,29 % des voix, suivie de la CGT (17,36 %), de la CFTC (23,79 %) et de la CFE-CGC (7,56 %). En mars, des négociations annuelles obligatoires ont été engagées, mais la CFDT a refusé de signer l’accord, qui a été validé par les autres fédérations le 17 avril. Une consultation des salariés a eu lieu le 9 juin, avec 66 % d’approbation. La CFDT a contesté la validité de cette consultation, mais le tribunal a confirmé la légitimité de l’accord, considérant que les seuils de représentativité étaient atteints.

Organisation des élections professionnelles

Les élections professionnelles au sein de la société Codirep ont eu lieu en février 2023, avec les résultats suivants : la Fédération des services CFDT a obtenu 51,29 %, la Fédération CGT du commerce, de la distribution et des services 17,36 %, la Fédération CFTC du commerce, des services et de la force de vente 23,79 %, et la Fédération nationale encadrement commerce services de la CFE-CGC 7,56 %, atteignant 51,65 % au sein du collège cadre.

Négociation annuelle obligatoire

En mars 2023, la société Codirep a engagé des négociations annuelles obligatoires (NAO) concernant la rémunération, le temps de travail et le partage de la valeur ajoutée. La fédération CFDT a refusé de signer l’accord, qui a été finalement signé le 17 avril 2023 par les fédérations CFTC, CGT et CFE-CGC.

Consultation des salariés

Les fédérations CFE-CGC et CFTC ont demandé l’organisation d’une consultation des salariés pour valider l’accord signé. Le scrutin a eu lieu le 9 juin 2023, et 66 % des salariés ont approuvé l’accord NAO dans son intégralité.

Saisine du tribunal judiciaire

La fédération CFDT et Mme [X] ont contesté la validité de la consultation, arguant que les organisations syndicales ayant demandé la consultation n’avaient pas atteint le seuil de 30 % des suffrages exprimés lors des élections. Ils ont saisi le tribunal judiciaire pour annuler la consultation et déclarer l’accord NAO 2023 non écrit, tout en demandant des dommages-intérêts.

Arguments juridiques

La fédération CFDT et Mme [X] ont fait valoir que le tribunal avait violé les articles du code du travail en prenant en compte les suffrages de la CFE-CGC, qui n’était pas représentatif au niveau de l’entreprise. Ils ont soutenu que l’accord signé n’était pas valide en raison de l’absence de soutien suffisant des organisations syndicales représentatives.

Réponse de la Cour

La Cour a rappelé que les organisations syndicales représentatives doivent avoir recueilli au moins 10 % des suffrages exprimés pour être considérées comme telles. Elle a également précisé que la validité d’un accord d’entreprise est subordonnée à sa signature par des organisations ayant recueilli plus de 50 % des suffrages, ou par des organisations ayant obtenu plus de 30 % si une consultation des salariés est demandée.

Conclusion du tribunal

Le tribunal a constaté que la fédération CFE-CGC avait atteint le seuil de représentativité et que les fédérations CFTC et CFE-CGC avaient ensemble dépassé le seuil de 30 % des suffrages exprimés. Par conséquent, la demande de consultation des salariés était valide, et le moyen soulevé par la fédération CFDT et Mme [X] a été jugé non fondé.

Q/R juridiques soulevées :

Quelles sont les conditions de validité d’un accord d’entreprise selon le Code du travail ?

La validité d’un accord d’entreprise est régie par l’article L. 2232-12 du Code du travail. Cet article stipule que :

« La validité d’un accord d’entreprise ou d’établissement est subordonnée à sa signature par, d’une part, l’employeur ou son représentant et, d’autre part, une ou plusieurs organisations syndicales de salariés représentatives ayant recueilli plus de 50 % des suffrages exprimés en faveur d’organisations représentatives au premier tour des dernières élections des titulaires au comité social et économique, quel que soit le nombre de votants.

Si cette condition n’est pas remplie et si l’accord a été signé à la fois par l’employeur et par des organisations syndicales représentatives ayant recueilli plus de 30 % des suffrages exprimés en faveur d’organisations représentatives au premier tour des élections mentionnées au premier alinéa, quel que soit le nombre de votants, une ou plusieurs de ces organisations ayant recueilli plus de 30 % des suffrages disposent d’un délai d’un mois à compter de la signature de l’accord pour indiquer qu’elles souhaitent une consultation des salariés visant à valider l’accord.

