Prise en charge d’une maladie professionnelle : conditions d’objectivation et respect des procédures médicales.

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Prise en charge d’une maladie professionnelle : conditions d’objectivation et respect des procédures médicales.

L’Essentiel : Dans cette affaire, un salarié, employé en tant que maçon par une entreprise de construction, a déclaré une maladie professionnelle, une rupture de la coiffe de l’épaule droite, avec un certificat médical à l’appui. La Caisse Primaire d’Assurance Maladie (CPAM) a décidé de prendre en charge cette maladie à partir du 28 mars 2022. L’employeur a contesté cette décision devant la Commission de recours amiable, qui a rejeté sa demande. Le tribunal a ensuite examiné la prise en charge, déclarant celle-ci inopposable à l’employeur, et a confirmé la validité de la date de première constatation médicale.

Présentation de l’affaire

Dans cette affaire, un assuré social, en l’occurrence un salarié, a été employé en tant que maçon par une entreprise de construction. Ce salarié a déclaré une maladie professionnelle, spécifiquement une rupture de la coiffe de l’épaule droite, et a obtenu un certificat médical attestant de sa condition. Suite à cette déclaration, des questionnaires ont été remplis par le salarié et son employeur, et un colloque médico-administratif a été organisé pour évaluer la situation.

Décision de prise en charge

La Caisse Primaire d’Assurance Maladie (CPAM) de la Vienne a décidé de prendre en charge la maladie professionnelle du salarié à partir du 28 mars 2022, en se basant sur les conclusions du colloque médico-administratif. Cependant, l’employeur a contesté cette décision devant la Commission de recours amiable (CRA), qui a finalement rejeté la demande de l’entreprise.

Procédure judiciaire

L’affaire a été portée devant le tribunal, où les parties ont convenu de statuer à juge unique. L’employeur a demandé que la décision de prise en charge soit déclarée inopposable, arguant d’un non-respect des dispositions légales. La CPAM, quant à elle, a conclu au débouté de la demande de l’employeur.

Analyse de la maladie professionnelle

Le tribunal a examiné la question de la prise en charge de la maladie professionnelle en se référant à l’article L. 461-1 du Code de la sécurité sociale. Il a été établi que la prise en charge d’une maladie professionnelle nécessite une objectivation par IRM, sauf en cas de contre-indication médicale. En l’absence de preuve d’une telle contre-indication, le tribunal a déclaré la prise en charge inopposable à l’employeur.

Date de première constatation médicale

Concernant la date de première constatation médicale, le tribunal a confirmé que l’employeur avait été suffisamment informé des éléments du dossier. La date retenue par le médecin-conseil, correspondant à un certificat d’arrêt de travail, a été jugée valide, et l’employeur ne pouvait pas contester l’absence de justification médicale à ce sujet.

Conclusion et dépens

En conclusion, le tribunal a déclaré inopposable la prise en charge de la maladie professionnelle par la CPAM à l’employeur, a débouté ce dernier de ses autres demandes, et a condamné la CPAM aux dépens, marquant ainsi la fin de cette procédure judiciaire.

Q/R juridiques soulevées :

Sur la caractérisation de la maladie professionnelle

L’article L. 461-1 du Code de la sécurité sociale dispose que « est présumée d’origine professionnelle toute maladie désignée dans un tableau de maladies professionnelles et contractée dans les conditions mentionnées à ce tableau ».

Le tableau n° 57 A des maladies professionnelles, dans sa version applicable en la cause, subordonne la prise en charge, au titre de la législation professionnelle, de la rupture partielle ou transfixiante de la coiffe des rotateurs à son objectivation par une IRM ou un arthroscanner, en cas de contre-indication à l’IRM.

Il est constant qu’en l’absence de contre-indication à l’IRM, et à défaut de cette dernière, l’affection ne peut être prise en charge au titre de la législation sur les risques professionnels.

En l’espèce, le colloque médico-administratif du 18 octobre 2022 a considéré qu’un salarié présente une « Rupture de la coiffe des rotateurs de l’épaule droite » référencée sous le « code syndrome 057AAM96E », correspondant à la pathologie « Rupture partielle ou transfixiante de la coiffe des rotateurs objectivée par IRM ».

Cependant, la Caisse Primaire d’Assurance Maladie de la Vienne ne produit pas les éléments justifiant une contre-indication médicale du salarié à la réalisation d’une IRM, examen expressément exigé par le tableau n° 57 A susmentionné.

