Tribunal judiciaire de Nîmes, 6 février 2025, RG n° 23/05311
Tribunal judiciaire de Nîmes, 6 février 2025, RG n° 23/05311

Type de juridiction : Tribunal judiciaire

Juridiction : Tribunal judiciaire de Nîmes

Thématique : Responsabilité médicale et indemnisation des préjudices : enjeux et expertises en matière de soins dentaires.

Résumé

Contexte de l’affaire

En 2018, un professionnel de santé, désigné comme le Docteur [D]-[K], a réalisé des travaux de réparation dentaire sur un patient, identifié comme Monsieur [J] [I], en posant des bridges. Suite à des complications, une expertise judiciaire a été ordonnée par le tribunal judiciaire de Nîmes en septembre 2019, et le rapport d’expertise a été déposé en mars 2021.

Procédures judiciaires et demandes d’indemnisation

En octobre 2022, le tribunal a accordé une provision de 2 000 euros à Monsieur [Y] pour son préjudice. En novembre 2023, un autre patient, désigné comme Monsieur [C] [J] [Y], a assigné le Docteur [K] [D] et la CPAM du Gard pour obtenir une indemnisation plus complète de son préjudice. Dans ses conclusions, il a demandé la reconnaissance de la responsabilité du Docteur [K] et a listé plusieurs postes de préjudice, incluant des frais de santé actuels et futurs, des souffrances endurées, et d’autres frais divers.

Arguments du demandeur

Le demandeur a mis en avant que l’expert avait identifié trois fautes majeures dans la prise en charge par le Docteur [K], notamment un défaut d’information et des erreurs techniques dans la réalisation de l’acte médical. Il a également contesté le rapport d’expertise, arguant que les soins nécessaires étaient plus complexes que ceux décrits par l’expert. Les dépenses de santé futures ont été estimées à 27 756,08 euros, et le demandeur a sollicité des indemnités pour divers préjudices.

Réponse du défendeur

Le Docteur [Z] [D]-[K], en tant que défendeur, a demandé le rejet des prétentions de Monsieur [I], arguant que les demandes étaient injustes et mal fondées. Il a proposé une liquidation de préjudice bien inférieure à celle demandée par le demandeur, tout en contestant la nécessité d’une expertise complémentaire. Le défendeur a également souligné que des soins à l’étranger avaient pu contribuer à la dégradation de l’état de santé du patient.

Position de la CPAM du Gard

La CPAM du Gard, bien que régulièrement assignée, n’a pas constitué avocat et n’a pas présenté de créance définitive, ce qui a soulevé des questions sur la prise en charge des frais de santé. Le tribunal a noté que plusieurs postes de préjudice étaient soumis à recours et a décidé de rouvrir les débats pour permettre à la CPAM de produire ses débours définitifs.

Décision du tribunal

Le tribunal a reconnu le droit à indemnisation de Monsieur [C] [J] [Y] et a ordonné la réouverture des débats pour permettre à la CPAM du Gard de présenter sa créance. La clôture de l’instruction a été fixée à une date ultérieure, et le tribunal a rappelé au demandeur de notifier la décision à la CPAM. Toutes les demandes ont été réservées en attendant la réouverture des débats.

Copie délivrée
à
Me Laurie LE SAGERE
la SCP TOURNIER & ASSOCIES

TRIBUNAL JUDICIAIRE Par mise à disposition au greffe
DE NIMES
Le 06 Février 2025
Troisième Chambre Civile
————-

N° RG 23/05311 – N° Portalis DBX2-W-B7H-KGQP

JUGEMENT

Le Tribunal judiciaire de NIMES, Troisième Chambre Civile, a, dans l’affaire opposant :

M. Né [J] [I] [Y] [C] [J]
né le [Date naissance 2] 1972 à [Localité 5] (SYRIE), demeurant [Adresse 4]
représenté par Me Laurie LE SAGERE, avocat au barreau de NIMES, avocat postulant, Me Margot RAYBAUD, avocat au barreau de BEZIERS, avocat plaidant,

à :

M. [Z] [D]-[K], demeurant [Adresse 3]
représenté par la SCP TOURNIER & ASSOCIES, avocats au barreau de NIMES, avocats plaidant,

CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DU GARD, dont le siège social est sis [Adresse 1]
n’ayant pas constitué avocat

Rendu publiquement, le jugement réputé contradictoire suivant, en application de l’article 474 du code de procédure civile, statuant en premier ressort après que la cause a été débattue en audience publique le 17 Janvier 2025 devant Chloé AGU, Juge, statuant comme juge unique, assistée de Corinne PEREZ, Greffier, et qu’il en a été délibéré.

