L’Essentiel : Dans l’affaire opposant TF1 à HDM Développement, le tribunal judiciaire de Paris a déclaré son incompétence au profit du tribunal judiciaire de Nanterre. TF1, titulaire de la marque « votre plus beau marché », avait assigné HDM pour contrefaçon, arguant que cette dernière portait atteinte à ses droits. Un accord de médiation signé le 21 juin 2023 stipulait que toute contestation serait soumise aux tribunaux de Nanterre. Malgré les demandes de TF1 pour l’exécution de cet accord, le tribunal a jugé que la clause attributive de juridiction ne contrevenait pas aux règles d’ordre public, confirmant ainsi la compétence de Nanterre.
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La clause attributive de juridiction stipulée à un Accord de Coexistence de marques ne contrevient à aucune règle d’ordre public de compétence juridictionnelle, dès lors qu’elle figure dans le texte de façon très apparente au sein d’un article dédié, elle doit recevoir application.
En la cause, le tribunal judiciaire de Paris s’est , en conséquence, déclaré incompétent pour statuer sur les demandes de la société TF1 au profit du tribunal judiciaire de Nanterre. L’application combinée des articles L.716-5 II, R.716-21 du code de la propriété intellectuelle, L.211-10 et D.211-6-1 du code de l’organisation judiciaire donne compétence exclusive à certains tribunaux judiciaires pour connaître des actions en matière de marques françaises. Le protocole d’accord signé le 21 juin 2023 entre les sociétés TF1 et HDM Développement stipule en son article XI que : “l’accord est soumis au droit français. Toute contestation portant sur la négociation, l’application, l’interprétation et/ou la terminaison du présent accord sera, à défaut d’accord à l’issue d’une discussion amiable relative à la contestation dans un délai de 60 jours à compter de ladite contestation, soumise exclusivement aux tribunaux compétents de Nanterre, nonobstant la pluralité de défendeurs”. Les demandes présentées par la société TF1, telles qu’elles résultent dans leur dernier état de ses conclusions signifiées le 7 mars 2024, tendent à l’exécution forcée du protocole d’accord précité. À supposer que la société HDM Développement maintienne sa demande de résolution de cet accord devant la juridiction saisie au fond et que le tribunal y fasse droit, les demandes initiales de la société TF1, telles que présentées dans son assignation du 16 décembre 2021, reposent sur des constats réalisés en ligne et dans diverses villes en France. Les atteintes alléguées par la société TF1 reposent, de ce fait, sur des faits prétendument dommageables relevant de plusieurs juridictions. Il en résulte que tant le tribunal judiciaire de Paris que celui de Nanterre se trouvent matériellement et territorialement compétents pour statuer sur ces demandes. Pour rappel, l’article 46 du code de procédure civile permet au demandeur de saisir à son choix, outre la juridiction du lieu où demeure le défendeur : en matière délictuelle, la juridiction du lieu du fait dommageable ou celle dans le ressort de laquelle le dommage a été subi. Selon l’article 48 du même code, toute clause qui, directement ou indirectement, déroge aux règles de compétence territoriale est réputée non écrite à moins qu’elle n’ait été convenue entre des personnes ayant toutes contracté en qualité de commerçant et qu’elle n’ait été spécifiée de façon très apparente dans l’engagement de la partie à qui elle est opposée. Aux termes de l’article 73 du même code, constitue une exception de procédure tout moyen qui tend soit à faire déclarer la procédure irrégulière ou éteinte, soit à en suspendre le cours. Conformément à l’article 76 alinéa 1 du même code, sauf application de l’article 82-1, l’incompétence peut être prononcée d’office en cas de violation d’une règle de compétence d’attribution lorsque cette règle est d’ordre public ou lorsque le défendeur ne comparaît pas. Elle ne peut l’être qu’en ces cas. En application de l’article 789 du même code, lorsque la demande est présentée postérieurement à sa désignation, le juge de la mise en état est, jusqu’à son dessaisissement, seul compétent, à l’exclusion de toute autre formation du tribunal, pour :1° Statuer sur les exceptions de procédure, les demandes formées en application de l’article 47 et les incidents mettant fin à l’instance (…). Résumé de l’affaire : La société TF1, titulaire de la marque « votre plus beau marché », a assigné la société HDM Développement pour contrefaçon de marque et parasitisme, estimant que cette dernière portait atteinte à ses droits. HDM Développement, qui exploite des halles alimentaires sous le nom « L’heure du marché », détient plusieurs marques similaires. Un accord de médiation a été conclu le 21 juin 2023, mais TF1 a demandé la réinscription de l’affaire au rôle en décembre 2023. HDM Développement a soulevé un incident en avril 2024, contestant la compétence du tribunal de Paris et demandant la nullité des conclusions de TF1, ainsi que la résolution de l’accord de médiation. TF1 a répliqué en demandant l’irrecevabilité des demandes de HDM et en soutenant que la clause attributive de juridiction ne devait pas s’appliquer. Les deux parties avancent des arguments sur la validité de l’accord et les circonstances entourant leur situation respective. L’audience sur l’incident est prévue pour le 20 juin 2024.