L’objectivation de la pathologie par arthroscanner n’étant admise que s’il est rapporté l’existence de cette contre-indication, les conditions médicales réglementaires n’étant pas remplies, la prise en charge de la pathologie du salarié sera déclarée inopposable à la société EUROVIA POITOU CHARENTES LIMOUSIN.

Il n’est donc pas nécessaire de se prononcer sur l’exposition au risque et le respect de la liste limitative des travaux prévus au tableau.

Sur la date de première constatation médicale

En application de l’article L. 461-1 du Code de la Sécurité sociale tel qu’applicable au moment du litige : « en ce qui concerne les maladies professionnelles, est assimilée à la date de l’accident : 1° La date de la première constatation médicale de la maladie ; […] est présumée d’origine professionnelle toute maladie désignée dans un tableau de maladies professionnelles et contractée dans les conditions mentionnées à ce tableau ».

L’article D. 461-1-1 du Code de la Sécurité sociale précise que pour l’application du dernier alinéa de l’article L. 461-2, la date de la première constatation médicale est la date à laquelle les premières manifestations de la maladie ont été constatées par un médecin avant même que le diagnostic ne soit établi.

Cette date est fixée par le médecin conseil.

Il est constant que la pièce caractérisant la première constatation médicale d’une maladie professionnelle dont la date est antérieure à celle du certificat médical initial n’est pas soumise aux mêmes exigences de forme que celui-ci.

Elle n’est pas au nombre des documents constituant le dossier qui doit être mis à la disposition de la victime ou de ses ayants droit et de l’employeur en application de l’article R. 441-14 du code de la sécurité sociale.

Il appartient seulement aux juges du fond de vérifier, en cas de contestation, si les pièces du dossier constitué par la caisse ont permis à l’employeur d’être suffisamment informé sur les conditions dans lesquelles cette date a été retenue.

En l’espèce, il n’est pas contesté que l’employeur a eu la possibilité de consulter les pièces du dossier préalablement à la prise de décision de la Caisse.

Il ressort des pièces de ce dossier que la date de première constatation médicale du 28 mars 2022 retenue par le médecin-conseil correspond à celle d’un certificat d’arrêt de travail, non communiqué à l’employeur en raison du secret médical.

Cependant, le colloque médico-administratif, que l’employeur reconnait avoir consulté avec les autres pièces du dossier, mentionne cette date et la nature de l’événement ayant permis de la retenir, sous la dénomination « Date de l’arrêt de travail en lien avec la pathologie ».

La société EUROVIA POITOU CHARENTES LIMOUSIN ne saurait donc reprocher à la Caisse Primaire d’Assurance Maladie de la Vienne l’absence de justification médicale s’agissant de la date de première constatation médicale retenue par le médecin conseil.

Par ailleurs, la Caisse Primaire d’Assurance Maladie de la Vienne produit aux débats l’avis d’arrêt de travail initial du 28 mars 2022 concernant un salarié, établi par un médecin.

Il résulte donc de tout ce qui précède que l’employeur a été suffisamment informé par la Caisse, de sorte que le principe de la contradiction a été respecté.

Sur les dépens

La Caisse Primaire d’Assurance Maladie de la Vienne, partie succombante, sera condamnée aux dépens.

MINUTE N°25/00046
JUGEMENT DU 3 FEVRIER 2025
N° RG 23/00179 – N° Portalis DB3J-W-B7H-GA2W
AFFAIRE : Société EUROVIA POITOU CHARENTES LIMOUSIN C/ CPAM de la Vienne

TRIBUNAL JUDICIAIRE de POITIERS

PÔLE SOCIAL

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

JUGEMENT DU 3 FEVRIER 2025

DEMANDERESSE

Société EUROVIA POITOU CHARENTES LIMOUSIN dont le siège social est sis 22 rue de la Demi-Lune – 86000 POITIERS,

représentée par Maître Virginie GAY JACQUET, avocate au barreau de BORDEAUX, substituée par Maître Pauline BRUGIER, avocate au barreau de POITIERS ;

DÉFENDERESSE

CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DE LA VIENNE dont le siège est sis 41 rue du Touffenet – 86043 POITIERS CEDEX 9,

représentée par Madame [W] [B], munie d’un pouvoir ;

DÉBATS

A l’issue des débats en audience publique le 3 décembre 2024, le tribunal a indiqué que le jugement sera prononcé par mise à disposition au Greffe le 3 février 2025.