Au terme de ce délai, l’employeur peut demander l’organisation de cette consultation, en l’absence d’opposition de l’ensemble de ces organisations. »

Ainsi, un accord peut être validé même si moins de 50 % des suffrages sont obtenus, à condition que des syndicats représentant au moins 30 % des suffrages demandent une consultation des salariés.

Quelles sont les conditions de représentativité des syndicats selon le Code du travail ?

Les conditions de représentativité des syndicats sont définies par l’article L. 2121-1 du Code du travail, qui précise que :

« Dans l’entreprise ou l’établissement, sont représentatives les organisations syndicales qui satisfont aux critères de l’article L. 2121-1 et qui ont recueilli au moins 10 % des suffrages exprimés au premier tour des dernières élections des titulaires au comité social et économique, quel que soit le nombre de votants. »

De plus, l’article L. 2122-2 précise que :

« Dans l’entreprise ou l’établissement, sont représentatives à l’égard des personnels relevant des collèges électoraux dans lesquels leurs règles statutaires leur donnent vocation à présenter des candidats les organisations syndicales catégorielles affiliées à une confédération syndicale catégorielle interprofessionnelle nationale qui satisfont aux critères de l’article L. 2121-1 et qui ont recueilli au moins 10 % des suffrages exprimés au premier tour des dernières élections des titulaires au comité social et économique dans ces collèges, quel que soit le nombre de votants. »

Ces articles établissent que pour qu’un syndicat soit considéré comme représentatif, il doit avoir obtenu au moins 10 % des suffrages exprimés lors des élections professionnelles.

Comment la jurisprudence interprète-t-elle la représentativité des syndicats dans le cadre d’accords collectifs ?

La jurisprudence, notamment la décision de la Cour de cassation (Soc., 31 mai 2011, pourvoi n° 10-14.391), indique qu’un syndicat représentatif catégoriel peut négocier et signer un accord d’entreprise avec des syndicats représentatifs intercatégoriels, sans avoir à prouver sa représentativité dans toutes les catégories de personnel.

La Cour a précisé que :

« L’audience électorale, rapportée à l’ensemble des collèges électoraux, doit être prise en compte pour apprécier les conditions de validité de cet accord. »

Cela signifie qu’un syndicat qui a atteint le seuil de représentativité dans un collège peut participer à la négociation d’accords qui concernent l’ensemble des salariés, ce qui est crucial pour la validité des accords collectifs.

Quelles conséquences en découlent pour la consultation des salariés ?

Les conséquences de cette interprétation sont significatives. Si un accord n’est pas signé par des organisations syndicales ayant recueilli plus de 50 % des suffrages, un syndicat représentatif catégoriel peut demander une consultation des salariés pour valider cet accord, à condition que les syndicats signataires aient ensemble atteint le seuil de 30 % des suffrages exprimés.

Cela est clairement établi dans l’article L. 2232-12, qui stipule que :

« […] un syndicat représentatif catégoriel ayant signé un tel accord peut demander, avec un ou plusieurs syndicats représentatifs intercatégoriels l’ayant également signé, une consultation des salariés visant à le valider, à la condition que ces organisations syndicales représentatives aient recueilli ensemble au premier tour des dernières élections des titulaires au comité social et économique plus de 30 % des suffrages exprimés en faveur des syndicats représentatifs, tous collèges confondus. »

Ainsi, la possibilité de consultation des salariés est un mécanisme essentiel pour valider des accords lorsque les conditions de représentativité ne sont pas totalement remplies.

SOC. / ELECT

ZB1

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 22 janvier 2025

Rejet

M. HUGLO, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 67 F-B

Pourvoi n° U 23-21.936

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 22 JANVIER 2025

1°/ La Fédération des services CFDT, dont le siège est [Adresse 2], [Localité 9],

2°/ Mme [K] [X], domiciliée [Adresse 1], [Localité 8],

ont formé le pourvoi n° U 23-21.936 contre le jugement rendu le 16 octobre 2023 par le tribunal judiciaire de Créteil (contentieux des élections professionnelles), dans le litige les opposant :

1°/ à la société Codirep, société en nom collectif, dont le siège est [Adresse 12], [Localité 11],

2°/ à la Fédération nationale encadrement commerce services CFE-CGC, dont le siège est [Adresse 7], [Localité 5],

3°/ à la Fédération du commerce, des services et de la force de vente CFTC, dont le siège est [Adresse 4], [Localité 6],

4°/ à la Fédération du commerce, de la distribution et des services CGT, dont le siège est [Adresse 3], [Localité 10],

défenderesses à la cassation.

