L’Essentiel : Dans cette affaire, un investisseur a assigné plusieurs sociétés financières en raison de son investissement dans une société civile de placement immobilier (SCPI) nommée PIERRE INVESTISSEMENT 6, réalisée en décembre 2007. L’investisseur prétend avoir subi un préjudice lié à une perte de chance de ne pas souscrire à cet investissement, arguant qu’une des sociétés aurait manqué à son devoir d’information et à son obligation de conseil. Le juge a déclaré l’action de l’investisseur recevable, estimant que les demandes n’étaient pas prescrites, et a ordonné un sursis à statuer en attendant une décision dans une autre instance en cours.
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Contexte de l’affaireDans cette affaire, un investisseur a assigné plusieurs sociétés financières en raison de son investissement dans une société civile de placement immobilier (SCPI) nommée PIERRE INVESTISSEMENT 6, réalisée en décembre 2007. L’investisseur prétend avoir subi un préjudice lié à une perte de chance de ne pas souscrire à cet investissement, arguant que l’une des sociétés aurait manqué à son devoir d’information et à son obligation de conseil. Actions en justiceL’investisseur a engagé une action en justice contre les sociétés INTER GESTION REIM, UNION FINANCIERE DE FRANCE BANQUE et UFIFRANCE PATRIMOINE, demandant la reconnaissance de leur responsabilité. En parallèle, certains associés de la SCPI ont également assigné INTER GESTION REIM pour des raisons similaires. Les sociétés défenderesses ont contesté la recevabilité de l’action, invoquant la prescription de celle-ci. Arguments des partiesLes sociétés défenderesses soutiennent que l’action de l’investisseur est prescrite, en se basant sur la date à laquelle le dommage aurait dû être connu. En revanche, l’investisseur argue que le délai de prescription ne commence qu’à partir de la prise de conscience des pertes effectives, ce qui, selon lui, ne s’est produit qu’avec la communication d’un rapport annuel en 2020. Décisions du jugeLe juge a déclaré l’action de l’investisseur recevable, estimant que les demandes n’étaient pas prescrites. Il a également ordonné un sursis à statuer en attendant une décision dans une autre instance en cours. Les sociétés défenderesses ont été condamnées à verser une somme à l’investisseur au titre des frais de procédure, ainsi qu’aux dépens de l’incident. ConclusionEn conclusion, le juge a statué en faveur de l’investisseur en déclarant son action recevable et en ordonnant un sursis à statuer. Les sociétés défenderesses ont été condamnées à payer des frais, marquant ainsi une étape importante dans cette affaire d’investissement contestée. |
Q/R juridiques soulevées :
Quelle est la durée de prescription applicable à l’action en responsabilité engagée par un investisseur ?La durée de prescription applicable à l’action en responsabilité engagée par un investisseur est régie par l’article 2224 du Code civil. Cet article stipule que : « Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer. » Ainsi, la prescription d’une action en responsabilité ne commence à courir qu’à partir de la réalisation du dommage ou de la date à laquelle ce dommage a été révélé à la victime, si celle-ci prouve qu’elle n’en avait pas eu connaissance auparavant. Dans le cas présent, les sociétés défenderesses soutiennent que le point de départ du délai de prescription est la date de révélation du dommage, qui, selon elles, aurait été connue par l’investisseur à partir des alertes dans les rapports annuels de la SCPI à compter du 31 décembre 2011. Cependant, l’investisseur considère que le délai de prescription ne commence qu’à partir de la communication du rapport annuel pour l’exercice 2020, moment où il a eu connaissance de l’absence de rentabilité de l’opération. Ainsi, le juge a conclu que les demandes de l’investisseur doivent être déclarées recevables et non prescrites, car le délai de prescription ne peut commencer à courir avant la réalisation des pertes effectives. Quelles sont les conséquences du sursis à statuer dans une instance judiciaire ?Le sursis à statuer est prévu par les articles 377 et suivants du Code de procédure civile. Ces articles stipulent que : « Le juge peut, dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice, ordonner le sursis à statuer sur une demande jusqu’à ce qu’une décision soit intervenue dans une autre instance. » Dans le cadre de l’affaire en question, le juge a ordonné le sursis à statuer dans l’attente d’une décision dans une autre instance, ce qui permet de suspendre temporairement le jugement sur l’affaire en cours. Cette mesure vise à éviter des décisions contradictoires et à garantir que toutes les questions