COMPOSITION DU TRIBUNAL

PRÉSIDENTE : Nicole BRIAL,
ASSESSEUR : Laëtitia RIVERON, représentant les employeurs, ayant uniquement voix consultative en raison de l’absence de [F] [J], représentant les salariés, empêché ;
GREFFIER, lors des débats et de la mise à disposition au greffe : Stéphane BASQ.

LE : 03/02/2025

Notifications à :
– Société EUROVIA POITOU CHARENTES LIMOUSIN
– CPAM de la Vienne
Copie à :
– Me Virginie GAY JACQUET

EXPOSÉ DU LITIGE

Monsieur [M] [V] est assuré social au régime général et affilié à la Caisse primaire d’assurance maladie (CPAM) de la Vienne.

Il a été employé par la société EUROVIA POITOU CHARENTES LIMOUSIN en qualité de maçon depuis le 12 juin 2006.

Une déclaration de maladie professionnelle a été établie par Monsieur [V] le 22 août 2022, indiquant une « Rupture de la coiffe épaule droite ».

Son médecin a établi un certificat médical initial le même jour dans lequel il est mentionné un « Douleur épaule droite, rupture du sous scapulaire avec luxation du long biceps ».

Des questionnaires ont été envoyés à l’assuré et à la société EUROVIA POITOU CHARENTES LIMOUSIN, lesquels ont été complétés respectivement les 30 septembre et 6 octobre 2022.

Le colloque médico-administratif du 18 octobre 2022, mentionne « Rupture de la coiffe des rotateurs de l’épaule droite » avec réalisation d’un arthroscanner le 3 mai 2022, et orientation vers un accord de prise en charge au titre des tableaux de maladies professionnelles avec fixation de la date de première constatation médicale au 28 mars 2022.

Par courrier du 26 décembre 2022, la CPAM de la Vienne a notifié à la société EUROVIA POITOU CHARENTES LIMOUSIN la prise en charge de la maladie de Monsieur [V] du 28 mars 2022 au titre de la législation sur les risques professionnels.

Par saisine en date du 23 février 2023, l’employeur a contesté cette décision de prise en charge devant la Commission de recours amiable (CRA) de la CPAM de la Vienne.

Par décision du 27 avril 2023, la CRA a rejeté explicitement la demande de la société EUROVIA POITOU CHARENTES LIMOUSIN.

Par ordonnance du 21 mars 2024, le juge de la mise en état a fixé un calendrier procédural d’échange des écritures et pièces entre les parties, la clôture des débats au 18 novembre 2024 et la date d’audience au 3 décembre 2024.

L’affaire a été utilement appelée et plaidée à l’audience du 3 décembre 2024.

Lors de cette audience, les parties ont donné leur accord pour que le tribunal statue à juge unique en l’absence de l’un des assesseurs le composant.

A cette audience, la société EUROVIA POITOU CHARENTES LIMOUSIN, représentée par son conseil, a demandé au tribunal de lui déclarer inopposable la décision de prise en charge de la maladie professionnelle déclarée par Monsieur [V] pour non respect des dispositions de l’art L. 461-1 du code de la sécurité sociale.

Il sera renvoyé à ses conclusions reçues au greffe le 25 novembre 2024, pour un plus ample exposé des moyens, conformément à l’article 455 du code de procédure civile.

En défense, la CPAM de la Vienne, valablement représentée, a conclu au débouté.

Il sera renvoyé à ses conclusions reçues au greffe le 11 juillet 2024, pour un plus ample exposé des moyens, conformément à l’article 455 du code de procédure civile.

A l’issue des débats, la décision a été mise en délibéré au 3 février 2025, par mise à disposition au greffe.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la caractérisation de la maladie professionnelle

L’article L. 461-1 du Code de la sécurité sociale dispose que « est présumée d’origine professionnelle toute maladie désignée dans un tableau de maladies professionnelles et contractée dans les conditions mentionnées à ce tableau ».

Le tableau n° 57 A des maladies professionnelles, dans sa version applicable en la cause, subordonne la prise en charge, au titre de la législation professionnelle, de la rupture partielle ou transfixiante de la coiffe des rotateurs à son objectivation par une IRM ou un arthroscanner, en cas de contre-indication à l’IRM.

Il est constant qu’en l’absence de contre-indication à l’IRM, et à défaut de cette dernière, l’affection ne peut être prise en charge au titre de la législation sur les risques professionnels.

