Imputabilité des soins et respect du contradictoire en matière d’accident du travail

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Imputabilité des soins et respect du contradictoire en matière d’accident du travail

L’Essentiel : Un salarié, occupant le poste de coffreur Boiseur, a été embauché par une société par actions simplifiée unipersonnelle (SASU) en septembre 2000. Le 6 janvier 2020, alors qu’il préparait ses outils, il a subi un malaise, entraînant un accident du travail. La caisse primaire d’assurance maladie (CPAM) a pris en charge l’accident, mais la SASU a contesté la durée des arrêts de travail. Elle a saisi le tribunal, demandant que les arrêts soient déclarés inopposables à elle. La CPAM a contesté ces demandes, et le tribunal a ordonné une consultation médicale pour déterminer l’imputabilité des arrêts à l’accident.

Contexte de l’Affaire

Un salarié, occupant le poste de coffreur Boiseur, a été embauché par une société par actions simplifiée unipersonnelle (SASU) en septembre 2000. Le 6 janvier 2020, alors qu’il préparait ses outils, il a subi un malaise caractérisé par des vertiges et des vomissements, ce qui a conduit à la déclaration d’un accident du travail. Un certificat médical a été établi, indiquant un infarctus et un accident ischémique cérébelleux.

Prise en Charge de l’Accident

La caisse primaire d’assurance maladie (CPAM) a pris en charge l’accident du travail dès le 23 janvier 2020. Cependant, la SASU a contesté la durée des arrêts de travail et les soins prescrits au salarié, saisissant la commission médicale de recours amiable en novembre 2023. Suite à un rejet implicite de la commission, la SASU a introduit un recours devant le tribunal en mai 2024.

Demandes de la SASU

La SASU, par l’intermédiaire de son conseil, a formulé plusieurs demandes au tribunal. Elle a demandé, en premier lieu, de juger que la CPAM n’avait pas respecté le principe du contradictoire en ne transmettant pas l’intégralité du rapport médical à la commission. En conséquence, elle a demandé que les arrêts de travail liés à l’accident du 6 janvier 2020 soient déclarés inopposables à la SASU.

Réponse de la CPAM

La CPAM a contesté les demandes de la SASU, affirmant qu’aucune inopposabilité des prestations ne pouvait être prononcée. Elle a produit des documents attestant de la prise en charge des soins et arrêts de travail liés à l’accident. En cas de mesure d’instruction, la CPAM a demandé que celle-ci soit limitée à la détermination de la durée des arrêts de travail imputables à l’accident.

Décision du Tribunal

Le tribunal a décidé d’ordonner une consultation médicale sur pièces pour déterminer si les arrêts de travail étaient directement imputables à l’accident du 6 janvier 2020. Il a également rappelé que la SASU devait demander la communication de l’intégralité des rapports médicaux à la CPAM dans un délai imparti. Le tribunal a sursis à statuer sur les autres demandes en attendant le rapport de consultation médicale.

Conclusion

Cette affaire met en lumière les enjeux liés à la prise en charge des accidents du travail et les droits des employeurs et des salariés en matière de contestation des décisions de la CPAM. Le tribunal a souligné l’importance de respecter le principe du contradictoire tout en ordonnant une expertise pour éclairer la situation médicale du salarié.

Q/R juridiques soulevées :

Sur le non-respect du principe du contradictoire

En application de l’article R.142-8-5 du code de la sécurité sociale, pour les contestations soumises à une commission de recours amiable, l’absence de décision de l’organisme de prise en charge dans le délai de quatre mois à compter de l’introduction du recours préalable, vaut rejet de la demande.

Les articles L.142-6, R.142-8-2, R.142-8-3 du code de la sécurité sociale organisent la communication du dossier médical à l’employeur dès la saisine de la commission médicale de recours amiable :

– Dès réception du recours, le secrétariat de la commission médicale de recours amiable transmet la copie du recours préalable effectué par l’employeur au service du contrôle médical fonctionnant auprès de l’organisme dont la décision est contestée (article R.142-8-2 alinéa 1er).

– Dans un délai de dix jours à compter de la date de la réception de la copie du recours préalable, le praticien-conseil transmet alors à la commission, par tout moyen conférant date certaine, l’intégralité du rapport mentionné à l’article L.142-6 (article R.142-8-2 alinéa 2).

