Accès limité aux pièces de procédure pour les parties civiles

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Accès limité aux pièces de procédure pour les parties civiles

L’Essentiel : Une information a été ouverte concernant des faits graves, impliquant M. et Mme [B], grands-parents de la victime [X]. Leur avocat a demandé la communication de pièces du dossier, mais le juge d’instruction a rejeté cette demande. M. et Mme [B] ont fait appel, critiquant la décision pour avoir accordé certaines pièces tout en en refusant d’autres, arguant que la liste fournie respectait les exigences procédurales. La Cour a finalement statué que le président de la chambre de l’instruction avait excédé ses pouvoirs en refusant la communication sans justifications adéquates, entraînant l’annulation de la décision.

Ouverture de l’information

Une information a été ouverte concernant des faits graves, et M. [P] [B] ainsi que Mme [Y] [B], grands-parents de la victime [X] [B], se sont constitués partie civile dans cette affaire.

Demande de communication de pièces

L’avocat des grands-parents a demandé l’autorisation de communiquer diverses pièces du dossier de la procédure. Cependant, le juge d’instruction a rejeté cette demande par ordonnance du 15 mars 2024.

Appel de la décision

M. et Mme [B] ont décidé de faire appel de la décision du juge d’instruction qui a limité la communication des pièces à certaines cotes, tout en rejetant d’autres demandes de communication.

Critique de l’arrêt attaqué

Le moyen soulevé critique l’arrêt pour avoir accordé la communication de certaines pièces tout en refusant d’autres, en arguant que la liste des pièces demandées par l’avocat ne respectait pas les exigences de la procédure.

Arguments sur la communication des pièces

Il est soutenu que le refus de communication des pièces D1 à D456 est injustifié, car l’avocat avait bien précisé les numéros de cotes dans sa demande. De plus, il est affirmé que le président de la chambre de l’instruction a ajouté des conditions non prévues par la loi.

Motifs de rejet non conformes

Le président de la chambre de l’instruction a été critiqué pour avoir fondé son refus sur des motifs non prévus par la loi, notamment en se basant sur un risque abstrait de pression, sans justifications concrètes.

Erreur matérielle et risque de pression

Une erreur matérielle concernant le numéro de procédure a été relevée, mais cela n’a pas été jugé suffisant pour établir un risque d’excès de pouvoir. Les griefs soulevés à ce sujet n’ont pas été accueillis.

Décision de la Cour

La Cour a statué que le président de la chambre de l’instruction a excédé ses pouvoirs en refusant la communication de certaines pièces, sans justifications adéquates liées au risque de pression. L’annulation de la décision est donc encourue, avec renvoi pour la communication des pièces demandées.

Q/R juridiques soulevées :

Quelles sont les conditions de communication des pièces du dossier d’instruction selon le Code de procédure pénale ?

La communication des pièces du dossier d’instruction est régie par l’article 114 du Code de procédure pénale. Cet article précise que l’avocat qui souhaite transmettre à son client une reproduction de la procédure d’information doit en informer le juge d’instruction.

Il doit également indiquer la liste des pièces concernées.

Le juge d’instruction peut s’opposer à cette communication par une ordonnance spécialement motivée, en tenant compte des risques de pression sur les victimes, les parties à la procédure ou les personnes qui y concourent.

Ainsi, la décision du juge d’instruction est susceptible de recours devant le président de la chambre de l’instruction, qui statue par une ordonnance non susceptible de recours, sauf si elle fait apparaître un risque d’excès de pouvoir.

Quels sont les motifs de rejet d’une demande de communication de pièces du dossier d’instruction ?

Le seul motif de rejet d’une demande de communication de copies de pièces du dossier d’information, selon l’article 114, alinéa 9, du Code de procédure pénale, est le risque de pression sur les victimes, les personnes mises en examen, leurs avocats, les témoins, les enquêteurs, les experts ou toute autre personne concourant à la procédure.

Le juge doit justifier sa décision en caractérisant ce risque de manière concrète.

En effet, un simple risque abstrait de pression ne suffit pas à justifier un refus de communication.

Le président de la chambre de l’instruction doit également s’assurer que les motifs avancés pour le refus de communication sont conformes à la loi.

Comment le président de la chambre de l’instruction doit-il justifier son refus de communication de pièces ?

Le président de la chambre de l’instruction doit justifier son refus de communication de pièces en se basant sur des motifs prévus par la loi, notamment le risque de pression sur les personnes impliquées dans la procédure.

Il doit caractériser ce risque de manière précise et concrète, en expliquant pourquoi la communication des pièces pourrait nuire à l’intégrité de la procédure ou à la sécurité des personnes concernées.

Si le président ne justifie pas son refus par un risque de pression, il peut être considéré comme ayant excédé ses pouvoirs, ce qui pourrait entraîner l’annulation de sa décision.

Ainsi, la transparence et la motivation des décisions sont essentielles pour garantir le respect des droits des parties civiles et des personnes mises en examen.