En l’espèce, le colloque médico-administratif du 18 octobre 2022 a considéré que Monsieur [M] [V] présente une « Rupture de la coiffe des rotateurs de l’épaule droite » référencée sous le « code syndrome 057AAM96E », correspondant à la pathologie « Rupture partielle ou transfixiante de la coiffe des rotateurs objectivée par IRM », et pour laquelle il est mentionné qu’elle a été objectivée par « arthroscanner épaule droite du 03/05/2022 ».

Cependant, la CPAM de la Vienne ne produit pas les éléments justifiant une contre-indication médicale de Monsieur [V] à la réalisation d’une IRM, examen expressément exigé par le tableau n° 57 A susmentionné, l’objectivation de la pathologie par arthroscanner n’étant admise que s’il est rapporté l’existence de cette contre-indication.

En conséquence, les conditions médicales réglementaires n’étant pas remplies, la prise en charge de la pathologie de Monsieur [V] sera déclarée inopposable à la société EUROVIA POITOU CHARENTES LIMOUSIN, sans qu’il y ait lieu de se prononcer sur l’exposition au risque et le respect de la liste limitative des travaux prévus au tableau.

Sur la date de première constatation médicale

En application de l’article L. 461-1 du Code de la Sécurité sociale tel qu’applicable au moment du litige : « en ce qui concerne les maladies professionnelles, est assimilée à la date de l’accident :
1° La date de la première constatation médicale de la maladie ; […]
[…] est présumée d’origine professionnelle toute maladie désignée dans un tableau de maladies professionnelles et contractée dans les conditions mentionnées à ce tableau ».

L’article D. 461-1-1 du Code de la Sécurité sociale précise que pour l’application du dernier alinéa de l’article L. 461-2, la date de la première constatation médicale est la date à laquelle les premières manifestations de la maladie ont été constatées par un médecin avant même que le diagnostic ne soit établi, et que cette date est fixée par le médecin conseil.

Il est constant que la pièce caractérisant la première constatation médicale d’une maladie professionnelle dont la date est antérieure à celle du certificat médical initial n’est pas soumise aux mêmes exigences de forme que celui-ci et n’est pas au nombre des documents constituant le dossier qui doit être mis à la disposition de la victime ou de ses ayants droit et de l’employeur en application de l’article R. 441-14 du code de la sécurité sociale. Il appartient seulement aux juges du fond de vérifier, en cas de contestation, si les pièces du dossier constitué par la caisse ont permis à l’employeur d’être suffisamment informé sur les conditions dans lesquelles cette date a été retenue.

En l’espèce, il n’est pas contesté que l’employeur a eu la possibilité de consulter les pièces du dossier préa-lablement à la prise de décision de la Caisse.

Il ressort des pièces de ce dossier que la date de première constatation médicale du 28 mars 2022 retenue par le médecin-conseil correspond à celle d’un certificat d’arrêt de travail, non communiqué à l’employeur en raison du secret médical. Toutefois, le colloque médico-administratif, que l’employeur reconnait avoir consulté avec les autres pièces du dossier, mentionne cette date et la nature de l’événement ayant permis de la retenir, sous la dénomination « Date de l’arrêt de travail en lien avec la pathologie ».

La société EUROVIA POITOU CHARENTES LIMOUSIN ne saurait donc reprocher à la CPAM de la Vienne l’absence de justification médicale s’agissant de la date de première constatation médicale retenue par le médecin conseil.

Par ailleurs, la CPAM de la Vienne produit aux débats l’avis d’arrêt de travail initial du 28 mars 2022 concernant Monsieur [M] [V], établi par le Docteur [S] [Z].

Il résulte donc de tout ce qui précède que l’employeur a été suffisamment informé par la CPAM, de sorte que le principe de la contradiction a été respecté.

Sur les dépens

La CPAM de la Vienne, partie succombante, sera condamnée aux dépens.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par jugement contradictoire et rendu en premier ressort,

DECLARE inopposable à la société EUROVIA POITOU CHARENTES LIMOUSIN la prise en charge par la Caisse Primaire d’Assurance Maladie de la Vienne de la maladie professionnelle de Monsieur [M] [V] en date du 28 mars 2022 ;

DEBOUTE la société EUROVIA POITOU CHARENTES LIMOUSIN de ses autres demandes ;

CONDAMNE la Caisse Primaire d’Assurance Maladie de la Vienne aux dépens.

Ainsi dit et jugé les jour, mois et an susdits.

Le Greffier, La Présidente,
Stéphane BASQ Nicole BRIAL


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