Absence de dépôt de marque : la suspicion de fraude fiscale 

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Absence de dépôt de marque : la suspicion de fraude fiscale 
L’Essentiel : Une société générant un chiffre d’affaires élevé avec peu d’employés et sans dépôt de marque au Benelux, alors qu’elle est basée au Luxembourg, peut être suspectée de fraude fiscale. Cette situation peut entraîner des visites domiciliaires de l’administration fiscale française. La Cour de cassation a confirmé cette approche, soulignant que l’absence de marques déposées et la structure de l’entreprise peuvent justifier des enquêtes approfondies. Les sociétés concernées, dont Cabrelux, ont contesté ces mesures, arguant que leur modèle d’affaires, basé sur la sous-traitance, ne constitue pas une preuve de fraude.

Une société qui réalise un chiffre d’affaires particulièrement important avec un nombre très faible d’employés et qui n’a déposé aucune marque au niveau du Benelux alors que son siège social est au Luxembourg peut faire l’objet de visites domiciliaires de l’administration fiscale française.  

R É P U B L I Q U E  F R A N Ç A I S E
_________________________
 
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
 
COMM.
 
CH.B
 
COUR DE CASSATION
 
______________________
 
Audience publique du 12 octobre 2022
 
Rejet non spécialement motivé
 
M. MOLLARD, conseiller doyen
 
faisant fonction de président
 
Décision n° 10586 F
 
Pourvoi n° W 21-11.741
 
DÉCISION DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 12 OCTOBRE 2022
 
1°/ la société Cabrelux, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2],
 
2°/ la société Chausséa, société par actions simplifiée,
 
3°/ la société VGL Holding, société par actions simplifiée,
 
ayant toutes les deux leur siège [Adresse 1],
 
ont formé le pourvoi n° W 21-11.741 contre l’ordonnance rendue le 21 janvier 2021 par le premier président de la cour d’appel de Nancy, dans le litige les opposant au directeur général des finances publiques, représenté par l’administrateur général des finances publiques chargé de la direction nationale d’enquêtes fiscales, domicilié [Adresse 3], défendeur à la cassation.
 
Le dossier a été communiqué au procureur général.
 
Sur le rapport de Mme Lion, conseiller référendaire, les observations écrites de la SCP Didier et Pinet, avocat des sociétés Cabrelux, Chausséa et VGL Holding, de la SCP Foussard et Froger, avocat du directeur général des finances publiques, représenté par l’administrateur général des finances publiques chargé de la direction nationale d’enquêtes fiscales, après débats en l’audience publique du 5 juillet 2022 où étaient présents M. Mollard, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Lion, conseiller référendaire rapporteur, M. Ponsot, conseiller, et Mme Fornarelli, greffier de chambre,
 
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu la présente décision.
 
1. Les moyens de cassation annexés, qui sont invoqués à l’encontre de la décision attaquée, ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
 
2. En application de l’article 1014, alinéa 1er, du code de procédure civile, il n’y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce pourvoi.
 
EN CONSÉQUENCE, la Cour :
 
REJETTE le pourvoi ;
 
Condamne les sociétés Chausséa, VGL Holding et Cabrelux aux dépens ;
 
En application de l’article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes formées par les sociétés Chausséa, VGL Holding et Cabrelux et les condamne à payer au directeur général des finances publiques, représenté par l’administrateur général des finances publiques chargé de la direction nationale d’enquêtes fiscales, la somme globale de 2 500 euros ;
 
Ainsi décidé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du douze octobre deux mille vingt-deux.
 
MOYENS ANNEXES à la présente décision
 
Moyen produit par la SCP Didier et Pinet, avocat aux Conseils, pour les sociétés Chausséa, VGL Holding.
 
