Tribunal judiciaire de Mulhouse, 6 février 2025, RG n° 23/00238
Tribunal judiciaire de Mulhouse, 6 février 2025, RG n° 23/00238

Type de juridiction : Tribunal judiciaire

Juridiction : Tribunal judiciaire de Mulhouse

Thématique : Interruption et prescription : enjeux d’une créance contestée

Résumé

Contexte de l’Acquisition

Suite à un acte authentique reçu par un notaire, un acheteur et son épouse ont acquis des lots d’un ensemble immobilier en l’état futur d’achèvement d’une société par actions simplifiée unipersonnelle (SASU) pour un montant de 285 000 euros.

Litige Initial

La SASU ARTEMIS DEVELOPPEMENT a assigné l’acheteur et son épouse devant le tribunal de grande instance pour obtenir le paiement d’une provision de 46 110 euros, correspondant à diverses factures et appels de fonds liés à des travaux de construction.

Procédure de Liquidation Judiciaire

Le tribunal de grande instance de Strasbourg a prononcé la liquidation judiciaire de la SASU ARTEMIS DEVELOPPEMENT en mars 2019. Par la suite, une expertise judiciaire a été ordonnée, et la SASU a été placée en redressement judiciaire en mars 2020.

Demande de Créance

L’acheteur et son épouse ont ensuite assigné la SASU ARTEMIS DEVELOPPEMENT, représentée par son liquidateur judiciaire, pour faire reconnaître leur créance dans le cadre de la liquidation judiciaire. Ils ont également demandé la résolution du contrat de vente immobilière.

Décisions Judiciaires

Le tribunal a rejeté les demandes de la SASU ARTEMIS DEVELOPPEMENT en avril 2019, et a déclaré irrecevables les demandes de l’acheteur et de son épouse en mai 2021, car elles avaient été formulées après le jugement d’ouverture de la liquidation.

Conclusions des Parties

Dans leurs conclusions, l’acheteur et son épouse ont soutenu que les demandes reconventionnelles de la SASU étaient forcloses, tandis que la SASU, par son liquidateur, a contesté cette forclusion et a demandé le paiement des sommes dues.

Décision du Juge de la Mise en État

Le juge a déclaré irrecevables les demandes reconventionnelles de la SASU ARTEMIS DEVELOPPEMENT, considérant que la prescription avait expiré. Les demandes au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ont également été rejetées.

Conclusion

Le tribunal a ordonné le renvoi de l’affaire à une audience ultérieure, tout en rappelant le caractère exécutoire de la décision rendue.

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE MULHOUSE
———————————
[Adresse 5]
[Adresse 5]
[Localité 3]
—————————-
Première Chambre Civile

MINUTE n°
N° RG 23/00238
N° Portalis DB2G-W-B7H-IGMK

KG/JLD
République Française

Au Nom Du Peuple Français

ORDONNANCE

du 06 février 2025

Dans la procédure introduite par :

Monsieur [C] [R]
demeurant [Adresse 4]

Madame [F] [O] épouse [R]
demeurant [Adresse 4]

représentés par Maître Véronique SCHOTT de la SELAS LEXARES AVOCATS, avocats au barreau de MULHOUSE, vestiaire : 84

– partie demanderesse –

A l’encontre de :

S.A.S.U. ARTEMIS DEVELOPPEMENT
exerçant sous le nom commercial STECO FRANCE et placée en liquidation judiciaire par jugement de la chambre commerciale du TJ de Strasbourg du 27 juillet 2020 agissant par Me [P] [V] es qualité de mandataire liquidateur demeurant profesionnellement [Adresse 7]
dont le siège social est sis [Adresse 2]

représentée par Maître Caroline BACH, avocat postulant, avocat au barreau de MULHOUSE, vestiaire : 26 et Maître Laurent FREUDL, avocat plaidant, avocat au barreau de STRASBOURG,

– partie défenderesse –

CONCERNE : Demande en nullité d’un contrat tendant à la réalisation de travaux de construction

Nous, Jean-Louis DRAGON, Juge au Tribunal judiciaire de céans, Juge de la mise en état, assisté de Thomas SINT, Greffier, avons rendu l’ordonnance suivante, par mise à disposition au greffe ce jour :

EXPOSÉ DU LITIGE

Suivant acte authentique reçu par Me [W] [H], notaire à [Localité 6] en date du 22 août 2016, M. [C] [R] et Mme [F] [O] son épouse ont acquis, de la SASU ARTEMIS DEVELOPPEMENT dans un ensemble immobilier en l’état futur d’achèvement situé à [Adresse 8] cadastré section 22 numéro [Cadastre 1], les lots numéros 1, 39, 40 et 53 moyennant le prix de 285000 euros.

