Irrecevabilité d’une demande de report dans le cadre d’une saisie immobilière

·

·

Irrecevabilité d’une demande de report dans le cadre d’une saisie immobilière

L’Essentiel : L’affaire concerne des poursuites à fin de saisie immobilière exercées par une banque à l’encontre d’un couple de débiteurs. Un jugement d’orientation antérieur avait autorisé les débiteurs à vendre le bien, mais avait infirmé partiellement leur demande de déchéance des intérêts. En 2019, un juge de l’exécution a reporté la vente à la demande de la banque, entraînant un appel des débiteurs. La Cour de cassation a partiellement cassé l’arrêt de la cour d’appel, soulignant que la banque n’avait pas été correctement saisie pour le report, ce qui a conduit à une demande de déclaration d’irrecevabilité de la banque par les débiteurs.

Contexte de l’affaire

L’affaire concerne des poursuites à fin de saisie immobilière exercées par une banque à l’encontre d’un couple de débiteurs. L’adjudication d’un bien immobilier a été fixée à une audience par un jugement en 2017, suite à des décisions antérieures qui avaient débouté les débiteurs de leurs contestations et leur avaient permis de vendre à l’amiable.

Historique judiciaire

Un jugement d’orientation antérieur avait été rendu en 2013, autorisant les débiteurs à vendre le bien, mais infirmant partiellement leur demande de déchéance des intérêts. En 2019, un juge de l’exécution a reporté la date de la vente à la suite d’une demande de la banque, ce qui a conduit le couple à interjeter appel.

Décision de la Cour de cassation

La Cour de cassation a partiellement cassé un arrêt de la cour d’appel, en soulignant que le juge de l’exécution n’avait pas été saisi correctement par la banque concernant le report de la vente. Cela a conduit les débiteurs à demander à la cour d’appel de déclarer la banque irrecevable dans sa demande de report.

Arguments des débiteurs

Les débiteurs ont contesté la décision de la cour d’appel qui a déclaré leur demande irrecevable. Ils soutenaient que leur contestation, formée pour la première fois en appel, était recevable car elle portait sur un acte de procédure postérieur à l’audience d’orientation. Ils ont fait valoir que la cour d’appel avait mal interprété la nature de l’audience du 15 février 2019.

Réponse de la Cour d’appel

La cour d’appel a maintenu que la demande des débiteurs ne pouvait pas être soulevée en appel, car elle n’avait pas été formulée lors de l’audience d’orientation. Cependant, la Cour a reconnu que la demande des débiteurs était recevable, car elle concernait un acte de procédure postérieur à l’audience d’orientation, ce qui a conduit à une violation des règles de procédure.

Q/R juridiques soulevées :

Quelle est la portée de l’article R. 311-5 du code des procédures civiles d’exécution concernant les contestations postérieures à l’audience d’orientation ?

L’article R. 311-5 du code des procédures civiles d’exécution stipule :

« À peine d’irrecevabilité prononcée d’office, aucune contestation ni aucune demande incidente ne peut, sauf dispositions contraires, être formée après l’audience d’orientation prévue à l’article R. 322-15 du même code à moins qu’elle porte sur les actes de procédure postérieurs à celle-ci. »

Cet article établit donc un principe d’irrecevabilité pour les contestations qui ne seraient pas formulées dans le cadre de l’audience d’orientation, sauf si elles concernent des actes de procédure intervenus après cette audience.

Il est important de noter que l’audience d’orientation est une étape clé dans la procédure de saisie immobilière, car elle fixe le cadre des actions à venir.

Ainsi, les parties ont la possibilité de contester des actes qui surviennent après cette audience, dans un délai de quinze jours suivant la notification de l’acte, ce qui est essentiel pour garantir le droit à la défense des débiteurs.

Comment la cour d’appel a-t-elle interprété la recevabilité de la demande des débiteurs concernant le report de l’adjudication ?

La cour d’appel a déclaré M. et Mme [Z] irrecevables en leur demande tendant à déclarer la banque irrecevable en sa demande de report de l’adjudication.