Les sociétés VGM Holding SAS et Chausséa SAS font grief à l’arrêt attaqué d’avoir autorisé des agents de l’administration des finances publiques, en application des dispositions de l’article L. 16 B du livre des procédures fiscales, à procéder à des opérations de visite domiciliaire des locaux et dépendances situés :
 
— [Adresse 1], susceptibles d’être occupés par la SAS Chausséa et/ou la SAS VGM Holding et/ou la SCI Chauss 2011 et/ou la SCI Chauss 2012 et/ou la SCI Chauss 2013 et/ou la SCI Chauss 2014 et/ou la SCI Chauss 2015 et/ou la SCI Chauss 2016 et/ou la SCI Chauss 2017 et/ou la SCI Chauss 2018 et/ou la SCI Chaussebail et/ou la SCI Chauss 2008 Bail et/ou la SCI Chauss 2010 Bail et/ou la SCI Briey 8 et/ou la SCI Briey 2019 et/ou la SCI du Pari et/ou la SCI de la Mine et/ou la SCI 7A et/ou la SCI 7 B et/ou la SCI JTG et/ou la SCI G.M. F7 et/ou la SCI G.W et/ou la SCI 3 F et/ou la SCI GMS Bail et /ou la S. C Chausseverd et/ou S.0 Chauss’Augny et/ou toutes entités appartenant à un des membres de la famille [M] lié au groupe Chausséa et susceptibles de contenir des documents ou supports d’information relatifs à la fraude présumée de la société de droit luxembourgeois SARL Cabrelux ;
 
-1 et/ou 8 et/ou 8E et/ou [Adresse 4]), susceptibles d’être occupés par M. [I] [M] et/ou Mme [W] [T].
 
1°) ALORS QUE, dans leurs conclusions (p. 12), les sociétés appelantes soutenaient que l’ordonnance ayant autorisé les visites litigieuses devait être annulée dès lors que l’administration avait fait devant le juge de l’autorisation une présentation incomplète, exclusivement à charge, ce qui caractérisait une volonté d’induire le magistrat en erreur et constituait à tout le moins un manquement au principe de loyauté par l’administration ; qu’en retenant que les sociétés appelantes alléguaient que les présomptions n’étaient « pas établies notamment eu égard à la présentation de pièces incomplètes, inexactes et litigieuses et à l’omission volontaire d’éléments par l’administration », le premier président de la cour d’appel a méconnu l’objet du litige et violé l’article 4 du code de procédure civile ;
 
2°) ALORS QU’en se bornant à examiner si les présomptions pouvaient être regardées comme étant établies, sans répondre au moyen soulevé par les sociétés appelantes pris de ce que l’ordonnance ayant autorisé les visites litigieuses devait être annulée dès lors que l’administration avait fait devant le juge de l’autorisation une présentation incomplète, exclusivement à charge, ce qui caractérisait une volonté d’induire le magistrat en erreur et constituait à tout le moins un manquement au principe de loyauté par l’administration, le premier président de la cour d’appel a violé l’article 455 du code de procédure civile ;
 
3°) ALORS QUE les exposantes avaient fait valoir que l’ordonnance était irrégulière dès lors qu’elle autorisait sans limites temporelles la saisie de tous documents (concl. p. 44) ; qu’en ne répondant pas à ce moyen, le premier président de la cour d’appel a violé l’article 455 du code de procédure civile ;
 
4°) ALORS QUE pour autoriser les visites domiciliaires litigieuses, le premier juge avait retenu qu’aucune marque n’avait été déposée au niveau du Benelux, pourtant lieu du siège social de la société Cabrelux ; que, dans leurs conclusions (p. 32), les sociétés appelantes avaient fait valoir que cette assertion était erronée et justifié de ce que la société Cabrelux avait déposé près de trente marques au Benelux ; qu’en s’abstenant de répondre à ce moyen, le premier président de la cour d’appel a violé l’article 455 du code de procédure civile. Moyen produit par la SCP Didier et Pinet, avocat aux Conseils, pour la société Cabrelux.
 