REPUBLIQUE FRANÇAISE 25 septembre 2024
Tribunal judiciaire de Paris RG n° 24/00365 TRIBUNAL
JUDICIAIRE DE PARIS [1] [1] Le : ■ 3ème chambre N° RG 24/00365 N° MINUTE : Assignation du : incident ORDONNANCE DU JUGE DE LA MISE EN ETAT S.A. TELEVISION FRANCAISE 1 représentée par Me Sylvie BENOLIEL CLAUX de la SELARL BENOLIEL AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #D1819 DEFENDERESSE S.A.S. HDM DEVELOPPEMENT représentée par Me Catherine VERNERET de la SELAS DS AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, avocat postulant, vestiaire #T0007 & Me Charles-Antoine JOLY de la SELAS DS AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant Décision du 25 septembre 2024 MAGISTRAT DE LA MISE EN ETAT Jean-Christophe GAYET, premier vice-président adjoint assisté de Caroline REBOUL, greffière lors des débats et de Lorine MILLE, greffière lors de la mise à disposition. DEBATS A l’audience du 20 juin 2024, avis a été donné aux avocats que l’ordonnance serait rendue le 25 septembre 2024. ORDONNANCE Prononcée publiquement par mise à disposition au greffe EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE
La société Télévision Française 1 (ci-après TF1) a pour activité la production, l’édition et la diffusion de programmes audiovisuels. L’audience sur incident a été fixée au 20 juin 2024 après échanges des conclusions des parties. Dans ses dernières conclusions d’incident, notifiées par voie électronique le 17 avril 2024, la société HDM Développement demande au juge de la mise en état de :- avant toute défense au fond, juger que le tribunal judiciaire de Paris est incompétent pour connaître des demandes de la société TF1 au profit du tribunal de commerce de Nanterre Au soutien de ses demandes, la société HDM Développement fait valoir que le protocole d’accord conclu avec la demanderesse au principal stipule une clause attributive de juridiction au profit des tribunaux de Nanterre. Elle ajoute que ce même protocole prévoit l’obligation de trouver une issue amiable en cas de différend relatif à ce protocole dans un délai de 60 jours avant de saisir la juridiction compétente, tandis que la société TF1 soutient que les conditions de validité du protocole n’étaient pas réunis le 1er décembre 2023 alors qu’elle a notifié le 29 décembre 2023 ses conclusions de rétablissement au rôle non conformément à cette disposition, viciant ainsi de nullité ces conclusions du 29 décembre 2023 et celles subséquentes du 7 mars 2024. Au fond, elle conclut que depuis la conclusion du protocole du 21 juin 2023 son activité a été frappée par la crise économique lui imposant une modification de ses enseignes et de sa communication, sa situation financière ne lui permettant pas d’honorer ses engagements d’investissement dans la régie publicitaire de la société TF1, l’ensemble constituant un changement de circonstances imprévisible devant conduire à sa résolution judiciaire. La société TF1 oppose que l’application de la clause attributive de juridiction irait à l’encontre de l’intérêt d’une bonne administration de la justice dans la mesure où la société HDM Développement formule une demande de résolution judiciaire de l’accord du 21 juin 2023, laquelle, si elle était accueillie, imposerait au tribunal saisi de statuer sur ses demandes initiales en contrefaçon de marques et parasitisme, les premières relevant du tribunal judiciaire de Paris, lieu du fait dommageable. Selon elle, la demande de nullité de ses conclusions de rétablissement au rôle signifiées le 29 décembre 2023 est dépourvue de fondement juridique ; ces conclusions sont intervenues postérieurement au délai d’un mois prévu par ce protocole pour négocier ; elle était tenue de les signifier compte tenu de la péremption encourue à défaut et celles signifiées le 7 mars 2024 sont intervenues plus de trois mois après la défaillance de la demanderesse à l’incident et de ses propres tentatives pour tenter de parvenir à une solution amiable. Au fond, elle estime que la société HDM Développement ne produit aucune pièce pour justifier d’un prétendu changement de circonstances imprévisible, celle-ci ayant fait seule le choix de réorienter son activité. MOTIVATION
1 – Sur l’exception de compétence L’article 46 du code de procédure civile permet au demandeur de saisir à son choix, outre la juridiction du lieu où demeure le défendeur : en matière délictuelle, la juridiction du lieu du fait dommageable ou celle dans le ressort de laquelle le dommage a été subi. L’application combinée des articles L.716-5 II, R.716-21 du code de la propriété intellectuelle, L.211-10 et D.211-6-1 du code de l’organisation judiciaire donne compétence exclusive à certains tribunaux judiciaires pour connaître des actions en matière de marques françaises. 2.1 – S’agissant des dépens et des frais non compris dans les dépens Aux termes de l’article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge de l’autre partie. La société TF1, partie perdante à l’incident, sera condamnée à payer 10 000 euros à la société HDM Développement à ce titre. En application de l’article 514-1 du code de procédure civile, par exception, le juge ne peut écarter l’exécution provisoire de droit lorsqu’il statue en référé, qu’il prescrit des mesures provisoires pour le cours de l’instance, qu’il ordonne des mesures conservatoires ainsi que lorsqu’il accorde une provision au créancier en qualité de juge de la mise en état. PAR CES MOTIFS