Les demanderesses invoquent, à l’appui de leur pourvoi, un moyen de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Bérard, conseiller, les observations de la SARL Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de la Fédération des services CFDT et de Mme [X], de la SARL Cabinet Briard, Bonichot et Associés, avocat de la Fédération nationale encadrement commerce services CFE-CGC, de la SARL Cabinet Rousseau et Tapie, avocat de la société Codirep, après débats en l’audience publique du 11 décembre 2024 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Bérard, conseiller rapporteur, M. Rinuy, conseiller, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon le jugement attaqué (tribunal judiciaire de Créteil, 16 octobre 2023) des élections professionnelles ont été organisées au sein de la société Codirep au mois de février 2023. Selon les productions, les résultats ont été les suivants :
– Fédération des services CFDT(la fédération CFDT) : 51,29 %
– Fédération CGT du commerce, de la distribution et des services (la fédération CGT) : 17,36 %
– Fédération CFTC du commerce, des services et de la force de vente (la fédération CFTC) : 23,79 %
– Fédération nationale encadrement commerce services de la CFE-CGC (la fédération CFE-CGC) : 7,56 % ( 51,65 % au sein du collège cadre).

2. Au mois de mars 2023, la société Codirep a engagé la négociation annuelle obligatoire sur la rémunération, le temps de travail et le partage de la valeur ajoutée dans l’entreprise (NAO). La fédération CFDT a refusé de signer l’accord, qui a été signé le 17 avril 2023 par les fédérations CFTC, CGT et CFE-CGC.

3. La fédération CFE-CGC et la fédération CFTC ont sollicité l’organisation d’une consultation des salariés pour valider cet accord.

4. Le scrutin s’est déroulé le 9 juin 2023. 66 % des salariés ont répondu favorablement à la question « approuvez-vous l’accord NAO dans son entièreté ? ».

5. Soutenant que les organisations syndicales ayant demandé la consultation des salariés n’avaient pas recueilli plus de 30 % des suffrages exprimés en faveur d’organisations représentatives au premier tour des élections, que le référendum organisé n’avait pas lieu d’être et que la question posée aux personnels était équivoque, la fédération CFDT et Mme [X] ont saisi le tribunal judiciaire afin d’annuler la consultation des salariés organisée le 9 juin 2023 au sein de la société, juger l’accord négocié dans le cadre de la NAO 2023 non écrit et condamner la société à payer une certaine somme à titre de dommages-intérêts à la fédération CFDT en réparation du préjudice subi.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

6. La fédération CFDT et Mme [X] font grief au jugement de les débouter de leurs demandes afin d’annuler la consultation des salariés organisée le 9 juin 2023 au sein de la société Codirep, de juger que l’accord négocié dans le cadre des NAO 2023 est réputé non écrit, de condamner la société Codirep à payer à la fédération CFDT une certaine somme à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi et de déclarer valide l’accord « négociations annuelles obligatoires de la SNC Codirep exercice 2023 » validé par voie de référendum le 9 juin 2023, alors « que l’accord signé par l’employeur et par des organisations syndicales représentatives ayant recueilli plus de 30 % mais moins de 50 % des suffrages exprimés est valide si une ou plusieurs de ces organisations ayant recueilli plus de 30 % des suffrages indiquent dans un délai d’un mois à compter de la signature de l’accord qu’elles souhaitent une consultation des salariés visant à valider l’accord et si cet accord est effectivement approuvé par les salariés à la majorité des suffrages exprimés ; que dans l’entreprise ou l’établissement, sont représentatives les organisations syndicales qui satisfont aux critères de l’article L. 2121-1 du code du travail et qui ont recueilli au moins 10 % des suffrages exprimés au premier tour des dernières élections des titulaires au comité social et économique, quel que soit le nombre de votants ; qu’il était constant et acquis aux débats que lors de ces dernières élections le syndicat CFE-CGC avait obtenu moins de 10 % d’audience électorale tous collèges confondus, ce dont il résulte qu’il n’était pas représentatif au niveau de l’entreprise ; qu’en prenant cependant en considération la part des suffrages obtenus par cette organisation pour apprécier le seuil de 30 % permettant une consultation des salariés, le tribunal judiciaire a violé les articles L. 2232-12, L. 2121-1 et L. 2122-1 du code du travail. »