Par assignation signifiée le 28 décembre 2018, la SASU ARTEMIS DEVELOPPEMENT a attrait M. [R] et Mme [O] devant le juge des référés du tribunal de grande instance de MULHOUSE aux fins de les voir condamner à lui payer à titre de provision la somme totale de 46110 euros se décomposant comme suit :
– 3360 euros correspondant à une facture numéro 17/2017 en date du 28 avril 2017 relative à une modification de cloison ;
– 28500 euros correspondant à un appel de fonds en date du 28 août 2018 relatif à l’achèvement des travaux de plâtrerie ;
– 14250 euros correspondant au solde d’un appel de fonds en date du 12 octobre 2018 relatif aux travaux réalisés au niveau hors d’eau et hors d’air.

Par décision du tribunal de grande instance de STRASBOURG en date du 11 mars 2019, la SASU ARTEMIS DEVELOPPEMENT a fait l’objet d’une procédure de liquidation judiciaire.

Par ordonnance en date du 26 avril 2019, le juge des référés a débouté la SASU ARTEMIS DEVELOPPEMENT de ses demandes de provision et a ordonné reconventionnellement le 26 avril 2019 une expertise judiciaire confiée à M. [J] [A] dont le rapport a été déposé le 22 octobre 2019.

Par décision en date du 15 avril 2019, la cour d’appel de COLMAR a ordonné le sursis à exécution du jugement rendu le 11 mars 2019 par le TGI de STRASBOURG.

Par décision en date du 16 mars 2020, la Cour d’appel de COLMAR a infirmé le jugement rendu le 11 mars 2019 et a placé la SASU ARTEMIS DEVELOPPEMENT en redressement judiciaire.

Par acte de commissaire de justice en date des 13 mai et 15 mai 2020, M. [R] et Mme [O] ont attrait la SASU ARTEMIS DEVELOPPEMENT devant le tribunal judiciaire de MULHOUSE aux fins de fixation de leur créance dans le cadre du redressement judiciaire de cette dernière.

Cette affaire a été enregistrée sous le numéro RG 20/234.

Par décision en date du 27 juillet 2020, le tribunal judiciaire de STRASBOURG a converti le redressement judiciaire en liquidation judiciaire et a désigné Me [P] [V] en qualité de liquidateur judiciaire.

Par ordonnance du 4 mai 2021, le juge de la mise en état de Mulhouse a déclaré irrecevables les demandes de M. [R] et Mme [O] formées à l’encontre de la SASU ARTEMIS DEVELOPPEMENT, ces dernières ayant été formulées postérieurement au jugement d’ouverture.

Par assignation signifiée le 20 avril 2023, M. [C] [R] et Mme [F] [O] son épouse ont attrait la SASU ARTEMIS DEVELOPPEMENT représentée par son liquidateur judiciaire Me [P] [V] devant la première chambre civile du tribunal judiciaire de MULHOUSE aux fins de voir prononcer la résolution du contrat de vente immobilière conclu le 22 août 2016 et d’obtenir la fixation de sa créance à diverses sommes au titre du prix d’acquisition, de provision pour frais d’acte et de publicité foncière.

Par jugement avant-dire droit en date du 22 septembre 2023, il a été ordonné la révocation de l’ordonnance de clôture du 23 juin 2023 suite à la constitution d’avocat de Mme [P] [V].

Par conclusions d’incident dont les dernières ont été notifiées par RPVA le 12 novembre 2024, M. [C] [R] et Mme [F] [O] ont saisi le juge de la mise en état de :
– les déclarer recevables et biens fondés en l’ensemble de leurs demandes, fins, moyens et conclusions ;
– déclarer irrecevable et mal fondée la SASU ARTEMIS DEVELOPPEMENT agissant par son mandataire judiciaire Me [V] en l’ensemble de ses demandes, fins, moyens et conclusions ;
– constater la forclusion des demandes reconventionnelles de la SASU ARTEMIS DEVELOPPEMENT agissant par son mandataire judiciaire Me [V] ;
– débouter la SASU ARTEMIS DEVELOPPEMENT agissant par son mandataire judiciaire Me [V] de l’ensemble de ses demandes reconventionnelles, fins, moyens et conclusions ;
– fixer leur créance à la liquidation judiciaire de la SASU à la somme de 5000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile, outre les dépens de l’instance ;
– rappeler le caractère exécutoire du jugement à intervenir.

