Cour d’appel de Toulouse, 6 février 2025, RG n° 23/02068
Cour d’appel de Toulouse, 6 février 2025, RG n° 23/02068

Type de juridiction : Cour d’appel

Juridiction : Cour d’appel de Toulouse

Thématique : Responsabilité et prescription : enjeux d’une expertise contestée

Résumé

Propriétés et Contexte de l’Affaire

Le GAEC, en tant que propriétaire non occupant, possède un bâtiment à usage d’habitation destiné à la location. Un propriétaire occupant, désigné ici comme un voisin, possède un bâtiment accolé dont la toiture est en continuité avec celui du GAEC.

Effondrement et Dommages

Le 3 décembre 2012, une partie du bâtiment du voisin s’est effondrée, causant des dommages au bâtiment du GAEC. Ce dernier a alors contacté son assureur de protection juridique, qui a mandaté une expertise. Le rapport a conclu à la nécessité de travaux urgents pour sécuriser le bâtiment du GAEC, confirmant que les dommages provenaient de l’effondrement du bâtiment du voisin.

Travaux et Indemnisation

Le GAEC a financé plusieurs travaux de sécurisation et de confortement, totalisant plus de 41 000 euros. En octobre 2014, l’assureur du voisin a indemnisé le GAEC pour un montant de 60 833,84 euros en raison des dommages subis.

Apparition de Fissures et Nouvelle Expertise

En novembre 2017, le locataire du GAEC a signalé l’apparition d’une fissure en façade. Une nouvelle expertise a été réalisée, concluant que cette fissure était également liée à l’effondrement du bâtiment du voisin, nécessitant des travaux supplémentaires estimés à 41 751,76 euros.

Refus de Règlement et Action en Justice

En avril 2021, l’assureur de protection juridique du GAEC a demandé le règlement de la somme due à l’assureur du voisin, qui a refusé en invoquant la prescription.

Procédure Judiciaire

Le GAEC a assigné le voisin, son assureur, ainsi que les entreprises ayant réalisé les travaux, devant le tribunal judiciaire. L’entrepreneur individuel a également assigné l’assureur en référé. Le juge a ordonné une mesure d’expertise, mais a rejeté la demande d’expertise contre le voisin et son assureur, considérant que l’action était prescrite.

Appel et Interventions Volontaires

Le GAEC a interjeté appel de l’ordonnance, demandant la réformation de la décision. Une compagnie d’assurances a également tenté d’intervenir dans l’affaire, mais son intervention a été déclarée irrecevable par le tribunal.

Arguments des Parties

Le GAEC soutient que la prescription n’a commencé à courir qu’à partir du rapport d’expertise, tandis que le voisin et son assureur affirment que la connaissance des fissures en 2017 suffisait pour faire courir le délai de prescription.

Décision du Tribunal

Le tribunal a confirmé l’ordonnance initiale, considérant que le GAEC avait eu connaissance des fissures en 2017, ce qui rendait son action contre le voisin et son assureur manifestement prescrite. Le GAEC a été condamné aux dépens et à verser des sommes à l’assureur du voisin.

06/02/2025

ARRÊT N° 88/2025

N° RG 23/02068 – N° Portalis DBVI-V-B7H-PQAR

SG/IA

Décision déférée du 02 Mai 2023

TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de FOIX

( 23/00015)

Mme MARFAING

GAEC DE [Adresse 5]

C/

[N] [B]

S.A. ACM IARD DOMMAGES RC

Société CRAMA CAISSE REGIONALE D’ASSURANCE MUTUELLE AGRICOLE D’OC DITE GROUPAMA D’OC

CONFIRMATION

Grosse délivrée

le

à

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D’APPEL DE TOULOUSE

3ème chambre

***

ARRÊT DU SIX FEVRIER DEUX MILLE VINGT CINQ

***

APPELANTE

GAEC DE [Adresse 5]

[Adresse 5]

[Localité 1]