Elle a retenu que cette demande ne pouvait plus être soulevée en cause d’appel à défaut d’avoir été formulée à l’audience d’orientation du « 15 février 2019 ».

Cependant, cette interprétation est contestée car l’audience du 15 février 2019 n’était pas une audience d’orientation, mais plutôt une audience de suivi de la procédure.

Les époux [Z] avaient le droit de contester des actes de procédure postérieurs à l’audience d’orientation qui s’était tenue le 28 septembre 2012, ce qui inclut les conclusions de la banque du 12 février 2019.

En statuant ainsi, la cour d’appel a méconnu la portée de l’article R. 311-5, qui permet aux débiteurs de contester des actes intervenus après l’audience d’orientation, dans le délai imparti.

Quelles conséquences a eu la décision de la cour d’appel sur la procédure de saisie immobilière ?

La décision de la cour d’appel a eu pour conséquence de maintenir la procédure de saisie immobilière en cours, en confirmant le jugement du 15 mars 2019 pour le surplus et en renvoyant la cause et les parties devant le juge de l’exécution de Cahors.

Cela signifie que la demande de report de l’adjudication formulée par la banque a été acceptée, ce qui a permis à la procédure de continuer sans interruption.

Cependant, cette décision a été contestée par M. et Mme [Z], qui soutenaient que leur demande d’irrecevabilité de la demande de report était recevable, en vertu de l’article R. 311-5.

La cour de cassation a finalement cassé partiellement l’arrêt de la cour d’appel, reconnaissant que la demande des débiteurs était fondée et que la cour d’appel avait violé le texte susvisé en déclarant leur demande irrecevable.

Cette cassation a donc eu pour effet de rétablir les droits des débiteurs dans le cadre de la procédure de saisie immobilière.

CIV. 2

LM

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 6 février 2025

Cassation

Mme MARTINEL, président

Arrêt n° 119 F-D

Pourvoi n° J 22-16.771

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 6 FÉVRIER 2025

1°/ M. [P] [Z],

2°/ Mme [L] [H], épouse [Z],

tous deux domiciliés [Adresse 3],

ont formé le pourvoi n° J 22-16.771 contre l’arrêt rendu le 31 mars 2022 par la cour d’appel de Bordeaux (2e chambre civile), dans le litige les opposant :

1°/ à la caisse régionale de Crédit agricole mutuel de Paris et d’Ile-de-France, société coopérative à capital variable, dont le siège est [Adresse 2],

2°/ à la société Banque CIC Sud-Ouest, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1],

défenderesses à la cassation.

Les demandeurs invoquent, à l’appui de leur pourvoi, un moyen unique de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Vendryes, conseiller, les observations de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de M. et Mme [Z], de la SAS Boucard-Capron-Maman, avocat de la caisse régionale de Crédit agricole mutuel de Paris et d’Ile-de-France, et l’avis de Mme Trassoudaine-Verger, avocat général, après débats en l’audience publique du 18 décembre 2024 où étaient présentes Mme Martinel, président, Mme Vendryes, conseiller rapporteur, Mme Durin-Karsenty, conseiller doyen, et Mme Thomas, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l’arrêt attaqué (Bordeaux, 31 mars 2022) rendu sur renvoi après cassation (2e Civ., 4 novembre 2021, pourvoi n° 20-16.393, publié), sur des poursuites à fin de saisie immobilière exercées par la caisse régionale de Crédit agricole mutuel de Paris et d’Ile-de-France (la banque) à l’encontre de M. et Mme [Z], l’adjudication du bien immobilier situé à [Localité 4] (46) a été fixée à une audience par un jugement du 22 septembre 2017.

2. Antérieurement, un jugement d’orientation du 5 avril 2013 avait débouté les débiteurs de leurs contestations et de leur demande de déchéance des intérêts conventionnels, et les avait autorisés à vendre à l’amiable. Une cour d’appel avait, par arrêt du 11 septembre 2013 devenu définitif, infirmé partiellement le jugement portant sur la déchéance des intérêts et l’avait confirmé pour le surplus.