La société Chausséa SAS fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir autorisé des agents de l’administration des finances publiques, en application des dispositions de l’article L. 16 B du livre des procédures fiscales, à procéder à des opérations de visite domiciliaire des locaux et dépendances situés :
 
— [Adresse 1], susceptibles d’être occupés par la SAS Chausséa et/ou la SAS VGM Holding et/ou la SCI Chauss 2011 et/ou la SCI Chauss 2012 et/ou la SCI Chauss 2013 et/ou la SCI Chauss 2014 et/ou la SCI Chauss 2015 et/ou la SCI Chauss 2016 et/ou la SCI Chauss 2017 et/ou la SCI Chauss 2018 et/ou la SCI Chaussebail et/ou la SCI Chauss 2008 Bail et/ou la SCI Chauss 2010 Bail et/ou la SCI Briey 8 et/ou la SCI Briey 2019 et/ou la SCI du Pari et/ou la SCI de la Mine et/ou la SCI 7A et/ou la SCI 7 B et/ou la SCI JTG et/ou la SCI G.M. F7 et/ou la SCI G.W et/ou la SCI 3 F et/ou la SCI GMS Bail et /ou la S. C Chausseverd et/ou S.0 Chauss’Augny et/ou toutes entités appartenant à un des membres de la famille [M] lié au groupe Chausséa et susceptibles de contenir des documents ou supports d’information relatifs à la fraude présumée de la société de droit luxembourgeois SARL Cabrelux ;
 
-1 et/ou 8 et/ou 8E et/ou [Adresse 4]), susceptibles d’être occupés par M. [I] [M] et/ou Mme [W] [T] ;
 
1°) ALORS QUE, dans leurs conclusions (p. 12), les sociétés appelantes soutenaient que l’ordonnance ayant autorisé les visites litigieuses devait être annulée dès lors que l’administration avait fait devant le juge de l’autorisation une présentation incomplète, exclusivement à charge, ce qui caractérisait une volonté d’induire le magistrat en erreur et constituait à tout le moins un manquement au principe de loyauté par l’administration ; qu’en retenant que les sociétés appelantes alléguaient que les présomptions n’étaient « pas établies notamment eu égard à la présentation de pièces incomplètes, inexactes et litigieuses et à l’omission volontaire d’éléments par l’administration », le premier président de la cour d’appel a méconnu l’objet du litige et violé l’article 4 du code de procédure civile ;
 
2°) ALORS QU’en se bornant à examiner si les présomptions pouvaient être regardées comme étant établies, sans répondre au moyen soulevé par les sociétés appelantes pris de ce que l’ordonnance ayant autorisé les visites litigieuses devait être annulée dès lors que l’administration avait fait devant le juge de l’autorisation une présentation incomplète, exclusivement à charge, ce qui caractérisait une volonté d’induire le magistrat en erreur et constituait à tout le moins un manquement au principe de loyauté par l’administration, le premier président de la cour d’appel a violé l’article 455 du code de procédure civile ;
 
3°) ALORS QUE les exposantes avaient fait valoir que l’ordonnance était irrégulière dès lors qu’elle autorisait sans limites temporelles la saisie de tous documents (concl. p. 44) ; qu’en ne répondant pas à ce moyen, le premier président de la cour d’appel a violé l’article 455 du code de procédure civile ;
 
4°) ALORS QUE pour autoriser les visites domiciliaires litigieuses, le premier juge avait retenu qu’aucune marque n’avait été déposée au niveau du Benelux, pourtant lieu du siège social de la société Cabrelux ; que, dans leurs conclusions (p. 32), les sociétés appelantes avaient fait valoir que cette assertion était erronée et justifié de ce que la société Cabrelux avait déposé près de trente marques au Benelux ; qu’en s’abstenant de répondre à ce moyen, le premier président de la cour d’appel a violé l’article 455 du code de procédure civile ;
 
5°) ALORS QU’en se fondant sur l’importance du chiffre d’affaires réalisé par la société Cabrelux au regard du faible nombre de ses employés, sans répondre aux conclusions de l’exposante qui faisait valoir qu’elle exerçait une activité de de gestion de marques et de licences qui ne nécessitait pas des moyens matériels et humains très importants, dès lors qu’une grande partie de cette activité était sous-traitée, soit à la société CHAUSSEA SARL (société de droit luxembourgeois), soit à son cabinet d’expertise-comptable, soit enfin à ses avocats ou ses conseils en propriété intellectuelle, qu’ils soient français ou étrangers, le premier président de la cour d’appel a violé l’article 455 du code de procédure civile ;
 
6°) ALORS QU’en se fondant sur le fait que la société Cabrelux sous-traitait une grande partie de son activité, quand cette circonstance était impropre à faire présumer d’une quelconque fraude, le premier président de la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 16 B du livre des procédures fiscales.
 