– Le secrétariat de la commission médicale de recours amiable notifie, dans un délai de dix jours à compter de l’introduction du recours, le rapport mentionné à l’article L.142-6 accompagné de l’avis au médecin mandaté par l’employeur à cet effet (article R.142-8-3 al.1).

– Dans un délai de vingt jours à compter de la réception du rapport médical, le médecin mandaté par l’employeur peut, par tout moyen conférant date certaine, faire valoir ses observations (article R.142-8-3 alinéa 3).

Il ressort de l’ensemble de ces dispositions que le code de la sécurité sociale organise notamment à la demande de l’employeur, et ce dès saisine par l’employeur de la commission de recours amiable, la transmission à son médecin conseil du rapport médical devant comprendre :

– L’ensemble des constatations sur pièce ou suite à l’examen clinique de l’assuré ;
– L’ensemble des certificats médicaux prescrits au salarié.

L’absence de communication ou la communication hors délais de ce rapport médical au médecin conseil désigné par l’employeur n’est toutefois assortie d’aucune sanction.

Si l’absence de communication de documents au stade de la phase de recours préalable prive la commission du bénéfice éventuel des observations du médecin mandaté par l’employeur, elle ne saurait faire grief à l’employeur qui conserve toute possibilité de contester la décision de la caisse dans le cadre d’une procédure contentieuse.

Ainsi, l’inobservation de ces dispositions n’entraîne pas l’inopposabilité à l’égard de l’employeur de la décision de prise en charge.

En l’espèce, l’employeur allègue que son médecin conseil n’a pas été destinataire des certificats médicaux de prolongation.

Il produit notamment l’avis médical de son médecin conseil, lequel constate qu’ « aucun autre certificat ne nous a été transmis. Le rapport du médecin conseil ne nous a pas été transmis ».

En réponse, la caisse primaire d’assurance maladie produit un courrier en date du 8 décembre 2023 par lequel elle transmet en copie l’entier dossier médical de l’assuré.

Il convient de relever que l’absence de transmission de ces documents lors de la phase amiable n’a pas fait grief à l’employeur de sorte que la caisse primaire d’assurance maladie n’a pas violé le principe du contradictoire à ce titre.

Dans la mesure où l’employeur a la possibilité d’obtenir la communication du dossier médical par l’intermédiaire de son médecin conseil à l’occasion d’une mesure d’instruction diligentée par le tribunal et aux frais exclusifs de la caisse, il n’y a pas lieu de faire droit à sa demande d’inopposabilité ou de communication hors cadre d’une telle mesure.

En conséquence, il y a lieu de débouter la société de sa demande d’inopposabilité de la décision de prise en charge de la caisse primaire d’assurance maladie relative à la prise en charge de l’accident professionnel de l’assuré au titre de la violation du principe du contradictoire.

Sur l’imputabilité des soins et arrêts à l’accident du travail du 6 janvier 2020

En application des dispositions des articles L 411-1, L 431-1 et L 433-1 du code de la sécurité sociale, la présomption d’imputabilité s’applique aux lésions initiales, à leurs complications, à l’état pathologique antérieur aggravé par l’accident ou la maladie, pendant toute la période d’incapacité précédent la guérison complète ou la consolidation et postérieurement aux soins destinés à prévenir une aggravation.

Plus généralement, cette présomption s’applique à toutes les conséquences directes de l’accident et fait obligation à la caisse primaire d’assurance maladie de prendre en charge, au titre de la législation sur les accidents du travail, les soins et arrêts de travail postérieurs à celui-ci.

Dès lors qu’un arrêt de travail a été initialement prescrit ou que le certificat médical initial d’accident du travail est assorti d’un arrêt de travail, la présomption d’imputabilité s’étend donc à toute la durée d’incapacité de travail précédant, soit la guérison complète, soit la consolidation de l’état de la victime.

Il appartient à l’employeur d’en apporter la preuve contraire.

La preuve de la continuité de symptômes et de soins est à la charge de la partie qui se prévaut de l’application de la présomption d’imputabilité, en l’espèce, la caisse primaire d’assurance maladie.