Représentée par Me Gilles SOREL, avocat postulant au barreau de TOULOUSE et par Me François ABADIE, avocat plaidant au barreau de SAINT-GAUDENS

INTIMÉS

Monsieur [N] [B]

[Adresse 6]

[Localité 1]

Représenté par Me Regis DEGIOANNI de la SCP DEGIOANNI – PONTACQ – GUY-FAVIER, avocat au barreau D’ARIEGE

S.A. ACM IARD DOMMAGES RC

[Adresse 7]

[Adresse 7]

[Localité 3]

Représentée par Me Isabelle BAYSSET de la SCP D’AVOCATS MARGUERIT ‘ BAYSSET, avocat au barreau de TOULOUSE

INTERVENANTE VOLONTAIRE

CRAMA CAISSE REGIONALE D’ASSURANCE MUTUELLE AGRICOLE D’OC DITE GROUPAMA D’OC, prise en la personne de son représentant légal domicilité en cette qualité audit siège

Dont le siège social est [Adresse 4]

[Adresse 4]

[Localité 2]

Représentée par Me Audrey MARTY, avocat postulant au barreau de TOULOUSE et par Me Stéphane LOPEZ, avocat plaidant au barreau de PAU

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 805 et 907 du Code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 02 Décembre 2024, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant S. GAUMET,conseillère, chargé du rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

E. VET, conseiller faisant fonction de président de chambre

S. GAUMET, conseiller

AF. RIBEYRON, conseiller

Greffier, lors des débats : K. MOKHTARI

ARRET :

– CONTRADICTOIRE

– prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties

– signé par E. VET, président, et par K. MOKHTARI, greffier de chambre

FAITS

Le GAEC de [Adresse 5] est propriétaire non occupant d’un bâtiment à usage d’habitation situé [Adresse 6] à [Localité 1] (09), destiné à la location.

M. [N] [B] est propriétaire occupant d’un bâtiment accolé et dont la toiture est en continuité de celui appartenant au GAEC de [Adresse 5].

Le 03 décembre 2012, une partie du bâtiment appartenant à M. [B] s’est effondrée, générant des dommages sur le bâtiment du GAEC. Celui-ci a saisi son assureur de protection juridique, qui a diligenté une expertise confiée au cabinet Polyexpert, lequel dans un rapport le 29 janvier 2013 a conclu à la nécessité de travaux de mise en sécurité urgents et confirmé que les désordres causés à l’immeuble du GAEC, avaient pour origine l’effondrement du bâtiment de M. [B].

Le GAEC de [Adresse 5] a financé :

– diverses mesures conservatoires et de sécurisation du bâtiment mises en place par l’entreprise Couserans Construction, pour un montant total de 14 092,53 euros TTC suivant facture du 26 mars 2013,

– des travaux de confortement, mise en place de tirants et traitement de la charpente-couverture, confiés à l’entreprise [T] [X], pour un montant de 27 716,42 euros TTC, suivant facture du 27 mai 2016.

Le 31 octobre 2014, la SA ACM IARD, assureur de M. [B], a réglé au GAEC la somme de 60 833,84 euros en sa qualité de victime de l’effondrement.

Au mois de novembre 2017, le GAEC de [Adresse 5] a été informé par son locataire de l’apparition d’une fissure en façade. Le cabinet Polyexpert, à nouveau mandaté, s’est adjoint les services d’un bureau d’études spécialisé, en la personne de M. [U] [D], qui a établi un rapport le 14 mai 2019. Dans son rapport du 02 octobre 2020, le cabinet Polyexpert a conclu que le nouveau désordre était la conséquence de l’écroulement du mur de l’immeuble de M. [B] et nécessitait la réalisation de travaux pour un montant de 41.751,76 euros.

Par courrier du 09 avril 2021, la compagnie GAN Assurances, assureur de protection juridique du GAEC a sollicité de la société ACM, assureur de M. [B], le règlement de la somme de 41.751,76 € sur le fondement de l’article 1242-1 du code civil, ce à quoi cette dernière a opposé un refus de paiement au motif de la l’acquisition de la prescription.