Au soutien de leurs conclusions, M. [C] [R] et Mme [F] [O] son épouse exposent que :
– au visa de l’article L218-2 du Code de la consommation, les demandes reconventionnelles en paiement de la SASU ARTEMIS DEVELOPPEMENT sont forcloses ;
– la SASU ARTEMIS DEVELOPPEMENT a été déboutée de ses demandes par ordonnance du 26 avril 2019 : si l’assignation en référés a eu pour effet d’interrompre le délai de forclusion, ce dernier a recommencé à courir à compter de la date à laquelle l’ordonnance est rendue ;
-la SASU ARTEMIS DEVELOPPEMENT n’a formulé aucune demande de condamnation avant les conclusions du 24 janvier 2024 ;
– à la date de l’assignation en référés du 28 décembre 2018, la SASU ARTEMIS ne pouvait donc ignorer le caractère exigible des factures sollicitées et il s’agit par conséquent d’un aveu judiciaire ;
– il est contesté que la forclusion ait pu être suspendue jusqu’au 22 octobre 2019 date du dépôt du rapport d’expertise : quoi qu’il en soit, plus de deux ans séparent cette date aux conclusions du 24 janvier 2024 ;
– elle ne justifie pas que les travaux seraient aujourd’hui achevés ;
-en réponse au moyen selon lequel la forclusion ne serait pas opposable au mandataire judiciaire, ce dernier a depuis le jugement de conversion en date du 27 juillet 2020 connaissance de l’état des créances et des dettes ;
– la SASU ARTEMIS DEVELOPPEMENT représentée par son liquidateur et la SASU ARTEMIS DEVELOPPEMENT sont la même personne juridique et elles partagent le même numéro d’inscription au RCS.

Dans ses dernières conclusions notifiées par RPVA le 10 septembre 2024, la SASU ARTEMIS DEVELOPPEMENT représentée par son liquidateur judiciaire Me [P] [V] sollicite du juge de la mise en état de :
– débouter les époux [R] de leur demande visant à voir constater la forclusion de ses demandes reconventionnelles ;
– recevoir ses demandes reconventionnelles.

Au soutien de ses conclusions, la SASU ARTEMIS DEVELOPPEMENT représentée par son liquidateur judiciaire Me [P] [V] expose que :
– l’article L218-2 du Code de la consommation ne fixe pas le point de départ du délai de forclusion de deux ans ;
– la jurisprudence considère qu’il y a lieu de prendre en considération la date de la connaissance des faits qui permet au professionnel d’exercer son action à l’encontre du consommateur ;
– cette date peut être constituée par l’achèvement des travaux ou l’exécution des prestations ;
– l’ordonnance de référés en date du 28 décembre 2018 a eu pour effet de suspendre le délai de forclusion jusqu’au 22 octobre 2019, date du dépôt du rapport de l’expert ;
– les travaux n’étant pas achevés, le rapport d’expertise étant équivoque sur l’état d’achèvement du chantier, le point de départ du délai de forclusion ne saurait avoir couru ;
– le délai de forclusion n’est pas opposable au liquidateur judiciaire de la procédure : les demandeurs ne sauraient opposer la prescription à l’égard du mandataire à raison de faits juridiques relevant d’une autre personne juridique ;
– à titre reconventionnel, les demandeurs seront condamnés à verser une somme de 46110 euros à la défenderesse au titre des appels de fonds correspondant aux travaux réalisés.

ll est, en application de l’article 455 du Code de procédure civile, pour plus ample exposé des faits, moyens et prétentions des parties, renvoyé au dossier de la procédure, aux pièces versées aux débats et aux conclusions des parties ci-dessus visées.

L’incident a été appelé à l’audience du 5 décembre 2024 et a été mis en délibéré au 6 février 2025.

PAR CES MOTIFS

Nous, Jean-Louis DRAGON, juge de la mise en état, statuant publiquement, par ordonnance contradictoire mise à disposition au greffe et en premier ressort,

DECLARONS IRRECEVABLES les demandes reconventionnelles en paiement des sommes de 3360 euros, 500 euros, 14250 euros formées par la SASU ARTEMIS DEVELOPPEMENT représentée par son liquidateur judiciaire Me [P] [V] ;

REJETONS les demandes formées au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;

DISONS que les dépens suivront le sort de l’instance au principal ;

RENVOYONS l’affaire à l’audience de mise en état du 27 mars 2025 et enjoignons au conseil de la SASU ARTEMIS DEVELOPPEMENT représentée par son liquidateur judiciaire Me [P] [V] de conclure pour ladite audience ;

RAPPELONS le caractère exécutoire de la présente ordonnance.

Et la présente ordonnance a été signée par le Juge de la mise en état et le Greffier.

Le Greffier, Le Juge,

 


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