En l’espèce, la caisse primaire d’assurance maladie a produit au tribunal les pièces suivantes :

– La déclaration d’accident du travail établie le 8 janvier 2020 ;
– Le certificat médical initial établi le 6 janvier 2020 mentionnant : « Infarctus septal avec thrombose apical et accident ischémique cérébelleux » et prescrivant un arrêt de travail jusqu’au 14 mai 2020 inclus ;
– Les attestations de paiement des indemnités journalières de l’assuré du 7 janvier 2020 au 30 septembre 2021 inclus ;
– Une fiche de liaisons médico-administratives automatisées en date du 11 juin 2021 par laquelle un médecin considère comme justifiés les arrêts et soins prescrits à l’assuré ;
– Une fiche de liaisons médico-administratives automatisées en date du 6 septembre 2021 par laquelle un médecin constate la consolidation avec séquelles indemnisables de l’état de santé de l’assuré ;
– Une fiche de liaisons médico-administratives automatisées en date du 8 septembre 2021 par laquelle un médecin fixe un taux d’IP à 5% au 30 septembre 2021.

Il y a lieu de constater que la caisse a versé des indemnités journalières jusqu’au 30 septembre 2021, date de consolidation, justifiant donc d’arrêts de travail continus.

Dans ces conditions, la caisse primaire d’assurance maladie justifie de la continuité des symptômes et soins de l’assuré.

Dès lors, la présomption d’imputabilité est établie.

Il appartient à l’employeur de rapporter la preuve contraire, selon laquelle tout ou partie des soins et arrêts de travail seraient imputables à des causes totalement étrangères à cet accident.

L’employeur allègue que la durée de 634 jours trouve son origine dans l’existence d’un état antérieur cardiaque évident, lequel a été confirmé par le médecin conseil de la caisse lors de la consolidation de l’assuré.

Par suite, il produit un avis médical de son médecin conseil, lequel mentionne que « Face à la carence de transmission des pièces médicales, face à une pathologie le plus ouvert dégénératives et dont les facteurs de risques sont multiples et devant la survenue de cet épisode en dehors de toute activité professionnelle anormale, il nous apparaît impossible d’imputer la pathologie et donc la durée d’arrêt de travail en l’état ».

En l’espèce, si l’inobservation des dispositions du code de la sécurité sociale organisant la communication du dossier médical à l’employeur dès la saisine de la commission médicale de recours amiable n’est assortie d’aucune sanction, il convient de souligner que cette inobservation des dispositions légales ne peut avoir pour effet de priver l’employeur du respect du principe de contradictoire durant la phase contentieuse.

Dans ces conditions, au regard de l’avis du médecin conseil de l’employeur, lequel constate l’absence de transmission des pièces médicales de l’assuré et du courrier notifiant le taux d’incapacité permanente partielle faisant état d’un état antérieur, une mesure d’instruction judiciaire est le seul moyen permettant d’apprécier le bien-fondé des décisions de la caisse.

Elle constitue un élément de preuve essentiel qui doit être débattu entre les parties.

En conséquence, une consultation médicale sur pièces doit être ordonnée, aux frais de la caisse, avant dire droit sur la demande d’inopposabilité des soins et arrêts de travail de l’assuré, afin de déterminer les arrêts de travail en relation causale avec l’accident du travail du 6 janvier 2020.

Le secret médical posé par l’article R.4127-4 du code de la santé publique interdit à une juridiction de se faire communiquer l’entier dossier médical d’un assuré social.

En revanche, le secret médical ne saurait être opposé à un médecin expert appelé à éclairer le juge sur les conditions d’attribution d’une prestation, étant précisé que le médecin expert est lui-même tenu au secret médical et ne peut révéler que des éléments de nature à apporter une réponse aux questions posées.

En application de l’article 11 du code de procédure civile, la caisse primaire d’assurance maladie doit communiquer à l’expert l’entier dossier médical de l’assuré détenu par le service médical, sauf à tirer toutes les conséquences de son abstention ou de son refus.

Dans l’attente du jugement à intervenir après consultation, il y a lieu de surseoir à statuer sur les autres demandes.