Le juge de la mise en état, Déclare le tribunal judiciaire de Paris incompétent pour statuer sur les demandes de la société TF1 ; Renvoie les parties devant le tribunal judiciaire de Nanterre ; Réserve les dépens ; Condamne la société TF1 à payer 10 000 euros à la société HDM Développement en application de l’article 700 du code de procédure civile. Faite et rendue à Paris le 25 septembre 2024 La Greffière Le Juge de la mise en état |
Q/R juridiques soulevées :
Quelle est la nature de l’affaire entre TF1 et HDM Développement ?L’affaire oppose la société TF1, titulaire de la marque « votre plus beau marché », à la société HDM Développement, qui exploite des halles alimentaires sous le nom « L’heure du marché ». TF1 accuse HDM de contrefaçon de marque et de parasitisme, estimant que l’utilisation de marques similaires par HDM porte atteinte à ses droits. TF1 a assigné HDM en justice le 16 décembre 2021, et un accord de médiation a été conclu le 21 juin 2023. Cependant, TF1 a demandé la réinscription de l’affaire au rôle en décembre 2023, ce qui a conduit HDM à contester la compétence du tribunal de Paris et à demander la nullité des conclusions de TF1. Quelles sont les implications de la clause attributive de juridiction dans cette affaire ?La clause attributive de juridiction stipule que toute contestation relative à l’accord de médiation doit être soumise exclusivement aux tribunaux compétents de Nanterre. Cette clause, bien que convenue entre commerçants, ne peut pas déroger aux règles de compétence d’ordre public en matière de marques françaises. Le tribunal judiciaire de Paris a été déclaré incompétent pour statuer sur les demandes de TF1, ce qui signifie que les demandes doivent être examinées par le tribunal judiciaire de Nanterre. Cette décision repose sur l’application des articles du code de la propriété intellectuelle et du code de l’organisation judiciaire, qui attribuent la compétence exclusive à certains tribunaux pour les actions en matière de marques. Quels articles du code de procédure civile sont pertinents dans cette affaire ?Plusieurs articles du code de procédure civile sont cités dans cette affaire. L’article 46 permet au demandeur de saisir la juridiction du lieu où demeure le défendeur ou celle du lieu du fait dommageable. L’article 48 stipule que toute clause dérogeant aux règles de compétence territoriale est réputée non écrite, sauf si elle a été convenue entre commerçants et spécifiée de manière apparente. L’article 73 définit ce qui constitue une exception de procédure, tandis que l’article 76 alinéa 1 permet au tribunal de prononcer l’incompétence d’office en cas de violation d’une règle de compétence d’attribution. Enfin, l’article 789 précise que le juge de la mise en état est seul compétent pour statuer sur les exceptions de procédure jusqu’à son dessaisissement. Quelles sont les conséquences de la décision du tribunal judiciaire de Paris ?La décision du tribunal judiciaire de Paris de se déclarer incompétent a pour conséquence que l’affaire sera renvoyée devant le tribunal judiciaire de Nanterre. Cela signifie que toutes les demandes de TF1 concernant l’exécution forcée de l’accord de médiation devront être examinées par ce tribunal. De plus, la société TF1, en tant que partie perdante à l’incident, a été condamnée à payer 10 000 euros à HDM Développement au titre des frais exposés non compris dans les dépens, conformément à l’article 700 du code de procédure civile. Les dépens de l’affaire seront réservés, ce qui signifie qu’ils seront déterminés ultérieurement. Quels arguments avancent les parties concernant la validité de l’accord de médiation ?TF1 soutient que les conditions de validité de l’accord de médiation n’étaient pas réunies au moment où elle a notifié ses conclusions de rétablissement au rôle. Elle affirme que la société HDM Développement n’a pas respecté l’obligation de trouver une issue amiable dans un délai de 60 jours avant de saisir la juridiction compétente. De son côté, HDM Développement fait valoir que le protocole d’accord stipule une clause attributive de juridiction en faveur des tribunaux de Nanterre et conteste la compétence du tribunal de Paris. HDM demande également la résolution judiciaire de l’accord de médiation, arguant que des circonstances imprévisibles ont affecté sa capacité à honorer ses engagements. |
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