N° X 24-82.364 F-D

N° 00061

GM
22 JANVIER 2025

ANNULATION PARTIELLE

M. BONNAL président,

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 22 JANVIER 2025

M. [P] [B] et Mme [Y] [B], parties civiles, ont formé un pourvoi contre la décision du président de la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Bordeaux, en date du 20 mars 2024, qui, dans l’information suivie contre M. [Z] [L] des chefs de viol et agression sexuelle, aggravés, enregistrement et détention d’images pédo-pornographiques, a rejeté leur demande de communication de pièces du dossier.

Un mémoire a été produit.

Sur le rapport de M. Gouton, conseiller, les observations de la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat de M. [P] [B], Mme [Y] [B], et les conclusions de M. Crocq, avocat général, après débats en l’audience publique du 11 décembre 2024 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Gouton, conseiller rapporteur, M. de Larosière de Champfeu, conseiller de la chambre, et M. Maréville, greffier de chambre,

la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l’article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Il résulte de l’arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.

2. Une information a été ouverte des chefs susvisés.

3. M. [P] [B] et Mme [Y] [B], grands-parents de [X] [B], victime des faits poursuivis, se sont constitués partie civile.

4. Leur avocat a sollicité l’autorisation de leur communiquer diverses pièces du dossier de la procédure.

5. Par ordonnance du 15 mars 2024, le juge d’instruction a rejeté cette demande.

6. M. et Mme [B] ont relevé appel de cette décision.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

7. Le moyen critique l’arrêt attaqué en ce qu’il a fait droit à la demande de communication des seules pièces B2 à B5, B15 à B23 et V1 à V21 et a rejeté la demande de remise aux époux [B] de la reproduction des cotes B1, B6 à B14, B24 à B37, Ca1 à Ca87, D1 à D456, alors :

« 1°/ que lorsque la copie du dossier de l’information a été demandée par l’avocat, celui-ci doit, le cas échéant, donner connaissance au juge d’instruction, par déclaration à son greffier ou par lettre ayant ce seul objet et adressée en recommandé avec accusé de réception, de la liste des pièces ou actes dont il souhaite remettre une reproduction à son client ; qu’en relevant, pour rejeter la demande de communication de la copie des pièces D1 à D456 formulée par le conseil des époux [B], parties civiles, que la liste des pièces communiquées aux parties ne peut consister en l’intégralité de la cote D et inventaire du dossier d’information et qu’il appartient au conseil des parties de lister précisément les pièces de la cote D dont il sollicite la communication cependant que le conseil des époux [B] a sollicité du juge d’instruction la remise de la reproduction des cotes D1 à D456 et que l’indication de numéros de cotes d’un dossier d’instruction constitue bien une liste de pièces ou actes, le président de la chambre de l’instruction a excédé ses pouvoirs ;

2°/ que l’alinéa 7 de l’article 114 du code de procédure pénale n’interdit pas au conseil d’une partie de solliciter la remise de la reproduction de la totalité des pièces cotées D au dossier d’instruction, pourvu qu’elles soient numérotées, ni n’impose au conseil de ne solliciter que quelques pièces cotées D ; qu’en rejetant la demande du conseil des époux [B] au motif qu’il a sollicité la remise de la totalité des pièces de la cote D, dont il a précisé les numéros dans sa demande, le président de la chambre de l’instruction a ajouté à la loi une condition qu’elle ne prévoit pas et a excédé ses pouvoirs ;

3°/ que le seul motif de rejet total ou partiel d’une demande de communication de copies de pièces du dossier d’information qui est prévu par la loi est le risque de pression sur les victimes, les personnes mises en examen, leurs avocats, les témoins, les enquêteurs, les experts ou toute autre personne concourant à la procédure ; qu’en retenant, pour s’opposer à la demande de remise de la reproduction des cotes B1, B6 à B14 et B24 à B37, que seules les pièces B2 à B5 et B15 à B23 peuvent recevoir un intérêt procédural pour les parties civiles, le président de la chambre de l’instruction, qui n’a pas justifié sa décision au regard du seul motif de rejet prévu par la loi, a excédé ses pouvoirs ;

4°/ que le seul motif de rejet total ou partiel d’une demande de communication de copies de pièces du dossier d’information qui est prévu par la loi est le risque de pression sur les victimes, les personnes mises en examen, leurs avocats, les témoins, les enquêteurs, les experts ou toute autre personne concourant à la procédure ; qu’en fondant son refus de faire droit à la demande de communication aux parties civiles des pièces de la cote C relatives au contrôle judiciaire et à la détention provisoire des mis en examen sur l’absence de droit des parties de contester l’octroi de ces statuts, le président de la chambre de l’instruction, qui a invoqué un motif de rejet non prévu par la loi, a excédé ses pouvoirs ;