Q/R juridiques soulevées :

Quelle est la situation de la société Cabrelux par rapport à l’administration fiscale française ?

La société Cabrelux, qui est une société à responsabilité limitée, est située au Luxembourg et réalise un chiffre d’affaires important avec un nombre très faible d’employés. Cette situation atypique attire l’attention de l’administration fiscale française, qui peut décider de mener des visites domiciliaires pour vérifier la conformité fiscale de l’entreprise. Ces visites peuvent être motivées par des soupçons de fraude ou d’évasion fiscale, surtout lorsque l’entreprise n’a pas déposé de marques au Benelux, malgré son siège social dans cette région. Les autorités fiscales cherchent à s’assurer que les entreprises respectent les obligations fiscales et ne profitent pas de leur structure pour éviter de payer des impôts.

Quelles ont été les décisions de la Cour de cassation concernant les sociétés impliquées ?

La Cour de cassation a rendu une décision le 12 octobre 2022, rejetant le pourvoi formé par les sociétés Cabrelux, Chausséa et VGL Holding. Cette décision a été prise après que les sociétés aient contesté une ordonnance autorisant des visites domiciliaires par l’administration des finances publiques. La Cour a estimé que les moyens de cassation présentés n’étaient pas suffisants pour entraîner une annulation de la décision précédente. Elle a également condamné les sociétés à payer des dépens et a rejeté leurs demandes de compensation financière, ce qui souligne la rigueur de la procédure judiciaire en matière fiscale.

Quels étaient les arguments des sociétés contre les visites domiciliaires ?

Les sociétés ont soutenu que l’ordonnance autorisant les visites domiciliaires était fondée sur une présentation incomplète et biaisée des faits par l’administration. Elles ont affirmé que cette présentation visait à induire le juge en erreur, ce qui constitue une violation du principe de loyauté. De plus, elles ont contesté l’affirmation selon laquelle aucune marque n’avait été déposée au Benelux, en précisant que Cabrelux avait en réalité déposé près de trente marques dans cette région. Les sociétés ont également fait valoir que l’ordonnance était irrégulière car elle autorisait la saisie de tous documents sans limites temporelles, ce qui pourrait être considéré comme excessif.

Comment la Cour a-t-elle justifié son rejet des arguments des sociétés ?

La Cour de cassation a jugé que les moyens de cassation présentés par les sociétés n’étaient pas de nature à entraîner la cassation de la décision. Elle a noté que les sociétés n’avaient pas réussi à prouver que l’administration avait agi de manière inappropriée ou que les présomptions de fraude n’étaient pas établies. La Cour a également souligné que la présentation des faits par l’administration était suffisante pour justifier les visites domiciliaires, même si les sociétés contestaient certains éléments. En fin de compte, la décision de la Cour reflète une volonté de maintenir l’intégrité des procédures fiscales et de permettre à l’administration de mener ses enquêtes sans entrave.

Quelles implications cette décision peut-elle avoir pour d’autres entreprises ?

Cette décision de la Cour de cassation peut avoir des implications significatives pour d’autres entreprises, en particulier celles qui opèrent dans des structures similaires à celle de Cabrelux. Elle souligne l’importance pour les entreprises de maintenir une transparence totale dans leurs opérations et de s’assurer qu’elles respectent toutes les obligations fiscales. Les entreprises doivent être conscientes que des structures complexes ou des chiffres d’affaires élevés avec peu d’employés peuvent attirer l’attention des autorités fiscales. Cela peut également inciter d’autres entreprises à revoir leurs pratiques de conformité fiscale pour éviter des enquêtes similaires et des conséquences juridiques.

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