1/ Tribunal judiciaire de Lille N° RG 24/01140 – N° Portalis DBZS-W-B7I-YLKQ
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE LILLE

PÔLE SOCIAL

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JUGEMENT DU 03 FEVRIER 2025

N° RG 24/01140 – N° Portalis DBZS-W-B7I-YLKQ

DEMANDERESSE :

S.A.S.U. [7]
[Adresse 5]
[Localité 3]
représentée par Me Michaël RUIMY, avocat au barreau de LYON substitué par Me Pierre HAMOUMOU

DEFENDERESSE :

CPAM DE LA CÔTE D’OPALE
[Adresse 6]
[Adresse 6]
[Localité 4]
représentée par Madame [H], munie d’un pouvoir

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Président : Benjamin PIERRE, Vice-Président
Assesseur : Michel VAULUISANT, Assesseur du pôle social collège employeur
Assesseur : Onno YPMA, Assesseur pôle social collège salarié

Greffier

Christian TUY,

DÉBATS :

A l’audience publique du 02 décembre 2024, date à laquelle l’affaire a été mise en délibéré, les parties ont été avisées que le jugement serait rendu le 03 Février 2025.

EXPOSÉ DU LITIGE

M. [U] [K], né le 10 août 1976, a été embauché par la SASU [7] en qualité de coffreur Boiseur à compter du 18 septembre 2000.

Le 6 janvier 2020, la SASU [7] a déclaré à la caisse primaire d’assurance maladie de la côte d’Opale un accident du travail survenu le 6 janvier 2020 à 8h30 dans les circonstances suivantes :  » M. [K] préparait ses outils pour commencer son travail. Le salarié allait commencer à travailler lorsqu’il a été pris de vertiges et de vomissements.
Nature des lésions : malaise – vertiges et vomissements « .

Le certificat médical initial établi le 6 janvier 2020 mentionne :
 » Infarctus septal avec thrombose apical et accident ischémique cérébelleux « .

Par décision du 23 janvier 2020, la caisse primaire d’assurance maladie (CPAM) de la Côte d’Opale a pris en charge d’emblée l’accident du 6 janvier 2020 de M. [U] [K] au titre de la législation sur les risques professionnels.

Par courrier du 23 novembre 2023, la SASU [7] a saisi la commission médicale de recours amiable afin de contester la durée des arrêts de travail et soins prescrits à M. [U] [K].

Par courrier recommandé expédié le 14 mai 2024, la SASU [7] a saisi le tribunal d’un recours à l’encontre de la décision implicite de rejet de la commission médicale de recours amiable.

Les parties ont échangé leurs écritures dans le cadre de la mise en état du dossier.

Par ordonnance du 7 novembre 2024, la clôture de l’instruction a été ordonnée et l’affaire a été fixée à l’audience du 2 décembre 2024, date à laquelle elle a été plaidée en présence des parties dûment représentées.

* * *

* La SASU [7], par l’intermédiaire de son conseil, s’est référée à sa requête initiale à laquelle il convient de se reporter pour le détail de ses demandes, moyens et prétentions soutenues oralement.

Elle demande au tribunal de :

A titre principal :
– juger que la CPAM n’a pas adressé à la Commission Médicale de Recours Amiable l’entier rapport médical défini à l’article L 142-1-A du code de la sécurité sociale ;
– juger que, par sa carence, la CPAM a fait obstacle à la procédure d’échanges contradictoires du dossier médical de M. [U] [K] ;
– juger que la CPAM à violé le principe du contradictoire.

Par conséquent :
– juger inopposable à la SASU [7] l’ensemble des arrêts de travail pris en charge au titre du malaise du 6 janvier 2020 ;
– ordonner l’exécution provisoire ;

A titre subsidiaire et avant dire droit :
– ordonner avant dire droit une expertise médicale afin de vérifier l’imputabilité des soins et arrêts de travail indemnisés au titre de de l’accident déclaré ;
– juger que les opérations d’expertise devront se réaliser uniquement sur pièces, en l’absence de toute convocation ou consultation médicale de l’assuré et ce, en vertu des principes de l’indépendance des rapports et des droits acquis des assurés ;
– ordonner, dans le cadre du respect des principes du contradictoire, du procès équitable et de l’égalité des armes entre les parties dans le procès dans le procès, la communication de l’entier dossier médical de M. [U] [K] par la CPAM au Docteur [L] [F] ;
– juger que les frais d’expertise soient mis à la charge de la société requérante ;
– dans l’hypothèse où des arrêts de travail ne seraient pas en lien de causalité direct et certain avec la lésion initiale, la juridiction devra juger ces arrêts inopposables à la société [7].