PROCÉDURE

Par acte en date des 29 décembre du 3 janvier 2023 et 23 janvier 2023, le GAEC de [Adresse 5] a fait assigner M. [N] [B], la SA ACM Iard, la SA SCOP Couserans Construction et l’entreprise [T] et [X] devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Foix aux fins d’obtenir la désignation d’un expert avec mission de déterminer notamment les causes des désordres et de chiffrer le coût de leur remise en état.

Par acte en date du 15 février 2023, l’entrepreneur individuel [T] [X] a fait assigner la Compagnie Groupama d’Oc devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Foix aux fins que soit déclarée commune et opposable l’ordonnance de référé à intervenir et en garantie.

Par ordonnance contradictoire en date du 02 mai 2023, le juge des référés a :

– ordonné la jonction de la procédure enrôlée sous le RG n°23/00039 avec celle enrôlée sous le RG n°23/00015,

– rejeté la demande d’expertise en ce qu’elle est dirigée à l’encontre de M. [N] [B],

– ordonné la mise hors de cause de son assureur, la SA Assurances du Crédit Mutuel, ACM- Iard,

– ordonné l’organisation d’une mesure d’expertise et commis pour y procéder un expert inscrit sur la liste de la Cour d’Appel de Toulouse, en la personne de M. [K] [V], avec une mission pour le détail de laquelle il est expressément renvoyé à l’ordonnance,

– ordonné à la SA Scop Couserans Construction de fournir à Groupama d’Oc son attestation d’assurance responsabilité civile décennale, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, dans le délai de 15 jours à compter de la signification de la présente décision,

– dit que l’astreinte provisoire court pendant un délai maximum de 3 mois à charge pour le demandeur de solliciter du juge de l’exécution la liquidation de l’astreinte provisoire et le prononcé de l’astreinte définitive,

– condamné le GAEC de [Adresse 5] aux dépens de la présente instance,

– condamné le GAEC de [Adresse 5] à payer à M. [N] [B] et la compagnie d’assurances du Crédit Mutuel, ACM-IARD à chacun, la somme de 800 euros en application des dispositions de l’article 700 alinéa code de procédure civile,

– rejeté les autres demandes fondées sur l’article 700 du code de procédure civile,

– rappelé que la présente ordonnance est de plein droit assortie de l’exécution provisoire.

Par déclaration du 09 juin 2023, le GAEC de [Adresse 5] a interjeté appel de l’ordonnance en vue d’obtenir la réformation, l’infirmation, voire l’annulation de l’ordonnance en ce qu’elle a :

– rejeté la demande d’expertise en ce qu’elle est dirigée contre M. [N] [B],

– ordonné la mise hors de cause de son assureur la SA Assurances du Crédit Mutuel ACM-IARD,

– condamné le GAEC de [Adresse 5] à payer à M. [N] [B] et à la compagnie

d’Assurances Crédit Mutuel ACM-IARD, à chacun, la somme de 800 euros au titre de

l’article 700 code de procédure civile outre aux entiers dépens.

Par conclusions d’intervention volontaire du 19 septembre 2023, la société CRAMA d’Oc a déclaré intervenir volontairement à l’instance.

Par conclusions d’incident adressées au président de la chambre le 22 mars 2024, la

compagnie d’Assurances du Crédit Mutuel ACM-IARD a soulevé l’irrecevabilité de l’intervention volontaire de la compagnie Crama d’Oc.