juridiques pertinentes soient examinées de manière cohérente. Ainsi, le juge a décidé de ne pas statuer sur les demandes des sociétés défenderesses tant qu’une décision n’aura pas été rendue dans l’instance liée, ce qui témoigne d’une volonté de préserver l’intégrité du processus judiciaire. Quelles sont les implications financières pour les sociétés défenderesses en cas de condamnation ?Les implications financières pour les sociétés défenderesses en cas de condamnation sont régies par l’article 700 du Code de procédure civile, qui dispose que : « Le juge peut condamner la partie perdante à payer à l’autre partie une somme au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. » Dans cette affaire, les sociétés UNION FINANCIERE DE FRANCE BANQUE, UFIFRANCE PATRIMOINE et INTER GESTION REIM ont été condamnées in solidum à verser une somme de 1.500 euros à l’investisseur au titre de l’article 700. Cela signifie que ces sociétés doivent supporter les frais de procédure de l’investisseur, ce qui représente une charge financière supplémentaire pour elles. De plus, elles sont également condamnées aux dépens de l’incident, ce qui implique qu’elles devront couvrir les frais judiciaires liés à l’affaire, augmentant ainsi leur responsabilité financière dans le cadre de cette procédure. |
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]
[1] Copies exécutoires
délivrées le :
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9ème chambre 3ème section
N° RG 24/03731
N° Portalis 352J-W-B7I-C4JC3
N° MINUTE : 3
Assignation du :
08 Mars 2024
ORDONNANCE DU JUGE DE LA MISE EN ETAT
rendue le 06 Février 2025
DEMANDEUR
Monsieur [S] [K]
[Adresse 2]
[Localité 5]
représenté par Maître Bertrand DE CAMPREDON de la SELARL GOETHE AVOCATS, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #B0097
DEFENDERESSES
UNION FINANCIERE DE FRANCE BANQUE
[Adresse 3]
[Localité 6]
UFIFRANCE PATRIMOINE
[Adresse 3]
[Localité 6]
représentées par Maître Hugues BOUCHETEMBLE du KRAMER LEVIN NAFTALIS & FRANKEL LLP, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #J0008
Société INTER GESTION REIM
[Adresse 1]
[Localité 4]
représentée par Maître Ariane PIERRE NOEL, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #E0514 et Maître Eric de BERAIL, avocat au barreau de Lyon, avocat postulant
MAGISTRAT DE LA MISE EN ETAT
Béatrice CHARLIER-BONATTI, Vice-présidente, juge de la mise en état, assistée de Chloé DOS SANTOS, Greffière.
A l’audience du , avis a été donné aux avocats que l’ordonnance serait rendue le 06 Février 2025.
ORDONNANCE
Rendue publiquement par mise à disposition au greffe
Contradictoire
En premier ressort
Par exploit en date du 08 mars 2024, Monsieur [S] [K] a fait assigner les sociétés INTER GESTION REIM, UFIFRANCE et UNION FINANCIERE de FRANCE BANQUE aux fins de voir engager leur responsabilité au titre de son investissement dans la société civile de placement immobilier (ci-après SCPI) PIERRE INVESTISSEMENT 6 en date du 7 décembre 2007.
Monsieur [S] [K] prétend que son préjudice est la perte de chance de ne pas souscrire et que la société UNION FINANCIERE DE FRANCE BANQUE aurait manqué à son devoir d’information et à son obligation de conseil.
Certains associés de la SCPI PIERRE INVESTISSEMENT 6, dont Monsieur [S] [K], ont assigné la société INTER GESTION REIM en date du 6 mai 2022 devant le Tribunal judiciaire de Paris au titre d’une action ut singuli.
Par conclusions successives en date du 17 décembre 2024, UNION FINANCIERE DE FRANCE BANQUE et UFIFRANCE PATRIOINE demandent au juge de la mise en état de :
“- DECLARER irrecevable l’action de Monsieur [S] [K] en toutes fins qu’elle comporte, car prescrite.
– A titre subsidiaire, DECLARER seule l’action en responsabilité résultant de l’octroi du crédit in fine non prescrite.
– CONDAMNER Monsieur [S] [K], au paiement d’une somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens”.
Par conclusions successives en date du 12 décembre 2024, INTER GESTION REIM demande au juge de la mise en état de :
“- Rejeter comme prescrite par application de l’article 2224 du Code civil l’action indemnitaire engagée par Monsieur [S] [K].
Dans tous les cas,
– Ordonner le sursis à statuer jusqu’à ce qu’une décision juridictionnelle définitive intervienne ensuite de l’action sociale ut singuli engagée dans le cadre de l’instance à ce jour pendante devant la 9° Chambre – 1° section du Tribunal Judiciaire de PARIS sous le numéro de rôle 22/05749, ce par application des articles 377 et suivants du Code de procédure civile.
– Condamner Monsieur [S] [K] à verser à la société INTER GESTION REIM la somme de 3.000,00 € sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.
– Le condamner aux dépens de l’incident.”