* Par conclusions reprises oralement auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé des moyens, la CPAM de la Côte d’Opale, demande au tribunal de :

A titre principal :

– de juger qu’aucune inopposabilité de l’ensemble des prestations servies au titre du sinistre survenu à M. [K] le 6 janvier 2020 ne saurait être prononcée en raison d’un non-respect du contradictoire dans le cadre de la phase amiable de contestation ;
– de constater que la caisse verse au débat le courrier d’envoi au médecin mandater par l’employeur du rapport médical du médecin conseil de la caisse ;
– de déclarer opposable, à l’égard de la société [7], les soins et arrêts de travail pris en charge par la Caisse au titre de l’accident du 6 janvier 2020 dont M. [K] a été victime ;

A titre subsidiaire :

– de débouter la société requérante de sa demande de mise en œuvre d’une mesure d’instruction ;

A titre infiniment subsidiaire, si le tribunal devait diligenter une mesure d’instruction :

– de privilégier la mesure de consultation sur pièces ;
– en tout état de cause de limiter la mission du technicien à déterminer la durée des arrêts de travail prescrits imputable à l’accident du 6 janvier 2020 ;
– en cas de rapport écrit du technicien, qu’il soit transmis à la caisse en application de l’article 173 du code de procédure civile ;
– en cas de rapport oral à l’audience, de communiquer aux parties le procès-verbal de consultation établi en application de l’article 260 du code de procédure civile ou d’expertise établi en application de l’article 280 al 1 du code de procédure civile afin qu’elles puissent utilement apporter leurs observations ;
– en cas d’expertise, de mettre la provision sur la rémunération de l’expert à la charge de l’employeur ;

En tout état de cause et par conséquent :

– de rejeter le recours de l’employeur.

Le dossier a été mis en délibéré au 3 février 2025.

MOTIFS

– Sur le non respect du principe du contradictoire :

En application de l’article R.142-8-5 du code de la sécurité sociale, pour les contestations soumises à une commission de recours amiable, l’absence de décision de l’organisme de prise en charge dans le délai de quatre mois à compter de l’introduction du recours préalable, vaut rejet de la demande.

Les articles L.142-6, R.142-8-2, R.142-8-3 du code de la sécurité sociale organisent la communication du dossier médical à l’employeur dès la saisine de la commission médicale de recours amiable :

– dès réception du recours, le secrétariat de la commission médicale de recours amiable transmet la copie du recours préalable effectué par l’employeur au service du contrôle médical fonctionnant au-près de l’organisme dont la décision est contestée(article R.142-8-2 alinéa 1er) ;
– Dans un délai de dix jours à compter de la date de la réception de la copie du recours préalable, le praticien-conseil transmet alors à la commission, par tout moyen conférant date certaine, l’intégralité du rapport mentionné à l’article L.142-6 (article R.142-8-2 alinéa 2) ;
– le secrétariat de la commission médicale de recours amiable notifie, dans un délai de dix jours à compter de l’introduction du recours le rapport mentionné à l’article L.142-6 accompagné de l’avis au médecin mandaté par l’employeur à cet effet (article R.142-8-3 al.1) ;
– dans un délai de vingt jours à compter de la réception du rapport médical, le médecin mandaté par l’employeur peut, par tout moyen conférant date certaine, faire valoir ses observations (article R.142-8-3 alinéa 3)

En application de l’article L.142-6 du code de la sécurité sociale, à la demande de l’employeur et pour les contestations de nature médicale, le rapport médical reprenant les constats résultant de l’examen clinique de l’assuré ainsi que ceux résultant des examens consultés par le praticien conseil justifiant sa décision est notifié au médecin que l’employeur mandate à cet effet.

En application de l’article R.142-1-A du code de la sécurité sociale, V. – le rapport médical mentionné aux articles L. 142-6 et L. 142-10 comprend :

1° L’exposé des constatations faites, sur pièces ou suite à l’examen clinique de l’assuré, par le praticien conseil à l’origine de la décision contestée et ses éléments d’appréciation ;
2° Ses conclusions motivées ;
3° Les certificats médicaux, détenus par le praticien conseil du service du contrôle médical et, le cas échéant, par la caisse, lorsque la contestation porte sur l’imputabilité des lésions, soins et arrêts de travail pris en charge au titre de l’accident du travail ou de la maladie professionnelle.