Réponse de la Cour

7. Aux termes de l’article L. 2122-2 du code du travail, dans l’entreprise ou l’établissement, sont représentatives à l’égard des personnels relevant des collèges électoraux dans lesquels leurs règles statutaires leur donnent vocation à présenter des candidats les organisations syndicales catégorielles affiliées à une confédération syndicale catégorielle interprofessionnelle nationale qui satisfont aux critères de l’article L. 2121-1 et qui ont recueilli au moins 10 % des suffrages exprimés au premier tour des dernières élections des titulaires au comité social et économique dans ces collèges, quel que soit le nombre de votants.

8. Aux termes de l’article L. 2232-12, premier et deuxième alinéas, du même code, la validité d’un accord d’entreprise ou d’établissement est subordonnée à sa signature par, d’une part, l’employeur ou son représentant et, d’autre part, une ou plusieurs organisations syndicales de salariés représentatives ayant recueilli plus de 50 % des suffrages exprimés en faveur d’organisations représentatives au premier tour des dernières élections des titulaires au comité social et économique, quel que soit le nombre de votants.
Si cette condition n’est pas remplie et si l’accord a été signé à la fois par l’employeur et par des organisations syndicales représentatives ayant recueilli plus de 30 % des suffrages exprimés en faveur d’organisations représentatives au premier tour des élections mentionnées au premier alinéa, quel que soit le nombre de votants, une ou plusieurs de ces organisations ayant recueilli plus de 30 % des suffrages disposent d’un délai d’un mois à compter de la signature de l’accord pour indiquer qu’elles souhaitent une consultation des salariés visant à valider l’accord. Au terme de ce délai, l’employeur peut demander l’organisation de cette consultation, en l’absence d’opposition de l’ensemble de ces organisations.

9. La Cour de cassation juge (Soc., 31 mai 2011, pourvoi n° 10-14.391, Bull. 2011, V, n° 134) qu’un syndicat représentatif catégoriel peut, avec des syndicats représentatifs intercatégoriels, et sans avoir à établir sa représentativité au sein de toutes les catégories de personnel, négocier et signer un accord d’entreprise intéressant l’ensemble du personnel, son audience électorale, rapportée à l’ensemble des collèges électoraux, devant alors être prise en compte pour apprécier les conditions de validité de cet accord.

10. Il en résulte que, lorsqu’un accord n’a pas été signé par des organisations syndicales de salariés représentatives ayant recueilli plus de 50 % des suffrages exprimés en faveur d’organisations représentatives au premier tour des dernières élections des titulaires au comité social et économique, un syndicat représentatif catégoriel ayant signé un tel accord peut demander, avec un ou plusieurs syndicats représentatifs intercatégoriels l’ayant également signé, une consultation des salariés visant à le valider, à la condition que ces organisations syndicales représentatives aient recueilli ensemble au premier tour des dernières élections des titulaires au comité social et économique plus de 30 % des suffrages exprimés en faveur des syndicats représentatifs, tous collèges confondus.

11. Après avoir constaté que la fédération CFE-CGC, syndicat catégoriel d’encadrement a obtenu lors des élections professionnelles de février 2023 51,65 % des suffrages exprimés au sein du collège cadres et a ainsi atteint le seuil de 10 % au sein de ce collège, c’est à bon droit que le tribunal retient que la fédération CFE-CGC est représentative au sein de la société Codirep.

12. Ayant ensuite constaté que la fédération CFE-CGC, syndicat catégoriel a signé l’accord collectif intercatégoriel avec les fédérations CFTC et CGT, syndicats intercatégoriels et que les fédérations CFTC et CFE-CGC avaient respectivement recueilli 23,79 % et 7,56 % des suffrages au niveau de l’entreprise, le tribunal en a déduit exactement que le seuil de 30 % des suffrages exprimés requis par l’article L. 2232-12, deuxième alinéa, du code du travail avait été atteint, de sorte que ces organisations syndicales pouvaient demander une consultation des salariés visant à valider l’accord.

13. Le moyen n’est, dès lors, pas fondé.


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