Par conclusions successives en date du 10 décembre 2024, Monsieur [S] [K] demande au juge de la mise en état de :
“A titre principal :
– DEBOUTER les sociétés UNION FINANCIÈRE DE FRANCE BANQUE, UFIFRANCE PATRIMOINE et INTER GESTION de leur demande tendant à opposer une fin de non-recevoir à l’action de Monsieur [S] [K] pour cause de prescription
– DECLARER irrecevable la demande de sursis à statuer formulée par la société INTER GESTION
– DEBOUTER les sociétés UNION FINANCIÈRE DE FRANCE BANQUE, UFIFRANCE PATRIMOINE et INTER GESTION de l’intégralité de leurs demandes, fins et conclusions
En conséquence,
– JUGER l’action de Monsieur [S] [K] à l’encontre des sociétés UNION FINANCIÈRE DE FRANCE BANQUE, UFIFRANCE PATRIMOINE et INTER GESTION recevable
– RENVOYER cette affaire à une audience ultérieure pour conclusions sur le fond des sociétés UNION FINANCIÈRE DE FRANCE BANQUE, UFIFRANCE PATRIMOINE et INTER GESTION
– CONDAMNER solidairement les sociétés UNION FINANCIÈRE DE FRANCE BANQUE, UFIFRANCE PATRIMOINE et INTER GESTION à payer à Monsieur [S] [K] la somme de 3.000 € au titre des frais de procédure, conformément aux dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile.
– CONDAMNER solidairement les sociétés UNION FINANCIÈRE DE FRANCE BANQUE, UFIFRANCE PATRIMOINE et INTER GESTION”
Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il est fait expressément référence aux écritures des parties visées ci-dessus quant à l’exposé du surplus de leurs prétentions et moyens.
L’incident a été examiné à l’audience du 19 décembre 2024 et mis en délibéré au 6 février 2025.
I. Sur la prescription
Aux termes de l’article 2224 du code civil, » Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer. »
La prescription d’une action en responsabilité ne court qu’à compter de la réalisation du dommage ou de la date à laquelle il a été révélé à la victime si celle-ci établit qu’elle n’en avait pas eu précédemment connaissance.
Les demanderesses à l’incident considèrent que le point de départ du délai de prescription quinquennale de l’action est la date de révélation du dommage. Elles considèrent que celui-ci ne pouvait être ignoré par Monsieur [S] [K] à compter des alertes émises dans les rapports annuels du conseil de surveillance de la SCPI PIERRE INVESTISSEMENT 6 à compter du 31 décembre 2011, date à laquelle la valorisation des actions de la SCPI est 46% inférieure au montant de la valeur de souscription.
Monsieur [S] [K], défendeur à l’incident considère que le point de départ du délai de prescription quinquennale de son action au fond court à compter de la date à laquelle les investisseurs ont eu connaissance de l’absence de rentabilité de l’opération c’est-à-dire à compter de la communication du rapport annuel pour l’exercice 2020 et du changement d’expert mandaté pour déterminer la valeur des actifs immobiliers au regard des comptes de l’exercice clos le 31 décembre 2019.
Au cas présent, le délai de prescription ne peut commencer à courir avant la réalisation des pertes effectives d’une partie du capital investi par Monsieur [S] [K].
Dès lors, les demandes introduites par Monsieur [S] [K] doivent être déclarées recevables et non prescrites.
II. Sur les autres demandes
Sur le fondement des article 377 et suivants du code de procédure civile et dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice, le juge de la mise en état ordonnera le sursis à statuer dans le cadre de la présente instance dans l’attente d’une décision dans l’instance enrôlée sous le numéro RG 22/05749.
Les sociétés UNION FINANCIERE DE FRANCE BANQUE, UFIFRANCE PATRIMOINE et INTERGESTION REIM, qui succombent à l’incident seront condamnées in solidum à payer la somme de 1.500 euros à Monsieur [S] [K] au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Les sociétés UNION FINANCIERE DE FRANCE BANQUE, UFIFRANCE PATRIMOINE et INTER GESTION REIM qui succombent, seront condamnées in solidum aux dépens de l’incident.
Le juge de la mise en état, statuant publiquement, par ordonnance contradictoire, en premier ressort, par mise à disposition au greffe :
DECLARE l’action de Monsieur [S] [K] recevable ;
ORDONNE le sursis à statuer dans l’attente d’un jugement dans le cadre de l’instance introduite devant le Tribunal judiciaire de Paris sous le numéro 22/05749 sur le fondement des articles 377 et suivants du code de procédure civile ;
CONDAMNE les sociétés UNION FINANCIERE DE FRANCE BANQUE, UFIFRANCE PATRIMOINE et INTER GESTION REIM in solidum à payer à Monsieur [S] [K] la somme de 1.500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE les sociétés UNION FINANCIERE DE FRANCE BANQUE, UFIFRANCE PATRIMOINE et INTER GESTION REIM in solidum aux dépens de l’incident.
Faite et rendue à Paris le 06 Février 2025.
LE GREFFIER LE JUGE DE LA MISE EN ÉTAT
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