3. Par un jugement du 15 mars 2019, dont M. et Mme [Z] ont interjeté appel, un juge de l’exécution, saisi par conclusions de la banque, a reporté la date de la vente.

4. Par un arrêt du 4 novembre 2021, la Cour de cassation a cassé partiellement l’arrêt du 16 mars 2020 de la cour d’appel (2e Civ., 4 novembre 2021, pourvoi n° 20-16.393, publié) en ce qu’il a retenu que le juge de l’exécution n’avait pas été saisi d’une demande de report de la vente par la banque à défaut de conclusions régulières déposées à l’audience du 15 février 2019.

5. M. et Mme [Z] ont demandé à la cour d’appel de renvoi de déclarer la banque irrecevable en sa demande de report de l’audience d’adjudication formulée devant le juge de l’exécution.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa seconde branche

Enoncé du moyen

6. M. et Mme [Z] font grief à l’arrêt de déclarer irrecevable leur demande tendant à déclarer la banque irrecevable en sa demande de report de la vente forcée et en conséquence de prononcer la caducité du commandement, de confirmer le jugement du 15 mars 2019 pour le surplus et de renvoyer la cause et les parties devant le juge de l’exécution de Cahors pour que soit reprise la procédure d’adjudication, alors « que la contestation ou demande incidente portant sur un acte de procédure postérieur à l’audience d’orientation peut être formée après cette audience, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l’acte ; qu’en jugeant irrecevables les époux [Z] en leur demande, formée pour la première fois en appel, devant la cour d’appel d’Agen saisie de leur appel formé le 15 mai 2019 contre le jugement du 15 mars 2019, tendant à voir juger irrecevable la demande de report de l’adjudication présentée par la banque dans les conclusions irrégulières à l’audience d’adjudication du 15 février 2019, au motif que cette contestation « ne concernait pas un acte de procédure postérieur à l’audience d’orientation mais un acte de procédure accompli préalablement à cette audience par la CRCAM, à savoir les conclusions notifiées le 12 février 2019 », quand elle constatait que dans la procédure de saisie immobilière en cause, l’audience d’orientation s’était tenue devant le juge de l’exécution du tribunal de grande instance de Cahors le 28 septembre 2012 et avait donné lieu à un jugement d’orientation du 5 avril 2013, de sorte que l’audience du 15 février 2019 n’était pas une audience d’orientation, et que les époux [Z] pouvaient contester tout acte de procédure postérieure à l’audience d’orientation du 28 septembre 2012, dont les conclusions de la banque du 12 février 2019, dans la seule limite, posée par l’article R. 311-5 du code des procédures civiles d’exécution, de le faire « dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l’acte », la cour d’appel a violé l’article R. 311-5 du code des procédures civiles d’exécution. »

Réponse de la Cour

Vu l’article R. 311-5 du code des procédures civiles d’exécution :

7. Selon ce texte, à peine d’irrecevabilité prononcée d’office, aucune contestation ni aucune demande incidente ne peut, sauf dispositions contraires, être formée après l’audience d’orientation prévue à l’article R. 322-15 du même code à moins qu’elle porte sur les actes de procédure postérieurs à celle-ci.

8. Pour déclarer M. et Mme [Z] irrecevables en leur demande tendant à l’irrecevabilité de la demande de report de l’adjudication formulée par la banque devant le juge de l’exécution par conclusions du 12 février 2019, l’arrêt retient que cette demande ne pouvait plus être soulevée en cause d’appel à défaut d’avoir été formulée à l’audience d’orientation du « 15 février 2019 ».

9. En statuant ainsi, alors que la demande incidente de M. et Mme [Z] portant sur un acte de procédure postérieur à l’audience d’orientation qui s’était tenue le 28 septembre 2012, était recevable, la cour d’appel a violé le texte susvisé.


Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Chat Icon