Il ressort de l’ensemble de ces dispositions que le code de la sécurité sociale organise notamment à la demande de l’employeur, et ce dès saisine par l’employeur de la commission de recours amiable, la transmission à son médecin conseil du rapport médical devant comprendre :

– l’ensemble des constatations sur pièce ou suite à l’examen clinique de l’assuré ;
– l’ensemble des certificats médicaux prescrits au salarié.

L’absence de communication ou la communication hors délais de ce rapport médical au médecin conseil désigné par l’employeur n’est toutefois assortie d’aucune sanction.

Si l’absence de communication de documents au stade de la phase de recours préalable prive la commission du bénéfice éventuel des observations du médecin mandaté par l’employeur, elle ne saurait faire grief à l’employeur qui conserve toute possibilité de contester la décision de la caisse dans le cadre d’une procédure contentieuse au sein de laquelle, au regard des règles du procès équitable, l’employeur a la possibilité de formuler toutes observations utiles et de solliciter le cas échéant une expertise dans le cadre de laquelle les éléments médicaux seraient communiqués à son médecin conseil. Ainsi, l’inobservation de ces dispositions n’entraîne pas l’inopposabilité à l’égard de l’employeur de la décision de prise en charge.

En l’espèce, l’employeur allègue que son médecin conseil n’a pas été destinataire des certificats médicaux de prolongation.

Il produit notamment l’avis médical de son médecin conseil, lequel constate qu’  » aucun autre certificat ne nous a été transmis. Le rapport du médecin conseil ne nous a pas été transmis  » (pièce n°6 employeur)

En réponse, la CPAM produit un courrier en date du 8 décembre 2023 par lequel elle transmet en copie l’entier dossier médical de M. [U] [K]. (pièce n°10 Caisse)

Il convient de relever que l’absence de transmission de ces documents lors de la phase amiable n’a pas fait grief à l’employeur de sorte que la CPAM n’a pas violé le principe du contradictoire à ce titre.

Dans la mesure où l’employeur à la possibilité d’obtenir la communication du dossier médical par l’intermédiaire de son médecin conseil à l’occasion d’une mesure d’instruction diligentée par le tribunal et aux frais exclusives de la caisse, il n’y a pas lieu de faire droit à sa demande d’inopposabilité ou de communication hors cadre d’une telle mesure.

En conséquence, il y a lieu de débouter la SASU [7] de sa demande d’inopposabilité de la décision de prise en charge de la caisse primaire d’assurance maladie de la Côte d’Opale relative à la prise en charge de l’accident professionnel de M. [U] [K] au titre de la violation du principe du contradictoire.

– Sur l’imputabilité des soins et arrêt à l’accident du travail du 6 janvier 2020 :

En application des dispositions des articles L 411-1, L 431-1 et L 433-1 du code de la sécurité sociale, la présomption d’imputabilité s’applique aux lésions initiales, à leurs complications, à l’état pathologique antérieur aggravé par l’accident ou la maladie, pendant toute la période d’incapacité précédent la guérison complète ou la consolidation et postérieurement aux soins destinés à prévenir une aggravation et plus généralement à toutes les conséquences directes de l’accident et fait obligation à la caisse primaire d’assurance maladie de prendre en charge au titre de la législation sur les accidents du travail, auxquels se rattacheraient exclusivement les soins et arrêts de travail postérieurs à celui-ci.

Dès lorsqu’un arrêt de travail a été initialement prescrit ou que le certificat médical initial d’accident du travail est assorti d’un arrêt de travail, la présomption d’imputabilité s’étend donc à toute la durée d’incapacité de travail précédant, soit la guérison complète, soit la consolidation de l’état de la victime, et il appartient à l’employeur d’en apporter la preuve contraire.

La preuve de la continuité de symptômes et de soins est à la charge de la partie qui se prévaut de l’application de la présomption d’imputabilité, en l’espèce, la caisse primaire d’assurance maladie de la Côte d’Opale.