N° RG 23/05311 – N° Portalis DBX2-W-B7H-KGQP

EXPOSE DU LITIGE

Le Docteur [D]-[K] a procédé, en 2018, à la réparation de la dentition de Monsieur [J] [I], par la pose de bridges.

Par ordonnance de référé du 4 septembre 2019, le tribunal judiciaire de NIMES a ordonné une expertise judiciaire confiée au Docteur [S] remplacé par le Docteur [R].

Le rapport d’expertise judiciaire a été déposé le 23 mars 2021.

Par ordonnance de référé du 12 octobre 2022, une provision de 2 000 euros à valoir sur l’indemnisation de son préjudice a été accordée à Monsieur [Y].

Par actes en date des 26 octobre 2023 et 3 novembre 2023, Monsieur [C] [J] [Y] a assigné devant la juridiction de céans le Docteur [K] [D] et la CPAM du Gard afin d’indemnisation de son préjudice.

Suivant dernières conclusions signifiées par RPVA le 25 novembre 2024, Monsieur [C] [J] [Y] demande au tribunal, de :

-Déclarer recevable et bien-fondé Monsieur [C] [J] [Y] en ses demandes, fins et conclusions ;

*A titre principal :

-Constater que le rapport d’expertise dressé par le Dr [R] retient la responsabilité du Dr [K] ;
-Prendre acte des contestations des conclusions expertales sur les dépenses de santé futures ;
en conséquence :
le condamner à lui payer :
dépenses de santé actuelles : 3 285,41 euros
DFTPP (classe I) : 300 euros
Souffrances endurées : 2 000 euros
dépenses de santé futures : 27 756,08 euros
Frais divers :
frais de déplacement : 21,36 euros
frais de conseil : 2 776,03 euros
frais d’expertise : 970,83 euros
Préjudice d’impréparation et défaut d’information : 8 000 euros

-Déduire du total la provision de 2 000 euros ;
-Dire et juger que ces sommes seront actualisées au jour du jugement calculées sur indice des prix à la consommation hors tabac, INSEE ;
-Condamner le Docteur [K] à majorer les sommes allouées par la présente décision des intérêts au taux légal à compter de la signification de la présente assignation ;
-Condamner la partie succombante à régler le montant capitalisé par année entière ;

*A titre subsidiaire :

-Surseoir à statuer dans l’attente de la réponse de l’expert interrogé sur la nature, l’étendue et le montant des soins futurs et ce sur le fondement de l’article 245 du code de procédure ;
Allouer à l’expert un délai de 2 mois pour répondre aux questions qui lui seront posées ;

*A titre infiniment subsidiaire :

-Ordonner l’instauration d’une mesure d’expertise judiciaire et pour ce faire désigner un expert spécialisé en implantologie avec mission décrite dans le dispositif des conclusions ;

-Surseoir à statuer dans l’attente de la réception du rapport d’expertise;
-Laisser à l’expert un délai de 4 mois pour rendre son rapport à réception de sa mission ;

*En tout état de cause :
-Déclarer commun et opposable le jugement à toutes les parties présentes à l’instance ;
-condamner le Dr [K] à lui payer 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens ;
-Juger qu’à défaut d’exécution spontanée, le Dr [K] supportera les sommes engagées par les commissaires de justice chargés d’en assurer l’exécution.

Le demandeur expose notamment que :