5°/ que le risque de pression sur les victimes, les personnes mises en examen, leurs avocats, les témoins, les enquêteurs, les experts ou toute autre personne concourant à la procédure, susceptible de justifier le rejet d’une demande de transmission de la copie de pièces du dossier à une partie, doit être caractérisé concrètement ; qu’en se bornant, pour rejeter la demande de remise aux parties civiles des copies des pièces de la cote C, à affirmer un risque abstrait de pression sans mieux justifier en quoi les époux [B], qui ont déjà connaissance du contenu du dossier par leur avocat et peuvent le consulter, pourraient exercer des pressions, le président de la chambre de l’instruction a excédé ses pouvoirs ;

6°/ qu’en relevant l’existence d’un risque de pression « sur les mis en examen » cependant qu’il était saisi d’une demande présentée dans le cadre de la procédure n° 123/5 qui concerne un seul mis en examen M. [Z] [L] et que l’ordonnance mentionne à tort en première page le numéro de procédure « 123/6 » et « la procédure suivie au tribunal judiciaire d’Angoulême (cabinet de [T] [I]) contre [U] [G], [K] [A] et [J] [M] des chefs de viol sur mineur de 15 ans, agression sexuelle sur mineur de 15 ans » et autres infractions, le président de la chambre de l’instruction, qui a apprécié le risque de pression au regard de mis en examen qui sont concernés par une autre procédure (123/6) dans le cadre de laquelle, au demeurant, il a été fait intégralement droit à la demande de remise des pièces des parties civiles le 6 mars 2024, a excédé ses pouvoirs ;

7°/ qu’en n’explicitant pas pour quels motifs les époux [B], qui ont reçu intégralement copie du dossier d’information n° 123/6, dans lequel ils sont constitués également parties civiles pour des faits de viol et d’agression sexuelle sur la personne de leur petit-fils [X], du fait de l’ordonnance rendue par le président de la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Bordeaux en date du 6 mars 2024, ne devaient pas avoir accès à la copie du dossier d’information n° 123/5, le président de la chambre de l’instruction a excédé ses pouvoirs. »

Réponse de la Cour

Sur le moyen, pris en ses quatrième et cinquième branches

8. Les demandeurs ne sauraient soutenir que le président de la chambre de l’instruction aurait excédé ses pouvoirs en leur refusant la remise, par leur avocat, de la copie des pièces de la cote relative à la détention provisoire et au contrôle judiciaire de la personne poursuivie, dès lors que ce refus est fondé sur l’existence d’un risque de pression, motif prévu par l’article 114, alinéa 9, du code de procédure pénale.

9. Ainsi, les griefs ne peuvent être accueillis.

Sur le moyen, pris en ses sixième et septième branches

10. Une erreur matérielle, portant sur le numéro d’enregistrement d’une procédure, et la teneur d’une décision prise sur une demande de communication de copies de pièces dans une procédure distincte ne peuvent caractériser un risque d’excès de pouvoir qui entacherait la décision attaquée.

11. Ainsi, les griefs ne peuvent être accueillis.

Mais sur le moyen, pris en ses trois premières branches

Vu l’article 114, alinéas 8 à 10, du code de procédure pénale :

12. Selon ce texte, l’avocat qui souhaite communiquer à son client une reproduction de la copie de la procédure d’information doit en informer le juge d’instruction et lui indiquer la liste des pièces concernées. Le juge d’instruction peut s’opposer à cette communication par une ordonnance spécialement motivée au regard des risques de pression sur les victimes, les parties à la procédure ou les personnes qui y concourent. Sa décision est susceptible de recours devant le président de la chambre de l’instruction qui statue par une ordonnance non susceptible de recours, sauf si elle fait apparaître un risque d’excès de pouvoir. Tel est le cas lorsque le président de la chambre de l’instruction ne justifie pas le refus de communication d’une pièce de la procédure par un risque de pression qu’il doit caractériser.

13. Pour rejeter la demande de l’avocat tendant à la communication à ses clients, parties civiles, de la reproduction de pièces de la procédure figurant à la cote des pièces de fond, intitulée cote D, la décision attaquée énonce qu’une telle demande doit comporter la liste des pièces concernées et ne peut porter, sans distinction, sur l’intégralité de la cote de fond de la procédure.

14. Pour rejeter cette même demande en ce qu’elle vise certaines pièces de procédure, figurant à la cote des pièces de renseignements de personnalité, intitulée cote B, le juge ajoute que seules certaines des pièces figurant à cette cote présentent un intérêt pour les parties civiles.

15. En refusant ainsi la communication de pièces de la procédure aux parties civiles, pour des motifs étrangers au risque de pression sur les témoins, les victimes, les personnes qui sont parties à la procédure ou qui y concourent, le président de la chambre de l’instruction a excédé ses pouvoirs.

16. L’annulation est, dès lors, encourue. Elle interviendra avec renvoi et portera sur le seul refus de communication des pièces des cotes B et D dont la copie a été sollicitée.


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