En l’espèce, la caisse primaire d’assurance maladie a produit au tribunal les pièces suivantes :

– la déclaration d’accident du travail établie le 8 janvier 2020 (pièce n°1 CPAM) ;
– le certificat médical initial établi le 6 janvier 2020 par mentionnant :  » Infarctus septal avec thrombose apical et accident ischémique cérébelleux  » (pièce n°2 caisse) et prescrivant un arrêt de travail jusqu’au 14 mai 2020 inclus ;
– les attestations de paiement des indemnités journalières à M. [U] [K] du 7 janvier 2020 au 30 septembre 2021 inclus (pièce n°5 caisse) ;
– une fiche de liaisons médico administratives automatisées en date du 11 juin 2021 par laquelle le Docteur [Z] [G] considère comme justifiés les arrêts et soins prescrits à M. [U] [K] ; (pièce n°6 caisse) ;
– une fixe de liaisons médico administrative automatisées en date du 6 septembre 2021 par laquelle le Docteur [Y] [E] constate la consolidation avec séquelles indemnisables de l’état de santé de l’assuré ; (pièce n°7 caisse) ;
– une fiche de liaisons médico administratives automatisées en date du 8 septembre 2021 par laquelle le Docteur [Y] [E] fixe un taux d’IP à 5% au 30 septembre 2021 (pièce n°8 caisse).

Il y a lieu de constater que la caisse a versé des indemnités journalières jusqu’au 30 septembre 2021, date de consolidation, justifiant donc d’arrêts de travail continus.

Dans ces conditions, la CPAM justifie de la continuité des symptômes et soins de M. [U] [K].

Dès lors, la présomption d’imputabilité est établie.

Il appartient à l’employeur de rapporter la preuve contraire, selon laquelle tout ou partie des soins et arrêts de travail seraient imputables à des causes totalement étrangères à cet accident.

L’employeur allègue que la durée de 634 jours trouve son origine dans l’existence d’un état antérieur cardiaque évident, lequel a été confirmé par le médecin conseil de la CPAM lors de la consolidation de l’assuré qui constante dans son courrier un  » infarctus transmural thrombus pointe ventriculaire sur état antérieur compliqué d’AVC §10.1 du barème indicatif des accidents du travail.  » (pièce n°4 employeur) ;

Par suite, il produit un avis médical de son médecin conseil, le Docteur [L] [F], en date du 28 avril 2024, lequel mentionne que  » Face à la carence de transmission des pièces médicales, face à une pathologie le plus ouvert dégénératives et dont les facteurs de risques sont multiples et devant la survenue de cet épisode en dehors de toute activité professionnelle anormale il nous apparait impossible d’imputer la pathologie et donc la durée d’arrêt de travail en l’état.
Il semble nécessaire de solliciter une expertise judiciaire éclairée par l’ensemble des pièces afin de ne pas méconnaître un état antérieur latent ou parent dans le but de ne pas réaliser d’erreur médico-légale.  » (pièce n°6 employeur)

En l’espèce, si l’inobservation des dispositions du code de la sécurité sociale organisant la communication du dossier médical à l’employeur dès la saisine de la commission médicale de recours amiable n’est assortie d’aucune sanction, il convient de souligner que cette inobservation des dispositions légales ne peut avoir pour effet de priver l’employeur du respect du principe de contradictoire durant la phase contentieuse.

Dans ces conditions, au regard de l’avis du médecin conseil de l’employeur, lequel constate l’absence de transmission des pièces médicales de M. [U] [K] (pièce n°6 employeur) et du courrier notifiant le taux d’incapacité permanente partielle faisant état d’un état antérieur, une mesure d’instruction judiciaire est le seul moyen permettant d’apprécier le bien fondé des décisions de la caisse, et elle constitue un élément de preuve essentiel qui doit être débattu entre les parties.

En conséquence, une consultation médicale sur pièces doit être ordonnée, aux frais de la caisse (L.142-11 code de la sécurité sociale), avant dire droit sur la demande d’inopposabilité des soins et arrêts de travail de l’assuré, afin de déterminer les arrêts de travail en relation causale avec l’accident du travail du 6 janvier 2020.

Le secret médical posé par l’article R.4127-4 du code de la santé publique interdit à une juridiction de se faire communiquer l’entier dossier médical d’un assuré social.