-l’expert a retenu trois fautes majeures dans la prise en charge du Dr [K] : défaut d’information, faute de technique dans la réalisation de l’acte médical en lui-même et faute dans le choix du traitement et la réalisation de l’acte médica l;
-il apparaît que le rapport d’expertise est contestable en ce que les soins doivent être une pose de bridge complet de 14 dents sur 10 implants avec greffe et non la dépose du bridge de secteur 1 avec reprise des soins endodontiques et pose d’un bridge de 4 éléments ;
-le devis sur lequel se fonde l’expert est en effet remis en cause par son rédacteur lui même en ce que les modalités de calcul ont depuis été modifiées et que la seule solution pérenne est une solution implantaire ;
-les dépenses de santé futures s’élèvent à 24 500 euros au 27 août 2021 actualisée à 27 756,08 euros à novembre 2024 pour tenir compte de l’érosion monétaire ;
-s’agissant des dépenses de santé actuelles, il s’agit de soins dispensés à l’étranger de telle sorte qu’il n’y a eu aucune prise en charge des organismes sociaux ;
-les dépenses de santé actuelles s’élèvent à 3 285,41 euros après actualisation ;
-le DFT s’élève à 300 euros sur la base de 25 euros ;
-les souffrances endurées seront indemnisées à hauteur de 2 000 euros en ce qu’il souffre de maux de tête nécessitant la prise de Tramadol qui appartient à la classe des opioïdes ;
-la réalisation de nouveaux soins a nécessairement engendré des souffrances physiques et psychologiques de devoir à nouveau effectuer des soins douloureux ;
-les frais de déplacement s’élèvent à 21,36 euros ;
-les frais de conseil s’élèvent à 2 483,93 euros actualisés en novembre 2024 à 2 776,03 euros ;
-il est sollicité la somme de 970,83 euros après actualisation au titre des frais d’expertise ;
-le préjudice d’impréparation sera indemnisé à hauteur de 8 000 euros ;
-les sommes allouées produiront intérêts au taux légal à compter de la date de l’assignation ;
-à titre subsidiaire, il sollicite un sursis à statuer dans l’attente de la réponse de l’expert interrogé sur la nature, l’étendue et le montant des soins futurs sur le fondement de l’article 245 du code de procédure civile ;
-à titre infiniment subsidiaire, il est sollicité une mesure d’expertise.

****
Suivant dernières conclusions signifiées par RPVA le 6 novembre 2024, le Docteur [Z] [D]-[K] demande au tribunal, de :

-Rejeter toutes prétentions adverses comme injustes et mal fondées ;

-Liquider le préjudice de Monsieur [I] ainsi :

868,70 euros au titre des frais divers,
256,20 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire,
1 960 euros au titre des dépenses de santé futures,
1 000 euros au titre des souffrances endurées,
1 000 euros au titre du préjudice d’impréparation

-Déduire du total la provision versée de 2 000 euros ;

-Rejeter la demande au titre des dépenses de santé actuelles en l’absence du décompte des organismes sociaux et rejeter toute demande d’expertise complémentaire ou de demande complémentaire auprès de l’expert déjà désigné ;

-Rejeter toutes autres demandes notamment au titre de l’article 700 ainsi qu’au titre de la majoration des intérêts au taux légal ;

-Statuer ce que de droit sur les dépens, en ce compris les frais d’expertise judiciaire.

Le défendeur soutient notamment que :

-s’agissant des DSA, il appartiendra au défendeur de déduire les remboursements versés par les organismes sociaux des sommes venant en déduction ;
-il s’en rapporte sur les frais de déplacement et d’expertise ;
-les frais de conseil seront rejetés au titre des frais divers car ils correspondent à l’article 700 ;
au titre du DFT, il conviendra de l’indemniser à hauteur de 256,20 euros ;
-s’agissant des souffrances endurées, il sera indemnisé à hauteur de
1 000 euros ;
-l’expert retient 1 960 euros au titre des dépenses de santé futures ;
-il convient en effet de retenir les conclusions précises et pertinentes de l’expert judiciaire ;
N° RG 23/05311 – N° Portalis DBX2-W-B7H-KGQP
-l’intervention d’un praticien tiers à l’étranger a pu participer à la dégradation des piliers prothétiques ;
-une éventuelle dégradation de son état ne pourrait être imputée non à lui mais à l’attitude du patient ;
-une mesure d’expertise apparaît inutile et infondée ;
-le préjudice d’impréparation sera ramené à de plus justes proportions.

****
Bien que régulièrement assignée, la CPAM DU GARD n’a pas constitué avocat.

L’instruction a été clôturée le 17 décembre 2024 par ordonnance du juge de la mise en état du 22 novembre 2024.

L’affaire, plaidée à l’audience du 17 janvier 2025 a été mise en délibéré au 6 février 2025.

PAR CES MOTIFS

Le Tribunal, statuant publiquement par décision réputée contradictoire, par mise à disposition au greffe, rendue avant-dire-droit ;

CONSTATE l’entier droit à indemnisation de Monsieur [C] [J] [Y] né [J] [I] ;

ORDONNE avant-dire-droit la réouverture des débats au 27 mars 2025 à 9h00 ;

ENJOINT à la CPAM du GARD de produire sa créance définitive ;

ORDONNE la révocation de l’ordonnance de clôture et fixe la clôture de l’instruction au 20 mars 2025 ;

RAPPELLE qu’il appartient à Monsieur [C] [J] [Y] né [J] [I] de notifier la présente décision à la CPAM du GARD;

RESERVE toutes les demandes ;

PRECISE que la notification de la présente décision vaut convocation à l’audience du 27 mars 2025 à 9h.

Le Greffier, Le Président,

 


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