Suivant ordonnance du 19 septembre 2024, la présidente déléguée de la troisième chambre de la cour d’appel de Toulouse a déclaré irrecevable devant la président de la chambre l’incident formé par la SA ACM IARD Dommages-RC et l’a déboutée de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Le GAEC de [Adresse 5] dans ses dernières conclusions en date du 31 juillet 2023, demande à la cour de :

– infirmer l’ordonnance de référé du tribunal judiciaire de Foix du 2 mai 2023 en ce qu’elle a :

* rejeté la demande d’expertise en ce qu’elle était notamment dirigée à l’encontre de M. [N] [B],

* ordonné la mise hors de cause de son assureur la SA Crédit Mutuel, ACM Iard,

* condamné le GAEC de [Adresse 5] à payer à M. [B] et à la compagnie d’assurance du Crédit Mutuel ACM Iard la somme de 800 euros à chacun sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

* condamné le GAEC de [Adresse 5] aux entiers dépens,

– ordonner que les opérations d’expertises décidées par cette ordonnance et confiées à M. [V] seront communes et opposables à M. [B] et son assureur la compagnie d’assurance du Crédit Mutuel ACM Iard,

– condamner M. [B] et son assureur la compagnie d’assurance du Crédit Mutuel ACM Iard à verser au GAEC de [Adresse 5] la somme de 2 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,

– les condamner aux entiers dépens.

M. [N] [B], dans ses dernières conclusions du 17 octobre 2023 et au visa de l’article 145 du code de procédure civile, demande à la cour de :

– Confirmer l’ordonnance de référé rendue le 02 mai 2023 par le juge des référés du tribunal judiciaire de Foix,

– Débouter le GAEC de [Adresse 5] de l’ensemble de ses demandes,

– Condamner le GAEC de [Adresse 5] à payer la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

La Caisse Régionale d’Assurance Mutuelles Agricole d’Oc (CRAMA), dans ses dernières conclusions en date du 19 septembre 2023, demande à la cour au visa des articles 145, 328 et 554 du code de procédure civile, de :

– déclarer la Compagnie Caisse Régionale d’Assurance Mutuelles Agricole d’Oc dite Groupama d’Oc, concluante, recevable et bien fondée en son intervention volontaire,

y faisant droit,

– réformer l’ordonnance de référé du TJ de Foix du 2 mai 2023 en ce qu’elle a :

* rejeté la demande d’expertise dirigée à l’encontre de M. [B],

* mis hors de cause son assureur la SA Assurance du Crédit Mutuel ACM Iard,

statuant à nouveau,

– ordonner que la mesure d’expertise confiée à M. [V] par l’ordonnance de référé du TJ de Foix du 2 mai se fera au contradictoire de M. [B] et son assureur les ACM Iard,

– condamner M. [B] et son assureur les ACM Iard à verser à la Groupama d’OC la somme de 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens de l’instance de référé.

La Compagnie d’assurances ACM, Iard Dommages RC, dans ses dernières conclusions en date du 6 novembre 2024, demande à la cour au visa des articles 554, 145 du code de procédure civile et de l’article 2224 du code civil, de :

in limine litis,

– déclarer irrecevable l’intervention volontaire régularisée par la Caisse Régionale d’Assurance Mutuelles Agricole d’OC,

– condamner la Caisse Régionale d’Assurance Mutuelles Agricole d’Oc à verser aux ACM une somme de 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile outre les dépens,

– confirmer les dispositions querellées de l’ordonnance du 2 mai 2023,

– prononcer la mise hors de cause de la SA Assurances du Crédit Mutuel,

– condamner le GAEC de [Adresse 5] au règlement d’une indemnité de 2 500 euros au visa des disposition de l’article 700 du code de procédure civile,

L’ordonnance de clôture est intervenue le 25 novembre 2024.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant dans les limites de sa saisine,

– Confirme l’ordonnance rendue le 02 mai 2023 par le président du tribunal judiciaire de Foix statuant en référé,

Y ajoutant,

– Condamne le GAEC de [Adresse 5] aux dépens d’appel,

– Condamne le GAEC de [Adresse 5] à payer à M. [N] [B] et à la compagnie d’Assurances du Crédit Mutuel ACM-IARD Dommages RC chacun la somme de 1 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

K.MOKHTARI E.VET

 


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