En revanche, le secret médical ne saurait être opposé à un médecin expert appelé à éclairer le juge sur les conditions d’attribution d’une prestation, étant précisé que le médecin expert est lui-même tenu au secret médical et ne peut révéler que des éléments de nature à apporter une réponse aux questions posées.

En application de l’article 11 du code de procédure civile, la caisse primaire d’assurance maladie doit communiquer à l’expert l’entier dossier médical de M. [U] [K] [U] détenu par le service médical, sauf au à tirer toutes les conséquences de son abstention ou de son refus.

Dans l’attente du jugement à intervenir après consultation, il y a lieu de surseoir à statuer sur les autres demandes.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, par décision contradictoire rendue en premier ressort et par mise à disposition au greffe :

AVANT-DIRE-DROIT SUR LA DEMANDE D’INOPPOSABILITÉ DES SOINS ET ARRÊTS DE TRAVAIL prescrits à M. [U] [K],

ORDONNE une consultation médicale sur pièces au titre de l’article R142-16 et suivants du code de la sécurité sociale, et NOMME pour y procéder le Docteur [O] [P], [Adresse 2] avec mission de :

1) Prendre connaissance de l’intégralité du dossier médical de l’assuré, dont le rapport médical mentionné à l’article R 142-16-3, que la Caisse Primaire d’Assurance Maladie de la Côte d’Opale et/ou son service médical, devra transmettre dans un délai de 2 mois à compter de la notification du présent jugement ;
2) Prendre connaissance des observations éventuelles du médecin conseil de la SASU [7] qui devront être transmises dans un délai de 2 mois à compter de la notification du présent jugement ;
3) Dire si les arrêts de travail prescrits postérieurement au certificat médical initial sont directement et exclusivement imputables à l’accident du travail du 6 janvier 2020 de M. [U] [K];
4) Dans la négative, dire dans quelle proportion ils sont rattachables à une pathologie intercurrente ou à une pathologie antérieure non révélée ou aggravée par l’accident du travail et la décrire ;
5) Déterminer la date à partir de laquelle les arrêts de travail ont une cause totalement étrangère à l’accident du travail du 6 janvier 2020 de M. [U] [K] ;

RAPPELLE à la SASU [7] qu’elle dispose d’un délai de dix jours à compter de la notification de la présente décision pour demander, par tous moyens conférant date certaine, à l’organisme de sécurité sociale, de notifier au médecin qu’il mandate à cet effet, l’intégralité des rapports précités, qui lui seront transmis, si cela n’a pas déjà été fait, dans le délai de vingt jours à compter de la réception de la demande de l’employeur ;

DÉSIGNE le magistrat ayant ordonné la mesure pour suivre la mesure d’instruction et statuer sur tous incidents ;

DIT que le médecin consultant désigné devra adresser un rapport écrit en 4 exemplaires au greffe du pôle social du tribunal judiciaire de Lille, [Adresse 1], dans un délai de 6 mois à compter de la date à laquelle il aura été avisé de sa mission ;

DIT qu’une copie du rapport écrit de la consultation médicale sur pièces dès réception sera adressée aux parties par le greffe du pôle social du tribunal judiciaire de Lille par lettre simple ;

RENVOIE l’affaire après consultation à l’audience de mise en état dématérialisée du :

JEUDI 04 SEPTEMBRE 2025 à 09h00
Devant la chambre du PÔLE SOCIAL
Du TRIBUNAL JUDICIAIRE DE LILLE,
[Adresse 1] ;

DIT que le présent jugement notifié vaut convocation des parties à l’audience de mise en état du jeudi 4 septembre 2025 à 09 heures ;

SURSOIT à statuer sur les demandes dans l’attente de la réception du rapport de consultation médicale ;

RÉSERVE les dépens ;

RAPPELLE qu’en vertu de l’article L142-11 du code de la sécurité sociale, les frais de consultation médicale seront pris en charge par la caisse nationale d’assurance maladie ;

DIT que le présent jugement sera notifié à chacune des parties conformément à l’article R.142-10-7 du code de la sécurité sociale par le greffe du tribunal.

Ainsi jugé et prononcé par mise à disposition au greffe du tribunal les jours, mois et an sus-dit.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
Christian TUY Benjamin PIERRE

Expédié aux parties le :

– 1 CCC à Me RUIMY, à [7], à la CPAM de la Côte d’Opale et au docteur [P]


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